Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 77

De mipe
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Powerscourt
Mon bien cher frère !

Je remercie le Seigneur de ce qu’Il m’accorde la douce jouissance de pouvoir vous écrire ce matin. Vous savez que mon temps ne m’appartient pas, puisque j’ai été achetée à prix pour être la servante de mon Maître, et que, comme telle, je dois aller où Il m’appelle, et faire ce qu’Il me commande. Mais quel doux service, quelle parfaite liberté ! C’est à cela qu’il faut attribuer mon long silence ; car, en vérité, nuit et jour j’ai eu au cœur de vous écrire, surtout lorsque vous m’avez fait entendre que vous me pensiez indifférente à l’égard de ce qui vous concerne. Sans doute que mon égoïsme m’empêche d’avoir pour aucun des saints toute l’affection que je désirerais sentir ; cependant je m’assure que mon cœur est bien uni au vôtre pour chercher à expérimenter toujours davantage la tendresse et l’amour du Seigneur. Il y a une grande différence entre la sympathie de Christ et celle de Ses saints. Tandis que ceux-ci cherchent à s’endurcir contre les sentiments et les sympathies de la nature humaine, quand ils voient la nécessité de se séparer des choses d’ici-bas ; Christ, au contraire, a donné cours à tous les sentiments et à toutes les sympathies de la nature humaine ; Il a reçu la souffrance, Il n’a point bandé Ses propres plaies pendant qu’Il marchait devant Ses brebis, afin que le sang de Ses blessures pût leur servir de baume quand elles seraient blessées. Cependant Il a été séparé de toutes les choses d’ici-bas.

Je suis étonnée que vous ne soyez jamais venu me voir ; la traversée est si facile. Mais non, ce temps-ci n’est pas celui de la jouissance ; je l’oubliais ; et je serais bien fâchée si vous veniez ici sans autre but que celui de me voir, en dépensant pour moi votre argent et votre temps, à moins que ce ne fût pour me faire du bien, car, dans ce cas, il n’y aurait point de perte. Je crois que la vie tout entière d’un chrétien, ou en d’autres termes le christianisme, qui est la vie du ciel sur la terre, consiste dans l’amour, dans cet amour par lequel les saints se servent les uns les autres. Une fois que nous y sommes réellement entrés, nous la trouvons extrêmement douce, mais elle est incompatible avec le maintien de notre rang et de notre position ; elle nous fait descendre toujours plus bas, car elle exalte la grâce et jamais les richesses. Jésus n’a pas fait descendre Sa bénédiction, mais Il s’est fait pauvre, afin que par Sa pauvreté nous fussions enrichis. Nous sommes appelés à un service vigilant, actif et empressé pour les besoins d’autrui ; l’Esprit nous enseigne à faire l’abandon de tout bien et de toute jouissance. Comme Jésus notre Maître et notre souverain Sacrificateur, nous devons nous ceindre et nous baisser pour laver les pieds des saints, et dispenser non seulement les biens temporels, si nous le pouvons, mais aussi les biens spirituels qui donnent la vie. Il a obtenu la gloire d’être notre serviteur et Il n’y renoncera jamais. Il aime cet emploi, et même lorsqu’Il reviendra, Il nous est représenté comme faisant asseoir Son peuple et s’avançant pour le servir. Quels pauvres et misérables serviteurs nous sommes, nous qui oublions constamment que nous ne sommes point à nous-mêmes, et qui dissipons Ses biens ! Assurément, si nous étions les maîtres de tels serviteurs, il y a longtemps qu’ils auraient été congédiés. Si nous reconnaissons que notre temps et tous nos biens Lui appartiennent, n’en donnons rien à l’ennemi, mais disons à Jésus : Tout ce que j’ai et tout ce que je suis est à toi pour jamais ; tout ce que ta sagesse m’invitera à donner, ma main l’abandonnera joyeusement. Alors même que le devoir ne me demandera pas tout, l’amour que j’ai pour toi est tel que je serai toujours prêt à tout donner.

Le dieu de ce monde domine d’une manière étrange, puisqu’il peut, à plusieurs égards, employer à son service ceux qui devraient être entièrement au service du Seigneur, tout en ne leur donnant pour salaire que la poussière dorée et les bagatelles de ce monde, qui ne sont que néant. Il faut, mon cher frère, que, dans ces jours où tant de gens professent le christianisme, nous ne nous contentions pas d’être dans un bon chemin ; nous devons suivre le plus excellent. Et si cette profession de l’évangile, sans la confession de Christ, est si commune, nous en sommes certainement la cause, car nous n’avons pas manifesté extérieurement ce que nous croyons intérieurement. Nous avons pensé qu’il suffisait d’avoir un cœur droit, et ainsi le témoignage que nous avons rendu à la vérité n’a point été d’accord avec cette déclaration du Seigneur : « Il fallait pratiquer ces choses-ci, et ne pas omettre celles-là ». Notre cher Sauveur n’est pas venu pour juger ; il ne sortait de Sa bouche que des paroles de grâce, mais la lumière qui était en Lui portait la conviction du péché dans chaque conscience. Avec quelle beauté cela nous est présenté dans le chapitre 8 de Jean ! L’invitation de Jésus, chapitre 7, verset 37 ; la confession des huissiers, verset 46 ; le pardon accordé à la femme adultère au commencement du chapitre 8, tout cela ne paraît produire autre chose qu’une conviction de péché ; puis, comme s’Il eût voulu nous faire connaître le côté pratique de l’évangile, Il dit, chapitre 12, verset 8 : « Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais moi, vous ne m’avez pas toujours ». L’évangile ne nous attire pas tout d’abord, comme nous le voyons dans le cas de la femme de Samarie ; elle commença par occuper Jésus de questions sans importance jusqu’à ce qu’elle se rendit, et laissa sonder son cœur par la lumière. Si nous sommes des enfants de lumière, nous devons marcher comme des enfants de lumière ; la lumière manifeste tout ; toutes choses étant reprises sont manifestées par la lumière ; mais il faut que nous possédions cette lumière pure, céleste, qui, loin d’avoir aucune communion avec les ténèbres, les dissipe au contraire sans cesse. C’est là notre appel, mon cher frère ; notre perspective est brillante, et puisque nous attendons de si grandes choses, soyons diligents, d’autant plus que nous voyons approcher le jour.