Écho du Témoignage:Les derniers jours de la chrétienté
Tout à l’heure, mon esprit était occupé de la pensée que les deux grands systèmes apostats, le système civil et le système ecclésiastique, sont destinés à croître en force et en magnificence à mesure que le jour de leur sentence et de leur jugement approche. Témoins, la condition de la femme en Apocalypse 18, et celle de la bête en Apocalypse 13 et 19.
Et je demande si les circonstances par lesquelles nous passons dans les temps actuels n’en sont pas une preuve évidente. La grande apostasie ecclésiastique ne tend-elle pas à s’emparer du monde, presque à pas de géant ? Le monde dans son caractère civil, ou séculier, n’accomplit-il pas chaque jour de nouveaux progrès, ne fait-il pas de nouvelles conquêtes, pour son bien-être, ses jouissances, dans la culture de tout ce qu’il y a de désirable et de grand, dans une mesure qui dépasse tout ce que l’on a vu jusqu’ici ? N’en est-il pas réellement ainsi même pour l’observateur le moins attentif ? Et n’est-ce pas une preuve que tout s’achemine rapidement vers le développement parfait de la femme et de la bête, dans tous les genres de grandeur et de magnificence qui, selon la Parole de Dieu, doivent précéder leur jugement ? Tout cela, je l’avoue, est pour moi très clair et très simple.
Mais je fais une autre question : Y a-t-il dans la Parole de Dieu quelque trait qui indique que les saints, ou l’Église, doivent parvenir à un état de beauté, ou de force en harmonie avec leur nature propre, avant que sonne l’heure de leur enlèvement ? Comme nous l’avons vu, les choses de l’apostasie doivent devenir grandes et magnifiques précisément avant d’être frappées par le jugement ; mais je demande si la chose vraie, la chose de Dieu, doit être éminente à sa manière, forte et belle de cette force et de cette beauté qui lui sont propres, avant sa translation dans la gloire ?
C’est là un intéressant sujet de recherches. Voyons quelle est la réponse que nous fournissent les oracles de Dieu.
Dans la seconde épître à Timothée, Paul envisage « les derniers jours » dans leur caractère de temps fâcheux, et dans l’état de ruine où nous avons vu et où nous voyons, en ce temps-ci, de toute part, l’Église de Dieu. Mais qu’annonce-t-il comme devant succéder à cet état de ruine parmi les saints, les élus de Dieu ? Je puis le dire en toute assurance : l’apôtre ne pressent point un retour à l’ordre de l’Église, une réédification de la maison de Dieu, pour ainsi dire, ni un rétablissement de la beauté et de la force du corps digne de cette dispensation ; mais il exhorte ceux qui ont le cœur pur à invoquer ensemble le Seigneur, hors de « la grande maison », et à pratiquer là aussi, ensemble, les vertus et cultiver les grâces qui leur conviennent et qui leur appartiennent.
Pierre, dans sa seconde épître, contemple aussi « les derniers jours », et il voit parmi ceux qui font profession de la piété, d’impures abominations bien terribles, et dans le monde, l’audacieux mépris que les incrédules font des promesses divines. Mais il ne suggère pas le moins du monde l’idée qu’il y aura rétablissement de l’ordre et de la force dans l’Église, ou dans l’action spirituelle en corps. Il exhorte simplement les saints à croître dans la grâce, et dans la connaissance du Seigneur et Sauveur, et à être bien assurés que la promesse de Sa venue et Sa majesté ne sont pas des fables artificieusement composées. Il leur parle d’une entrée dans le royaume éternel, mais jamais d’un retour à un ordre de choses, dans l’Église, restauré sur la terre.
Jude, à son tour, anticipe de la même manière « le dernier temps » et diverses corruptions effrayantes, comme « le pervertissement de la grâce de notre Dieu en dissolution ». Et que dit-il ensuite ? Il ne fait point de promesse d’un retour à la beauté et à l’état des premiers jours, mais il exhorte précisément les « bien-aimés » à s’édifier eux-mêmes sur la sainte foi, et à se conserver dans l’amour de Dieu ; mais il est si éloigné d’encourager quelque espérance du rétablissement de l’ordre et de la puissance dans l’Église sur la terre, qu’il dit aux croyants d’attendre un objet tout autre, savoir, « la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle ».
Jean, sur son chemin, nous donne le jugement des sept églises d’Asie, en Apocalypse 2 et 3. Tableau bien solennel ! Il se trouve au milieu d’elles quelque bien et beaucoup de mal. La voix de l’Esprit nous y fait entendre de salutaires avertissements soit pour notre état individuel, soit pour notre condition collective. Mais il ne s’y trouve aucune promesse comme si le jugement devait corriger et guérir. Les églises sont jugées et laissées sous le jugement ; nous n’apprenons rien de plus à leur sujet sur la terre ; et la première fois qu’il est question ensuite des élus, c’est dans le ciel qu’on les voit (chap. 4).
Tout cela est très sérieux, et heureux néanmoins ; et les grands phénomènes moraux qui se passent en ce moment autour de nous, sous nos yeux, ou dont nous entendons parler, confirment d’une manière éclatante la perspective que la Parole met devant nous quant à l’Église et au monde. Nous savons en effet que les grandes choses de l’apostasie, les choses du monde, l’ordre civil et l’ordre ecclésiastique, sont également en progrès, tout près d’atteindre le parfait épanouissement de leur beauté et de leur vigueur. Tandis que la chose véritable, la chose de Dieu, l’Église, apparaît brisée, affaiblie, déchue, sans indice, ni promesse d’aucune sorte qu’elle doive recouvrer ce qu’elle posséda jadis aux jours de l’ordre et de la puissance, quand l’unité du corps était glorieusement réalisée.
Mais cela est bon. C’est dans Sa grâce que le Seigneur dresse ainsi devant nous, dans Sa Parole, le grand chemin sur lequel nous étions destinés à voyager, et les signaux qui devaient frapper nos regards. Et quel bonheur de savoir que notre enlèvement n’est pas subordonné au rétablissement de la dispensation dans son ancien état d’ordre et de puissance ! Car autrement, d’après les apparences actuelles, nous aurions à attendre longtemps avant que cette bénédiction nous échût.
Mais voici quelques autres remarques à l’appui de la même vérité.
Au temps où Jésus allait délivrer le pauvre captif de Satan, l’ennemi, à ce moment même, développait dans le mal une nouvelle énergie, et son malheureux captif semblait être dans son état le plus affligeant. C’était là une autre forme du même fait qui se rencontre dans toute la Parole de Dieu — que la chose apostate se trouve dans un état particulier de force et de magnificence juste au moment où son jugement est à la porte ; tandis que la chose de Christ est au contraire dans une condition de faiblesse et de ruine précisément quand la délivrance, qu’Il apporte avec Lui, est là.
Joseph, Moïse et David en sont aussi des exemples. L’un fut tiré d’une prison pour nourrir et gouverner un peuple ; l’autre fut amené d’un lointain désert inconnu, où il avait le soin des troupeaux, pour délivrer une nation ; le troisième fut suscité et manifesté du sein de la négligence et du mépris dont il était l’objet de la part de sa propre famille, pour soutenir, de sa seule main, tout un peuple et tout un royaume. Et ce qu’il y a surtout de propre à nous remplir d’étonnement au milieu de telles choses, c’est que plusieurs de ces hommes étaient, à cause de leur propre péché et du jugement de Dieu, dans le lieu de la dégradation et de la ruine.
Il en était ainsi pour David et Moïse. Joseph, je le reconnais, fut un martyr, et s’éleva, du sein des souffrances qu’il endurait pour la justice, aux grandes récompenses de la grâce. Il en fut de même de David aux jours de Saül, quand David, à la fin, arriva au royaume. Mais dans les derniers temps, David ne fut pas un martyr ; il fut un pénitent. Il avait lui-même attiré sur lui toute la ruine, tous les chagrins, toutes les hontes de la révolte d’Absalom ; — et sur le péché qui avait produit tous ces fruits amers, reposait ce jugement de la justice, plus lourd encore, « l’épée ne sortira jamais de ta maison ». Et elle n’en sortit jamais. Il était donc sous le jugement ; il se trouvait au milieu des ruines que sa propre iniquité avait attirées sur lui ; il était un monument de la visitation de Dieu dans Sa sainteté, lorsque tout à coup, dans la personne de Salomon, sa maison s’éleva au faîte de la gloire et de la puissance. — Il en fut de même de Moïse avant lui. Moïse, je l’avoue, était un martyr, dans ses premiers jours à Madian ; et c’est du lieu d’exil où sa foi l’avait jeté, qu’il s’achemine vers l’honneur et la joie d’être le libérateur d’Israël. Mais, dans les derniers temps, comme David, Moïse fut sous le jugement, sous le jugement de Dieu, pour son incrédulité et son péché. Il pécha, comme nous savons, aux eaux de Meriba, et il pécha au point qu’il perdit aussitôt tout droit d’entrer dans le pays de la promesse ; et jusqu’à la fin, rien ne put faire changer cette résolution de Dieu. Dans ce sens, l’épée ne sortit jamais de la maison de Moïse, pas plus que de la maison de David. À diverses reprises il supplia le Seigneur, mais ce fut en vain. Il n’entra jamais dans le pays — et ainsi il fut jugé, et même il se trouve sous le jugement quand la grâce abonde ; car il est enlevé (en principe), porté au sommet de la montagne, et non dans les plaines de Canaan, sur les hauteurs de Pisga et non dans les plaines de Jéricho et du Jourdain.
C’est ainsi que se passèrent ces choses. Mais il vaut mieux être jugé du Seigneur que d’être condamné avec le monde ; car la chose pauvre, faible, et jugée, est amenée à la lumière de Dieu et à une rédemption accomplie par Lui, tandis que l’orgueilleuse, la forte, est abaissée sous la puissance de sa force.
De même, puis-je dire, le Nouveau Testament ne renferme pas la promesse que l’Église recouvrera son état et sa beauté avant que son enlèvement arrive. Elle passe de ses ruines à sa gloire, tandis que le monde passe de sa magnificence à son jugement — ruines aussi, ajouterai-je, qui témoignent du jugement de Dieu. L’épée n’est jamais sortie de la maison
Bien-aimés, à la lumière de ces vérités précieuses, ne puis-je pas vous dire : Consolez-vous pendant que vous regardez çà et là, et considérez bien ce que c’est qui est fort aujourd’hui, et ce que c’est qui est faible. Mais permettez-moi d’ajouter, qu’il ne faut pas que la faiblesse dont je parle, faiblesse des saints, en tant que corps, ou église, soit le moindre prétexte pour un relâchement moral personnel. Ce serait faire un triste et terrible usage des vérités dont nous parlons, et que nous recueillons de l’Écriture. Nous devons, très certainement, être séparés du mal aussi nettement que jamais, et cultiver avec autant de soin que jamais la sainteté dans toutes nos pensées et toutes nos voies.
Mais poursuivons. Il est possible que nous hésitions pour savoir exactement comment il convient de parler de l’histoire d’Israël, s’il faut y voir l’histoire d’un martyr, ou celle d’un pénitent. Elle a quelque chose de l’une et de l’autre, davantage, cependant, je crois, de la dernière. — Mais quoiqu’il en soit, les rétablissements et les rédemptions dont il fut l’objet, illuminent le mystère que nous contemplons maintenant, savoir, que la chose apostate arrive au jugement à l’heure de sa principale force et de sa principale grandeur ; et que la chose véritable s’élève du sein de ses infirmités et de ses ruines, à sa gloire et à sa bénédiction.
Les Israélites étaient dans une bien basse condition en Égypte, comme nous le disent les fours à briques, les exacteurs, et la tâche de briques qu’on exigeait d’eux sans qu’on leur fournît la paille accoutumée, juste au moment où l’Éternel envoya Moïse et sa verge pour leur délivrance. — Ainsi encore à Babylone. L’ennemi insultait à leurs chaînes, et se livrait à la joie dans un mépris moqueur de la captivité de Jérusalem et de son temple, quand, cette même nuit, le libérateur d’Israël entra dans Babylone. — Ainsi encore en Perse. Le décret avait fixé un jour pour leur destruction, et ce décret ne devait pas, ne pouvait pas être changé. Leur persécuteur amalékite avait en main la puissance, et, aussi loin que le regard pouvait atteindre, tout présageait une destruction entière — mais Haman tomba, et les Juifs furent délivrés. — Il en sera encore ainsi pour le même peuple (Deut. 32, 36 et És. 59, 16). « Au temps du soir il y aura de la lumière ». La ville sera prise, tous les peuples de la terre l’environneront aux jours de son siège et de sa détresse ; la moitié de la ville ira en captivité ; les maisons seront pillées, et tout sera ravage et désolation ; mais, à ce même instant, l’Éternel plaidera leur cause du haut du ciel. « Au temps du soir il y aura de la lumière », l’ombre de la nuit sera changée en matin (Zach. 14). — Autre exemple de ces merveilleuses voies de notre Dieu. César-Auguste était dans tout l’éclat de la puissance et de la majesté. Ses proconsuls gouvernaient dans les provinces éloignées, son décret était parvenu jusqu’aux extrémités de la terre, et tout le monde romain était remarquable d’ordre et de beauté juste au moment où Jésus naquit (Luc 2). Mais le résidu était la faiblesse même. La famille de David demeurait à Nazareth et non pas à Jérusalem. L’espoir de la nation reposait dans une crèche à Bethléhem. Un saint ou deux, pieux, solitaires, attendant la consolation, fréquentaient le temple ; et c’est à des bergers, pendant leurs veilles de la nuit, que les gloires furent révélées. Israël était ainsi déchu avec la maison de David, et déchus l’un et l’autre pour leur iniquité et par le jugement de Dieu. Le monarque romain pouvait donner ordre que le chef des enfants d’Israël se rendit de Galilée en Judée, pour être estimé et taxé comme les autres propriétés romaines. Mais le Seigneur était là. L’enfant, qui devait être mis pour la chute et le relèvement des choses et des personnes, venait précisément de naître.
Prenons courage selon Dieu, et ne jugeons pas selon la chair et le sang, mais à la lumière du Seigneur. Et je le répète encore, comme l’apôtre l’enseigne, il vaut mieux être jugé du Seigneur, que d’être condamné avec le monde. Le jugement a commencé par la maison de Dieu. Il abaisse les orgueilleux et Il élève les humbles. Les chandeliers sont visités dans la puissance aiguë et pénétrante de Celui dont « les yeux sont comme une flamme le feu » — et pour autant que nous les savons ici sur la terre, ils y sont laissés ; mais la place du jugement devient immédiatement la porte qui donne entrée dans la gloire (Apoc. 1-4).
Tout cela est bon et rempli de consolation pour la foi, quelque étrange que le trouvent les raisonnements et la religion du cœur naturel. L’Église ira immédiatement de ses ruines à la gloire — le monde passera du moment même de sa plus orgueilleuse grandeur au jugement qui lui est réservé. Dieu tire le misérable de dessus le fumier pour le faire asseoir avec les principaux.
Puissent les saints de Dieu se garder des projets et des espérances du monde. « Sortez du milieu d’elle, mon peuple ».
Le Seigneur maintiendra Ses principes, et établira Ses pensées à toujours, malgré la faiblesse de ceux qui leur rendent témoignage, et quoique leur voix soit bien près de se perdre dans le fracas de la joie du monde. Puisse le cœur du chrétien humble et brisé être consolé en Lui !