Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 78

De mipe
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Le 10 novembre 1836

J’aime à penser que la tour de Babel se détruisit elle-même par sa propre confusion. Les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir contre l’Église. Il opérera, et qui L’en empêchera ? C’est Sa gloire de changer en douceur ce qui est amer, et de faire sortir l’ordre de la confusion. Si les fidèles sont dans la position des vierges sages, préparant leurs lampes, attendant le Seigneur, ils demeureront séparés de ceux qui commencent à s’apercevoir qu’ils n’ont point d’huile. Si les saints sont une fois repoussés par la multitude de ceux qui n’ont qu’une simple profession de christianisme, l’Église sera semblable à un vase tourné sens dessus dessous, et tout ne sera que confusion. On pourra certainement croire que les derniers temps sont là, « quand l’iniquité sera multipliée, et que l’amour d’un grand nombre se refroidira ». Puissions-nous être trouvés fidèles !

La confusion même qui règne dans l’Église peut exciter notre reconnaissance, car elle est, jusqu’à un certain point, la conséquence de l’augmentation de la lumière divine, qui, en entrant dans les cœurs, a manifesté une quantité de maux négligés correspondante à la quantité de vérités qui ont été négligées. Nous nous érigeons nous-mêmes en juges des vérités de Dieu ; cette vérité est utile, celle-là n’est de nulle importance, disons-nous, tandis que toute vérité doit être nécessaire si elle nous a été donnée. Il se peut qu’elle ne soit pas nécessaire pour notre justification, mais elle l’est pour nous transformer et nous faire entrer dans la pensée de Jésus, selon que « Dieu a déterminé d’avance que nous serions conformes à l’image de son Fils, pour qu’Il soit le premier-né parmi beaucoup de frères ». Nous aimons à nous reposer sur les promesses de salut qui nous ont été gratuitement données ; il nous est doux de pouvoir dire : Je suis heureux ; je suis en communion avec Dieu ; j’ai la paix ; je ne pécherai plus quand j’arriverai au ciel. Tout cela est bien, mais y a-t-il aucune gloire pour moi à me séparer de moi, de moi-même ? Mon salut n’est-il pas tout entier à la gloire de Jésus ? Puis, si un autre frère, laissant un peu trop ce sujet derrière lui, se met à parler de la gloire de Christ comme devant être celle des saints au jour de Son avènement, ou du témoignage que l’Église, qui est Son corps, peut rendre à Sa gloire maintenant au milieu du royaume de Satan ; ou si un chrétien désire glorifier le nom de Jésus par une plus grande conformité à Son image, et par une obéissance plus simple et plus entière à Ses commandements, on voit aussitôt une espèce de jalousie, comme si la croix était oubliée. Trop longtemps la croix nous a été présentée comme le but, tandis qu’elle est le fondement. Puisque nous sommes sauvés, nous devons aller en avant, et non pas nous asseoir et nous reposer. C’est là, je pense, la cause principale du manque d’amour qui se fait remarquer parmi les chers enfants de la même famille. Ce n’est pas qu’ils soient sans amour, car ils aiment. Mon cœur me dit que tous aiment ; l’Esprit qui demeure en eux est amour ; ils n’aiment pas moins que précédemment, mais leur amour est plus éprouvé ; et certains maux intérieurs qu’ils ne pensaient pas avoir autrefois, ayant été mis en évidence par l’arrivée de la lumière de vérité, ils se trouvent pleins d’envies, de jalousies et de soupçons ; ils font, en outre, la douloureuse découverte que, tandis qu’ils croyaient ne chercher que Jésus, ils ont vécu en se recherchant eux-mêmes… Oh ! j’ai assez vécu pour éprouver cela !

Combien il nous est précieux de savoir que notre bien-aimé est le bien-aimé du Père, et qu’Il est « l’ami qui est plus attaché que le frère ». Là nos cœurs se rencontrent en Jésus, qui est notre seul lieu de repos, Celui duquel l’Éternel dit : « C’est mon élu en qui mon âme prend son bon plaisir ». Il nous aime, parce que nous sommes unis à Celui qu’Il aime. Il l’aime, parce qu’Il s’est uni à nous. « C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je laisse ma vie pour la reprendre ». La plénitude qui remplit Dieu, la perfection dont Dieu est satisfait, peuvent bien nous remplir et nous satisfaire ; Il peut répondre à tous nos besoins et à toutes les exigences de nos pauvres cœurs ; Ses enfants ne sont pas réduits à se concentrer et à se consumer en eux-mêmes, leur cœur peut s’épancher dans le Bien-aimé.

Jamais nous ne serons honteux d’avoir aimé Jésus. Deux choses sont nécessaires pour que nous soyons heureux dans cet amour : il faut que nous ayons une satisfaction parfaite en Celui que nous aimons, et que nous ayons une assurance parfaite qu’Il éprouve une parfaite satisfaction en nous. Il faut aussi que nous ayons une confiance entière en la continuation de cet amour réciproque, sans craindre qu’aucune découverte puisse le changer. Or nous trouvons tout cela de la manière la plus parfaite en Jésus. Plus nous Le connaissons, plus nous sommes heureux avec Lui, qui est notre Conseiller et en qui sont renfermés tous les trésors de la sagesse ; plus nous Le connaissons, plus il nous est facile de Lui soumettre tous les petits détails de notre vie, parce que nous savons qu’Il s’intéresse à nous, et qu’Il n’y a que Lui qui puisse donner tout Son cœur à chacun de Ses saints. Il est notre bien-aimé ; Il est notre ami, et un ami éprouvé et fidèle ; non seulement Il nous aimera jusqu’à la fin, mais aussi Il nous gardera jusqu’à la fin par Sa toute-puissance, avec une tendre jalousie relativement à notre bonheur. Lorsque par Sa grâce nous allons en avant sans inquiétude, désirant de n’être qu’à Lui, Il sait bien que souvent nous pourrons être entraînés à agir infidèlement, Il sait bien que souvent nous pourrons être séduits par les mensonges de Satan, qui nous fait croire que chaque chose défendue renferme quelque bien. Et cependant qu’il est honteux pour nous de nous laisser ainsi tromper, puisque si nous nous tenions près du cœur de Jésus, si nous jugions des circonstances d’après Son amour, et non de Son amour d’après les circonstances, le seul fait qu’Il nous refuse une chose serait suffisant pour nous convaincre qu’elle est mauvaise ! Il s’attend à tout genre de folies de la part de nos pauvres cœurs, et c’est en demeurant dans la majesté de Sa propre perfection, qu’Il répond avec patience aux objections et aux séductions de Satan, par ces paroles : « Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée ». S’Il nous avait laissés à nous-mêmes, que de fois notre cœur trompé se serait détourné de Lui ! Que de fois nous aurions pris le mal pour le bien et l’amer pour le doux ! Notre chair pousse souvent les hauts cris, mais le Seigneur agit comme s’Il n’entendait rien, et Il s’en tient fidèlement au désir de nous consacrer à Lui que nous avons formé dans notre premier amour, parce qu’Il sait qu’Il est au-dessus de toutes choses, et qu’Il peut satisfaire les désirs de chaque être vivant. Oh ! qu’il est précieux au milieu des tempêtes de ce monde, d’avoir l’assurance de Son immuable amour, et d’aller à la rencontre de chaque circonstance avec ces paroles de l’apôtre : Toutes choses sont pour vous ! ». Vivons dans un sentiment profond de notre indignité, recevant toutes choses comme des grâces, et rendant à Dieu toute gloire. N’est-ce pas dans Sa nature de bénir ? N’a-t-Il pas formé pour Lui-même le cœur de Jésus, afin de le remplir de la plénitude de Son amour ? S’Il nous a placés dans Celui qu’Il prend plaisir à bénir, n’est-ce pas afin que l’huile précieuse descende toujours sur le Bien-aimé ? Attachons-nous donc à Lui de tout notre cœur, et soyons contents de notre part, car nous avons « toute bénédiction spirituelle en Jésus Christ ». Si nous avons été choisis, c’est une grâce ; si nous sommes châtiés, c’est une grâce ; si nous sommes humiliés, c’est une grâce ; si nous ne nous révoltons pas, c’est une grâce.