Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 47

De mipe
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Avril 1831
Cher Monsieur,

Je vous écris parce que je crois que vous avez manqué d’amour. C’est l’amour qui est le caractère distinctif des disciples de notre Maître ; c’est le dernier commandement qu’Il donna avant de mourir. Vous admettrez sans doute avec moi que tout l’évangile, aussi bien que toute la loi, est contenu dans ce mot amour ; mais nous devons demander que le Seigneur Lui-même nous apprenne quelle est la hauteur, la profondeur, la longueur et la largeur de Sa Parole. C’est parce que nous avons peu d’amour que nous recherchons souvent l’esprit, en oubliant la pratique, et que souvent aussi nous insistons sur la pratique, en négligeant l’esprit.

Oh ! que tous les chrétiens s’unissent pour réparer la déchirure du manteau dont l’apôtre nous enjoint de couvrir une multitude de péchés ! Prenons une décision plus ferme d’arracher la poutre de notre œil, afin que le brin de paille qui est dans l’œil de notre frère nous soit moins apparent ! Honorons davantage l’Esprit, en rendant recommandables les principes de ceux qui aiment le Seigneur en sincérité, et en nous montrant nous-mêmes fidèles à ces principes ! Il me semble que l’amour fait deux choses : d’abord il excuse au lieu d’accuser ; ensuite il est également jaloux de couvrir le mal et de le découvrir ; il le couvre aux yeux des autres ; il le découvre aux yeux de la personne qui est tombée en faute.

Pardonnez-moi si je vous dis qu’il me semble que vous avez manqué à mon égard dans ces deux points. L’amour chrétien devrait nous faire considérer les autres, ou comme des sujets d’actions de grâces, lorsque Dieu leur a beaucoup donné, ou comme des objets de compassion ; et dans ce dernier cas, il devrait nous apprendre à porter aux pieds de Jésus l’aveugle, le boiteux, l’estropié et l’infirme.

J’ai entendu dire de deux ou trois côtés que vous m’avez signalée comme un exemple d’inconséquence, parce que j’ai … Est-ce là tout ce que vous avez vu d’inconséquent chez moi ? Je n’écris pas pour me justifier. Je puis « élever mon visage vers Dieu », car je n’agis pas pour être jugée par les hommes. Mais était-ce conséquent de votre part, était-ce selon l’amour chrétien, de me condamner sans m’entendre, sans même me faire connaître par parole ou par lettre ce qui vous paraissait mal ? Était-ce être jaloux de la gloire de Dieu, que de l’être aussi peu de ma conduite ? Hélas ! combien peu nous rencontrons de sympathie, combien peu nous sommes aidés dans nos circonstances même les plus difficiles ! Cependant, sans revenir sur ce qui s’est passé, je reconnais que j’ai pu paraître inconséquente. Ne croyez pas, mon cher M…, que je conserve quelque sentiment pénible ; il n’en est point ainsi. Mon but, en vous écrivant, est de vous prouver, par votre propre manquement, combien nous avons besoin d’user de miséricorde les uns envers les autres sous le rapport de notre marche, et combien peu nous sommes en état de soutenir le jugement. Si nous ne tombons pas d’un côté, nous tombons de l’autre. Une profonde intelligence de ces paroles : « Voici, je suis un homme vil » (Job 39, 37) nous mettrait à notre vraie place, à l’égard de Dieu, des autres et de nous-mêmes. Hélas ! nous ne faisons que vaciller dans nos propres pensées, et nous ne sommes que trop semblables à un bâton qu’un homme balancerait sur son doigt, et qui pencherait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Mais nous avons à bénir notre Dieu de ce que le doigt qui nous soutient est la toute-puissance même. Marchons humblement, comme notre haute vocation nous y appelle, et étudions-nous à honorer en toute chose la bonne nouvelle de la grâce qui est en Jésus !

Je suis, mon cher M…, votre sincère, etc.

T.A. Powerscourt