Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 30

De mipe
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… 1830
Mon cher Monsieur,

… Je vous remercie beaucoup de votre lettre, quoiqu’elle renferme de si tristes détails sur votre ville. Le soleil de justice y a resplendi sur moi d’une manière si éclatante, que je ne puis me la représenter que comme un gras pâturage. Le bien sortira pour l’Église de ce qui nous paraît fâcheux ; mais si nous l’aimons comme l’aime le Tout-sage et le Tout-puissant, nous n’aurons jamais d’inquiétude quand Il permet le mal. Qu’il est magnifique le mécanisme de la grâce ! Avec quel ensemble se meuvent toutes les choses qui doivent amener la plus glorieuse fin !

Tandis que l’homme emploie un grand nombre de moyens pour atteindre une seule fin, Dieu arrive à un grand nombre de fins par un seul moyen. La prière fait descendre les bénédictions du Seigneur, et quand Il bénit, Il bénit un grand nombre de personnes, Il fortifie leur foi, Il excite leur reconnaissance, et Il leur fait confesser hautement qu’Il est Celui qui écoute les prières et qui les exauce. J’apprendrai peut-être un jour que, si mon âme a été sauvée, c’est en réponse à quelque prière dont je n’ai jamais eu connaissance. On peut dire de l’abondance de la prière, aussi bien que de celle de l’aumône : « L’administration de cette oblation n’est pas seulement suffisante pour subvenir aux nécessités des saints, mais elle abonde aussi de telle sorte que plusieurs ont de quoi en rendre grâces à Dieu ». Adonnons-nous donc à la prière avec une pleine libéralité.

Combien nous serions heureux si nous pouvions voir toute chose à la lumière de Christ et en rapport avec Lui ! De même que Joseph et Benjamin étaient plus aimés de Jacob que tous ses autres enfants, parce qu’ils étaient enfants de Rachel ; de même l’Église devrait nous être plus chère que tout au monde, parce qu’elle est chère à Christ. Je pense que nous retirerions un grand avantage de l’étude de la prophétie, si nous savions y voir chaque chose en rapport avec Christ, au lieu d’y voir Christ en rapport avec nous-mêmes. S’il nous est utile de nous reposer sur un Sauveur crucifié, en ce que par là nous nous élevons du moi jusqu’à Lui, assurément il doit nous être plus avantageux encore de nous reposer sur un Sauveur glorifié, puisque nous en retirons une bien plus grande lumière. La vue de Jésus souffrant, quelque consolante qu’elle soit, quelque nécessaire qu’elle soit pour le salut de notre âme, nous reporte au temps où nous étions sous la malédiction et dans les douleurs d’une vie sans espérance et sans Dieu, tandis que la vue de Jésus glorifié nous pousse en avant jusqu’au temps où toutes nos peines auront fini pour jamais.

Ce qui m’étonne sans cesse, c’est que je suis de Dieu, tandis que la plupart de ceux qui m’entourent sont sous la puissance du méchant. Quelle grâce immense pour moi que de recevoir chaque matin ce message : « Tes péchés qui sont en grand nombre te sont remis » ; que d’avoir un instituteur si patient ; que de savoir que « mon Rédempteur est vivant, et qu’Il demeurera le dernier sur la terre, et que lorsqu’après ma peau ceci aura été rongé, je verrai Dieu de ma chair, je le verrai moi-même ». M. Howells avait pris ce texte dimanche dernier. Il faisait remarquer que lorsque les désirs des enfants de Dieu se portent sur des choses qui leur sont réellement avantageuses, ils peuvent être certains qu’ils seront exaucés. Job disait : « Plût à Dieu que mes discours fussent écrits, et qu’ils fussent gravés sur une pierre de roche ! » et il a reçu au-delà de tout ce qu’il avait demandé et pensé. Le Rocher des siècles est descendu, et Il a gravé dans Son sein les paroles de Son serviteur ; là rien ne pourra les effacer, et elles seront lues par tous durant toute la suite des siècles.

Jésus est le proche parent qui a vengé la mort de son frère sur ses meurtriers, en les poursuivant et en les subjuguant sur le mont Calvaire, et qui a suscité des enfants à son frère, en s’unissant à l’humanité. Une rose ne rend jamais un parfum plus doux que quand elle est froissée et pressée. Lorsque la rose de Saron fut froissée et foulée aux pieds, son odeur suave remplit toute l’étendue des cieux. — Christ en venant sur la terre nous a ouvert le sein de la divinité.

Dans le mariage le nom de l’épouse est anéanti ; le nom de l’Église ou de l’Épouse n’est pas effacé, mais il est anéanti, elle ne le connaît plus ; ainsi le croyant qui ne possède qu’un seul grain de la grâce, ne doit pas être appelé impie ; désormais son nom est : « L’Éternel notre justice ». La femme est revêtue du soleil, le croyant est revêtu de son Dieu pour jamais. L’Éternel se place comme un bouclier entre nous et chacun de nos ennemis. Qui est-ce qui peut pénétrer l’infini et l’éternité ? Bientôt nous verrons tous le mal dont nous avons été préservés. Que de fois nous avons été portés, sans nous en apercevoir, au-delà des douleurs, semblables à des enfants sur les yeux desquels on met la main, pendant qu’on leur fait passer la rivière, afin qu’ils ne voient pas le danger. Le pauvre est préservé des richesses, et le riche de la pauvreté…

Votre très affectionnée

T.A. Powerscourt