Traité:L’affranchissement
Romains 8, 1 à 11J.N. Darby
Le passage qui est en tête de cet article est au fond la réponse de l’apôtre à la question du chapitre précédent : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? ». — Cette question suppose un homme troublé par le triste esclavage du péché. Le désir de la sainteté une fois réveillé chez lui, il voit le péché à la lumière de la loi, mais, ne pouvant venir à bout de s’en débarrasser, il se rend compte, par une pénible expérience, non seulement de l’affreuse culpabilité du péché, mais du joug terrible que ce dernier fait peser sur lui. Son âme ainsi oppressée soupire ardemment après la délivrance.
Toutes les âmes n’en sont pas là. Il en est de très indifférentes au fait que le péché est attaché à elles et les sépare de Dieu. Elles sentent bien, peut-être, qu’il leur faut avoir à faire avec Lui — et c’est de fait le début de tout travail d’âme — elles ne nient pas qu’il y ait un compte à régler avec Dieu, mais elles renvoient ce règlement à plus tard : au jour du jugement. C’est à ce jour-là que, ne voulant pas avoir à faire actuellement avec le Juge, elles remettent la question de leur acceptation ou de leur rejet. Ces personnes peuvent être heureuses à la pensée que Dieu est bon, mais aussi longtemps que leur conscience n’est pas atteinte, c’est un pauvre bonheur, une joie qui passe comme la rosée du matin. Il faut un travail bien autrement profond pour jouir de l’affranchissement.
Lorsque l’Esprit de Dieu agit dans un homme, ce qu’il éprouve, c’est que Dieu prend connaissance de son état maintenant. Sa conscience est obligée d’acquiescer au jugement qu’Il porte, jugement invariable, en tout temps, à l’égard de quelque âme que ce soit. Il n’est pas question pour elle de renvoyer cette comparution à plus tard ; c’est comme si elle était déjà arrivée à ce jour solennel. Qu’est-ce, en effet, que ce jour, sinon la manifestation, devant le juste jugement de Dieu, de l’état de notre âme ? Or on le réalise déjà : les péchés commis se présentent à la mémoire, on se sent coupable, et l’on sait d’autre part que Dieu ne saurait tolérer le péché. On prend fait et cause pour Dieu contre soi-même. C’est Pierre disant à Jésus : « Retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur ! ». Les constatations se font de plus en plus affligeantes : alors qu’on désire être délivré du péché, on éprouve que ce dernier est une puissance agissante au-dedans de nous-mêmes. D’un côté Dieu qui ne veut pas le péché, de l’autre le péché attaché à mes membres ! On essaie de s’en débarrasser, d’arriver à un point tel qu’on puisse se présenter devant Dieu, et c’est là une lutte dans laquelle on succombe. Impossible de se décharger de ce péché détestable qui sépare de Dieu. On est mécontent de soi. Bien plus encore, on trouve ensuite qu’on est soi-même ce péché ; car vous êtes moralement ce que vous aimez et désirez : si vous aimez l’argent, vous êtes un avare ; le pouvoir, vous êtes un ambitieux. Le fruit est mauvais, parce que l’arbre est mauvais. Les luttes se multiplient en vue de se délivrer. Vains efforts ; on pratique ce qu’on hait, on trouve dans ses membres une loi qui nous rend captifs de la loi du péché. Le cœur soupire : Qui me délivrera ? On est sans force. Tout secours qu’on cherche auprès de Dieu ne change pas cette loi du péché et la mort en nous. On se trouve, de toutes manières, incapable de se tenir en Sa présence.
L’homme du chapitre 7 est enfin forcé de regarder à un autre que lui-même ; il dit : « Qui me délivrera ? ». Il a été amené à la découverte que tout ce qui tient à l’homme, au premier Adam, est entièrement perdu. Il faut un second Adam — Christ. Il a fait l’expérience humiliante de tout ce que nous sommes, il a compris que l’arbre est mauvais, que la pensée de l’homme est mal en tout temps, et qu’il n’y a qu’un remède : la mort totale de tout cela. Il prononce lui-même la sentence : il faut la mort, la fin judiciaire de la nature dans laquelle nous nous trouvons devant Dieu. C’est la sentence divine, la mort, salaire du péché… mais c’est aussi le triomphe de la grâce. Celle-ci rend le témoignage le plus frappant — et c’est ce que les anges désirent sonder à fond — qu’il faut la sentence de mort exécutée sur le péché, que Dieu ne le supporte pas, mais que c’est pour cela que Christ est mort.
Nous voici morts dans nos fautes et dans nos péchés ; la loi aggrave notre terrible position, car elle fait abonder l’offense qui entraîne la mort. Cette nature rebelle contre Dieu a manifesté jusqu’au bout son vrai caractère : plus Dieu s’est révélé, plus l’homme s’est dressé contre Lui ; sous la loi, il violait la loi ; Christ étant venu, il rejette Christ : « Voici l’héritier, tuons-le ». Alors le jugement final de Dieu est prononcé sur le premier Adam. Il n’y a plus rien à demander de l’homme naturel ; Dieu présente un autre homme. C’est là l’évangile. Loin d’abandonner l’homme à son triste sort, Dieu agit, travaille en bonté, et révèle Sa puissance à salut. C’est ce dont nous avions besoin : nous étions privés de toute force, et Dieu vient à nous en puissance. Pour nous secourir ? Non certes, mais pour nous délivrer ! Comment pourrait-on parler de secourir une nature qui n’est que péché, une nature rebelle à Dieu ? Aussi longtemps que l’homme nourrit la pensée de chercher en Dieu le secours pour se rendre juste, il n’a pas trouvé le vrai fondement et se trompe quant au moyen d’être délivré. Bien des âmes aimeraient avoir plus de force, plus d’énergie ; mais comment l’avoir ? Telle est la question. En nous il n’y en a pas, comment alors chercher à l’augmenter ? L’évangile, lui, est la puissance de Dieu à salut, parce que la justice de Dieu y est révélée sur le principe de la foi pour la foi (Rom. 1, 17). Remarquez aussi que c’est la justice de Dieu, qui y est révélée. La force le sera aussi, mais comme résultat de la révélation de Sa justice : c’est l’évangile qui est la puissance de Dieu à salut.
Nous y apprenons quel accueil Dieu fera au pécheur. Cet accueil sera, non selon ses mérites, mais selon les mérites de Christ. Christ Lui-même, venu dans ce monde, y a manifesté la grâce parfaite. Cette grâce a surabondé, mais envers qui ? Envers une pauvre femme adultère, envers un brigand cloué sur une croix, envers des pécheurs qui n’avaient aucun espoir quelconque de se délivrer. Christ était venu pour cela. Fatigue, contradiction, abandon, trahison, colère de Dieu, rien n’a pu arrêter le cours de l’amour divin, mobile de tout ce qu’Il faisait. L’amour au milieu du péché, tel est Jésus. — L’effet d’une telle révélation est d’abord de réveiller la conscience, puis de faire désirer la délivrance ; car, comment s’accommoder du péché quand on Le connaît, Lui ? La pensée s’arrête sur Lui, et quelle découverte ! C’est ce que l’apôtre exprime ici, quand il considère Christ : Il est venu « en ressemblance de chair de péché et pour le péché ». Quelle place pour le Fils même de Dieu ! Je vois ici ce qu’est le péché aux yeux de Dieu ! Christ vient avec une vie d’homme, dans laquelle Il peut prendre sur Lui non pas seulement nos péchés, mais le péché. Il est fait péché, Il est crucifié ; la question du péché se règle à notre sujet entre Dieu et Son Christ. Puis Il meurt, Il quitte la vie à laquelle le péché s’est attaché pour qu’Il le porte, Lui qui était sans péché. « En ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché », Il en a fini avec le péché à tout jamais.
C’est là que je vois Christ. La grâce L’a placé où le péché m’avait placé. Pour abolir le péché par le sacrifice de Lui-même, Il a quitté la vie à laquelle le péché se rattachait. C’est bien plus que si j’avais gardé la loi tout entière, car la loi de Dieu ne demandait pas que le Fils de Dieu donne Sa vie pour des pécheurs. Christ l’a fait, et c’est quelque chose d’entièrement étranger à la loi. Paul avait saisi cela, lui qui, irréprochable quant à la loi, ne voulait cependant pas de sa justice propre. La loi ne demandait pas l’obéissance jusqu’à la mort, elle voulait l’obéissance pour vivre. Christ a glorifié Dieu sur la terre en toutes choses, Il s’est soumis à tout, même à mourir. Aussi Dieu, en justice, L’a-t-il fait asseoir à Sa droite dans le ciel. C’est la justice de Dieu, la justice accomplie ; Christ, second Adam, est dans la gloire de Dieu. Je suis aussi certain que le second Adam est dans la gloire céleste que je suis sûr que le premier Adam a été chassé du paradis terrestre. Désormais je vois l’homme devant Dieu en vertu de cette œuvre accomplie pour le salut ; la justice de Dieu s’y révèle. Voudriez-vous tenter d’accomplir la justice de Dieu ? C’est chose impossible, mais la foi reconnaît que Christ l’a accomplie, et si pleinement qu’Il en a déjà reçu la récompense ; Étienne L’a vu ainsi. Avant que l’évangile soit annoncé, et pour qu’il le soit, la justice de Dieu est accomplie, et le Fils de l’homme prend place à la droite de Dieu.
Quand l’âme saisit cela, il n’y a plus de lutte. La justice de Dieu lui est révélée, comme une justice accomplie. Elle le croit et jouit de la paix faite par le sang de la croix de Christ. C’est le ministère de la justice, qui est aussi celui du Saint Esprit, car Christ, monté en haut, a envoyé le Saint Esprit ici-bas. Je reçois la vie, je reçois le Saint Esprit, j’ai la force, une force qui vient à la suite de la justice, et non pour l’atteindre. La vie chrétienne possède la puissance de la vie même de Dieu parce que la justice de Dieu lui appartient, et cette puissance se montre jusque dans notre résurrection (v. 11). L’Esprit habite dans le croyant ; Il est les arrhes de l’héritage ; mais, remarquons-le, il n’est jamais dit qu’Il soit les arrhes de l’amour de Dieu, car « l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ».
Je suis bien petit pour saisir la portée de ce que je dis là, mais j’en sais la vérité. Je suis dans l’infini ; je ne puis le mesurer, mais c’est parce que je ne puis le mesurer que je sais que j’y suis. Je suis fait justice de Dieu en Christ ; mon âme est parfaitement au large devant Dieu. Si je suis négligent, je faillirai, mais pourrai-je en accuser l’amour divin ? L’amour ne peut supporter le joug du péché, joug dont j’ai été délivré pour marcher selon l’Esprit. Il n’est pas dit : « pour marcher droitement », quoique, évidemment, cela soit vrai, mais : « pour marcher selon l’Esprit ». C’est la liberté. Ma nature nouvelle aime les choses que Dieu aime ; quant à mon corps mortel, « la vivification » l’attend. L’apôtre exprime ailleurs la conséquence pratique de cette certitude : Il ne désire pas être dépouillé, mais il désire que ce qui est mortel soit absorbé par la vie (2 Cor. 5, 4) ; il voit cette puissance de vie en Christ. Tel est l’heureux sentiment de cette vie, le croyant ne reconnaît comme vie que celle de l’Esprit. Le fondement sur lequel tout repose, c’est l’évangile. Il est la puissance de Dieu en salut à quiconque croit, parce que la justice de Dieu y est révélée.
Connaissez-vous tous, chers lecteurs, dans toute sa portée, une telle délivrance ? Je le répète, il vous faut commencer par connaître votre impuissance. Aussi longtemps que vous luttez et que vous cherchez de Dieu le secours, vous n’êtes pas arrivé à la découverte qu’il n’y a pas de bien en vous. Dieu ne peut secourir le mal. Il vous faut voir ce que vous êtes devant Lui, et que tout ce que vous êtes est jugé, condamné. L’homme a peine à convenir qu’il est totalement ruiné, sans force, impie ; que la mort et la condamnation sont désormais prononcées sur lui-même ; que Christ, ayant porté cette condamnation, en a éternellement fini avec le péché dont nous ne pouvions nous débarrasser. C’est le second Adam qui est ma part dans le ciel, comme le premier était ma ruine sur la terre. Vous ne vous connaissez pas, vous aimeriez être meilleur, plus content de vous-même ; mais il vous faut être définitivement mécontent de vous, pour faire place au bien qui vient de Dieu. Il s’agit, en effet, non de votre justice, mais de la justice de Dieu. Tant que vous ne l’aurez pas, vous ne serez pas délivré ; et où la trouver si ce n’est en Christ ? En Lui je trouve la vraie liberté spirituelle et sainte, devant Dieu et devant l’Ennemi.
Je désire que l’œuvre soit profonde en chacun de ceux qui me lisent. Ce n’est que dans la présence de Dieu qu’on peut juger le péché ; Dieu est lumière, et là seulement je vois ce que je ne puis discerner hors de cette présence. Lui-même peut accomplir cette œuvre réelle, pénétrante ; nous faire juger ce que nous sommes devant Lui, et ce qu’est le péché. Alors nous comprendrons l’amour qui a porté Jésus à être fait péché pour nous !