Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 36

De mipe
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Paris, mai 1830
Ma bien chère amie,

Je sens votre nouvelle épreuve et tout ce qu’elle a de particulièrement douloureux pour vous ; mais que Dieu a été bon de vous enseigner à plier sous elle ! Une seule prédication du Seigneur vaut mieux que mille sermons de la part des hommes. Jamais il ne nous est plus doux d’être relevés, que quand c’est Lui qui nous a jetés par terre. C’est alors que nous pouvons boire avec le plus de joie à la coupe de rafraîchissement et de consolation, et nous reposer, même au milieu du désert, dans le champ de la promesse. S’Il donne du repos, qui est-ce qui causera du trouble ? Les ennemis peuvent nous environner, mais notre berger est près de nous ; les ennemis peuvent être en embuscade, mais notre berger fait sentinelle. Mais si nous ne pensions qu’à notre repos et à notre consolation, nous négligerions la moitié des dons de Son amour. N’est-ce pas une bénédiction que d’avoir été rendus capables de célébrer le jugement aussi bien que la miséricorde, et de savoir que jamais il ne sera dit à notre sujet : « Abandonne-les ». Israël était béni, quand Dieu l’humiliait par les afflictions ; car alors il criait à l’Éternel. Israël était béni, quand il tombait sous les coups de ses ennemis ; car alors il se souvenait que Dieu était son rocher, et le Très-haut son Rédempteur. L’une des plus dures paroles qui lui aient jamais été adressées fut sans aucun doute celle-ci : « Pourquoi seriez-vous encore battus ? Vous ajouterez la révolte ». Mais, quoique nous ne soyons encore que des brebis craintives et trop souvent errantes, nous pouvons dire toutefois : « Cherche ton serviteur ». C’est dans Son amour qu’Il n’a cessé de nous reprendre et de nous châtier lorsque nous nous sommes détournés de Lui, et Il s’est montré infatigable dans Ses soins pour conserver notre foi. Satan a demandé à nous cribler, mais le grain de froment n’est pas tombé par terre ; nous avons été jetés dans la fournaise, mais Celui qui raffine s’est assis auprès de Son trésor, parce que l’épreuve Lui était précieuse. Nos péchés ont fait séparation entre Lui et nous ; nos pensées ont couru çà et là après des idoles, mais Son amour a porté remède à tout. Ses entrailles n’ont-elles pas été émues au sujet d’Éphraïm ? Quelquefois c’est par un regard semblable à celui qu’Il jeta sur Pierre, qu’Il nous brise presque le cœur ; d’autres fois Il surmonte notre dureté en passant par-dessus nos iniquités, ou aussi en nous paissant sous la verge de Ses jugements. Mais, ô douce pensée ! nous pouvons toujours être certains qu’Il nous restaurera jusqu’à ce que nous puissions dire, dans l’Esprit de Celui « qui a été comme une brebis muette devant celui qui la tond » : Tout, avec ton sourire, tout, à l’exception de ton courroux ! Quelquefois notre âme éprouve un tel sentiment de son ingratitude et de son indignité, qu’elle pourrait supposer qu’il y a du déplaisir à son égard dans le cœur de Jésus ; aussi a-t-elle besoin de manifestations positives de Son amour. Dans de tels moments, il ne nous suffit pas de savoir qu’Il est un ami, il nous faut un sourire de Sa part pour la liberté de notre confiance. La conscience de l’enfant prodigue lui dit qu’il mérite la verge, « mais son père étant accouru, se jette à son cou et le baise ». Nous ne pouvons lire longtemps le livre de la providence, sans comprendre que c’est ainsi que Dieu agit. Notre âme est prompte à croire au châtiment qu’elle mérite ; mais Dieu prend plaisir à nous épargner, et alors même qu’Il exerce Ses jugements, Il se souvient d’avoir compassion. Hélas ! que nous sommes lents à apprendre que nous devons, non pas nous détourner de Jésus dans nos douleurs, mais bien plutôt nous réfugier auprès de Lui, comme dans une haute retraite ! Le but de Satan est toujours de nous détourner de la simplicité qui est en Christ ; celui de Christ est toujours de nous y ramener et de nous y replacer. Je pense que nous ne sommes sages que lorsque nous nous abandonnons à Ses soins, et que nous Le suivons quelque part qu’Il nous mène. En suivant le crucifié, nous ne pouvons nous attendre qu’à un sentier rempli d’épines, quoique ce soit un sentier battu ; mais Il ne se tiendra point tranquille jusqu’à ce qu’Il ait satisfait l’âme affamée, et qu’Il l’ait rassasiée de Sa bonté. Sa gloire est liée à nous. Son nom est en nous !

L’incrédulité est horrible dans le monde, et elle se montre avec toujours plus d’audace, à ce qu’il me semble. Ici, il y a du bien ; la prédication que nous y avons est la moelle simple et douce de l’évangile, quoiqu’elle soit peu expérimentale. Il faut que nous rencontrions l’ennemi jusque dans les avenues intérieures, et que nous puissions le renverser avec un seul texte. C’est en cela que M. Howels excelle. Racontez-moi quelqu’une des choses qu’il vous a dites dernièrement dans ses prédications. Votre, etc.

Théodosia A. Powerscourt