Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 80

De mipe
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Bushy, Enniskerry, le 5 décembre 1836

Je crains que vous ne m’accusiez d’ingratitude pour avoir autant tardé à répondre à votre bonne lettre ; une parole d’exhortation venant de votre part me fait toujours du bien, et, en vérité, nous avons besoin de tous les secours possibles pour maintenir dans le bon chemin nos âmes appesanties. C’est un grand don que de savoir dire une bonne parole en son temps, c’est comme « des pommes d’or émaillées d’argent ». Jésus Lui-même apprit ce secret (És. 50, 4). Il faut peu de choses pour nourrir les enfants, et Dieu nous donne notre nourriture dans le temps convenable. Sous ce rapport, les lettres ont souvent été pour moi un moyen de grâce bien précieux, et je crois qu’elles le seraient bien plus encore, et qu’ainsi elles ne seraient point un temps perdu, si nous les écrivions avec plus de foi, et si nous vivions davantage chaque jour de ce que l’Esprit de Dieu nous prépare. Lorsque nous nous entretenons avec une personne, nous cherchons à appliquer à sa position ce dont nous parlons ; mais quand cette personne est absente, nous pesons ses circonstances avec prière, et tandis que nous lui écrivons comme de la part du Seigneur, nous en éprouvons une douce joie. Les voies de Dieu, à l’égard de Ses enfants, sont très mystérieuses, et quand l’Esprit trouve dans nos cœurs un mont des Oliviers sur lequel Il puisse répandre Ses intercessions, nous devons être initiés à un grand nombre de Ses secrets relativement à la famille céleste. J’ai pensé à vous et j’ai parlé de vous au Seigneur, quoique je ne vous aie pas écrit. Ce que je Lui ai particulièrement demandé, c’est que, s’il y a en vous des choses que vous ne connaissiez point encore, Il vous sonde avec la lampe de la vérité et vous les découvre dans Sa tendresse. Mais qui suis-je pour parler ainsi, moi la première des pécheresses ? Oh ! si je suis l’un des exemples les plus éclatants de Sa grande patience à l’égard des membres de Son heureuse famille, je serai à la louange de la gloire de Sa grâce !

Quelles créatures insignifiantes nous sommes, et quel air ridicule nous avons quand nous nous revêtons d’une robe de gloire ! Jamais un tel vêtement ne fut fait pour nous. Dans tout ce que nous faisons il y a de la recherche de nous-mêmes. Souvent c’est une chose de peu d’importance qui nous fait voir que nous avons parlé pour nous-mêmes, et que nous nous sommes élevés dans nos cœurs, tandis que nous avions l’apparence et l’intention de n’agir que pour les intérêts de Christ. Si c’est véritablement la gloire de notre cher Sauveur que nous avons en vue, nous serons prêts à être haïs aussi bien qu’à être aimés ; nous serons prêts à être mal jugés, et même à être comme le fond noir du tableau, si cela contribue à jeter plus de lumière sur l’objet sur lequel l’œil doit se reposer. Fréquemment il nous semble que nous nous réjouissions sincèrement de ce que nos frères répondent à l’amour de Jésus, et voilà que quelques mots dirigés contre nous changent tout à coup nos dispositions, et nous font voir que nous sommes idolâtres de nous-mêmes. Je ne puis affirmer que vous ayez jamais fait cette expérience, mais je suis quelquefois entièrement dégoûtée de moi-même quand je vois que je puis ainsi dérober les dons et les grâces de Dieu pour en décorer le moi, et que je cherche à conserver une bonne opinion de moi-même, tandis qu’en vérité je ne sais discerner ni le bien ni le mal. Il nous est aussi difficile de laisser au Seigneur le soin de gouverner et de conduire Son Église, qu’il nous est difficile de Le laisser gouverner toutes choses en nous. Nous coopérons à Son œuvre contre les péchés évidents, mais dans les choses qui paraissent bonnes, nous avons souvent un but différent du sien et nous ne travaillons pas de la même manière que Lui. Aussi, lorsque nous comprenons combien chaque membre du corps combat contre l’Esprit, nous ne nous étonnons plus que l’Église soit dans un si triste état, qu’elle rassemble beaucoup de choses avec lesquelles Il ne peut avoir aucune communion, et qu’elle éteigne ainsi la lumière et les grâces qu’Il voulait lui donner. Elle confesse bien sa faiblesse, mais ce n’est qu’en paroles, car s’il en était autrement elle s’abandonnerait à Lui, en Le suppliant d’agir en elle selon le bon plaisir de Sa volonté. Quand Dieu veut nous bénir, Il nous humilie tout d’abord, afin de nous forcer à vouloir être bénis à tout prix, et afin que l’Esprit puisse, en prenant la place qui Lui appartient, « renverser toute hauteur, et amener captive toute pensée à l’obéissance de Christ ».

Je ne me sens d’appel pour aucune position en particulier, mais je demande à Dieu que dans tous les lieux où Il pourra me placer Il me préserve de jamais entraver Son œuvre. Partout Il peut m’employer à prier pour les saints. « Marie a pris beaucoup de peine pour nous », dit l’apôtre. C’est là ce que j’ambitionne. Avez-vous pu dernièrement beaucoup sonder les Écritures ? Avez-vous beaucoup vécu dans le lieu très saint ?

Combien il nous est doux de savoir que notre bien-aimé est l’ami qui est plus attaché que le frère, qu’Il est le bien-aimé de Son Père, qu’Il est le lieu du rendez-vous du Père et de nos cœurs, qu’Il est notre refuge, que le Père nous a aimés à cause de Lui, et qu’Il l’aime parce qu’Il a donné Sa vie pour nous ! Jamais nous n’aurons honte de L’avoir aimé ; jamais nous n’aurons de mécompte en L’aimant. Il regarde Pierre et lui dit : « M’aimes-tu ? Pais mes brebis ». Il regarde le Père et Lui dit : « M’aimes-tu ? Bénis mes brebis ».

Manifestons dans nos corps mortels que Jésus est vivant ; soyons disposés à tout souffrir pour l’amour des élus ; jetons loin de nous tous nos jouets, car le monde est en flammes. Pourquoi ramperions-nous dans cette atmosphère de mensonge, au lieu de demeurer à toujours dans la région de la vérité et de la réalité ? Pourquoi nos visites à la terre ne sont-elles pas uniquement comme des messagers de miséricorde pour panser les blessures de l’Église, et pour glorifier Dieu en achevant l’œuvre qu’Il nous a donnée à faire ? Nous sommes envoyés par Jésus, comme Lui-même a été envoyé par le Père. Si l’épouse cherche à se rendre digne du nom qui a été mis sur elle, il faut qu’elle se souvienne que ce n’est pas d’elle-même qu’elle doit parler, mais que son but, le sujet de ses pensées, sa joie, son espérance, le seul lieu de repos qu’il y ait pour elle, c’est son bien-aimé, l’Époux de son cœur.