Traité:Un enseignement pour les témoins du Seigneur au temps actuel
(1 Rois 19)L. Porret-Bolens 1913
L’état d’Israël était des plus déplorables, lorsque l’Éternel suscita les deux prophètes si remarquables, Élie et Élisée. Sur la scène où tant de misères et de ruines s’étaient accumulées par l’infidélité du peuple, Il allait manifester, d’une façon évidente, les ressources de Sa grâce et ce qu’Il est Lui-même.
Quelle insigne faveur l’Éternel n’accordait-Il pas à Ses deux serviteurs, en les constituant Ses témoins — pour ainsi dire, Ses représentants — au sein de ce peuple apostat sur lequel Son jugement devait finalement tomber !
Nous désirons considérer l’épisode de l’histoire du prophète Élie, dont il est fait mention dans le chapitre cité en tête de ces lignes, pour en retirer un enseignement particulier, qu’il nous importe de retenir, afin d’être maintenus dans les voies du Seigneur et rendus capables de L’honorer par notre témoignage. Ne l’oublions pas, ces choses « ont été écrites pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints » (1 Cor. 10, 11).
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Le prophète Élie manifesta, au début de son ministère, une remarquable puissance. Ses paroles même en rendent témoignage : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, devant qui je me tiens, est vivant, qu’il n’y aura ces années-ci, ni rosée, ni pluie, sinon à ma parole » (1 Rois 17, 1). Nous apprenons ici quel fut le secret de sa puissance : le prophète se tenait devant l’Éternel. Telle est l’heureuse place accordée au témoin du Seigneur en tout temps. S’il vient à l’abandonner, il ne tarde pas à perdre son caractère. Quel contraste entre la scène que nous rappelons et celle dont il est parlé au commencement de notre chapitre ! Ici, Élie permet aux circonstances du moment de s’interposer entre lui et l’Éternel, de manière à dérober Celui-ci aux regards de sa foi.
Avant de poursuivre, nous tenons à faire une petite digression, en faisant remarquer qu’il est plus facile de critiquer autrui que d’agir avec droiture ; et il nous convient de nous garder de porter un jugement sur les actes d’un serviteur de Dieu aussi honoré que le fut Élie. Toutefois, en considérant son histoire dans le chapitre qui nous occupe, nous n’avons d’autre but que de recueillir les leçons importantes qui s’en dégagent pour nous. Ceci dit, nous ferons observer le changement frappant qui s’opéra dans la vie pratique de cet homme de Dieu. En détournant ses pensées de l’Éternel, l’unique source de sa force, il se mit à les arrêter sur lui-même, et ce qui le concernait personnellement entra en ligne de compte dans sa marche ultérieure, quoique son cœur semblât toujours brûler de ferveur pour la gloire de l’Éternel.
N’est-ce pas, malheureusement, ce qui a lieu pour nous, si nos yeux se détournent de l’objet qui doit nous gouverner ? Hélas ! sans nous en douter, le moi vient, en quelque sorte, supplanter en nous Celui qui seul doit gouverner notre vie tout entière. Elles sont multiples, les choses qui sont de nature à produire ce résultat, et encore sont-elles parfois infimes en elles-mêmes. Il suffit en certains cas d’un amour-propre froissé, d’intérêts personnels, ou de torts (ou soi-disant torts) dont nous nous croyons victimes, pour donner à nos pensées cette fâcheuse orientation. Si nous négligeons de juger les tendances mauvaises de nos cœurs et ne recherchons pas la communion du Seigneur pour jouir de Sa grâce, nous nous trouvons sur une pente tellement glissante que nous sommes conduits souvent plus loin que nous ne voudrions. Remarquons-le, c’est le premier mouvement du cœur qu’il importe de juger, c’est au premier pas qu’il faut être attentif. Tout le reste dépend de là. Mais revenons à notre prophète.
Nous l’avons vu, après avoir rendu témoignage avec assurance pour l’Éternel, les menaces de Jézabel l’amènent à penser à lui-même et à son importance propre, et cela vient déteindre d’une façon déplorable sur sa conduite et son témoignage. Nous lisons que, à l’ouïe des paroles de Jézabel, « il se leva, et s’en alla pour sa vie, et vint à Beër-Shéba, qui appartient à Juda, et il y laissa son jeune homme » (v. 3).
Nous remarquerons trois choses dans la conduite ultérieure du prophète. La première, qui nous frappe dès l’abord, est la position de séparation qu’il a prise vis-à-vis de tous, et qui est purement de son choix, car elle recevra, à deux reprises, le blâme solennel de l’Éternel. Mais laisserait-Il Son témoin égaré à la merci de ses circonstances et de ses dispositions ? — Certainement pas. Au contraire, Il continuera à avoir les yeux sur lui et à l’entourer de Ses soins ; et, dans Sa grâce condescendante, Il va lui donner une touchante leçon, et se servira d’un ange à cet effet, parce que le prophète ne jouit plus de l’intimité première avec son Dieu.
Il va manifester Sa bonté et Ses ressources en faveur d’Élie dans les circonstances défavorables où il vient de se placer lui-même ; et cela aura-t-il pour effet de le rendre sensible à la grâce dont il est l’objet ?
Sans le Seigneur, nous avons beau nous fatiguer, tout est en pure perte. Nous ressemblons aux disciples sur le lac de Génésareth (Jean 21), qui pêchèrent toute la nuit sans rien prendre. La présence de Jésus transforma leurs circonstances et les amena dans l’intimité de leur divin Maître, dont ils connurent la puissance et la bonté.
Hélas ! pour le prophète, il fut loin d’en être ainsi. Dans le chemin de sa volonté propre, il semble n’avoir pas compris cette manifestation de la grâce en sa faveur. Il poursuit son chemin en s’éloignant toujours davantage et, à son terme, il se cache dans l’obscurité d’une caverne où il passa la nuit. Encore là, l’Éternel l’abandonna-t-Il à la merci de son triste sort ? — Non. Il va s’adresser maintenant directement à lui, et la première parole qu’Il fait entendre est de nature à sonder le cœur jusqu’au fond : « Que fais-tu ici, Élie ? ». L’Éternel veut le rendre solennellement attentif à la position qu’il a prise, et qu’Il ne saurait, en aucune manière, approuver. Qui est à même de convaincre quelqu’un de ses errements, comme le Seigneur, et encore le pauvre cœur auquel Il s’adresse a bien souvent des excuses à présenter, plutôt que de recevoir simplement Son exhortation, tellement il se montre éloigné de Lui.
Nous apprenons maintenant à connaître une seconde chose, et qui découle de la précédente, dans la réponse qu’Élie donne à l’Éternel. Séparé du peuple, saura-t-il, comme Moïse, intercéder en sa faveur (Ex. 32, 32 ; 33, 13) ? Écoutons ce qu’il dit : « J’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées ; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance ; ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter » (v. 10). Quel contraste avec Moïse qui, dans ce même lieu, faisait appel aux compassions de Dieu en faveur de ceux qui L’avaient offensé ! Tandis qu’Élie, en voulant se justifier lui-même, joue le triste rôle d’accusateur du peuple auprès de l’Éternel, ainsi que le fait ressortir ce passage du Nouveau Testament : « Ne savez-vous pas ce que l’Écriture dit dans l’histoire d’Élie, comment il fait requête à Dieu contre Israël ? » (Rom. 11, 2). Tout cela était la conséquence inévitable de la position qu’il avait prise, en s’en allant comme son cœur lui disait. Nous appartient-il à nous, qui ne sommes absolument rien, sinon des objets de la souveraine grâce de Dieu, de prendre une telle attitude et d’être animés de tels sentiments à l’égard de nos frères ? Nous oublions que c’est une immense faveur que Dieu nous accorde d’être constitués Ses témoins. Il n’aurait nullement besoin de nous pour Lui rendre témoignage ; mais nous avons sans cesse besoin de Lui pour en être rendus capables. Élie, sans doute, avait perdu de vue tout cela. Dès que nous abandonnons la place que le Seigneur nous a donnée et le service qu’Il nous a confié en vue du bien de nos frères et de leur édification, nous sommes portés à nous élever nous-mêmes et à accuser nos frères, à tort ou à raison. Aussi, à tous ceux qui se séparent ainsi de leurs frères, en les accusant, peut s’adresser cette sérieuse question : « Que fais-tu ici ? ».
Combien peu les sentiments du prophète sont en harmonie avec le caractère du Dieu de grâce qui désirait bénir Son peuple, au lieu de le juger, et bénir aussi Élie lui-même, comme Il a voulu le lui faire comprendre !
Après avoir considéré les dispositions d’Élie à l’égard d’Israël, voyons, en troisième lieu, quelles étaient ses pensées à l’égard de l’Éternel Lui-même.
Quel était donc son désir à lui qui était « très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées » ? — Il aurait voulu — chose extraordinaire — que l’Éternel intervînt en jugement pour revendiquer Sa gloire et l’honneur de son serviteur ; il estimait que la gloire de l’Éternel réclamait impérieusement cela. Combien peu Élie, dans cette occasion, était au fait des pensées de Dieu à l’égard de Son pauvre peuple ! Et n’est-ce pas ce qui a lieu aussi pour nous, à l’égard de tout, si nous ne sommes plus dans Son intimité ? Toutes choses tendent à se fausser, si nous les rapportons à nous-mêmes — au moi — voire même parfois les choses les plus élémentaires.
Dieu jugera certainement, car Il ne tient nullement le coupable pour innocent, mais Il le fait lorsque le mal est au comble et l’état sans espoir ; et le jugement est Son œuvre étrange, Son travail inaccoutumé. Le déploiement de Sa grâce est, pour ainsi dire, Son œuvre de prédilection, ce en quoi Il trouve Son plaisir ; et dans ce cas-ci, Il donne à connaître en réalité ce qu’il est Lui-même : « L’Éternel est plein de grâce et juste, et notre Dieu est miséricordieux », disait déjà le psalmiste (Ps. 116, 5). À ce sujet, l’Éternel, dans Sa patiente bonté — et qui peut le faire comme Lui ? — va enseigner Son serviteur.
Mais, remarquons-le, la première chose que Dieu fait, c’est de l’amener en Sa présence ; car ce n’est que dans cette condition que la Parole peut agir avec efficace dans le cœur. Et Il dit : « Sors, et tiens-toi sur la montagne devant l’Éternel » (v. 11). Là il sera tout d’abord témoin des manifestations de la puissance de Dieu en jugement. Par trois agents différents : le vent, le tremblement de terre et le feu, l’Éternel donne à connaître que rien — absolument rien — n’est de nature à s’opposer à Lui et au maintien de Ses droits ; mais sera-t-Il révélé de cette façon dans Son caractère essentiel ? — Non ; car Il n’était dans aucune de ces choses. Et à cette vue, Élie s’éloigne et va se cacher dans la caverne, car qui pourrait subsister devant Dieu s’Il se révèle uniquement sous ce caractère ? Mais à l’ouïe de « la voix douce et subtile » — celle de la grâce — il sort de son lieu et, en présence de l’Éternel, s’enveloppe le visage de son manteau. N’est-ce pas de cette manière que Dieu a pris plaisir à se révéler dans la plénitude de Son être à d’indignes pécheurs comme nous ?
C’est en présence du Dieu de grâce que le prophète entend se renouveler la solennelle question, à laquelle il a dû donner son attention : « Que fais-tu ici, Élie ? ». Encore une fois, la réponse est invariablement la même et donne à connaître, d’une façon évidente, le fond de son cœur : en se justifiant lui-même, il jugeait les autres sans merci. Hélas ! quel cœur que celui de l’homme laissé à lui-même ; qu’il soit placé en face du jugement ou en présence de la grâce, il se montre irréductible. Mais Dieu fléchira le cœur de Son serviteur et le réduira au silence, comme Il le fit pour le patriarche Job. Quand l’homme s’est tu, Dieu peut l’enseigner et lui révéler Ses pensées, et c’est ce qu’Il va faire à l’égard de Son serviteur. Nous pouvons nous former une bonne opinion de nous-mêmes jusqu’à ce que nous soyons amenés en réalité devant Dieu ; alors nous commençons à changer d’avis et à apprendre à nous couvrir le visage, tout confus, comme Élie le fit de son manteau. Nous apprenons à nous effacer nous-mêmes effectivement. Il en est ainsi de tous ceux qui ont appris à se connaître à la lumière de Dieu ; ils ont compris qu’ils ne sont absolument rien. Telle est la leçon que l’Éternel voulait donner aussi à Élie en l’amenant devant Lui et en lui réitérant Sa demande : « Que fais-tu ici, Élie ? ». Mais, nous l’avons dit, Dieu allait lui faire connaître Ses pensées : trois choses qu’il ignorait complètement.
La première, qui aura pour effet de l’humilier, est celle-ci : Élie, lui-même, sera chargé de préparer les instruments du jugement.
La seconde, qui l’humiliera encore davantage, c’est qu’il devra oindre Élisée comme prophète à sa place.
Et la troisième, qui confondra le prophète, est la déclaration que l’Éternel s’est réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi le genou devant Baal.
Élie reste muet ; il se tait, et, selon l’ordre de Dieu, rebrousse chemin pour accomplir humblement Sa volonté. Son service a pris fin, ainsi que son témoignage ; et ce qu’il fait en premier lieu, c’est de jeter son manteau sur les épaules d’Élisée qui doit lui succéder. Ainsi le ministère d’Élie est à son terme : il va se diriger vers d’autres régions où il n’est absolument plus question de l’homme et de ses fautes, mais de la grâce de Dieu qui en aura triomphé et que le cœur du racheté exaltera éternellement.
Comme « le son doux et subtil » fit sortir Élie de la caverne, le ministère de grâce d’Élisée aura pour effet de faire sortir de leurs cachettes les milliers de fidèles qu’Élie n’avait pas su découvrir, et d’accomplir les pensées de l’Éternel qui étaient de les bénir encore, et avec eux ce pauvre peuple éloigné de Lui.
Et maintenant, quel est l’enseignement important qui se dégage pour nous de ce solennel récit ? Nous pourrions le formuler ainsi :
« Prenons garde que, par notre volonté propre — si nous y persistons — nous ne venions à mettre fin à notre témoignage pour le Seigneur ! »
Aussi, retenons avec soin l’exhortation du bienheureux apôtre à Timothée : « Fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus Christ ! » (2 Tim. 2, 1), afin de pouvoir manifester ce précieux caractère à la gloire de notre Dieu.
« Que le Seigneur nous fasse abonder en amour les uns envers les autres et envers tous… pour affermir nos cœurs sans reproche en sainteté devant notre Dieu et Père, en la venue de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints ! » (1 Thess. 3, 12, 13).