Livre:Messages aux sept églises/Chapitre 8
Dans l’exposé prophétique des sept églises, il est important de se souvenir que les trois premières sont représentatives de l’état de l’ensemble de la profession chrétienne à trois périodes successives de son histoire ; et l’état présenté par chacune a disparu en même temps que la période correspondante.
En contraste avec les trois premières églises, les quatre dernières présentent prophétiquement des états qui, bien que se succédant sur la scène, ne disparaissent pas, mais continuent jusqu’à la fin. Pour cette raison, les quatre dernières assemblées, pour autant qu’elles existent ensemble, ne représentent pas l’état de toute l’Église à un moment donné.
Si Thyatire représente l’état de la chrétienté durant le Moyen-Âge, de 500 à 1500 après Jésus Christ, alors qu’elle était dominée par le système papal, on ne peut guère faire autrement que conclure que Sardes représente l’état de l’église professante sous le protestantisme. Ici cependant, nous devons soigneusement distinguer entre le travail de l’Esprit de Dieu à la Réforme, et le travail de l’homme dont le résultat fut le protestantisme. Le message à Sardes ne présente pas la Réforme, mais plutôt l’état qui marqua ceux qui, sous l’impulsion de ce mouvement, formèrent un système ecclésiastique en opposition à Rome.
Au commencement de la Réforme, il y eut un puissant travail de l’Esprit de Dieu : les Écritures furent redécouvertes et mises à la portée de tous, et la justification par la foi prêchée. Un grand nombre de personnes qui reçurent des bénédictions spirituelles par ce mouvement, se séparèrent de la papauté. Un nombre encore plus grand, gémissant sous la tyrannie de Rome, s’unirent à ce mouvement pour des motifs politiques, et cela en dehors de tout travail de l’Esprit dans leur âme. Ainsi un mouvement qui avait été initialement, sous la direction de l’Esprit, un puissant témoignage à la vérité, finit par n’être guère plus qu’une protestation contre la tyrannie et les abominations de Rome.
Cette protestation souleva l’hostilité de Rome. À son tour, cette opposition conduisit les protestants à se ranger sous la protection du monde afin de trouver un appui contre Rome. Ainsi, en contraste avec le système romain qui cherchait à gouverner le monde, il s’éleva dans le protestantisme un système qui cherchait la protection du monde, se mettant ainsi sous son joug. L’état qui en résulta est présenté par Sardes.
Il est instructif de suivre les relations de l’église professante avec le monde, telles qu’elles évoluent dans les différents messages.
À Éphèse, l’Église était séparée du monde, ce qui faisait d’elle un témoin devant le monde, bien que la racine de tout déclin fût là.
À Smyrne, l’Église était persécutée par le monde et ainsi, pendant cette période, le déclin fut arrêté.
Dans la période de Pergame, les persécutions cessèrent. Immédiatement, l’église s’installa dans le monde, tandis que ce dernier revêtait la profession du christianisme. Ainsi s’est formée la chrétienté.
À Thyatire, l’église professante s’arroge le droit de dominer et de gouverner ce monde christianisé.
À Sardes, une partie de l’église professante se place sous la protection et l’autorité du monde.
Philadelphie présente un résidu séparé du monde religieux corrompu.
À Laodicée, la masse professante devient le monde, et est traitée comme le monde.
— Verset 1 : Si nous arrêtons nos pensées sur Sardes, nous voyons que le Seigneur se présente à cette église comme « celui qui a les sept Esprits de Dieu et les sept étoiles ». Si c’est là assurément un reproche pour l’église, c’est d’un autre côté un encouragement pour le résidu pieux qui s’y trouve.
Les sept Esprits de Dieu parlent de la plénitude de la puissance de l’Esprit dans la main du Seigneur. Quel reproche pour ceux qui se sont détournés afin de chercher la protection de la puissance du monde, mais quel encouragement pour le résidu pieux dans un jour de faiblesse spirituelle parmi le peuple de Dieu ! De plus, le Seigneur a les sept étoiles. Quand la masse professante se tourne vers le monde et cherche sa puissance et sa protection, il est consolant pour ceux qui sont responsables de représenter Christ dans l’assemblée et qui sont responsables vis-à-vis de Christ quant à l’état de l’assemblée, de se souvenir qu’ils appartiennent toujours à Christ ; ils sont ainsi encouragés à reconnaître Son autorité et à compter sur Sa direction pour être soutenus et dirigés.
Après la présentation de Christ à l’église, suit le jugement que le Seigneur porte sur l’état de Sardes : « Je connais tes œuvres — que tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Nous voyons ainsi à Sardes l’état d’une grande partie de l’église professante qui, ayant échappé aux abominations de Thyatire, tombe dans la torpeur spirituelle, satisfaite d’avoir une profession publique orthodoxe. La profession suffit pour se faire un nom devant les hommes qui regardent seulement ce qui est extérieur ; mais devant Christ qui lit dans les cœurs, il n’y a pas de vie. Le protestantisme a la réputation de maintenir les vérités vitales du christianisme, contrairement à la corruption de Rome, mais, dans l’estimation du Seigneur, il n’y a pas de lien vital avec Lui-même, dans la masse de ceux qui constituent cette profession. Il n’y a pas de puissance vitale dans le protestantisme comme tel. On a la vie en croyant en un Christ vivant, non en protestant contre le mal. En conséquence, tout mouvement dont l’existence dépend d’une protestation contre le mal, ne peut que tomber dans la torpeur et la mort spirituelles. La Réforme fut réellement une protestation contre les maux de la papauté, mais elle était beaucoup plus que cela. Elle était la puissante affirmation de vérités positives. En peu de temps cependant, des multitudes s’identifièrent avec ce mouvement, non parce qu’elles aimaient la vérité, mais parce qu’elles haïssaient Rome. La conséquence en a été que, devant les hommes, elles sont considérées comme fidèles quant à la doctrine, mais qu’elles sont sans vie devant Dieu.
— Verset 2 : Ayant porté ce jugement sur l’état de Sardes, le Seigneur lui adresse de solennels avertissements. Il dit d’abord : « Sois vigilant ». Cet appel à la vigilance laisse entendre qu’il y a eu manquement à cet égard. L’Église, alors qu’elle ambitionnait la puissance et la protection du monde, avait été si absorbée par les avantages présents qu’elle trouvait ici-bas, qu’elle avait cessé de veiller, face aux dangers imminents, et avait aussi cessé de se souvenir de la vérité qu’elle avait reçue. Paul, dans ses paroles d’adieu aux anciens d’Éphèse, lie « veiller » et « se souvenir » : après les avoir avertis des dangers qui les menaçaient, il ajoute : « C’est pourquoi veillez, vous souvenant que… » (Act. 20, 31). Ainsi aussi, le Seigneur invite l’église à Sardes d’abord à veiller, ensuite à se souvenir.
Puis, le Seigneur exhorte l’église à affermir « ce qui reste, qui s’en va mourir ». À Ses yeux, la masse était déjà morte, et les vérités retrouvées à la Réforme étaient sur le point d’être perdues.
De plus, le Seigneur reprend l’assemblée pour son manque de piété pratique. Il dit : « Je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu ». Dieu n’abaisse pas Ses exigences à cause du déclin spirituel de la masse professante. Les œuvres qu’Il demande sont toujours mesurées à l’aune de Sa perfection. L’amour n’était pas parfait à Éphèse ; les œuvres n’étaient pas parfaites à Sardes.
Combien solennel est l’état de la profession protestante telle qu’elle est présentée par l’assemblée à Sardes : la grande partie de la profession morte ; les vérités retrouvées au début en train de disparaître ; la piété pratique et la sainteté à leur plus bas degré. Hélas ! n’est-il pas connu que le système protestant est absolument sans force pour maintenir la vérité, pour s’occuper du mal ou refréner le désordre en son sein ? Ses œuvres ne sont pas parfaites devant Dieu.
Néanmoins, Christ se présente à cette église d’une manière qui montre clairement que toutes les ressources de puissance et de gouvernement sont parfaites dans Ses mains. Il y a donc à la disposition de l’Église une puissance pour produire des œuvres parfaites en un jour de ruine. Hélas ! Sardes, s’étant tournée vers le monde pour y rechercher la force, ne peut pas profiter des ressources découlant de la Tête de l’Église.
— Verset 3 : Se souvenir « comment » ils avaient reçu et entendu, leur rappellerait la ferveur de cœur avec laquelle ils avaient reçu la vérité, et ouvrirait leurs yeux quant à l’état présent de mort où ils étaient tombés. Il leur manquait la puissance des sept Esprits de Dieu pour maintenir le bien, et la force de serviteurs puisant en Christ lumière et vérité pour s’opposer au mal. L’exhortation à « garder » les encourageait à s’attacher aux grandes vérités qu’insensiblement ils laissaient échapper. « Se repentir » impliquait le jugement d’eux-mêmes en raison de leur bas état spirituel et de leur marche défectueuse.
Suit l’avertissement du Seigneur : « Si donc tu ne veilles pas, je viendrai sur toi comme un voleur, et tu ne sauras point à quelle heure je viendrai sur toi ». Ainsi le Seigneur blâme le bas état de ceux qui professent Lui appartenir. D’abord Il les invite à se souvenir du passé : se sont-ils écartés dans leur conduite de ces jours d’autrefois où ils avaient reçu la vérité ? Ensuite, Il leur rappelle qu’ils ont à veiller. Qu’ils ne regardent pas seulement en arrière, mais en avant, car Il vient. Sont-ils dans un état qui convient à Sa venue ? Si tel n’était pas le cas, Sa venue signifierait jugement plutôt que bénédiction. Ainsi, le Seigneur présente Sa venue sous l’aspect qu’elle aura pour le monde, « comme un voleur ». L’apôtre Paul pouvait écrire aux Thessaloniciens : « Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, en sorte que le jour vous surprenne comme un voleur » (1 Thess. 5, 4). Néanmoins, il ajoute : « Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres » (1 Thess. 5, 6). Hélas ! aux jours de Sardes, l’église professante avait cessé de veiller et était en train de tomber rapidement dans les ténèbres et la mort. Ayant fait appel au monde pour trouver protection et pouvoir, l’église professante était devenue semblable au monde et était en danger de partager son jugement. La venue du Seigneur, au lieu de les introduire dans la bénédiction comme ce sera le cas pour ceux qui ont la vie par la foi, associera dans le même jugement et cette église sans vie et le monde mort.
— Verset 4 : Cependant, au sein de cet état de mort, le Seigneur voit et se plaît à reconnaître ceux qui Lui sont fidèles. À Thyatire, il y a ceux que le Seigneur distingue de la masse corrompue, et dont Il parle comme étant « les autres ». Ici, ils sont à peine une poignée, seulement « quelques noms » qu’Il peut reconnaître. On comprend par là qu’il n’y a que quelques âmes isolées au milieu de la masse qui a sombré dans la torpeur spirituelle.
Le Seigneur leur décerne un triple éloge. D’abord, ils n’ont pas souillé leurs vêtements. Sous leur apparence extérieure irréprochable, les professants avaient souillé leurs vêtements. Leur marche et leur conduite pratiques étaient affectées et souillées par leur association avec le monde, par la recherche de son pouvoir, leur adaptation à ses goûts, leur adoption de ses méthodes. Il y a cependant des fidèles — quelques noms — qui se gardent purs du monde. Le Seigneur connaît leurs noms et dit qu’ils n’ont pas souillé leurs vêtements.
Ensuite, le Seigneur dit de ceux-ci : « Ils marcheront avec moi en vêtements blancs ». Telle sera la précieuse récompense de cette séparation du monde : ils marcheront avec Christ. Néanmoins, cette marche a un caractère individuel. Le Seigneur ne dit pas qu’ils connaîtront le bonheur exprimé dans cette promesse : « là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matt. 18, 20), mais « Ils marcheront avec moi ». Quelles que soient leurs associations ecclésiastiques, leur marche pratique plaît au Seigneur ; aussi ils marcherons avec Lui « en vêtements blancs ». Enfin, le Seigneur dit de ces fidèles : « Ils en sont dignes ». Ceux qui constituent la masse prétendument juste sont morts, ils abandonnent les vérités dont ils font profession ; leurs œuvres ne sont pas parfaites ; leurs vêtements sont souillés par le monde ; ils sont absolument indignes de Christ et vont au-devant du jugement qui va fondre sur le monde. En contraste avec l’état de la masse, le Seigneur trouve dans ces « quelques noms » ceux qui sont dignes d’être dans Sa compagnie maintenant et de partager Sa gloire dans un jour à venir.
— Verset 5 : La première promesse au vainqueur est qu’il « sera vêtu de vêtements blancs ». À Sardes, il y avait les quelques noms de ceux qui n’avaient pas souillé leurs vêtements ; ils avaient marché dans la séparation pratique du mal dont ils étaient environnés, et le Seigneur les encourage par la promesse que leur marche recevra sa récompense dans un jour à venir. Ils seront vêtus de vêtements blancs au jour de la gloire. Les robes qu’ils porteront dans la gloire sont tissées le long du chemin qui y mène. Ceux qui n’ont pas souillé leurs vêtements ne sont qu’une poignée de noms obscurs au milieu d’une vaste profession sans vie ; mais ils ont eu l’approbation du Seigneur lorsqu’ils étaient méprisés par le monde, et leur fidélité sera reconnue dans la présence du Seigneur au jour de Sa gloire.
Ensuite, le Seigneur dit au vainqueur : « Je n’effacerai point son nom du livre de vie ». Que de noms tenus en grand honneur à Sardes et inscrits dans ses registres se révèleront n’être que des professants sans vie, tandis que les quelques noms de ceux qui n’avaient pas souillé leurs vêtements étaient tenus en petit estime par Sardes et même rayés de ses registres. Mais cependant, quoique les hommes puissent faire, le Seigneur dit : « Je n’effacerai point son nom du livre de vie ».
Enfin, le Seigneur dit au vainqueur : « Je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges ». Cet honneur particulier ne laisse-t-il pas entendre que, devant les hommes, le nom du vainqueur n’avait guère eu d’éclat, si même il n’avait pas été ridiculisé ; cela ne montre-t-il pas dans quelle estime le Seigneur tient celui qui, au milieu d’une profession sans vie, confesse courageusement Son nom ?
— Verset 6 : L’épître se termine par cet appel : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ». C’est le désir du Seigneur que nous écoutions l’Esprit qui, à travers tous les âges, prend les choses de Christ et nous les annonce, et que nous fassions notre profit des paroles que le Seigneur adresse à chaque assemblée.
Un piège toujours actuel auquel les croyants sont exposés est l’effort fait pour maintenir une réputation religieuse — « le nom de vivre » — devant les autres, devant nos compagnons chrétiens et devant le monde, tout en négligeant de cultiver les fruits qui sont le résultat et la preuve de la vie. Au milieu d’une vaste profession, nous devons être vigilants, affermir ce qui reste, nous souvenir comment nous avons reçu et entendu, garder et nous repentir de tout abandon.