Traité:Essai sur l’oraison dominicale

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C.F. RecordonVevey  — 14 mars 1860

Qu’est-ce donc ? Je prierai avec l’Esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence.

Il importe, sans doute, fort peu à mes lecteurs de savoir que la préparation de ce petit volume m’a pris un temps considérable. La preuve en est que, dans une première rédaction, le second alinéa de la page 1 commençait ainsi : « Dès lors plus de huit ans » etc., et qu’aujourd’hui je devrais dire : « Dès lors plus de dix ans ». Ce travail a été parfois interrompu pendant des mois, soit à cause de difficultés dont j’avais à chercher la solution, soit à cause d’autres occupations plus urgentes. Quand je pouvais m’y remettre, il devenait une sorte d’improvisation la plume à la main, chacune de mes feuilles manuscrites passant immédiatement entre les mains du compositeur typographique. De là résultent, je le sais, des imperfections nombreuses et, entre autres, beaucoup de répétitions que j’aurais dû éviter. Je m’en console parce que je suis convaincu que je n’aurais pu faire cet ouvrage autrement et que, malgré tous ses défauts, il peut être utile à plusieurs. Je le quitte à regret comme un compagnon qui n’a pas été sans profit pour mon âme. Je ne connais point d’occupation plus douce et plus bienfaisante que de sonder la Parole de Dieu pour en faire une étude consciencieuse.

Pendant le cours de cette impression, j’ai reçu de Guernesey une brochure anglaise sur le même sujet, considéré sous un point de vue assez différent. J’y ai puisé quelques idées et çà et là quelques pages ; je dois aussi quelques bonnes pensées à un article du recueil anglais : [http ://bibletruthpublishers.com/notes-on-the-prayers-in-pauls-epistles/present-testimony-volume-6-1854/la85424 « Present Testimony », Tome 6, p. 307].

Si ce petit ouvrage est favorablement accueilli, il formera, Dieu voulant, la première livraison d’un volume intitulé : « Essais, Études et Méditations sur quelques portions des Écritures ».

Que le Seigneur veuille accompagner la lecture de ces pages de Sa bénédiction qui seule enrichit. Si quelqu’un de mes lecteurs en recevait du bien et de l’édification, je lui demande, en retour, de se souvenir de l’auteur et de sa famille devant le trône de la grâce.

À Dieu soit gloire par Jésus Christ. Amen !

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Dans une « Étude Scripturaire », intitulée: « L’Église et les anges », que j’ai fait paraître en 1850, je disais dans une note de la page 8 : « Nous espérons, si le Seigneur le veut, publier plus tard une explication de l’oraison dominicale, qui nous paraît généralement mal comprise ».

Dès lors plus de neuf ans se sont écoulés, et maintes fois divers frères m’ont rappelé cette promesse en me demandant de la remplir. J’ai toujours hésité et renvoyé, parce que, plus j’y réfléchissais (et je puis dire que j’y ai beaucoup pensé), plus ce sujet me paraissait difficile et délicat. Je sentais vivement qu’il était impossible de le traiter — conformément aux lumières que l’étude des seules Écritures fournit, et par conséquent en faisant table rase de toute tradition sur ce point — sans heurter bien des préjugés, sans froisser bien des scrupules, sans risquer de blesser et d’affliger beaucoup d’âmes simples, pieuses, mais en même temps peu instruites ou mal enseignées. Je sentais aussi qu’il pouvait sembler fort présomptueux et téméraire de présenter, sur la prière du Seigneur, une explication qui contredit et renverse, à beaucoup d’égards, tout ce qui, à ma connaissance du moins, a été imprimé là-dessus depuis la Réformation à nos jours : catéchismes, livres symboliques, sermons, cours de religion, etc. Il faut avouer qu’un plus hardi que moi aurait pu reculer devant une pareille tâche. Or, qui suis-je, moi, pour oser l’entreprendre ? Cher lecteur, soyez convaincu que je sens, plus que vous ne pouvez le penser, toute ma faiblesse, mon incapacité, mon indignité ; soyez convaincu qu’il n’a rien fallu de moins qu’un nouvel appel pressant, qui m’a semblé venir d’en haut par le moyen d’un respectable frère, pour mettre un terme à mes hésitations et me faire prendre enfin la plume. Et puis la vérité a ses droits. Si c’est la vérité qui va vous être présentée, comment pourrais-je me justifier devant Celui auquel j’ai à rendre compte, de la garder par devers moi ?

Ah ! si même un auteur païen disait : « J’aime Aristote, j’aime Platon ; mais j’aime encore plus la vérité » ; nous, disciples et serviteurs de Jésus, qui est la vérité, ne pouvons-nous pas dire, à bien plus forte raison : « Je respecte toutes les convictions sincères ; je vénère, sous bien des rapports, les scrupules consciencieux, fondés sur la Parole de Dieu, même imparfaitement comprise ; j’aime les âmes pieuses et dévouées, quoique ignorantes et mal affermies sur beaucoup de points ; mais il est une chose que je respecte, que je vénère et que j’aime infiniment plus : c’est la vérité, parce que la vérité est à Dieu, parce que Dieu est la vérité » (Deut. 32, 4 ; Jean 14, 6 ; 1 Jean 5, 6).

Au reste, que l’on ne conclue pas de ce préambule, que j’entreprends ce travail dans un but de controverse ou de dispute, dans un esprit d’agression contre les idées, ou les écrits de chrétiens quelconques. Dieu m’est témoin que ce n’est nullement dans un tel esprit que j’écris maintenant : je ne ferai aucune espèce d’allusion à aucun frère et à aucun livre ; je n’ai dans le cœur ni velléité de débat, ni pensée de contention. Je n’ai pas la moindre intention de heurter ou de blesser qui que ce soit, mais uniquement celle d’établir ce que je crois la vérité, sur un sujet important. Sans doute, et je ne me fais pas illusion à cet égard, il est bien difficile sinon impossible, d’établir ou de rétablir la vérité sur un point, sans avoir tout au moins l’apparence de condamner ou de combattre ceux qui, sur ce point, pensent différemment[1]. Tout ce que je demande, c’est d’être jugé non selon l’apparence, mais d’un jugement juste ; qu’on veuille bien me tenir compte de la difficulté que je viens de signaler, en considérant que je peux m’élever contre des erreurs, sans attaquer les errants. Puis il est un principe général, qu’il est souvent à propos de rappeler, et surtout dans les discussions de doctrines : c’est qu’il ne faut imputer à un écrivain que ce qu’il a dit, et non les conséquences que l’on en peut tirer. Enfin, et ce que je demande avant tout et après tout à mes chers lecteurs chrétiens, c’est qu’ils m’écoutent ou me lisent avec la noblesse de sentiments qui, au témoignage du Saint Esprit, distinguait les disciples de Bérée, écoutant l’apôtre des Gentils : « qu’ils examinent soigneusement les Écritures, pour s’assurer s’il en est ainsi ». S’ils le font avec prières, je puis d’avance bénir Dieu du résultat de leur lecture, et me réjouir dans la conviction que je n’aurai pas écrit en vain ; puisque, quoi qu’il en soit, la Parole aura été sondée et qu’elle ne retourne point à Dieu sans effet.


Les paroles que, dans la chrétienté, l’on est convenu d’appeler l’oraison dominicale, ou la prière du Seigneur, se rencontrent dans deux endroits du Nouveau Testament : dans l’évangile selon Matthieu, chapitre 6, versets 9 à 13 ; et dans l’évangile selon Luc, chapitre 11, versets 2 à 4. En Matthieu, elles font partie de ce que l’on nomme le sermon sur la montagne. Après divers encouragements, enseignements et préceptes, donnés par le Seigneur à Ses disciples, Il en vient à la prière. Jésus les met en garde contre l’ostentation, avec laquelle prient les hypocrites ; Il leur recommande d’éviter les vaines redites et la multitude des paroles, par lesquelles les païens pensent être exaucés, mais qui ne conviennent pas à ceux dont le Père sait de quoi ils ont besoin. Puis Il ajoute : Vous donc, priez ainsi : « Notre Père etc. ».

En Luc, c’est dans de tout autres circonstances que cette prière est introduite. Voici le récit de cet évangéliste : « Et comme [Jésus] était en prière en un certain lieu, il arriva, après qu’il eut cessé, que quelqu’un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier, comme aussi Jean l’a enseigné à ses disciples. Et il leur dit : Quand vous prierez, dites : Père, etc. ».

Il peut être bon et instructif de donner maintenant la teneur même de l’oraison dominicale dans Matthieu et dans Luc, afin que le lecteur puisse, d’un coup d’œil, apprécier les rapports et les différences de ces deux textes. Les voici donc littéralement traduits :

Matthieu 6, 9-13 Luc 11, 2-4
Notre Père qui es aux cieux ! Notre Père qui es aux cieux !
Ton nom soit sanctifié ; Ton nom soit sanctifié ;
Ton règne[2] vienne ; Ton règne[2] vienne ;
Ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre. Ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre.
Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous faut[3] ; Donne-nous chaque jour le pain qu’il nous faut[3] ;
Et nous remets nos dettes, comme nous aussi nous les remettons à nos débiteurs ; Et nous remets nos péchés, car nous-mêmes aussi, nous remettons à tous ceux qui nous doivent ;
Et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal[4]. Et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal[4].

On voit qu’il n’y a de différences, entre les deux évangélistes, que dans la quatrième et la cinquième demandes[5] ; mais ces différences, et surtout celles que nous signalons dans la note ci-dessous, sont assez importantes pour donner déjà lieu de penser qu’elles n’existeraient pas, si réellement le Seigneur avait eu l’intention de prescrire à ses disciples, dans tous les temps, cette prière comme une formule qu’ils dussent nécessairement répéter.

Je ne saurais aller plus loin sans déclarer bien positivement que je regarde cette prière comme parfaite, puisqu’elle sortait de la bouche de Jésus, du Saint et du Juste, du Fils unique de Dieu, de Celui qui parlait comme jamais homme ne parla. Je serais, à bon droit, affligé, si quelqu’un osait ou pouvait conclure de cette étude, que j’ai voulu amoindrir ou déprécier, en un degré quelconque, la sagesse et la perfection de ces paroles du Seigneur. Dieu sait qu’une telle pensée est non seulement entièrement étrangère à mon esprit, mais encore qu’elle me ferait horreur. Cependant, étudier les paroles de Jésus, chercher à déterminer, par le moyen des Écritures divinement inspirées, à qui elles s’adressent directement, qui elles concernent spécialement, ce n’est certes pas, à notre avis, rabaisser ni mépriser ces paroles ; c’est, au contraire, les traiter avec l’attention et le respect qu’elles méritent ; car elles nous sont évidemment données pour être l’objet de nos recherches, de nos méditations, de nos études ; pour que nous les sondions avec soin afin de découvrir quelles sont les pensées du Saint Esprit. Or, pour les étudier ainsi, « nous avons la pensée[6] de Christ ». Eh bien ! notre intention est de faire, de la prière du Seigneur, une étude sérieuse, respectueuse, approfondie, uniquement basée sur les enseignements que l’Écriture nous fournira, et propre à nous en présenter le vrai sens selon Dieu, celui qui seul peut nous être en bénédiction. Je demande pour cela, de tout mon cœur et au nom de Jésus, le secours de mon Père céleste et les lumières de Son Esprit, qui nous a été donné pour nous conduire dans toute la vérité.

Après y avoir longtemps réfléchi, il me semble que le moyen le plus simple et le plus convenable de traiter mon sujet dans son ensemble, c’est de considérer quelles étaient ou quelles sont la portée et la signification de l’oraison dominicale : 1° pour les disciples auxquels Jésus parlait, en disant : « Vous donc, priez ainsi » ; 2° pour les croyants actuels, membres de l’Église, corps de Christ ; 3° pour les incrédules et inconvertis soi-disant chrétiens, auxquels on recommande ou impose ce formulaire de prière.


Chapitre 1

Il importe, avant tout, pour comprendre la prière du Seigneur, de se faire une juste idée de l’état moral et du degré d’intelligence spirituelle des disciples auxquels Jésus s’adressait, en disant : « Quand vous priez, dites ». En effet, cette prière devait avoir pour eux une portée et un sens tout particuliers : elle était parfaitement adaptée à la position et à la mesure de développement de ceux à qui elle était donnée. Or, qu’étaient les disciples auxquels Jésus parle dans le sermon sur la montagne, car c’était bien aux disciples qu’Il s’adressait, quoiqu’il y eût là des foules qui L’entendaient ? « Voyant les foules, il monta sur la montagne ; et lorsqu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui ; et ayant ouvert la bouche, il les enseignait, disant : Bienheureux les pauvres en esprit » etc. Les disciples formaient une classe d’individus, qui (à l’exception de Judas ou de tel autre cas analogue, s’il y en avait), avaient réellement, et par l’efficace de l’Esprit de Dieu, reçu Jésus comme le Messie. Ce n’est pas eux qui L’avaient choisi, mais c’est Lui qui les avait choisis, afin qu’ils allassent et qu’ils portassent du fruit, et que leur fruit demeurât. Ils étaient maintenant groupés autour de Lui comme Ses témoins ; déjà, en quelque mesure du moins, savoir par leur foi en Lui et par leur affection pour Sa personne, ils étaient séparés du reste de la nation, et devaient l’être bientôt d’une manière beaucoup plus complète par Sa mort et Sa résurrection, et dans la puissance du Saint Esprit envoyé du ciel. Telles étaient les personnes auxquelles le Seigneur s’adressait dans Son discours, et auxquelles Il pensait dans Sa prière.

Aussi, tout en présentant, dans ce discours, une admirable exposition des principes du royaume, et en annonçant de grandes et précieuses vérités qui sont de tous les temps, le Maître plein de miséricorde ne perd point de vue les circonstances particulières des disciples auxquels Il parle. Bien loin de là, il est plusieurs parties de ce discours, dont on ne peut saisir la vraie application et toute la portée qu’en tenant compte des besoins moraux des disciples, à l’état desquels elles étaient parfaitement adaptées. Oui, Jésus avait à cœur leur condition et leurs besoins ; Il s’adresse à eux comme à des Juifs fidèles, mais encore sous la loi, auxquels le royaume des cieux avait été annoncé comme étant proche et qui, par conséquent, en attendaient la manifestation sur la terre. En un mot, ces disciples étaient des Juifs, attachés à Jésus comme au Messie et, partant, sauvés, mais qui n’avaient point entendu parler de l’Église, laquelle n’existait point encore, sinon dans les conseils de Dieu ; c’était un résidu juif fidèle, semblable à celui qui apparaîtra en Judée aux derniers temps ; aussi est-il souvent assimilé à ce dernier et identifié avec lui (voir, par exemple, Matt. 10, 23). Remarquons enfin qu’ils n’avaient point encore reçu le Saint Esprit et que, la mort et la résurrection de Jésus Christ n’ayant point encore eu lieu et n’étant d’ailleurs, même plus tard, pas comprises par eux, ils n’avaient pas l’assurance et la pleine jouissance d’un salut entièrement accompli.

Voilà, en résumé, ce qu’étaient ceux auxquels Jésus disait : « Vous donc, priez ainsi ». Examinons maintenant les diverses parties de cette prière ; s’il nous est donné de les comprendre, nous les trouverons en parfaite harmonie avec les vrais besoins de ceux auxquels elle était destinée.

Les premiers mots, exprimant le titre de Celui à qui la prière est adressée, seront donc aussi entièrement d’accord avec la position dans laquelle les disciples étaient alors. « Notre Père qui es aux cieux ». Ce titre, donné à Dieu, est particulier à l’évangile selon Matthieu ; il ne se rencontre jamais ailleurs, excepté une fois en Marc[7]. Or si nous nous rappelons que les disciples étaient juifs et uniquement juifs ; puis, si nous tenons compte, d’un côté, du caractère essentiellement juif du premier des évangiles, et, de l’autre, de l’absence totale de ces expressions (à une seule exception près) dans tout le reste du Nouveau Testament, n’en résultera-t-il pas pour nous la conviction, que ces mots : « notre Père qui es aux cieux », doivent avoir une portée toute spéciale et adaptée à l’état moral de Juifs pieux plutôt qu’à celui de chrétiens éclairés et établis dans la grâce ? Il est clair que cette remarque s’applique aux cinq mots dans leur ensemble, et non pas seulement aux deux premiers : « Notre Père », titre que nous avons l’heureux privilège de donner à notre Dieu. — Arrêtons-nous, d’abord, à ces deux mots, et voyons jusqu’à quel point ils pouvaient se trouver dans la bouche d’un Juif priant Dieu.

Rappelons ici qu’il y a une grande importance dans les noms divers sous lesquels Dieu se manifeste, dans les différentes économies, à ceux avec lesquels Il veut bien se mettre en relation. Je citerai deux passages à l’appui de cette assertion : « Dieu parla encore à Moïse, et lui dit : Je suis l’Éternel (Jéhovah). Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu tout-puissant ; mais je n’ai point été connu d’eux par mon nom d’Éternel » (Ex. 6, 2, 3) ; ces paroles confirment ce que Dieu avait déjà dit au même Moïse, du milieu du buisson ardent : « Tu diras ainsi aux enfants d’Israël : Jéhovah, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’a envoyé vers vous ; c’est ici mon nom éternellement, et c’est ici le mémorial que vous aurez de moi dans tous les âges » (Ex. 3, 15).

Abram étant parvenu à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, l’Éternel lui était apparu, en effet, et lui avait dit : « Je suis le Dieu tout-puissant (El-Shaddaï) ; marche devant ma face, et sois intègre » (Gen. 17, 1). C’était là le nom que Dieu avait pris dans Ses rapports de bienveillance et de grâce avec le père des croyants ; puis lorsque, selon la promesse divine, les descendants d’Abraham sont devenus un peuple, que Dieu allait retirer de l’Égypte, racheter à main forte de la servitude et de l’oppression, pour le placer ensuite sous la loi du Sinaï, Il juge convenable de se révéler à eux sous un autre nom, exprimant mieux, sans doute, les relations dans lesquelles Il va entrer avec eux. Ce nom est celui de Jéhovah, que nos versions françaises ont généralement rendu par : « l’Éternel » et qui, dans le Nouveau Testament, est toujours traduit par le mot ϰύριος, qui veut dire Seigneur.

Puis Jésus, le Fils unique, est venu ici-bas, et nous a fait connaître Dieu sous un nom et un caractère beaucoup plus doux, plus attrayant, plus émouvant pour nous que ceux de Tout-puissant et de Jéhovah ; nom et caractère bien en rapport avec la grâce et la vérité qui sont venues par Jésus Christ. « Personne ne vit jamais Dieu ; le Fils unique, qui est au sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jean 1, 18). Jésus nous a révélé le Père. C’est ce qui était si clairement annoncé d’avance dans ces paroles du Psaume 22, 22, que l’Esprit prophétique met dans la bouche du Christ : « J’annoncerai ton nom à mes frères ».

C’est ce que le Sauveur fait dès le commencement de Son ministère. Il s’identifie par Son baptême avec le résidu juif fidèle, et dans le premier discours qu’Il adresse à Ses disciples, faisant partie de ce résidu, Il leur parle de Dieu sous ce nouveau titre, si plein de grâce à l’oreille et au cœur des pauvres enfants d’Adam : « Votre Père qui est aux cieux ».

Il est vrai que le nom de Père, appliqué à Dieu, relativement à Israël, n’était pas entièrement étranger à l’Ancien Testament. Nous l’y trouvons quelquefois, ainsi que l’expression corrélative : « fils ou enfants », appliquée aux Israélites de la part de Dieu. Ces passages peu nombreux peuvent se répartir en deux classes. Dans les uns Dieu est appelé Père, comme ayant créé, formé, acquis, en le rachetant de l’Égypte, Son peuple d’Israël. Les autres sont prophétiques et montrent le résidu juif des derniers temps, ayant aussi appris de son Messie, à donner à son Dieu ce nom, de la même manière et dans le même sens que Jésus l’avait révélé au résidu juif de Son temps.

Voici ceux de ces passages que nous envisageons comme appartenant à la première classe. Le premier fait partie du cantique de Moïse, Deutéronome 32, 6 : « Est-ce ainsi que tu récompenses l’Éternel, peuple fou, et qui n’est pas sage ? N’est-il pas ton père qui t’a acquis ? Il t’a fait et t’a façonné » (cf. pour le sens Ex. 15, 16 et Ps. 100, 3).

Puis nous avons, pour le nom de fils, Exode 4, 22, où l’Éternel dit à Moïse : « Tu diras donc à Pharaon : Ainsi a dit l’Éternel : Israël est mon fils, mon premier-né » (cf. Deut. 14, 1).

Osée 11, 1 : « Quand Israël était jeune enfant, je l’ai aimé, et j’ai appelé mon fils hors d’Égypte ». Mais Matthieu 2, 15 nous montre qu’Israël, s’étant, par ses péchés, rendu indigne de ce titre, il ne s’applique plus qu’à Jésus[8].

Nous citerons encore deux versets de Malachie, quoiqu’ils participent du caractère prophétique : chapitre 2, 10 : « N’avons-nous pas tous un même Père ? Un seul Dieu ne nous a-t-il pas créés ? » et chapitre 1, 6 : « Le fils honore le père… ; si donc je suis Père, où est l’honneur qui m’appartient ?… a dit l’Éternel des armées ».

Nous indiquerons maintenant les beaux passages de la parole prophétique, dans lesquels le résidu de la fin appelle Dieu son Père ou reçoit de Dieu le nom de fils ou d’enfant. Prenons d’abord Ésaïe 64, 8, qui se rapproche, quant au sens, de nos citations de la première classe : « Mais maintenant, ô Éternel ! tu es notre Père ; nous sommes l’argile, et tu es celui qui nous as formés, et nous sommes tous l’ouvrage de ta main ».

Ésaïe 63, 16 : Certes tu es notre Père, encore qu’Abraham ne nous reconnût point, et qu’Israël ne nous avouât point ; Éternel, c’est toi qui es notre Père, et ton nom est : Notre Rédempteur de tout temps.

Dans le psaume 89, qui traite des saintetés assurées à David, c’est le vrai David lui-même, ou le vrai Bien-aimé, dont l’Éternel dit, verset 26 : « Il m’invoquera, disant : Tu es mon Père, mon Dieu, le rocher de mon salut ».

Mais c’est dans Jérémie 3 que nous trouvons les déclarations les plus concluantes sur notre sujet. Dieu adresse de poignants reproches à Son peuple sur ses souillures et ses iniquités ; et Il le conjure de retourner à Lui : « Ne crieras-tu point désormais vers moi : Mon Père, tu es le conducteur de ma jeunesse ». Israël a été revêche, l’Éternel l’a renvoyé comme une femme adultère, et lui a donné les lettres de divorce. Malgré cela, Juda, sa sœur, a été infidèle, et elle aussi s’est prostituée. Le prophète reçoit l’ordre de crier à Israël de retourner à l’Éternel, qui est miséricordieux ; puis viennent de magnifiques promesses pour le peuple de Dieu, promesses dont l’accomplissement est évidemment réservé aux derniers temps ; versets 17-19 : « En ce temps-là, on appellera Jérusalem le trône de l’Éternel ; et toutes les nations s’assembleront vers elle au nom de l’Éternel, à Jérusalem, et elles ne marcheront plus après la dureté de leur cœur mauvais. En ce jour-là, la maison de Juda marchera avec la maison d’Israël, et ils viendront ensemble du pays d’aquilon au pays que j’ai donné en héritage à vos pères. Car j’ai dit : Comment te mettrai-je entre mes fils, et te donnerai-je la terre désirable ?… Et j’ai dit : Tu me crieras : Mon Père ; et tu ne te détourneras point de moi ».

Enfin, nous avons l’admirable chapitre 31 du même prophète, relatif au retour des Israélites dans leur terre et aux bénédictions de tout genre dont Jéhovah les y comblera : nous lisons, entre autres aux versets 8 et 9 : « Voici, je vais les faire venir du pays d’aquilon, et je les rassemblerai du fond de la terre… ; une grande assemblée retournera ici. Ils y seront allés en pleurant ; mais je les ferai retourner avec des supplications, et je les conduirai aux torrents d’eaux, et par un droit chemin, dans lequel ils ne broncheront point ; car j’ai été pour père à Israël, et Éphraïm est mon premier-né » (cf. v. 20).

Nous le voyons donc, le résidu d’Israël peut, à bon droit, appeler Dieu : « Notre Père », depuis que son Messie et son Roi le lui a fait connaître comme tel. Un jour, bientôt peut-être, arrivera, à la joie de ce résidu, le temps où cette parole de Jéhovah sera une réalité : « Tu me crieras : Mon Père ! ».

L’expression : « Notre Père » est accompagnée de ces mots : « qui es aux cieux », sur lesquels nous dirons seulement qu’ils sont tout à fait en harmonie avec le langage de l’Ancien Testament : « Certes, notre Dieu est aux cieux ». — « Celui qui habite dans les cieux ». — « Dieu n’habite-t-il pas au plus haut des cieux ? » (Ps. 115, 3 ; 2, 4 ; 123, 1 ; Job 22, 12) etc. Voilà des locutions assez fréquentes dans cette première partie des Écritures. Nous avons déjà dit dans une note, que cette qualification de « Notre Père » ne se trouve que dans l’évangile selon Matthieu, ou que, du moins, depuis Marc 11, 25, on ne la rencontre plus dans le reste du Nouveau Testament. Qu’en conclurons-nous ? Non pas, certes, que cette qualification soit inexacte ; mais que, peut-être — puisque jamais les apôtres ne l’emploient ni dans leurs prières ni dans leurs lettres — elle était devenue moins appropriée aux nouvelles relations dans lesquelles les frères saints, participants de la vocation céleste, étaient placés vis-à-vis de Dieu par leur union avec Christ. Au reste, nous reviendrons là-dessus dans notre seconde partie.

Nous avons à considérer maintenant la prière proprement dite, ou à examiner successivement les diverses demandes dont elle est composée, en recherchant la signification que chacune devait avoir pour des disciples juifs. L’oraison dominicale, comme chacun le sait, renferme sept demandes, que l’on peut répartir en deux sections, dont la première, composée de trois demandes, est l’expression de désirs relatifs au nom, au règne et à la volonté de Dieu, c’est-à-dire à la justice dans le sens le plus étendu et le plus élevé de ce terme : c’était là, si l’on peut le dire, l’atmosphère dans laquelle notre Seigneur vivait et se mouvait ici-bas. La seconde section renferme les quatre dernières demandes, appropriées à l’état des disciples qui avaient toute espèce de besoins, tout en étant les objets de la grâce.

Première demande. Ton nom soit sanctifié

Quel est le sens de cette demande ? Quel était-il pour les disciples auxquels Jésus l’enseignait ? Voilà ce que nous avons à rechercher. Efforçons-nous de le faire, non d’après les lumières naturelles, les commentaires d’hommes, leurs traditions ou leurs pensées toujours arbitraires sur de pareils sujets, mais d’après le seul guide infaillible, la Parole de Dieu.

Sanctifier veut dire proprement : rendre saint. Or il est évident que ce n’est pas le sens que ce mot doit avoir ici ; ce serait presque un blasphème que d’oser demander au Seigneur que « son nom soit rendu saint », si l’on se figurait que l’on peut ajouter quelque degré de sainteté à ce nom. Or, nous savons que ce nom est parfaitement saint. Écoutez sur ce point l’Écriture. Ps. 111, 9 : « Il a envoyé la rédemption à son peuple ; il lui a donné une alliance éternelle ; son nom est saint et redoutable ». Cf. psaume 99, 3.

Dans Deutéronome 28, Dieu menace Son peuple de sévères jugements, s’il n’obéit pas à l’Éternel, verset 58 : « si tu ne prends garde de faire toutes les paroles de cette loi,… en craignant le nom glorieux et terrible de l’Éternel, ton Dieu ».

Le nom, c’est la personne elle-même. Sanctifier le nom de Dieu, revient à sanctifier Dieu Lui-même, comme cela est dit formellement en Ésaïe 8, 13 : « Sanctifiez l’Éternel des armées, lui-même ; et qu’il soit votre crainte, et votre tremblement ». Perret-Gentil traduit ainsi ce verset : « L’Éternel des armées, lui, honorez-le comme saint ! Qu’il soit l’objet de votre crainte, et soit celui de votre frayeur ». C’est plutôt un commentaire qu’une traduction ; mais nous pensons que le commentaire est juste, comme la Parole nous le fera voir, et qu’ici, ainsi que dans tous les passages parallèles, sanctifier signifie honorer ou faire honorer comme saint. C’est aussi là, sans doute, le sens du verbe sanctifier dans la prière dont nous nous occupons. — Des Juifs pieux avaient certes bien sujet de présenter cette supplication au « Père qui est au cieux » ; car depuis longtemps l’Éternel avait, lui, sujet d’adresser ce grave reproche à Son peuple : « Le nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations, comme il est écrit » (Rom. 2, 24 ; cf. Éz. 36, 20, 23).

L’Éternel est « jaloux du nom de sa sainteté » (Éz. 39, 25). « Je serai sanctifié en ceux qui s’approchent de moi » (Lév. 10, 3), dit-Il, lorsque Nadab et Abihu avaient été frappés de mort pour avoir offert devant Lui « un feu étranger, ce qu’il ne leur avait point commandé ». Par leur culte arbitraire, ils n’avaient point honoré comme saint Celui qui, étant l’objet du culte, a seul le droit d’en prescrire le mode.

Les enfants d’Israël, étant arrivés au désert de Tsin, demeurèrent à Kadès ; et comme il n’y avait point d’eau, ils s’attroupèrent contre Moïse et contre Aaron, et disputèrent contre eux. Alors Moïse et Aaron se retirèrent à l’entrée du tabernacle d’assignation, et tombèrent sur leurs faces, et la gloire de l’Éternel leur apparut. Et l’Éternel dit à Moïse : « Prends la verge et convoque l’assemblée, toi et Aaron, ton frère, et parlez en leur présence au rocher, et il donnera son eau ; ainsi tu leur feras sortir de l’eau du rocher… ». Et Moïse, ayant pris la verge, convoqua, de concert avec Aaron, l’assemblée devant le rocher, et il leur dit : « Vous, rebelles, écoutez maintenant, vous ferons-nous sortir de l’eau de ce rocher ? ». Puis Moïse… frappa de sa verge le rocher par deux fois ; et il en sortit des eaux en abondance, et l’assemblée but, et leurs bêtes. « Et l’Éternel dit à Moïse et à Aaron : Parce que vous n’avez pas cru en moi pour me sanctifier en la présence des fils d’Israël ; aussi vous n’introduirez point cette assemblée au pays que je leur donne » (Nomb. 20, 1-12).

Moïse et Aaron avaient agi, non d’après les pensées et la volonté de Dieu, mais d’après leur volonté et leurs pensées propres. Dieu leur avait dit : « Parlez au rocher, et il donnera son eau ». Au lieu de cela Moïse, le plus doux de tous les hommes, parle avec colère et défiance aux Israélites et frappe le rocher avec emportement. Or Dieu ne peut être sanctifié ou reconnu saint et honoré comme saint, par les pensées et la volonté humaines qui, dans cette occasion comme toujours, sont en opposition avec Sa volonté et Ses pensées. Néanmoins Moïse et Aaron n’ayant point sanctifié Jéhovah, « il se sanctifia lui-même en eux » (v. 13), en faisant sortir l’eau du rocher malgré l’infidélité de Ses serviteurs. Aussi lorsque, plus tard, Moïse doit monter sur la montagne de Nebo, pour voir de là le pays de Canaan, Dieu lui dit : « Tu mourras sur cette montagne,… comme Aaron, ton frère, est mort sur la montagne de Hor… ; parce que vous avez péché contre moi, au milieu des enfants d’Israël, aux eaux de la contestation de Kadès, dans le désert de Tsin ; car vous ne m’avez point sanctifié au milieu des enfants d’Israël » (Deut. 32, 48-51).

C’en est assez, pensons-nous, pour faire comprendre ce que c’est que sanctifier le nom de Dieu, ou sanctifier Dieu Lui-même ; pour nous donner l’intelligence du vrai sens de cette demande : Que ton nom soit sanctifié. Il nous reste à faire voir que cette prière est en parfaite harmonie avec de nombreuses promesses du Seigneur ; ou, en d’autres termes, que le Juif pieux, en l’adressant au « Père qui est aux cieux », ne faisait que solliciter de Lui l’accomplissement de nombreuses prophéties, essentiellement relatives à l’Israël des derniers temps.

Ces prophéties, dont nous allons citer quelques-unes, nous présentent Dieu sanctifiant Son nom ou manifestant que Son nom est saint, soit par des jugements, soit par des délivrances.

Par des jugements. Ézéchiel 28, 22 : « Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Voici, j’en veux à toi, Sidon, et je serai glorifié au milieu de toi, et on saura que je suis l’Éternel, quand j’aurai exercé des jugements contre elle, et que j’y aurai été sanctifié ».

Ézéchiel 38, 14-23 : « Toi donc, fils d’homme, prophétise, et dis à Gog : Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : En ce jour-là, quand mon peuple d’Israël habitera en assurance, ne le sauras-tu pas ? Et ne viendras-tu pas de ton lieu, du fond de l’aquilon, toi, et plusieurs peuples avec toi, eux tous gens de cheval, une grande multitude et une grosse armée ? Et ne monteras-tu pas contre mon peuple d’Israël, comme une nuée pour couvrir la terre ? Tu seras aux derniers jours, et je te ferai venir sur ma terre, afin que les nations me connaissent, quand je serai sanctifié en toi, ô Gog ! en leur présence ». Et comment Jéhovah sera-t-Il sanctifié en Gog ? Lisez les versets qui suivent ceux que nous venons de citer, et vous verrez que c’est par d’épouvantables jugements d’extermination de Gog sur la terre d’Israël, après quoi le Seigneur ajoute : « Je me glorifierai, et je me sanctifierai, et je serai connu en la présence de plusieurs nations, et elles sauront que je suis l’Éternel ». Ces jugements serviront donc à faire connaître Dieu comme étant l’Éternel, à plusieurs nations. C’est encore le sens du mot sanctifier appliqué à Dieu, « le Saint qui sera sanctifié dans la justice » (És. 5, 16 ; cf. Ex. 14, 4).

Par des délivrances et, tout spécialement, par le rétablissement d’Israël dans la terre de ses pères et par les bénédictions temporelles et spirituelles dont il y sera comblé de la part de son Dieu et Père. Ici, surtout, abondent les déclarations de la parole prophétique. En voici quelques-unes :

Ésaïe 29, 22, 23 : « L’Éternel, qui a racheté Abraham, a dit ainsi touchant la maison de Jacob : Jacob ne sera plus honteux… Car quand il verra ses fils être un ouvrage de mes mains au milieu de lui, ils sanctifieront mon nom ; ils sanctifieront, dis-je, le Saint de Jacob, et révéreront le Dieu d’Israël ».

Ézéchiel 20, 41 : « Je prendrai plaisir en vous par vos agréables odeurs, quand je vous aurai retirés d’entre les peuples, et que je vous aurai rassemblés des pays dans lesquels vous aurez été dispersés ; et je serai sanctifié en vous, les nations le voyant ».

Ézéchiel 28, 25 : « Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Quand j’aurai rassemblé la maison d’Israël d’entre les peuples parmi lesquels ils auront été dispersés, je serai sanctifié en eux, les nations le voyant, et ils habiteront sur la terre que j’ai donnée à mon serviteur Jacob ».

Et dans la charge contre Gog, prince de Rosh, de Méshec et de Tubal, Ézéchiel 39, après avoir dit, verset 6 : « Je mettrai le feu en Magog, et parmi ceux qui demeurent en assurance dans les îles, et ils sauront que je suis l’Éternel », le Seigneur ajoute : « Et je ferai connaître le nom de ma sainteté au milieu de mon peuple d’Israël ; et je ne profanerai plus [Perret-Gentil : je n’exposerai plus au déshonneur] le nom de ma sainteté ; les nations sauront que je suis l’Éternel, le Saint en Israël » : voilà aussi une définition des mots : « Ton nom soit sanctifié ». Lisez encore avec soin les versets 25 à 29 du même chapitre et psaume 86, 9.

Citons encore un fragment du remarquable chapitre 36 d’Ézéchiel, du verset 17 à la fin. « Fils d’homme, ceux de la maison d’Israël, habitant en leur terre, l’ont souillée par leurs voies et par leurs actions… Et je les ai dispersés parmi les nations, et ils ont été répandus par les pays ; je les ai jugés selon leur voie et selon leurs actions. Et étant venus parmi les nations…, ils ont profané le nom de ma sainteté, en ce qu’on a dit d’eux : Ceux-ci sont le peuple de l’Éternel, et cependant ils sont sortis de son pays. Mais j’ai épargné le nom de ma sainteté, lequel la maison d’Israël avait profané parmi les nations au milieu desquelles ils étaient venus. C’est pourquoi dis à la maison d’Israël : Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Je ne le fais point à cause de vous, ô maison d’Israël ! mais à cause du nom de ma sainteté, que vous avez profané parmi les nations au milieu desquelles vous êtes venus. Et je sanctifierai mon grand nom, qui a été profané parmi les nations, et que vous avez profané parmi elles ; et les nations sauront que je suis l’Éternel, dit le Seigneur l’Éternel, quand je serai sanctifié en vous en leur présence. Je vous retirerai donc d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous pays, et je vous ramènerai en votre terre. Et je répandrai sur vous des eaux nettes, et vous serez nettoyés… Je vous donnerai un nouveau cœur… Et je mettrai mon Esprit au-dedans de vous, je ferai que vous marcherez dans mes statuts, et que vous garderez mes ordonnances, et les ferez. Et vous demeurerez au pays que j’ai donné à vos pères, et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu ».

Voilà les temps heureux, voilà les bénédictions magnifiques que sollicitera encore le résidu juif de la fin, selon l’enseignement du Seigneur Jésus, en répétant cette prière : « Que ton nom soit sanctifié ». Tel en est le sens pour ce résidu, tel en était le sens et le seul sens pour les disciples auxquels Jésus l’enseignait sur la montagne. Avec quelle confiance les disciples pouvaient et pourront adresser cette prière à leur Père qui est aux cieux, puisqu’elle est fondée sur Ses promesses positives et par conséquent en plein accord avec les pensées et la volonté de Dieu ! Et nous avons dans ce chapitre même, au verset 37, la déclaration positive que toutes les bénédictions qui y sont annoncées et promises et, par conséquent aussi, la sanctification du grand nom de Dieu, seront un jour le sujet des requêtes et des supplications des enfants d’Abraham : « Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Encore serai-je recherché par la maison d’Israël pour leur faire ceci ».

Et cette même bénédiction sera aussi accordée aux nations des sauvés pendant le millénium, car voici ce que dit Jéhovah, en Malachie 1, 11 : « Depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant, mon nom sera grand parmi les nations, et en tous lieux on offrira à mon nom le parfum, et une oblation pure ; car mon nom sera grand parmi les nations, a dit l’Éternel des armées ».

Un jour, bientôt peut-être, ces belles paroles des psaumes donnés par David à Asaph, pour célébrer l’Éternel, lorsque l’arche de Dieu fut posée dans le tabernacle que David lui avait tendu, ces paroles que nous lisons dans 1 Chroniques 16, 35, et dans Psaume 106, 47, auront, dans la bouche du résidu juif, une réalité, une actualité, dont le roi-prophète ne se doutait vraisemblablement pas en les écrivant par l’Esprit prophétique qui était en lui : « Dites : Ô Dieu de notre salut ! Sauve-nous, et nous rassemble, et nous retire d’entre les nations, pour célébrer ton saint nom, pour nous glorifier en ta louange ». Oui, bientôt, tout Juif pieux dira avec le même David, psaume 103, 1 : « Mon âme, bénis l’Éternel, et que tout ce qui est au-dedans de moi bénisse le nom de sa sainteté », et plus tard cette parole du psaume 145, 21, aura aussi son accomplissement : « Ma bouche racontera la louange de l’Éternel, et toute chair bénira le nom de sa sainteté pour toujours et à perpétuité ».

Alors, mais seulement alors, cette première demande de l’oraison dominicale sera pleinement exaucés : « Ton nom soit sanctifié ».

« Alléluia ! Louez, vous serviteurs de l’Éternel, louez le nom de l’Éternel. Le nom de l’Éternel soit béni dès maintenant et à jamais. Le nom de l’Éternel est digne de louange depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant ».

Deuxième demande. Ton règne vienne

On peut tout aussi bien, et je pense que l’on devrait traduire : « Ton royaume vienne ». Cela dit, il ne nous sera pas difficile d’arriver, par les Écritures, au vrai sens que cette demande devait avoir pour les disciples juifs, auxquels Jésus l’enseignait. Nous nous convaincrons ainsi qu’ils ne pouvaient y attacher la signification que lui ont donnée et que lui donnent encore la plupart des chrétiens. Nous nous occuperons de cette signification traditionnelle dans notre seconde partie.

Faisons remarquer ensuite que, comme la prière est adressée à « Notre Père qui est aux cieux », il s’agirait proprement ici du règne ou plutôt du royaume du Père, lequel, dans Matthieu 13, 41-43, est distingué du royaume du Fils de l’homme. Voici le passage : « Le Fils de l’homme enverra ses anges ; et ils cueilleront de son royaume tous les scandales, et ceux qui commettent l’iniquité… Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père »[9]. Nous voyons là que, à la consommation du siècle, le Seigneur prendra possession du monde pour y régner, et qu’Il le purifiera du mal qui le souille ; et que le royaume du Père est une autre sphère, une sphère céleste, où les justes seuls resplendiront comme le soleil.

Cependant nous pensons qu’on ne peut pas demander l’avènement du royaume du Père, sans solliciter, par là même, l’établissement de celui du Fils de l’homme ou, comme il est aussi appelé fréquemment, du royaume de Dieu. Ces deux règnes ou royaumes existeront simultanément pendant le millénium ; en sorte que, surtout pour un Juif, demander l’un, c’est implicitement demander l’autre.

Or la demande de l’arrivée, de l’établissement du royaume de Dieu, devait être bien comprise par un Juif pieux, parce que cet établissement était pour lui l’accomplissement d’oracles nombreux de l’Ancien Testament. Nous en citerons quelques-uns, choisis entre beaucoup d’autres :

a) Dieu est un puissant Roi ; le règne ou le royaume Lui appartient ; Il est un grand Roi par-dessus tout les dieux ; Il présidera comme Roi éternellement ; c’est le Dieu vivant et le Roi éternel. « Je suis vivant, dit le Roi, dont le nom est l’Éternel des armées ». Voilà quelques-unes des déclarations de l’Ancien Testament, qui donnent au Seigneur le titre de Roi (voir Ex. 15, 18 ; Ps. 10, 16 ; 22, 28 ; 29, 10 ; 95, 3 ; És. 10, 10 ; Jér. 46, 18 ; 51, 57).

b) Ce Roi de gloire, Jéhovah, l’Éternel des armées, c’est le Fils de Dieu, en même temps que le Fils de David, selon la chair. C’est Celui dont Dieu parle ainsi au psaume 2 : « J’ai sacré mon Roi sur Sion, la montagne de ma sainteté. Je raconterai le décret : L’Éternel m’a dit : Tu es mon Fils ; c’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui ». C’est à Lui que le psalmiste disait : « C’est toi qui es mon Roi, ô Dieu ! » (Ps. 44, 4 ; 68, 24 ; 74, 12) — « Éternel des armées ! Mon Roi et mon Dieu ! » (Ps. 84, 3) — « Je t’exalterai, ô mon Dieu ! mon Roi ! » (Ps. 145, 1).

C’est Lui qui dit, avec promesse, à Israël : « Je serai ton Roi » (Osée 13, 10). — « C’est moi qui suis l’Éternel, votre Saint, le Créateur d’Israël, votre Roi » (És. 43, 15). — « Ainsi a dit l’Éternel, le Roi d’Israël et son Rédempteur, l’Éternel des armées » (És. 44, 6).

C’est Lui qui est ainsi annoncé d’avance par la parole prophétique : « Voici, un Roi régnera en justice » (És. 32, 1). — « Voici, les jours viennent, dit l’Éternel, que je ferai lever à David un germe juste, qui régnera comme Roi ; il prospérera, et exercera le jugement et la justice sur la terre. En ses jours Juda sera sauvé, et Israël habitera en assurance ; et c’est ici le nom duquel on l’appellera : L’Éternel notre justice » (Jér. 23, 5, 6).

c) Le siège de son royaume sera Jérusalem qui, en conséquence, est appelée « la ville du grand Roi » (Ps. 48, 2 ; Matt. 5, 35). Selon la parole de l’ange à Marie, « le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; et il régnera sur la maison de Jacob à toujours » (Luc 1, 32, 33). « Le royaume viendra à la fille de Jérusalem » (Mich. 4, 8). — « Qu’ils seront beaux sur les montagnes les pieds de celui qui… publiera le salut, et qui dira à Sion : Ton Dieu règne ! » (És. 52, 8). — Alors « l’Éternel des armées régnera en la montagne de Sion, et à Jérusalem ; et ce ne sera que gloire en la présence de ses anciens » (És. 24, 23 ; Mich. 4, 7). — Alors aussi ces paroles auront leur accomplissement : « Réjouis-toi avec chant de triomphe, fille de Sion ! Jette des cris de réjouissance, ô Israël ! Réjouis-toi, et t’égaye de tout ton cœur, fille de Jérusalem ! L’Éternel a aboli ta condamnation, il a éloigné ton ennemi ; le Roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de toi ; tu ne sentiras plus de mal » (Soph. 3, 14, 15). — Alors les enfants de Jacob diront avec joie : « Notre bouclier est l’Éternel, et notre Roi est le Saint d’Israël » (Ps. 89, 18). — Alors, au lieu d’être effrayé comme le prophète qui s’écriait : « Hélas ! c’est fait de moi… mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées » (És. 6, 5 ; Jean 12, 41), tout vrai Israélite verra avec ravissement se réaliser pour lui cette belle promesse : « Tes yeux contempleront le Roi en sa beauté » (És. 33, 17).

Quand « le royaume sera à l’Éternel » (Abdias 21), ces paroles, souvent répétées dans les Psaumes : « l’Éternel règne » (Ps. 93, 1 ; 97, 1 ; 99, 1), auront toute leur signification, parce qu’elles auront toute leur réalité. Quand Jéhovah aura fait connaître Son salut, et manifesté Sa justice aux yeux des nations, en se souvenant de Son amour et de Sa fidélité envers la maison d’Israël, les enfants du royaume sont invités à pousser « des cris de joie vers l’Éternel,… au son des trompettes et des cors, devant le Roi, l’Éternel » (Ps. 98, 2, 3, 4, 6). — « Qu’Israël se réjouisse en son Créateur ; que les fils de Sion s’égayent en leur Roi » (Ps. 149, 2).

d) Mais quoique spécialement Roi d’Israël, régnant à Jérusalem, Il dominera, en même temps, « depuis une mer jusqu’à l’autre, et depuis le fleuve jusqu’aux bouts de la terre. Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront » (Ps. 72, 8, 11).

L’Éternel sera manifesté comme « un grand Roi sur toute la terre » (Ps. 47, 2) ; comme « le Dieu… qui domine sur tous les royaumes des nations » (2 Chron. 20, 6). En ce jour-là, « l’Éternel sera Roi sur toute la terre » (Zach. 14, 9) ; et « tous ceux qui seront restés de toutes les nations,… monteront en foule chaque année à Jérusalem, pour se prosterner devant le Roi, l’Éternel des armées » (Zach. 14, 16). — « Quand les peuples se réuniront ensemble, et les royaumes aussi pour servir l’Éternel » (Ps. 102, 22), on dira « parmi les nations : L’Éternel règne » (Ps. 96, 10). — « Chantez à Dieu, chantez ; chantez à notre Roi, chantez ; car Dieu est Roi de toute la terre ; chantez le cantique. Dieu règne sur les nations, Dieu siège sur le trône de sa sainteté. Les chefs des peuples se réunissent au peuple du Dieu d’Abraham » (Ps. 47, 6-9). — « Royaumes de la terre, chantez à Dieu ; célébrez par des cantiques le Seigneur » (Ps. 68, 32). — « Qui ne te craindrait, Roi des nations ? Car cela t’est dû » (Jér. 10, 7). — Ah ! ce sera bien là « le juste dominateur des hommes, le dominateur en la crainte de Dieu, lequel est comme la lumière du matin, quand le soleil se lève, du matin qui est sans nuages » (Apoc. 15, 3 ; 2 Sam. 23, 3, 4).

e) Tel est, d’après la Parole, ce Roi puissant, ce « Seigneur de toute la terre », sorti « de Bethléhem Éphrata, pour être dominateur en Israël » (Mich. 4, 13 ; 5, 2) ; Lui dont « l’origine remonte aux temps éternels » ; Lui, « gouverneur d’Israël » qui a été « frappé avec la verge sur la joue » (Mich. 5, 1). Voyons maintenant ce que la même Parole nous dit touchant Son règne ou Son royaume. Il en est souvent fait mention dans les prophéties de Daniel. Le royaume du Seigneur sera établi par la soudaine arrivée du Fils de l’homme, qui viendra, dans Sa puissance et dans Sa gloire, juger et détruire les autorités apostates de ce monde. C’est cette arrivée qui est représentée, dans le songe de Nebucadnetsar, par la pierre coupée de la montagne, sans mains, et qui, tombant sur les pieds de la grande statue, en brise et en réduit en poussière le fer, l’airain, la terre, l’argent et l’or. Voici, sur ce dernier sujet, l’interprétation divine, donnée par Daniel : « Et au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais dissipé, et ce royaume ne sera point laissé à un autre peuple, mais il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement » (Dan. 2, 44, 45).

Les promesses faites à David relativement à celui de ses fils qui devait lui succéder, les promesses conditionnelles faites à Salomon lui-même, c’est Jésus qui en hérite, c’est Jésus qu’elles concernent, Lui le vrai Fils de David, Salomon s’en étant rendu indigne par les péchés de ses derniers jours. Pour vous en assurer, lecteur, conférez 2 Samuel 7, 14 ou 1 Chroniques 17, 13, avec Hébreux 1, 5. C’est Jésus qui est à la fois le vrai David [le Bien-aimé] et le vrai Salomon [le Roi de paix], choisi de Dieu, « pour s’asseoir sur le trône du royaume de l’Éternel, sur Israël » (1 Chron. 28, 5). C’est à Lui seul que Dieu dit désormais : « Il me sera fils, et je lui serai père ; j’affermirai le trône de son règne sur Israël à jamais » (22, 10). — « Je l’établirai dans ma maison et dans mon royaume à jamais, et son trône sera affermi pour toujours » (17, 14 ; 2 Sam. 7, 12, 13).

Qui ne connaît la prophétie d’Ésaïe (9, 6, 7), qui résume, dans deux admirables versets, la naissance de Jésus, Ses titres divins, et ce qui a rapport à Son règne ? « L’enfant nous est né, le Fils nous a été donné, et l’empire a été posé sur son épaule, et on appellera son nom l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort, le Père d’éternité, le Prince de paix. Il n’y aura point de fin à l’accroissement de l’empire et à la prospérité sur le trône de David et sur son royaume, pour l’affermir et l’établir en jugement et en justice, dès maintenant et à jamais. La jalousie de l’Éternel des armées fera cela ».

Le psaume 45 est pour le Roi, pour Celui qui est plus beau qu’aucun des fils des hommes, parce que Dieu L’a béni éternellement. Il s’adresse ainsi au Roi : « Ceins sur ta cuisse, ô Puissant ! ton épée… Tes flèches sont aiguës ; les peuples tomberont sous toi ; elles frapperont au cœur des ennemis du Roi » ; puis il célèbre, en ces mots, la permanence et la justice de Son règne : « Ton trône, ô Dieu ! subsiste éternellement et à jamais ; le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité ».

L’heure vient et elle se hâte, où ces belles paroles du psaume 145, seront pleines d’une glorieuse actualité dans la bouche du résidu fidèle d’Israël : « Éternel,… tes bien-aimés te bénissent. Ils disent la gloire de ton règne et publient ta puissance, pour faire connaître aux fils des hommes tes exploits et la gloire de la majesté de ton règne. Ton règne est un règne de tous les siècles, et ta domination dure dans tous les âges ».

f) C’est à bon droit que ces enfants d’Abraham célébreront ainsi le règne du Seigneur, car ils y participeront. Israël sera, pour la terre entière, un centre de lumière, de puissance et de bénédiction (És. 60, 3 ; 11, 10 ; 19, 24, 25) ; il sera une nation sainte, un royaume de sacrificateurs (Ex. 19, 6). La suprématie sur les peuples lui appartiendra ; « ceux qui le méprisaient se prosterneront à ses pieds » ; quand l’Éternel aura eu pitié de Jacob, et aura élu de nouveau Israël, et qu’Il les aura rétablis dans leur terre, les étrangers se joindront à eux, et s’attacheront à la maison de Jacob. Et les peuples les prendront et les mèneront en leur lieu, et la maison d’Israël les possédera en droit d’héritage sur la terre de l’Éternel, comme des serviteurs et des servantes ; ils tiendront captifs ceux qui les avaient tenus captifs, et ils domineront sur leurs exacteurs » (És. 14, 1, 2). Les Gentils reconnaîtront leur dépendance d’Israël, établi et reconnu comme « chef des nations », et pouvant dire : « Le peuple que je ne connaissais point, m’a été asservi » (Ps. 18, 43).

Aussi est-il dit que « les saints du Très-haut » — c’est-à-dire, évidemment, si l’on prend garde au contexte, les saints d’entre les Israélites qui auront passé par la grande tribulation sous l’homme de péché — « recevront le royaume, et obtiendront le royaume, jusqu’au siècle et au siècle des siècles » (Dan. 7, 18) ; et que : « lorsque l’Ancien des jours sera venu, le jugement sera donné aux saints du Très-haut, et que le temps viendra auquel les saints obtiendront le royaume » (Dan. 7, 22) ; et encore : « Le jugement se tiendra, et on lui [au roi représenté par la petite corne] ôtera sa domination, en le détruisant et le faisant périr, jusqu’à en voir la fin ; afin que le règne, et la domination, et la grandeur des royaumes, qui sont sous tous les cieux, soient donnés au peuple des saints du Très-haut. Son royaume est un royaume éternel, et tous les empires lui seront assujettis et lui obéiront » (Dan. 7, 27).

C’est bien à Israël, en effet, qu’appartenait cette primauté, ce règne sur les autres peuples de la terre ; mais il l’a perdu par ses péchés ; il l’a perdu surtout en méconnaissant, en rejetant, en crucifiant son Roi, qu’une partie des Juifs avaient pourtant, hélas ! seulement dans un élan d’entraînement momentané, accueilli en s’écriant : « Hosanna ! Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur ! — Béni soit le royaume de David notre père, le royaume qui vient ! » (Luc 19, 38 ; Marc 11, 10) — accomplissant ainsi le célèbre oracle de Zacharie 9, 9. — Mais peu après, Pilate amène Jésus dehors… et dit aux Juifs : « Voici votre Roi ! Mais ils crièrent : Ôte, ôte ! Crucifie-le ! Pilate leur dit : Crucifierai-je votre Roi ? Les principaux sacrificateurs [représentants de la nation] répondirent : Nous n’avons pas d’autre roi que César » (Jean 19, 13-15). C’était bien là dire : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous… » (Luc 19, 14). — Aussi c’est à bon droit que Jésus leur annonçait que, puisque ceux qui bâtissaient avaient rejeté la pierre, mise en Sion par l’Éternel, « le royaume de Dieu leur serait ôté, et serait donné à une nation qui en rapporterait les fruits » (Matt. 21, 42, 43). — Néanmoins, après la résurrection du Sauveur, les apôtres, toujours préoccupés de pensées en rapport avec Israël [l’Église n’existait pas encore de fait], les apôtres, qui espéraient que Christ était Celui qui doit délivrer Israël, interrogent Jésus, disant : « Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël ? » (Luc 24, 21 ; Actes 1, 6). Cette question des disciples était assez naturelle, car, dans les quarante jours que le Seigneur passa avec eux depuis Sa résurrection, Il leur avait parlé « des choses qui regardent le royaume de Dieu » (Actes 1, 6, 3). Aussi dans Sa réponse, Jésus ne dit pas un mot qui donne lieu de croire que les apôtres fussent dans l’erreur en espérant le rétablissement du royaume de Dieu pour Israël ; Il se borne à relever ce qui, dans la question, a rapport « aux temps ou aux saisons », qu’il ne leur est pas donné de connaître.

g) Revenons aux disciples, réunis autour de Jésus sur la montagne, au moment où Il ouvrit la bouche pour leur exposer les précieux enseignements contenus dans Matthieu 5 ; 6 et 7 ; ils n’avaient jusqu’alors entendu que la prédication ou l’évangile du royaume. Dans ces trois chapitres, en effet, il est question du royaume des cieux, de ce royaume déjà prêché par Jean-Baptiste (3, 2) : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est proche ; car c’est de celui-ci qu’il a été parlé par Ésaïe le prophète, disant : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur ». Le royaume des cieux était proche, puisque Jean était, selon l’oracle d’Ésaïe, le précurseur immédiat du Seigneur, vrai Roi d’Israël.

Lorsque Jean eut été mis en prison, Jésus Lui-même commença à prêcher et à dire : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est proche » (4, 17). Il était si proche, en effet, que c’était le Roi Lui-même qui parlait ainsi. Plus tard (10, 7), Jésus, envoyant les douze vers les brebis perdues de la maison d’Israël, leur donne, entre autres, cette commission : « Et quand vous serez partis, prêchez en disant : Le royaume des cieux est proche ».

À la fin du chapitre 4, Jésus nous est montré parcourant toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l’évangile du royaume. Cette proclamation du royaume est accompagnée d’actes de puissance qui attirent l’attention de tout le pays, de tout l’ancien territoire d’Israël. Jésus guérit toute espèce de maladies et de langueurs parmi le peuple. Et Sa renommée se répandit dans toute la Syrie. C’est avec cette puissance que le royaume est présenté aux foules qui Le suivaient de la Galilée, et de la Décapole, et de Jérusalem et de la Judée, et de delà le Jourdain (Matt. 4, 23-25) !

Mais les citations seraient sans fin, puisque « tous les prophètes, depuis Samuel et ceux qui l’ont suivi, tous ceux qui ont parlé, ont aussi annoncé ces jours » (Actes 3, 24) [encore à venir]. — En voilà certes bien assez pour nous montrer quel était le sens, la seule signification, que les disciples juifs du Seigneur Jésus, pouvaient et devaient donner à la demande qui nous occupe, soit à ces mots : « Ton règne ou ton royaume vienne ». Ce qu’ils sollicitaient, en la répétant, ne pouvait être autre chose que l’établissement du règne de Dieu, du royaume pour Israël, entre les mains de Jésus assis sur le trône de David à Jérusalem. Eh bien ! cette demande est souvent déjà montée au « Père qui est aux cieux », du cœur et des lèvres de l’Israélite craignant et croyant Dieu. Avec quelle ferveur le résidu de la fin la redira « jusqu’à ce que vienne Celui auquel appartient le gouvernement » (Éz. 21, 27) !

Troisième demande. Ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre

Les développements que nous avons donnés aux deux premières demandes de l’oraison dominicale, nous permettront d’être plus court désormais, d’autant plus que les demandes subséquentes se prêtent moins à de longs détails.

Pour comprendre celle que nous venons de transcrire, il est bon de rappeler ce que nous disions en commençant l’examen de la précédente, dans laquelle, si l’on s’en tient à la lettre, il est question du « royaume du Père », de « notre Père qui est aux cieux », royaume où, un jour, bientôt, « les justes resplendiront comme le soleil ». Alors la volonté de Dieu sera faite en perfection dans la sphère céleste du royaume. Mais cela ne peut suffire au cœur d’un disciple pieux, qui doit désirer et qui, dans cette prière, est enseigné par Jésus à désirer, à demander que cette volonté du Père soit « faite sur la terre aussi », comme elle le sera alors dans le ciel. Cette troisième demande, ainsi que les deux premières, est donc essentiellement prophétique, c’est-à-dire qu’elle ne sera réellement exaucée que par l’accomplissement des prophéties relatives à l’établissement du règne de Dieu.

Quand le royaume du Père sera venu, il y aura, sur la terre, une réponse à cette prière. La volonté du Père, au lieu d’être méprisée et rejetée, deviendra le guide des sujets du royaume, et la garantie de toute bénédiction dans ce monde qui, jusqu’alors, n’avait été qu’une province rebelle.

En effet, depuis la chute du premier homme, jamais un seul de ses descendants n’a, par lui-même, glorifié Dieu en faisant Sa volonté sur la terre ; tous, au contraire, ont déshonoré le nom du Seigneur, en recherchant, en faisant uniquement leur propre volonté. Ils se sont rendus indépendants de leur Créateur ; le moi est devenu le centre de leur vie morale ; leur volonté pervertie, la règle de leurs actions. Un seul Être, descendant d’Adam selon la chair, a fait exception à cet état général de la race humaine : c’est Jésus, Fils de Dieu devenu, par amour pour nous, Fils de l’homme, lequel a dit en entrant au monde : « Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Héb. 10, 7) ; Jésus qui disait encore : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4, 34) ; Jésus qui a « magnifié la loi » (És. 42, 21), en en accomplissant, d’une manière parfaite, toutes les prescriptions, et en en subissant, à notre place, la terrible malédiction, lorsqu’Il devint « obéissant jusqu’à la mort, à la mort même de la croix » (Phil. 2, 8 ; Jean 17, 4).

Mais, à part Lui seul [et Sa présence même sur la terre et l’accueil qu’Il y a reçu en furent l’éclatante preuve], tous les hommes ici-bas étaient éloignés de Dieu. « Il n’y a point de juste, non pas même un seul ; il n’y a personne qui ait de l’intelligence ; il n’y a personne qui recherche Dieu ; ils se sont tous détournés du droit chemin, ils se sont tous rendus inutiles ; il n’y en a aucun qui exerce la bonté, non pas même un seul » (Rom. 3, 10-12). Voilà le témoignage du Dieu, qui connaît tout ce qui est dans l’homme, sur la condition morale de la postérité d’Adam ; voilà le tableau, tracé par la loi, de ceux qui étaient sous la loi. Ah ! comme les disciples pieux devaient donc désirer un changement complet de cet affreux état de choses ; avec quelle ardeur, s’ils avaient à cœur la gloire de leur Père céleste, et par conséquent Sa volonté, ils devaient répéter cette prière : « Ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre » !

« Comme au ciel » ; sans doute, les saints anges font dans le ciel la volonté de Dieu ; il est écrit : « Bénissez l’Éternel, vous ses anges puissants qui accomplissez sa parole, dociles à la voix de sa parole. Bénissez l’Éternel, vous toutes ses armées, vous ses ministres qui accomplissez sa volonté ». — Mais je ne pense pas que, dans la prière, les mots : « comme au ciel », fassent allusion aux anges ; d’abord, parce qu’il s’agit proprement de la volonté du « Père qui est aux cieux », et que les anges ne sont pas dans cette relation avec Dieu, « car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon fils ? » (Héb. 1, 5) ; ensuite parce que cette demande se lie aux deux précédentes et que, par conséquent, l’état moral qui en sera l’exaucement est en rapport avec les temps où le nom du Père sera sanctifié sur la terre, et où Son royaume y sera établi.

C’est donc, nous le répétons, dans la prophétie qu’il nous faut chercher la réponse à cette prière. Or, dans les nombreux passages prophétiques que nous avons cités au sujet des deux premières demandes, on a déjà pu voir bien des allusions à l’œuvre de la grâce et de l’Esprit de Dieu dans le cœur des enfants du royaume, pour les rendre attentifs et dociles à Sa voix, en même temps que capables de faire Sa volonté et d’obéir à Ses commandements. Voyez, par exemple, ce qui est dit de la nouvelle alliance que l’Éternel traitera un jour avec Israël (cf. Jér. 31, 31-34, avec Héb. 8, 8-12 et 10, 15-17) : « C’est ici l’alliance que je traiterai avec la maison d’Israël après ces jours-là, dit l’Éternel : Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple ».

Et dans Ézéchiel 36, 25-27, déjà cité, p. 22 : « Je vous donnerai un nouveau cœur, je mettrai au-dedans de vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Et je mettrai mon Esprit au-dedans de vous, je ferai que vous marcherez dans mes statuts, et que vous garderez mes ordonnances, et les ferez ».

Jérusalem, centre du royaume, sera alors appelée : « Cité de justice, ville fidèle » (És. 1, 26). On dira dans le pays de Juda et dans ses villes… : « L’Éternel te bénisse, ô agréable demeure de la justice, montagne de sainteté ! » (Jér. 31, 23).

« Les justes posséderont la terre, et y demeureront à jamais » (Ps. 37, 29). « Les pécheurs ne subsisteront point dans l’assemblée des justes » (Ps. 1, 5). « Dieu sera au milieu de la race juste » (Ps. 14, 5). — « Quant à ton peuple [ô Sion !], ils seront tous justes ; ils posséderont éternellement la terre » (És. 60, 21). « Tous tes enfants seront enseignés de Dieu, et la paix de tes fils sera abondante. Tu seras affermis en justice ;… c’est là l’héritage des serviteurs de l’Éternel, et leur justice de par moi, dit l’Éternel » (És. 54, 13, 14, 17). — « Je ferai mention des gratuités de l’Éternel,… à cause de tous les bienfaits que l’Éternel nous a faits : car grand est le bien de la maison d’Israël, lequel il leur a fait selon ses compassions, et selon la grandeur de ses gratuités. Car il a dit : Quoi qu’il en soit, ils sont mon peuple, des enfants qui ne dégénéreront point ; — et il a été leur Sauveur » (És. 63, 7, 8).

On le voit, cet heureux état sera l’œuvre de Dieu dans les âmes de Ses bien-aimés ; ce sera une glorieuse réponse à la prière que nous méditons, et le résultat béni des souffrances du Christ, relativement à Son peuple, et à Sa sainte ville, « pour abolir l’infidélité, consumer le péché, faire propitiation pour l’iniquité, pour amener la justice des siècles » (Dan. 9, 24).

C’est l’œuvre de Dieu, en effet, comme Jésus le révélait à Nicodème : « Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu ; si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3, 3, 5). Ce sont les conditions d’entrée dans le royaume, que Dieu se charge d’accomplir un jour dans les fils du royaume, comme nous l’avons vu dans le passage d’Ézéchiel 36, cité plus haut. Voilà, certes, ce que le docteur d’Israël aurait dû savoir (Jean 3, 10). C’est ainsi que les heureux sujets du vrai David entreront dans Son royaume ; aussi « en ses jours, le juste fleurira, et il y aura abondance de paix ; le juste poussera des jets comme un palmier, il croîtra comme un cèdre du Liban ; étant plantés dans la maison de l’Éternel, ils fructifieront dans la maison de notre Dieu » (Ps. 72, 7 ; 92, 12, 13).

Cette prospérité morale sera le partage de la terre entière et de tous ses heureux habitants, selon ce qui est écrit : « Ô cieux ! envoyez la rosée d’en haut, et que les nuées fassent distiller la justice ; que la terre s’ouvre, qu’elle produise le salut, et que la justice germe ensemble ! Moi, l’Éternel, j’ai créé cela » (És. 45, 8). — Et encore, quand l’Éternel se sera apaisé envers Sa terre, et aura ramené et mis en repos les captifs de Jacob ; quand Il aura ôté l’iniquité de Son peuple, et couvert tous leurs péchés ; quand Il aura retiré tout Son courroux, et qu’Il sera revenu de l’ardeur de Sa colère ; quand Il répondra en grâce à cette prière du résidu : « Rétablis-nous, ô Dieu de notre salut ! et fais cesser ton indignation envers nous… Ne veux-tu pas nous faire revivre, afin que ton peuple se réjouisse en toi ? Fais-nous voir, ô Éternel ! ton amour, et accorde-nous ton salut » (Ps. 85) ; — voici la réponse à ces supplications : « J’écouterai ce que dit Dieu, l’Éternel, car il parlera de paix à son peuple et à ses bien-aimés ; mais qu’ils ne retournent pas à la folie. Oui, son salut est près de ceux qui le craignent, afin que la gloire habite dans notre terre. L’amour et la vérité se rencontrent, la justice et la paix s’embrassent ; la vérité germe de la terre, et la justice regarde des cieux. L’Éternel aussi donnera la prospérité, tellement que notre terre rendra son fruit » (v. 8-12). Écoutez encore cette remarquable prophétie du fils d’Amots, répétée par son contemporain, Michée : « Or il arrivera aux derniers jours que la montagne de la maison de l’Éternel sera affermie au sommet des montagnes, et qu’elle sera élevée par-dessus les coteaux, et toutes les nations y aborderont. Et plusieurs peuples iront et diront : Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, à la maison du Dieu de Jacob ; et il nous instruira de ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers » (És. 2, 2-4 ; Mich. 4, 1-3)…

Voilà, nous le pensons, le sens que les disciples juifs devaient donner à cette demande : « Ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre » ; et quoique chacun d’eux, individuellement, eût sans doute à cœur d’obéir à Dieu et dût, par conséquent, dire avec le psalmiste : « Enseigne-moi à faire ta volonté, car tu es mon Dieu » (Ps. 143, 10) ; ils comprenaient que la prière que leur enseignait Jésus était tout autre chose que l’expression d’un besoin individuel : ici, c’est « sur la terre » entière, que l’on désire voir la volonté du Père faite comme elle le sera « dans le ciel », et faite par des hommes, et non pas seulement accomplie par les voies ou les exploits du Tout-puissant, qui dit : « Mon conseil tiendra, et je mettrai à exécution tout mon bon plaisir » (És. 46, 10). Ainsi, nous le répétons, cette demande exprimait des aspirations qui ne seront satisfaites que dans le millénium, et c’est la seule manière, selon nous, dont les disciples juifs du Sauveur, du Roi d’Israël, pouvaient et devaient la comprendre. — Elle termine la première division de l’oraison dominicale.

Quatrième demande. Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous faut

Ici commence une série de demandes, bien différente de la première : il s’agit maintenant de bénédictions appropriées aux besoins des disciples, en tant qu’ils étaient les objets de la miséricorde divine, dans les circonstances difficiles, dans les afflictions, les tentations ou les épreuves qu’ils devaient traverser ici-bas. Il est question, d’abord, de leurs besoins corporels, puis de ceux de leurs âmes. Premièrement « le pain », « le pain suffisant » pour la nourriture d’aujourd’hui ; voilà ce que les disciples devaient demander à leur « Père qui est aux cieux ». Comme cela est vraiment beau, simple, en contraste avec la cupidité des enfants du siècle, et en parfaite harmonie avec la condition ici-bas du Seigneur de gloire.

Lui, sur la terre dont Il était le Créateur, n’avait pas un lieu où reposer Sa tête (Luc 9, 58) ; s’il Lui faut une pièce d’argent pour payer un impôt, c’est un poisson de la mer de Galilée qui devra la Lui fournir (Matt. 17, 27) ; nous Le voyons s’asseoir, fatigué du chemin, sur la margelle du puits de Jacob et, là, dépendre d’une pauvre femme pour avoir un peu d’eau afin d’étancher Sa soif (Jean 4, 6, 7). Lui aussi, qui rassasiait de pain les pauvres (Matt. 14, 15-21 ; cf. Ps. 132, 15), et qui eût pu changer des pierres en pains (Matt. 4, 3), comptait sur la bonté de Son Père céleste pour Sa nourriture de tous les jours. À cet égard aussi, Il devait dire : « Je me confierai en lui » (Héb. 2, 13). Quel sublime abaissement volontaire, quel amour pour les pécheurs, quel exemple pour les saints !

Ainsi les disciples qui, dans le même chapitre 6 de Matthieu, sont exhortés à ne point être en souci, disant : Que mangerons-nous ? Ou que boirons-nous ?… car, ajoute le Seigneur, « ce sont les nations qui recherchent toutes ces choses, et votre Père céleste connaît que vous en avez besoin » — ces disciples apprennent de leur Maître à demander du pain, seulement du pain, seulement le pain qui est nécessaire ou suffisant pour chaque jour. En modérant leurs désirs, en leur enseignant à vivre dans la dépendance de Dieu et à se confier en Lui, même pour leur nourriture quotidienne, cette demande leur rappelait la prière d’Agur : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ; nourris-moi du pain de mon ordinaire » (Prov. 30, 8). Elle leur rappelait le vœu de leur père Jacob, après la vision de l’échelle mystique : « Si Dieu est avec moi,… s’il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir,… certainement l’Éternel me sera Dieu » (Gen. 28, 20, 21). Elle leur rappelait surtout la manne dont Jéhovah avait miraculeusement nourri leurs pères pendant les quarante ans de la traversée du désert ; ce « pain du ciel » (Ps. 105, 40), ce « pain des forts » (Ps. 78, 25), dont il est dit : « Ainsi chacun en recueillait tous les matins autant qu’il lui en fallait pour se nourrir » (Ex. 16, 21). Le Dieu de leurs pères était encore leur Dieu, Il était leur Père, Il était toujours Celui « qui fait sortir le pain de la terre » (Ps. 104, 14), Celui « qui donne du pain à ceux qui ont faim » (Ps. 146, 7), Celui qui a promis à l’homme « qui observe la justice… que son pain lui sera donné et que ses eaux ne lui manqueront point » (És. 33, 16). En d’autres termes, comme le Seigneur le dit aux disciples dans ce même discours, ils devaient chercher « premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes les autres choses leur seraient données par-dessus ».

Apocalypse 12, 6 et 14 donnent lieu de penser que le miracle de la manne pourrait bien être renouvelé, pendant la grande tribulation, en faveur d’une partie du résidu juif. Nous voyons encore, dans le même livre (13, 16, 17), que, sous le règne de l’Antichrist, « personne ne pourra ni acheter ni vendre, sinon celui qui aura la marque, le nom de la Bête, ou le nombre de son nom ». Quelles difficultés d’existence surgiront de là pour le résidu juif, pour ces témoins de la fin, qui garderont les commandements de Dieu et la foi de Jésus, et qui refuseront de recevoir la marque de la Bête sur leur front et sur leur main ; comme ils auront sujet de regarder en haut, même pour leur nourriture, et de crier, chaque jour, à leur Père céleste : « Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous faut » ! Si l’application de ces passages est bien celle que nous leur donnons, alors la quatrième demande de l’oraison dominicale, comme les précédentes, aurait, elle aussi, un côté prophétique ; elle acquerrait aussi, un jour, dans la bouche de Juifs pieux, une solennelle actualité.

Cinquième demande. Remets-nous nos dettes, comme nous aussi les remettons à nos débiteurs

Après les besoins du corps viennent ceux de l’âme. Nous savons ce qu’étaient, pour les disciples, ces dettes dont ils devaient demander la remise à leur Père céleste, avec l’espérance d’être exaucés, fondée sur ce que c’était le Fils de Dieu Lui-même, leur Rédempteur, qui leur suggérait cette demande. C’étaient des dettes envers Dieu, c’étaient leurs péchés, leurs transgressions de la sainte loi de Jéhovah ; ces dettes, Dieu seul pouvait les remettre, et Il était tout disposé à le faire, en considération de l’œuvre de parfaite rédemption que le Fils de l’homme allait accomplir sur la croix. Avant qu’Il fût né ici-bas, l’ange du Seigneur avait dit à Joseph : « Tu appelleras son nom Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés » (Matt. 1, 21). Lui-même disait : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Matt. 20, 28). Aussi le résidu juif fidèle pouvait, avec confiance, faire monter cette prière à Celui que leur Messie leur révélait comme le Père qui est aux cieux : « Remets-nous nos dettes », vu que bientôt ce même Messie, devenu leur Sauveur, payerait leur rançon au prix de Sa propre vie.

Conformément à cette rémission qu’ils sollicitent, les disciples doivent se montrer disposés à remettre aussi les dettes à ceux qui leur doivent ; ils ajoutent : « comme nous aussi les remettons à nos débiteurs ». Dans une étude (publiée en 1851) sur « l’Année sabbatique et le Jubilé », je disais dans une note (n° 11) : « Un résidu juif comprenait probablement dans un autre sens que nous cette demande de la prière du Seigneur » ; et, après avoir rappelé que, dans Luc 11, 4[10], le « comme » de Matthieu est remplacé par « car », ce qui change une déclaration en un motif, j’ajoutais : « Ce motif faisait allusion à un fait positif ; chaque septième année, tout Juif fidèle était tenu de remettre les dettes à tous ses débiteurs » (Deut. 15, 1, 2). Aujourd’hui, tout en ne rejetant pas entièrement l’idée d’une allusion, je vois le sens du mot « dettes » trop clairement indiqué dans les versets qui suivent immédiatement la prière en Matthieu, pour qu’il me soit possible de ne pas comprendre que, dans la seconde phrase de cette demande, de même que dans la première, il s’agit essentiellement de péchés ou d’offenses. Les disciples demandent à leur « Père qui est aux cieux » le pardon de leurs péchés, et déclarent qu’eux aussi usent de grâce et agissent en grâce envers ceux qui les ont offensés. Cette disposition morale est bien en harmonie avec l’esprit de miséricorde et d’amour, recommandé avec tant de force par le Seigneur, à la fin du chapitre 5 de Matthieu. Ce ne devait plus être « œil pour œil et dent pour dent », plus le mal pour le mal, mais le bien seulement, toujours le bien. Leur modèle devait être désormais leur « Père qui est aux cieux », et non pas seulement Dieu en tant que Dieu, parce que, comme tel, Il a plus d’une fois montré que c’est à Lui qu’appartient la vengeance, et qu’Il agira encore selon la stricte justice envers tout ce qui, en l’homme, appelle Son jugement. Comme Père dans le ciel, Il fait lever Son soleil sur les méchants et sur les bons, Il envoie Sa pluie sur les justes et sur les injustes, indépendamment de Ses relations intimes et éternelles avec Ses enfants, qui jouissent de toute l’effusion de Son amour. Ainsi le devoir d’user de miséricorde et de grâce envers autrui est ici non seulement enjoint aux disciples, comme étant la volonté du Seigneur ; mais il est présenté comme intimement uni et rattaché à leur propre et continuel besoin de pardon, toutes les fois qu’ils élevaient leurs cœurs à leur Père (voir Marc 11, 25, 26). L’application de ce devoir avait sans doute une portée toute spéciale pour des disciples juifs, lesquels, comme nation, se trouvaient placés sous la responsabilité de marcher selon la loi, dont l’esprit n’était pas la grâce en cas d’offense, mais bien l’infliction d’un juste châtiment au coupable. C’est ainsi que l’ancien Israël fut employé à purifier le pays de Canaan des habitants qui le souillaient. Et c’est aussi pour cela que les Israélites eux-mêmes, quand eux et leurs rois s’étaient entièrement rebellés contre Dieu, avaient attiré les coups de Sa verge. « Je vous ai connus vous seuls d’entre toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités », dit l’Éternel (Amos 3, 2).

Désormais, comme Jésus le montre dans l’histoire ou la parabole du compatissant Samaritain (Luc 10), la notion de « prochain » devait briser les étroites limites du judaïsme et embrasser même les nations les plus méprisées par les orgueilleux disciples des pharisiens. La stricte justice dans les rapports avec le prochain allait faire place à la grâce, à proportion que le besoin et le sentiment de la grâce de Dieu seraient appréciés par les pauvres pécheurs, ayant faim et soif de pardon. Les Juifs qui croyaient devaient quitter graduellement leur ancienne position, pour entrer sur un nouveau terrain comme des enfants, ayant affaire avec leur Père dans les cieux, et appelés, comme tels, à refléter Son caractère ici-bas.

La parabole, qui termine le chapitre 18 de Matthieu, met bien en évidence ce que nous venons d’avancer. Elle nous représente, je le crois, le Seigneur agissant, d’une manière essentiellement identique, avec le Juif et le Gentil. Le serviteur, qui devait à son roi dix mille talents, est le Juif coupable de la réjection du Christ. Dans quel affreux état il se trouvait vis-à-vis de son seigneur ! Comme il n’avait pas de quoi payer, celui-ci commanda qu’il fût vendu, etc. Mais ému de compassion par les prières de l’esclave, le seigneur le relâcha et lui remit sa dette. Or, cet esclave étant sorti, trouva un de ceux qui étaient esclaves avec lui, et qui lui devait cent deniers. Les Gentils étaient sans doute débiteurs des Juifs, mais ils ne trouvaient en eux aucune miséricorde pour une dette infiniment moindre que celle qui avait été gratuitement remise à ces derniers. Voici comment l’apôtre Paul parle de l’état moral des Juifs, à ce point de vue : « Ils ont mis à mort et le Seigneur Jésus, et leurs prophètes, ils nous ont chassés par la persécution, ils ne complaisent point à Dieu, et ils sont opposés à tous les hommes — eux qui nous empêchent de parler aux nations afin qu’elles soient sauvées, pour combler ainsi toujours la mesure de leurs péchés », et c’est à cause de cela que, comme l’ajoute l’apôtre, « la colère est venue sur eux au dernier terme » (1 Thess. 2, 15, 16)[11].

Tout cela montre que cette cinquième demande, de même que les précédentes, ne se rapporte pas tant à des besoins individuels qu’à l’état général du peuple ou du moins du résidu. Il est dit : « Remets-nous nos dettes ». Et comme elle sera glorieusement exaucée un jour, alors que les Juifs, sur lesquels l’Éternel aura répandu l’Esprit de grâce et de supplications, commenceront à regarder vers Celui qu’ils ont percé ; ils déploreront leur péché national, demandant avec instances à leur Père céleste de le leur pardonner, et « ils mèneront deuil, comme quand on mène deuil d’un fils unique ; ils en seront en amertume, comme quand on est en amertume à cause d’un premier-né » (Zach. 12, 10). Et le résultat de cette profonde humiliation, de ces supplications ferventes, est ainsi indiqué : « En ce temps-là il y aura une source ouverte en faveur de la maison de David, et des habitants de Jérusalem, pour le péché et pour la souillure » (Zach. 13, 1). Alors, selon un passage prophétique déjà cité, le Seigneur traitera, avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda, une « nouvelle alliance », dont la clause de la part de Jéhovah sera celle-ci : « Je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché » (Jér. 31, 31, 34, cf. Héb. 8, 8-12 ; 10, 15-17). Alors « tout Israël sera sauvé, selon ce qui est écrit : Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob l’impiété. Et c’est là mon alliance pour eux lorsque j’ôterai leurs péchés » (Rom. 11, 26, 27). Alors les malheureux fils d’Abraham, qui, durant tant de siècles, auront senti peser sur eux et sur leurs enfants, comme ils l’avaient demandé dans leur effroyable impiété, le sang de Jésus en condamnation (Matt. 27, 25), auront, par la grâce d’en haut, les yeux et les cœurs ouverts pour apprécier la valeur « de ce sang de la nouvelle alliance, de l’alliance éternelle, répandu pour plusieurs en rémission de péchés » (Matt. 26, 28 ; Héb. 13, 20)[12] ; et c’est sous l’aspersion de ce sang précieux qu’ils trouveront, eux aussi, la parfaite rémission de leurs offenses (Éph. 1, 7), qu’ils avaient sollicitée.

C’est ce que Pierre, le jour de la Pentecôte, prêchait aux multitudes de Juifs qui l’écoutaient ; il aurait voulu dès lors les voir tous se placer sous le bénéfice du sang de l’aspersion. « Repentez-vous, leur disait-il, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés ; et vous recevrez le don du Saint Esprit ». Et encore : « Repentez-vous et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la présence du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ… » (Act. 2, 38 ; 3, 19, 20). Si le peuple eût compris et cru ces paroles, l’humiliation nationale, la restauration d’Israël, l’établissement du royaume par la présence de Jésus, le millénium avec toutes ses bénédictions et toutes ses gloires, auraient alors reçu leur accomplissement ; mais l’incrédulité d’Israël a amené sa réjection pour un temps, l’appel de l’Église et l’ajournement aux derniers temps des jours de miséricorde, de rétablissement, de pardon, d’honneur et de félicité, promis au peuple terrestre de Jéhovah.

Quels transports de joie et d’allégresse éclateront sur les collines et dans les vallées de la terre d’Emmanuel, quand ces belles paroles qui sont une promesse du Dieu d’Abraham, y seront, de Sa part, répétées par de nombreux messagers de salut et de paix : « Consolez, consolez mon peuple, dira votre Dieu. Parlez à Jérusalem selon son cœur, et lui criez que son temps marqué est accompli, que son iniquité est tenue pour acquittée, qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (És. 40, 1, 2).

Alors « ceux dont l’Éternel aura payé la rançon retourneront, et viendront en Sion avec chant de triomphe, et une joie éternelle sera sur leurs têtes ; ils obtiendront la joie et l’allégresse ; la douleur et le gémissement s’enfuiront. C’est moi, c’est moi qui vous console » (És. 35, 10 ; 51, 11, 12). Objets de la grâce signalée de leur Dieu, les enfants d’Israël auront appris à user de grâce envers leur prochain, envers les nations aussi bien qu’envers leurs frères selon la chair. Pardonnés, il leur sera doux de pardonner. Ils se souviendront, pour la réaliser, de cette parole que leur Messie, leur Rédempteur, leur Roi adressait jadis, sur ce sujet, à un de leurs docteurs : « Va, et toi fais de même » (Luc 10, 37).

Ici donc encore, c’est notre intime conviction, le plein et complet exaucement de cette demande n’aura lieu que par l’accomplissement des prophéties citées ci-dessus et de tant d’autres analogues. Alors il n’y aura plus lieu pour Israël à dire : « Remets-nous nos dettes », parce que ces dettes seront remises et remises pour toujours, « tenues pour acquittées », comme nous venons de le voir.

Sixième demande. Et ne nous induis pas en tentation

Ici, le mot « tentation » ne peut évidemment pas avoir le sens d’une impulsion ou d’une sollicitation au mal, au péché. L’apôtre Jacques (1, 13) dit formellement à ce sujet : « Que nul, quand il est tenté, ne dise : Je suis tenté par Dieu ; car Dieu ne peut être tenté par le mal, et lui ne tente personne », et, dans le verset suivant, il donne la filiation du péché, qui est enfanté par la convoitise et qui, étant consommé, produit la mort. La tentation, en effet, peut nous venir de deux sources : elle vient de Dieu quand le cœur ou la foi est mis à l’épreuve : « Dieu tenta Abraham ». Elle vient de l’adversaire quand elle arrive par la convoitise, quand la chair est amorcée et alléchée. Ce fut le cas de Lot, levant les yeux sur la plaine du Jourdain (Gen. 13, 10). Ce mot de « tentation » et le verbe « tenter » sont fréquemment employés dans les Écritures pour désigner l’épreuve d’Israël, ou de quelque personnage approuvé de Dieu[13].

Les circonstances, dans lesquelles le Seigneur trouve convenable de placer Ses disciples, peuvent être pour eux des tentations, en tant qu’elles mettent à l’épreuve leur foi en Lui. Un fait remarquable de l’histoire évangélique servira d’illustration à ce que nous venons de dire. Nous le trouvons dans l’évangile de Matthieu, chapitre 14, versets 22 à 32. Après le miracle des pains, Jésus contraignit Ses disciples de monter dans la nacelle et de Le précéder à l’autre bord ; tandis que Lui-même, ayant renvoyé les foules, monta sur une montagne à l’écart pour prier. Or le soir étant venu, la nacelle était au milieu de la mer, battue par les vagues, car le vent était contraire, et les pauvres disciples se tourmentaient à ramer (Marc 6, 48). Et sur la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux, marchant sur la mer, et en Le voyant ils furent troublés et eurent peur au point qu’ils poussèrent des cris, croyant que c’était un fantôme. Or, auraient-ils dû s’effrayer soit de la violence de la tempête, soit de la vue de Jésus marchant sur les flots ? Nous pouvons dire hardiment : Non — et cela parce qu’ils ne s’étaient pas mis volontairement dans cette position, mais qu’ils s’y trouvaient par la volonté expresse du Seigneur, qui les avait contraints de s’embarquer. Ainsi ils n’avaient rien à craindre, ils devaient être assurés que leur Maître veillerait sur eux et les protégerait. Mais, en même temps, l’ordre même que Jésus leur avait donné était devenu pour eux une tentation, une épreuve de leur confiance en Lui, laquelle, hélas ! s’était montrée bien faible. — Il en est de même, en continuant ce récit, de ce qui advint à Pierre qui, lorsque Jésus leur eut dit : « Ayez bon courage, c’est moi, ne craignez pas », répondit aussitôt : « Seigneur, si c’est toi, commande-moi d’aller à toi sur les eaux ». Et Jésus lui dit : « Viens. Et Pierre descendant de la nacelle, marcha sur les eaux pour aller à Jésus. Mais voyant que le vent était fort, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, il s’écria, disant : Seigneur, sauve-moi ! Et aussitôt Jésus étendant sa main, le prit et lui dit : Homme de petite foi, pourquoi as-tu douté ? ». — Pierre fut aussi là spécialement mis à l’épreuve, et le résultat en fut de manifester qu’il était un homme « de petite foi ». Tant qu’il ne regarde que le Seigneur, il marche sans danger et sans crainte sur les eaux ; mais dès qu’il jette les yeux sur les flots, il enfonce. Et il en est toujours de même, pour pouvoir surmonter les difficultés que nous rencontrons dans ce monde, il nous faut tenir nos regards fixés sur Jésus qui nous cachera ces difficultés ; mais, hélas ! notre peu de foi ou notre incrédulité dirige souvent nos yeux et nos cœurs uniquement sur les difficultés qui nous cachent Jésus (car on ne peut regarder les deux en même temps) ; alors il n’est pas étonnant que nous enfoncions et perdions courage. Mais heureusement Jésus est encore là pour prendre Son disciple par la main et l’empêcher de périr ; Il accomplit toujours cette promesse : « Si le juste tombe, il ne sera pas entièrement abattu ; car l’Éternel le soutient par la main » (Ps. 37, 24).

Le même apôtre Pierre apprit plus tard, par une bien triste expérience, que, « si l’esprit est prompt, la chair est faible », bien faible en présence de la tentation. Ce n’était pas un péché pour lui, d’être mis à l’épreuve pour voir s’il confesserait son Maître en présence de ses ennemis. Le Seigneur l’avait averti de sa faiblesse, mais l’apôtre trop confiant en ses prétendues forces et en son dévouement à Jésus, n’écouta point les paroles d’avertissement ; il dormit quand le Seigneur avait dit : « Veillez » ; il dormit, quand il aurait dû prier pour ne point entrer en tentation ; aussi quand la tentation arriva, quand il la chercha lui-même, elle le trouva sans force, non préparé, non fortifié d’en haut, et il tomba — il tomba misérablement et à réitérées fois. Ici encore, heureusement, le Seigneur qu’il renia avait prié pour lui, en sorte que sa foi, sa confiance en Jésus ne défaillit point, et qu’il fut relevé, pardonné et réintégré dans l’apostolat pour paître les brebis de Christ. Sans cet amour de son Sauveur, il aurait pu faire la même fin que Judas.

Ainsi toutes les afflictions, les souffrances, les maladies[14], les persécutions, dispensées ou permises par la volonté de Dieu, pouvaient devenir, pour les disciples du Christ, des tentations. Or, pour peu qu’ils eussent conscience de leur infirmité naturelle, de leur incapacité morale, ils devaient sentir le besoin de demander à leur Père céleste de leur épargner, autant que possible, des circonstances trop grièvement éprouvantes. Pour peu qu’ils connussent la facilité avec laquelle ils pouvaient tomber dans le péché, ils devaient humblement et ardemment désirer de n’être pas criblés. Ici, la tentation consistait donc à mettre une personne entièrement à l’épreuve, et la conséquence en devait être que, s’il y avait dans son cœur quelque mal qui n’eût pas été jugé, il serait mis au jour, manifesté pour son humiliation.

Pendant les jours de Sa chair, Jésus Lui-même passa par toute espèce de tentations. Il fut d’abord tenté, dans le désert, par le diable ou le tentateur (Matt. 4, 1, 3, 7 ; Luc 4, 2, 13), qui l’assaillit de nouveau, à la fin de Son ministère, dans le jardin de Gethsémané, où la puissance des ténèbres se rangea en bataille contre Lui (Luc 22, 53). Mais il n’y avait rien en Lui qui pût être atteint ou affecté par Satan ; selon ce qu’Il dit : « Le chef de ce monde vient, mais il n’a rien en moi » (Jean 14, 30). Jésus fut aussi tenté par les sadducéens, les pharisiens, les hérodiens, les scribes, un docteur de la loi (Matt. 16, 1 ; 22, 18, 35 ; Marc 8, 11 ; 10, 2 ; 12, 15 ; Luc 10, 5 ; Jean 8, 6). En un mot, « il a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché » (Héb. 4, 15). Jésus Lui-même, adressant ces paroles à Philippe : D’où achèterons-nous des pains, afin que ceux-ci mangent ? disait cela pour le tenter, car Il savait ce qu’Il allait faire (Jean 6, 5, 6).

Mais le résultat de toutes ces tentations fut de faire ressortir la sagesse et la sainteté parfaite du Sauveur, à la confusion de Ses ennemis. Si Satan n’avait rien en Lui, il n’a, hélas ! que trop d’intelligences dans notre chair ou dans nos cœurs ; et comme cet adversaire peut se prévaloir de toutes les circonstances et surtout des épreuves, pour nous détourner de Dieu et nous porter au murmure ou à l’infidélité, il est évident que tout racheté de Christ n’a que trop sujet de crier à son Père : « Ne nous induis pas en tentation ». Cela était tout particulièrement à propos pour les disciples à qui Jésus s’adressait, lesquels n’avaient pas reçu le Saint Esprit, ce grand et puissant antagoniste de la chair (Gal. 5, 17) ; ils étaient appelés à persévérer avec Christ dans Ses tentations : aussi dans le sein de leur propre nation, ils allaient être comme des brebis au milieu des loups (Matt. 10, 16) ; ils allaient rencontrer tant d’opposition, tant d’opprobres et tant de croix à la suite du Crucifié ; ils allaient voir toutes leurs pensées et leurs espérances judaïques complètement renversées et être traités ensuite comme les balayures du monde (1 Cor. 4, 13) et comme des brebis destinées à la boucherie (Rom. 8, 36).

Mais ici encore, observons que cette prière n’est pas individuelle, qu’elle se rapporte à des besoins collectifs, et qu’il est probablement encore à venir, le jour où elle aura sa grande et vraie signification, son application la plus remarquable. En effet, voici ce que dit le Saint, le Véritable, à l’ange de l’assemblée qui est à Philadelphie (Apoc. 3, 10) : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de la tentation, qui va arriver sur tout le monde habitable pour tenter ceux qui habitent sur la terre ». C’est là un fait qui arrivera certainement un jour ; c’est la bouche du Véritable qui l’annonce ; ce fait se liera à « la grande tribulation » dont parle aussi le Seigneur Jésus, et qui, dit-Il, sera « telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais de semblable » (Matt. 24, 21). Et voici, d’après la Parole, ce qui amènera cette tentation, cette tribulation si affreuse : Avant que le jour du Seigneur puisse être là, il faut qu’une apostasie générale et formelle ait lieu ; il faut pour cela qu’un personnage, désigné sous les noms de l’homme de péché, de fils de perdition, d’inique, d’Antichrist, de seconde bête, soit révélé. Le mystère d’iniquité qui doit le produire, est déjà en train depuis les jours apostoliques ; mais il y a un certain obstacle qui jusqu’ici a empêché la manifestation de celui qui viendra en son propre nom et qui sera reçu, entre autres et surtout, par la grande majorité des Juifs qui l’adoreront dans le temple de Dieu. Un jour, bientôt, peut-être (cela peut arriver d’un instant à l’autre), l’obstacle sera ôté. « Alors apparaîtra l’inique (ἄνομος, l’homme sans loi), duquel la venue est selon l’opération de Satan en toute sorte de miracles, et signes et prodiges de mensonge, et en toute séduction d’injustice dans ceux qui périssent parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Et à cause de cela Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice » (2 Thess. 2, 3-12 ; 1 Jean 2, 18, 22 ; Jean 5, 43). Apocalypse 13, 11-17 indique quelques-uns des actes de puissance que fera ce personnage et parle des persécutions jusqu’à la mort qu’auront à subir de sa part tous ceux qui ne rendront pas hommage à l’image de la bête. Les psaumes 79 et 80 présentent aussi un lugubre tableau de l’état d’extrême détresse dans lequel se trouvera alors le résidu juif fidèle. Il en est question encore dans plusieurs autres portions de la parole prophétique et, en particulier, dans Daniel.

Jamais le monde n’aura été témoin d’une aussi redoutable tentation. Alors, dit encore Jésus, « il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, et ils montreront des signes et des prodiges pour séduire même les élus, s’il était possible » (Matt. 24, 24). — L’Église, corps de Christ, aura été enlevée auprès du Seigneur, avant l’apparition de l’homme de péché ; sa présence sur la terre pourrait bien être ce qui retient cette apparition. Néanmoins Dieu aura encore des élus ici-bas, Il aura Ses témoins au milieu de cette horrible et épouvantable apostasie, car Il ne se laisse jamais sans témoignage (Act. 14, 17).

Un de nos bien-aimés frères, M. J.B. Rossier, a publié, en 1847, une intéressante brochure sur ce Témoignage de la fin. « Je vois, dit-il (p. 16), deux grandes catégories de témoins après l’enlèvement de l’Église : premièrement, le témoignage actif et sanglant ; deuxièmement, un témoignage passif et, pour ainsi dire, muet ». Voici une courte esquisse des idées de l’auteur sur le point qui se rapporte à notre sujet.

L’origine des témoins de la première catégorie remonte jusqu’à Jean-Baptiste, quant à ce qui concerne la nouvelle alliance ; il devait aller devant le Seigneur « dans l’esprit et la puissance d’Élie » (Luc 1, 17). Or si Jean est venu, la première fois, dans l’esprit d’Élie, il n’est évidemment pas venu encore dans la puissance du Thishbite. La reprise en puissance du témoignage interrompu de Jean-Baptiste se trouve, je pense, en Apocalypse 11, 3, etc. où les deux témoins offrent, d’une manière frappante, quant à la puissance qui leur est donnée, les traits qui caractérisèrent Élie et Moïse. Ils prophétisent mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs. « Quand ils auront achevé leur témoignage, la bête, qui monte de l’abîme, leur fera la guerre, et les vaincra et les tuera ; et leurs corps morts seront étendus sur la grande place de la ville, qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, où aussi leur Seigneur a été crucifié ». Et ceux qui habitent sur la terre manifestent la plus grande joie, parce que ces deux prophètes les tourmentaient. Et au bout de trois jours et demi, Dieu les ressuscite et les enlève au ciel à la vue de leurs ennemis.

Lorsque l’Agneau ouvre le cinquième sceau, Jean voit « sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été égorgés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu. Et elles criaient à haute voix, disant : Jusques à quand, ô Maître souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang de ceux qui habitent sur la terre ? Et il leur fut donné une robe blanche ; et il leur fut dit qu’ils se reposassent encore un peu de temps, jusqu’à ce que leurs compagnons de servitude, et leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux fussent accomplis » (Apoc. 6, 9-11). C’est la tribulation finale, la véritable grande tribulation, qui doit bientôt compléter le nombre de cette corporation de témoins. — Les versets 9 et suivants du chapitre 7 nous présentent l’exaucement du cri des âmes sous l’autel et l’accomplissement de leurs compagnons et frères, qui sont venus compléter, dans le ciel, le nombre des martyrs de l’évangile du règne. L’apôtre en voit une foule innombrable ; ils se tiennent « devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de longues robes blanches, et ayant des palmes en leurs mains ; et ils crient à haute voix, et disent : Le salut est de notre Dieu qui est assis sur le trône et de l’Agneau ». Et l’un des anciens dit à Jean : « Ceux-ci qui sont vêtus de longues robes blanches, qui sont-ils, et d’où sont-ils venus ? Et je lui dis : Mon seigneur, tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, et qui ont lavé leurs longues robes, et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau ». Ces martyrs se trouvent réunis (15, 1-4) sur une mer de verre, mêlée de feu ; ils ont des harpes de Dieu, et ils chantent le cantique de Moïse et le cantique de l’Agneau. Cette corporation ne renferme pas seulement des Juifs, des Gentils leur sont associés, car elle forme une grande foule de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue (7, 9). Ce sont eux qui ont vaincu l’accusateur des frères « à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage ; et ils n’ont point aimé leur vie, même jusqu’à la mort » ; c’est d’eux qu’il a été dit que « leur sang serait versé comme de l’eau » (Ps. 79, 3) ; car ils périront de mort violente sous les coups de la bête.

Ils crieront, sans doute, au Seigneur, Lui demandant de ne pas les introduire dans cette terrible tentation, c’est-à-dire de les en préserver, de ne pas permettre qu’ils y entrent. Il leur arrivera de même qu’à Paul qui, lui aussi, avait invoqué trois fois le Seigneur, le priant de retirer la tentation qu’il avait en sa chair. Il ne fut pas exaucé, semble-t-il, puisque la tentation continua ; mais il fut plus qu’exaucé, ou admirablement exaucé quoique d’une toute autre manière qu’il ne l’imaginait, en ce que le Seigneur lui dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans l’infirmité » ; richement exaucé, car dès lors l’apôtre put « prendre plaisir dans les infirmités, dans les outrages, dans les persécutions, dans les difficultés pour Christ » (2 Cor. 12, 8-10). De même quant à cette classe des témoins de la fin, ils ne seront pas exaucés, en apparence, puisqu’ils devront passer par la grande tribulation et se voir exposés aux persécutions les plus violentes ; néanmoins ils seront exaucés en réalité, en étant fortifiés par le Seigneur au point de ne pas aimer leur vie et de rendre un fidèle témoignage en présence des supplices les plus cruels. C’est ainsi que, même par leur mort, ils vaincront l’adversaire, et remporteront la victoire sur la bête. Aussi auront-ils dans le ciel la palme du vainqueur. « Ils sont devant le trône de Dieu, et le servent jour et nuit dans son temple ; et Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux. Ils n’auront plus faim et ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur, parce que l’Agneau, qui est au milieu du trône, les paîtra, et les conduira aux fontaines des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (Apoc. 7, 15-17). En réalité, quel exaucement, quelle grâce, quelle victoire, quel triomphe !

Mais à côté de ce témoignage actif et sanglant, il est une autre catégorie de saints, existant à la même époque, qui constitue ce que notre auteur appelle le témoignage passif ou muet[15]. On voit cette seconde division du témoignage de la fin en Apocalypse 7, 1-8 et 14, 1-5. Les cent quarante-quatre mille Israélites dont il est parlé dans ces deux passages, sont des hommes vivant sur la terre, « rachetés de la terre et d’entre les hommes », et scellés pour être épargnés. Ces élus, d’entre les fils d’Israël, marqués pour vivre comme des prémices terrestres pour Dieu et pour l’Agneau, sont gardés sur la terre à part du reste de la nation. Ce résidu est probablement identique avec « le résidu de la semence de la femme » (12, 6, 17), qui sera gardé providentiellement et matériellement dans un désert, et loin de la tentation de l’Antichrist.

Ces cent quarante-quatre mille, en contraste avec les martyrs précédents, gardent la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ, en possédant leurs âmes par la patience, en se tenant tranquilles, en levant leurs têtes en haut d’où vient la délivrance, c’est-à-dire, Jésus, « de la même manière qu’il est monté » (Act. 1, 11). Enfin ces témoins sont, eux aussi, conduits par le fidèle Berger. Ils peuvent seuls apprendre, sur la terre, le cantique nouveau, chanté dans le ciel, devant le trône, par les chœurs célestes (Apoc. 14, 3-4).

Eh bien ! ces témoins-ci auront sans doute répété aussi cette partie de la prière du Seigneur : « Ne nous induis ou ne nous introduis pas dans la tentation », et quant à eux, selon les vues de sagesse et de miséricorde de leur Père, elle sera littéralement exaucée ; ils seront conservés en dehors de la tentation de la fin. — Ici encore, c’est donc à la parole prophétique qu’il faut demander la vraie et complète signification de cette sixième demande, telle du moins que devait la concevoir le résidu juif auquel Jésus l’enseignait.

Septième demande. Mais délivre-nous du mal

Nous avons déjà dit que l’on peut traduire : « du méchant », aussi bien que « du mal ». Ici, comme dans Matthieu 5, 37 ; Jean 17, 15 ; 2 Thessaloniciens 3, 3 ; 1 Jean 5, 19, il est impossible de déterminer grammaticalement si l’adjectif grec (πονηρὸς) est au masculin ou au neutre et, par conséquent, s’il doit être rendu par méchant ou par mal. Je pense que, pour les disciples juifs, les deux sens avaient également de l’importance ; mais que, pour le résidu de la fin, ce sera surtout le besoin d’être délivré du « méchant » qui sera exprimé dans cette requête. Elle suit bien naturellement la précédente, vu que la tentation n’a que trop souvent pour effet de manifester le mal, et que l’auteur et l’instigateur du mal gagne par là du terrain sur le cœur de celui qui a été tenté.

Que les disciples du Seigneur eussent besoin d’être délivrés du mal, c’est ce qu’il n’est pas nécessaire de prouver. Non seulement le mal était attaché à eux, de même qu’à nous, mais le mal les environnait de toutes parts. Rappelons-nous, de plus, que, quoique croyant au Seigneur Jésus, ils étaient encore dans la chair et sous la loi qui fait abonder l’offense, et qui ne donne aucune force quelconque pour surmonter le mal. Que deviendraient-ils donc dans leur extrême faiblesse, s’ils n’étaient aidés et fortifiés d’en haut au milieu de toutes les tentations qu’ils allaient rencontrer ? Oh ! comme il était à propos pour eux de recourir à leur « Père qui est aux cieux », et de lui crier : « Délivre-nous du mal » !

Que les mêmes disciples dussent sentir de même le besoin d’être délivrés du méchant, c’est encore ce qui ne laisse lieu à aucun doute. Le méchant, c’est le nom donné à Satan, dans le Nouveau Testament[16] ; à Satan, qui est le lion rugissant, toujours rôdant autour de nous, cherchant qui il pourra engloutir ; à Satan, dont les pauvres disciples ne connaissaient pas les ruses, la puissance et les machinations ; à Satan, qui allait demander de les cribler comme le blé, en sorte que s’ils n’avaient pas eu pour eux Celui qui est plus fort que l’homme fort, ils auraient nécessairement succombé aux attaques de l’adversaire. Oh ! comme ils avaient donc sujet, dans un monde ennemi dont le prince est Satan, de dire et de répéter à Dieu : « Délivre-nous du méchant ! ».

Mais c’est surtout au point de vue prophétique, c’est surtout dans la bouche des témoins fidèles de la fin, que cette prière acquerra une plus frappante et plus solennelle réalité. Les développements que nous avons donnés à l’explication de la précédente demande, concernent aussi celle-ci, en sorte que nous pouvons y renvoyer nos lecteurs, en nous contentant d’ajouter seulement quelques mots.

Je vois fréquemment indiqués, dans les psaumes prophétiques (je ne sais s’il en est qui n’aient pas ce caractère), deux personnages dont l’un est appelé « le juste » et l’autre, « le méchant ». Il me paraît évident que, dans la plupart des cas, si ce n’est dans tous, il faut voir, dans « le juste », le Juste par excellence, le Seigneur Jésus, le Messie, le Rédempteur et le Roi d’Israël ; et dans « le méchant » qui lui est opposé, l’homme de péché, l’inique ou l’Antichrist, celui qui sera, sur la terre à la fin de ce présent siècle, l’instrument impie et féroce du méchant ou de Satan. Je me bornerai à citer ce passage remarquable (37, 35, 36) : « J’ai vu le méchant terrible, et s’étalant comme un laurier vert ; mais il est passé, et voilà, il n’est plus ; je l’ai cherché, et il ne s’est point trouvé ».

Eh bien ! nous trouvons dans les Psaumes des prières toutes semblables à celle qui nous occupe et que l’Esprit prophétique place dans la bouche du résidu sous la persécution de l’Antichrist.

Ainsi, psaume 140, 1 : « Éternel ! délivre-moi de l’homme méchant ». 71, 4 : « Mon Dieu, délivre-moi de la main du méchant ». — 17, 13 : « Lève-toi donc, Éternel ! Marche à sa rencontre, abats-le. Délivre-moi du méchant par ton épée ».

Quant à l’exaucement de cette prière, il aura lieu par le Seigneur Jésus, qui anéantira le méchant par l’apparition de Sa venue, et qui liera Satan pour mille ans, et le jettera dans l’abîme (2 Thess. 2, 8 ; Apoc. 20, 2). — Cet exaucement est aussi annoncé dans ces derniers versets du psaume 37 : « Les rebelles seront tous ensemble détruits, et ce qui sera resté des méchants sera retranché. Mais la délivrance des justes viendra de l’Éternel ; il sera leur force au temps de la détresse ; car l’Éternel les secourt et les délivre ; il les délivrera des méchants et les sauvera, parce qu’ils se seront réfugiés en Lui ».


Tel est donc, à notre avis, le sens de cette excellente prière. Enseignée à des disciples juifs, elle répondait admirablement à leurs idées, à leurs besoins, à leur position. Ainsi que nous l’avons vu, elle correspondait parfaitement, d’un bout à l’autre, à ce que la connaissance de leurs livres prophétiques leur donnait le droit d’attendre de la fidélité de Dieu et, par conséquent, de réclamer de Sa grâce. Nous pourrions nous arrêter ici, car il est évident que la signification de cette oraison, telle que les disciples pouvaient et devaient la comprendre, en était bien la vraie signification, et en quelque sorte la seule. Mais comme cette portion de la bonne Parole nous concerne aussi, nous chrétiens, puisque la sagesse de Dieu nous l’a transmise, nous devons examiner quelle portée elle aura pour nous.

Chapitre 2

Toutes les demandes qui, dans leur ensemble, constituent la prière du Seigneur, ont pour objet de bien précieuses bénédictions. Nous avons aussi besoin de les réclamer, cela est évident, quoique nous ne puissions pas toujours le faire, pensons-nous, de la même manière que les disciples juifs.

C’est ce que nous nous proposons maintenant de faire voir ; après quoi nous exposerons les différences essentielles que la grâce de Dieu a mises entre les disciples, tels qu’ils étaient quand Jésus les enseignait sur la montagne, et les disciples, tels qu’ils sont devenus plus tard comme membres de l’Église, corps de Christ : cela nous mettra à même de juger si l’oraison dominicale doit être pour nous un formulaire que nous soyons tenus d’employer.

Partie 1

Eh bien ! reprenons maintenant, aussi brièvement que possible, les diverses parties de l’oraison, et voyons jusqu’à quel point et dans quel sens elles correspondent à notre position et à nos besoins.

a) Commençons de nouveau par l’adresse : « Notre Père qui es aux cieux ».

Nous l’avons déjà dit, nous pouvons, nous chrétiens, à meilleur droit que des disciples encore juifs, dire et répéter : « Notre Père », nous adresser à Dieu en employant ces mots. Ils sont pour nous bien doux, bien précieux, et c’est notre immense privilège d’invoquer Dieu « comme Père » (1 Pier. 1, 17). Il est notre Père, en effet, et nous sommes Ses enfants dans un sens beaucoup plus élevé, plus intime et plus béni que des fidèles d’entre les Juifs ne pouvaient l’être. « Nous avons reçu l’Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! ».

Nous appelons Dieu, « notre Père », comme, au reste, les disciples purent le faire plus tard, dans le sentiment et la conscience de notre union avec Christ, et dans toute la plénitude de grâce qui respire dans ce message que le Seigneur ressuscité confiait à Marie de Magdala : « Va vers mes frères, et leur dis : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17).

Mais si nous voulons nous en tenir au style de l’inspiration, à dater de la naissance de l’Église, nous ne joindrons pas aux mots « Notre Père », la qualification qui les accompagne : « qui es aux cieux ». Comme nous l’avons dit, elle était en rapport avec la notion de Dieu dans l’Ancien Testament et, par conséquent, avec les idées, parfaitement saines d’ailleurs, que les Juifs pieux se faisaient du domicile arrêté de la demeure de Jéhovah. Quant à l’Église, cependant, elle est placée dans d’autres relations avec Dieu et dans une tout autre position : aussi, comme nous l’avons déjà fait remarquer, jamais de telles expressions, ni leur équivalent, ne se trouvent placées par le Saint Esprit dans la bouche ou sous la plume des apôtres et des chrétiens primitifs, quand ils s’adressent au « Dieu et Père de leur Seigneur Jésus Christ » ou quand ils parlent de lui. Pour eux, Dieu n’est pas dans l’éloignement ; « il n’est pas loin de chacun de nous, dit Paul au milieu de l’Aréopage ; car en lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes » (Act. 17, 27, 28). « Le Seigneur est près », dit ailleurs (Phil. 4, 5) le même apôtre, tellement près, en effet, que nous sommes en Lui et qu’Il habite en nous par Son Esprit. Les mots « qui es aux cieux » n’indiqueraient-ils pas aussi que, lorsque le Seigneur les prononçait, « le chemin des lieux saints n’était pas encore manifesté » (Héb. 9, 8) ? Tandis que maintenant, après la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus, après la descente du Saint Esprit sur l’Église, « nous avons une pleine liberté pour entrer dans ces lieux saints par le sang de Jésus, par un chemin nouveau et vivant, qu’il nous a consacré à travers le voile, c’est-à-dire sa chair » (Héb. 10, 19, 20), en sorte que nous sommes exhortés à nous approcher « avec confiance du trône de la grâce » (Héb. 4, 16). Par Christ, « nous avons, les uns et les autres [Juifs et Gentils], accès auprès du Père par un seul Esprit » (Éph. 2, 18) ; car « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Cor. 3, 17), ce qui signifie ici (voir le contexte) la liberté de rapports et de relations avec Dieu.

Enfin, dans les termes dont nous nous occupons, « le Père » est considéré comme étant aux cieux, et ceux qui s’attendent à Lui comme étant absolument sur la terre. Or maintenant quelle est la vraie position de l’Église de Dieu ? Voici la réponse que nous donne la Parole : « L’assemblée des Thessaloniciens en Dieu, le Père, et dans le Seigneur Jésus Christ » (1 Thess. 1, 1 ; 2 Thess. 1, 1). — « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ! » (Éph. 1, 3). — « Dieu… nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus » (Éph. 2, 6). — « Vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (Col. 3, 3). Si donc notre Père est aux cieux (et qui en doute ?), nous y sommes aussi, en tant qu’unis à Christ. C’est là une proximité de Dieu, que les disciples sur la montagne ne pouvaient nullement connaître, dont ils ne pouvaient même se faire aucune idée. Aussi Jésus devait alors leur parler du Père comme étant aux cieux ; quant à nous, chrétiens, objets et monuments de la grâce ineffable de Dieu, unis à Christ, bénis en lui, gens de la maison de Dieu, si nous comparons cette qualification de « notre Père » avec les passages que nous venons de citer, nous nous convaincrons peut-être que nous ne pouvons guère l’employer dans nos relations avec Dieu, sans faire un immense pas en arrière.

b) Quant aux trois premières demandes, il va sans dire que nous devons avoir à cœur les grands objets auxquels elles se rapportent. Nous ne serions pas chrétiens, si nous étions indifférents à la gloire du saint nom de notre Dieu et Père, à la venue de Son règne et à l’accomplissement de Sa volonté sur la terre. Mais ces demandes, nous devons les bien comprendre ; or, selon nous, elles n’ont qu’un sens réel et complet, c’est-à-dire celui que nous avons exposé, d’après les Écritures, dans notre première partie. Nous ne sommes donc pas, il est vrai, directement intéressés aux grands faits à venir qui réaliseront pleinement et parfaitement ces trois prières ; je veux dire que l’Église ne sera certainement plus sur la terre lorsque cette glorieuse réalisation aura lieu ; mais, pour cela, n’aurait-elle pas droit à notre intérêt ? À Dieu ne plaise. Si le Seigneur a daigné nous traiter comme Ses amis (Jean 15, 15), faire de nous Ses confidents, en nous révélant Ses conseils touchant notre terre, Israël et les nations, pour « l’économie de la plénitude des temps », nous ne répondrons certes pas à une telle marque de confiance et d’amour, en disant que ces choses ne nous concernent pas et que, par conséquent, elles n’ont pas d’importance pour nous. Rien de ce qui a rapport aux intérêts de Jésus Christ et à la gloire de Dieu, ne peut ni ne doit nous être étranger. Ainsi nous nous joindrons d’avance au résidu juif de la fin, pour demander à notre « Père qui est aux cieux », que Son nom soit sanctifié sur cette terre, où Il a été, ou est encore si horriblement profané même par ceux qui font profession de Le connaître. Nous nous étudierons à Le sanctifier nous-mêmes, et nous nous souviendrons que l’apôtre Pierre nous applique, par le Saint Esprit, l’exhortation contenue dans Ésaïe 8, 13, que nous avons citée ci-dessus (page 17) : « Sanctifiez le Seigneur Dieu dans vos cœurs » (1 Pierre 3, 15). Oh ! oui, nous ne saurions trop désirer, trop demander, que nos cœurs et les cœurs de tous nos frères soient de plus en plus pénétrés de la sainteté du Seigneur, notre Dieu, et que tous L’honorent comme le Saint, soit dans leurs cœurs, soit dans leurs paroles, soit dans leur marche et leur témoignage.

c) « Que ton règne ou ton royaume vienne ». Qui de nous, chrétiens, ne répéterait pas avec ferveur cette demande ! Qui de nous ne soupire pas après son accomplissement ! Comment pourrions-nous être indifférents là-dessus, nous que « le Père a transportés dans le royaume du Fils de son amour » (Col. 1, 13) ; nous que « Dieu appelle à son propre royaume et à sa propre gloire » (1 Thess. 2, 12) ; nous qui pouvons dire avec confiance, avec l’apôtre des Gentils : « Le Seigneur me sauvera pour son royaume céleste » (2 Tim. 4, 18) ; nous qui, par la foi, avons reçu « un royaume qui ne peut être ébranlé » (Héb. 12, 28), étant « héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l’aiment » (Jacq. 2, 5) ; nous qui, tout en participant « à l’affliction » (Apoc. 1, 9), participons aussi « au règne et à la patience de Jésus Christ », et devons nous étudier « à affermir notre vocation et notre élection ;… car ainsi l’entrée au royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ nous sera richement donnée » (2 Pier. 1, 10, 11) !

Mais il faut s’entendre sur ce que c’est que le règne ou le royaume de Dieu ; il faut savoir ce que Jésus voulait faire demander aux disciples en leur enseignant à dire au Père : « Que ton royaume vienne » ; il importe de connaître quelle était la pensée du Seigneur dans cette demande et, par conséquent, comment les disciples devaient l’entendre, comment nous, chrétiens, nous devons la comprendre. Or ici, je ne crains pas de le dire, non seulement la chrétienté, mais l’Église elle-même, en général, a fait fausse route. Oui, l’on a généralement donné à cette demande une autre signification que celle que le Seigneur y attachait ; on a prétendu, en la répétant, requérir de Dieu une toute autre grâce. Cette assertion pourra paraître bien tranchante et par trop hardie. Je vais, avec l’aide du Seigneur et appuyé sur Sa Parole, essayer de la justifier.

Nous avons montré, par cette Parole, dans notre première partie, quel était le sens, le seul sens que les disciples juifs du Sauveur devaient nécessairement attacher à cette prière. En disant au Père : « Que ton règne vienne », ils n’avaient pas l’idée de demander autre chose que l’avènement d’un règne réel et personnel du Seigneur — ou l’accomplissement de nombreuses prophéties relatives à ce règne.

Or ces paroles ne peuvent avoir deux significations ; elles ont évidemment pour nous la même portée que pour le résidu juif. Est-ce pourtant, en leur maintenant ce sens, que la plupart des chrétiens les répètent ? Hélas ! non ; ils leur font signifier autre chose. Par une fausse spiritualité — fausse, oui, c’est le mot, car la vraie spiritualité, celle qui vient de l’Esprit de Dieu, ne poussera jamais un fidèle à altérer la Parole de Dieu ; — par une fausse spiritualité, on en est venu à substituer au règne personnel du Seigneur Jésus, un règne de Jésus sur les cœurs, dont il n’est jamais parlé dans le Nouveau Testament. Je veux dire que ces mots ne s’y trouvent pas, et que toutes les fois qu’il est question du règne ou du royaume, il s’agit d’un vrai règne et d’un vrai royaume, et non pas d’un soi-disant règne ou royaume spirituel — quoique je ne nie certes pas que nos cœurs doivent être soumis à Christ. En perdant de vue, en cessant de prêcher l’évangile du règne, on n’a plus vu, on n’a plus voulu prêcher que le règne de l’évangile. Le premier est selon la vérité de Dieu, le second est d’invention humaine, selon les imaginations et les pensées des hommes.

En conséquence de cette déplorable confusion, voici le sens que les docteurs, suivis par les simples, ont donné à cette demande. Ils croient, ils affirment, ils enseignent que ces paroles : « Ton règne vienne » signifient : que les hommes se soumettent à ton empire, que tu domines sur leurs consciences et sur leurs âmes ; en d’autres termes, que les pécheurs se convertissent à toi, en croyant à l’évangile[17]. Plusieurs affirment et enseignent encore que cette demande ne sera réellement accomplie que quand tous les hommes ou toutes les nations se seront soumis au joug de Christ — et que c’est ainsi seulement que Jésus régnera spirituellement sur la terre entière devenue chrétienne. Je ne comprends pas ce qu’on fait, dans ce système, de déclarations claires et positives qui annoncent précisément, pour la fin de cette économie, un avenir des plus sombres en parfait contraste avec ces brillantes perspectives. En voici quelques-unes seulement : « Sache ceci, écrivait Paul à son bien-aimé Timothée, qu’aux derniers jours, il surviendra des temps fâcheux ; car les hommes seront égoïstes, avares, etc. » (dix-sept autres traits de leur caractère, qui n’ont que trop de rapport avec ceux sous lesquels le même apôtre trace le hideux portrait moral des Gentils à la fin du premier chapitre de l’épître aux Romains). Mais ici il ne s’agit pas de païens, mais de gens qui ont « la forme de la piété », tout en « en ayant renié la puissance ». Dans le même chapitre Paul dit encore : « les hommes méchants et les imposteurs iront en empirant, séduisant et étant séduits » (2 Tim. 3, 1-5, 13). Dans la première épître aux saints de Thessalonique, après avoir, par la parole du Seigneur, annoncé l’enlèvement à la rencontre de Jésus, en l’air, de tous les croyants ressuscités et transmués [accomplissement littéral de la grande parole de Jésus à Marthe, Jean 11, 25, 26], l’apôtre en vient à un autre sujet, à un fait subséquent au premier et qui sera aussi épouvantable pour le monde que l’autre sera réjouissant et glorieux pour l’Église — au jour du Seigneur, en un mot, qui vient comme un larron dans la nuit, et à ce sujet il dit : « Quand ils diront : « paix et sûreté », alors il leur surviendra une subite destruction, comme les douleurs à celle qui est enceinte, et ils n’échapperont pas » (1 Thess. 5, 3). — Dans la seconde épître aux Thessaloniciens, au chapitre 2, l’apôtre annonce formellement que le mystère d’iniquité était déjà en train et que, à la fin de cette économie, il aboutirait à la grande apostasie, à la révélation de l’homme de péché ou de l’inique, que le Seigneur détruira par l’apparition de Sa venue. — Dans Luc 18, Jésus pose cette question aux disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? ». Dans le chapitre précédent, Il dit encore : « Comme il arriva aux jours de Noé, il en sera de même aux jours du Fils de l’homme aussi : on mangeait, on buvait ; on se mariait, on donnait en mariage, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et le déluge vint et les fit tous périr. Et ainsi qu’il arriva aux jours de Lot : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais, au jour où Lot sortit de Sodome, il plut du feu et du soufre du ciel, qui les fit tous périr ; il en sera de même, au jour où le Fils de l’homme sera manifesté ».

Nous pourrions produire encore, à l’appui de notre thèse, de nombreuses déclarations prophétiques ; mais en voilà bien assez, pensons-nous, pour montrer combien s’abusent ceux qui espèrent voir l’évangile réunir bientôt sous son bienfaisant empire toutes les nations de notre terre ; ceux qui pensent que c’est en cela que consiste le règne de Dieu, dont nous implorons la venue ; ceux qui, confondant les dispensations, attendent, comme fruit de l’évangélisation actuelle, les grandes bénédictions qui seront le résultat de la présence du Seigneur ici-bas pendant le millénium. Ces désirs, ces espérances sont, il est vrai, l’effet d’un cœur naturel bienveillant ; mais notre cœur est toujours rusé et trompeur. C’est une folle présomption de vouloir être bienveillant, autrement ou plus que Dieu, qui, Lui aussi, « veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1 Tim. 2, 4) ; mais qui, en même temps, déclare que, jusqu’à la consommation du siècle, « il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ».

Cette demande ainsi comprise, ainsi détournée de son vrai sens, a donné lieu à une locution des plus ordinaires dans la bouche ou sous la plume des chrétiens ; c’est celle de « l’avancement du règne de Dieu ou de Christ ». Partout on prie pour « cet avancement », et l’on entend, par là, les progrès de l’évangile ou la conversion des pécheurs. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer que cette expression n’est pas juste au point de vue des Écritures, vu qu’elle repose sur une vue tout à fait erronée des mots : « Ton règne vienne ». Ce qui le démontre encore, c’est que jamais elle n’est employée par les écrivains sacrés. Or il est toujours fâcheux et souvent dangereux, en parlant des choses de Dieu, de faire usage de termes qui ne se trouvent pas dans la Parole : cela suffit souvent pour prouver que les pensées se sont écartées de la vérité. Dans les Actes et dans les épîtres, il est souvent question, pourtant, de l’idée ou du fait que l’on prétend exprimer par les mots : « l’avancement du règne de Dieu » ; mais en quels termes sont-ils présentés ? En voici quelques exemples :

Actes 2, 47 : « Et le Seigneur ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés ».

5, 14 : « Des croyants d’autant plus [nombreux] se joignaient au Seigneur, une multitude tant d’hommes que de femmes ».

6, 7 : « Et la parole de Dieu croissait, et le nombre des disciples se multipliait beaucoup dans Jérusalem ».

9, 31 : « Les assemblées donc… étaient en paix, étant édifiées, et marchant dans la crainte du Seigneur ; et elles croissaient par la consolation du Saint Esprit ».

11, 21 : « Quelques-uns… parlaient aux Grecs, annonçant le Seigneur Jésus ; et la main du Seigneur était avec eux. Un grand nombre ayant cru, se tournèrent vers le Seigneur ».

12, 24 : « La parole de Dieu croissait et se multipliait ».

13, 2 : « Le Saint Esprit dit : Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés ».

13, 49 : « Et la parole du Seigneur se répandait par tout le pays ».

14, 27 : « Ils racontèrent toutes les choses que Dieu avait faites avec eux, et comment il avait ouvert à [ceux des] nations la porte de la foi ».

16, 5 : « Les assemblées étaient affermies dans la foi et croissaient chaque jour en nombre ».

Philippiens 1, 12 : « Les circonstances par lesquelles je passe, sont arrivées pour l’avancement de l’évangile ». etc.

Voilà, certes, un assez grand choix d’expressions, toutes selon l’Esprit de vérité, pour dire ce que l’on s’obstine à vouloir exprimer par une locution complètement étrangère à la Parole de Dieu, locution fondée sur la tradition ou sur une interprétation de la prophétie qui revient à vouloir le règne de Christ sans Christ.

Nous ne voulons pas traiter ici le sujet du royaume de Dieu ; cela nous mènerait trop loin, et nous pouvons renvoyer nos lecteurs à diverses publications qui ont paru, dans ces dernières années, sur cette question importante et généralement mal comprise. Cependant il est quelques passages que l’on pourrait nous opposer et sur lesquels il importe de nous arrêter un peu.

Le premier n’offre quelque difficulté que parce que l’on traduit mal un adverbe grec. Je veux parler de Luc 17, 21 : « Voici, le règne ou le royaume de Dieu est au-dedans de vous » ; c’est ainsi que la plupart de nos versions ont rendu le mot ἐντὸς[18], comme si le Seigneur Jésus avait pu dire aux pharisiens (car c’est aux pharisiens qu’Il s’adresse) que le règne de Dieu était au-dedans d’eux ; Lui qui les comparait à des sépulcres blanchis qui, « au-dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte d’impureté » (Matt. 23, 27). Citons tout le passage, en rétablissant ce que nous croyons le vrai sens du verset 21 et en le faisant suivre de quelques explications : « Or étant interrogé par les pharisiens, quand viendrait le royaume de Dieu, il leur répondit, et dit : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l’attention ; et on ne dira pas non plus : Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous. Et il dit à ses disciples : Les jours viendront que vous désirerez de voir un des jours du Fils de l’homme, mais vous ne le verrez pas. Et l’on vous dira : Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là. Mais n’y allez point, et ne les suivez point. Car comme l’éclair qui brille, luit de l’un des côtés de dessous le ciel jusqu’à l’autre côté de dessous le ciel ; ainsi sera aussi le Fils de l’homme en son jour ». Nous avons souligné les mots qui sont comme la clef de ce passage. D’abord c’était bien au milieu (et non pas au-dedans) d’eux, pharisiens, qu’était le royaume de Dieu, par la raison que le Roi était au milieu d’eux. Puis — c’est une affaire de temps : au présent, le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l’attention ; car qui est-ce qui remarquait le Roi d’Israël au milieu des siens ? Au futur, Jésus révèle aux disciples qu’il en sera tout autrement ; la venue du royaume de Dieu est comparée à l’éclair sillonnant toute l’étendue des cieux — évidemment de manière à attirer l’attention de tous : « Ainsi sera aussi le Fils de l’homme en son jour ».

Nous avons ensuite Romains 14, 17 : « Le royaume de Dieu n’est pas manger et boire, mais justice, et paix, et joie dans l’Esprit Saint ». Il s’agit dans ce chapitre de divergences de vues entre les chrétiens quant à l’observation des jours ou à la distinction des viandes. L’apôtre montre que le christianisme nous met en liberté à ces deux égards ; mais il veut que les forts supportent la faiblesse de foi dans leurs frères et ne soient pas pour eux une pierre d’achoppement. Car relativement à la nourriture, si nous sommes libres de manger de tout, nous devons pourtant prendre garde de ne pas scandaliser tel ou tel frère en usant de cette liberté ; « car si ton frère est attristé à cause d’une viande, tu ne marches pas selon l’amour » ; nous sommes obligés de demeurer dans l’amour, mais non pas de manger de tout ; car « le royaume de Dieu », auquel nous participons, puisque l’Église en est le département céleste, « n’est pas manger et boire » ; les privilèges qui le caractérisent sont d’une nature élevée, morale, spirituelle ; car, désormais, « il est bon que le cœur soit affermi par la grâce, non par les viandes, lesquelles n’ont rien profité à ceux qui y ont marché » (Héb. 13, 9) ; aujourd’hui, ce n’est plus, comme jadis, « un aliment qui nous recommande à Dieu » (1 Cor. 8, 8) ; dès à présent pour les membres du corps de Christ, qui jouissent par anticipation de tous les fruits spirituels du royaume, comme plus tard pour tous les enfants de ce royaume, quand il sera établi sur la terre, ces fruits sont et seront « justice, et paix et joie dans l’Esprit Saint ». C’est tout simplement un contraste avec le régime de la loi, dont le joug consistait aussi dans la distinction des aliments dont les uns étaient purs et d’autres souillés. Maintenant pour nous, et bientôt pour les heureux sujets du royaume de Dieu, nous sommes et ils seront affranchis de ce joug ; nous possédons et ils posséderont des grâces toutes célestes ; le royaume procure et procurera à ceux qui y sont et y seront appelés des bénédictions d’un tout autre genre, non plus extérieures et charnelles, mais produites par le Saint Esprit dans les âmes, pour les remplir et les nourrir de « justice, de paix et de joie ».

Il y a encore 1 Corinthiens 4, 20 : « Car le royaume de Dieu n’est pas en paroles, mais en puissance », passage qui paraît assez clair si l’on relit avec soin les chapitres 3 et 4. Les Corinthiens, devenus charnels par leurs prétentions, leurs divisions en divers partis, en étaient venus jusqu’à mépriser l’apôtre qui leur avait porté l’évangile avec tant d’amour et de fidélité. Paul se soucie peu d’être jugé par eux ou de jugement d’homme. « Celui qui me juge, dit-il, c’est le Seigneur. C’est pourquoi, ajoute-t-il, ne jugez rien avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne ». Il en appelle donc, « d’un jour d’homme »[19], au jour du Seigneur, à son arrivée pour établir le royaume. Ensuite l’apôtre leur adresse un reproche qui aurait dû toucher au vif leur conscience. Oui, leur dit-il, nous avons été exposés à l’opprobre, nous les apôtres ; nous avons été honnis de tous, persécutés, dans la détresse ; tandis que vous étiez en honneur, à votre aise, comme des rois. Paul et ses compagnons avaient été traités comme les balayures du monde pour l’amour de Christ, pendant que les Corinthiens se livraient tranquillement aux jouissances charnelles de l’orgueil et du luxe. « Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes devenus riches, vous avez régné sans nous ».

« Or, ajoute-t-il, plût à Dieu que vous régnassiez [que le jour de Christ fût venu], afin que nous aussi, nous régnassions avec vous » ! Dans leur folle ambition, ils se sont enflés, au point de vouloir, en quelque sorte, anticiper le royaume ; mais, dit Paul, « j’irai bientôt vers vous, si le Seigneur le veut ; et je connaîtrai, non la parole de ceux qui se sont enflés, mais la puissance. Car le royaume de Dieu (ce royaume dans lequel ils s’imaginaient être déjà) n’est pas en paroles, mais en puissance ». L’arrivée de Paul au milieu d’eux démontrera le néant et la vanité des orgueilleuses prétentions de ces faux docteurs.

Je ne connais plus qu’un seul passage que l’on pourrait opposer à nos affirmations sur le sujet qui nous occupe ; c’est Colossiens 4, 11. L’apôtre mentionne les noms de trois serviteurs de Dieu : Aristarque, qui est prisonnier avec lui (cf. Act. 27, 2), Marc, le neveu de Barnabas, et Jésus, appelé Juste, desquels il dit : « Ceux-ci seuls sont mes compagnons d’œuvre pour le royaume de Dieu ». Ceci ne présente pas de difficulté, si l’on se souvient que Paul, tout en prêchant l’évangile de la grâce et son évangile, relativement au mystère de l’Église qui lui avait été confié, ne négligeait pas pour cela de prêcher aussi la bonne nouvelle du royaume. Comme Philippe déjà l’avait fait (Act. 8, 12), l’apôtre des Gentils, plus que tout autre, le faisait à son tour, surtout avec les Juifs qui étaient tout spécialement « les fils du royaume » (Matt. 8, 12). Voyez-le à Éphèse (Act. 19, 8) : « étant entré dans la synagogue, il parla avec hardiesse ; discourant pendant trois mois et les persuadant des choses du royaume de Dieu ». Aussi, en s’adressant plus tard aux anciens de l’assemblée d’Éphèse, il peut leur dire en toute vérité (Act. 20, 25) : « Vous tous, parmi lesquels j’ai passé en prêchant le royaume de Dieu ». — Puis, à la fin des Actes (28, 23, 31), nous voyons Paul à Rome, avec un soldat qui le gardait. Là, comme ailleurs, sa première sollicitude, c’est de rechercher ses parents selon la chair, pour tâcher d’en gagner quelques-uns à Christ. Il convoque chez lui les principaux des Juifs, il discute avec eux ; « et il leur exposait la vérité en rendant témoignage du royaume de Dieu depuis le matin jusqu’au soir, cherchant à les persuader des choses qui concernent Jésus, et par la loi de Moïse et par les prophètes ». Leur endurcissement le force de leur faire l’application de la redoutable prophétie d’Ésaïe 6. Puis Paul « demeura deux ans entiers dans un logement qu’il avait loué pour lui, et il recevait tous ceux qui venaient vers lui, prêchant le royaume de Dieu, et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ, avec toute hardiesse sans empêchement ».

Il n’est donc pas étonnant que l’apôtre parle de ses collaborateurs pour le royaume de Dieu, puisque tout ce qui concerne ce royaume faisait partie de sa prédication. Et c’est précisément là, depuis bien longtemps, comme nous l’avons déjà dit, une lacune déplorable dans les sermons de la plupart des prédicateurs. À la méthode de Paul ils en ont substitué une tout autre : ils ont, nous le répétons, laissé l’exposition de l’évangile du royaume et ont imaginé le règne de l’évangile. De là vient l’expression, en quelque sorte sacramentelle, de l’avancement du règne de Dieu, contre laquelle nous nous élevons, parce qu’elle n’a aucune base scripturaire[20].

Prêcher l’évangile du royaume, est tout autre chose ; c’est annoncer Jésus, comme celui qui va venir, qui, après avoir enlevé dans la maison de Son Père, les saints ressuscités ou transmués, reviendra avec eux pour exercer la vengeance contre un monde apostat et pour établir ensuite le royaume de Dieu sur cette terre restaurée et purifiée. Prêcher l’évangile du royaume, c’est donc prêcher tout ce qui se rapporte au retour prochain du Seigneur Jésus, soit pour l’Église, soit pour Israël, soit pour les nations, soit pour le monde. Combien de beaux, de riches, de glorieux, de sérieux sujets peuvent rentrer dans le cadre de cette prédication ! Quels puissants moyens d’appel aux consciences des inconvertis, elle présente ! Que de consolations pour les chrétiens, quels pressants motifs à la sanctification, elle offre ! Quel vif intérêt elle inspirerait aux enfants de Dieu pour les âmes de ceux de leurs semblables qui sont encore étrangers au salut, à ce salut qui est prêt à être révélé dans ces derniers temps ! Ah ! si réellement nous croyons que le Seigneur peut arriver d’un moment à l’autre, que la nuit est fort avancée, que le jour est prêt à paraître ; si l’étoile du matin est déjà levée dans nos cœurs — non, nous ne pouvons pas demeurer indifférents au sort de nos alentours qui ne connaissent pas la grâce ; nous leur crierons que le temps est court, que Jésus va venir, que le jugement va les surprendre comme un filet, et qu’il n’est pour eux qu’un seul moyen « de fuir la colère à venir », dont le Fils de Dieu nous a délivrés : c’est de croire au nom du Seigneur Jésus Christ pendant que dure encore le temps de la grâce et le jour du salut.

Ainsi donc, oui, nous aussi, chrétiens, nous désirerons la venue du royaume de Dieu, nous la hâterons par nos soupirs et par nos vœux ; nous dirons à notre Père : « Ton royaume vienne », ce qui revient pour nous à répéter, par l’Esprit, le cri de l’Épouse : « Viens, Seigneur Jésus ! ». Personne, ici-bas, n’est plus intéressé que nous à l’exaucement de cette demande, puisque, nous l’avons déjà vu, lorsque le royaume de Dieu viendra sur la terre, « les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père ». Mais n’oublions pas que cette prière n’aura son accomplissement que lorsque, après le son de la septième trompette, de grandes voix diront dans le ciel : « Le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ est venu, et il régnera aux siècles des siècles » ; ou que, lorsque Satan et ses anges, ayant été précipités sur la terre, une grande voix retentira dans le ciel, disant : « Maintenant[21] est venu le salut, la puissance, le royaume de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ » (Apoc. 11, 15 ; 12, 10).

d) Si nous sommes chrétiens, c’est-à-dire de Christ (et, d’après Romains 8, 9, « si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est point de lui », ou n’est pas chrétien) ; si donc nous sommes chrétiens dans le sens scripturaire de ce beau mot, la volonté de Dieu, notre Père, sera chère à nos cœurs, car elle était chère au cœur de Celui dont nous portons le nom, et qui pouvait toujours dire : « Je ne cherche point ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé » (Jean 5, 30 ; 6, 38).

Cette volonté de Dieu comprend, à la fois, ce que Dieu nous commande et ce qu’Il nous appelle à souffrir ici-bas ; ces deux faces de la volonté divine sont exprimées d’une manière générale dans ces passages : « C’est ici la volonté de Dieu, votre sanctification » (1 Thess. 4, 3) ; et « que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu, lui remettent leurs âmes » (1 Pier. 4, 19). À ce dernier sujet, nous avons encore devant les yeux Christ qui « a souffert pour nous, nous laissant un modèle, afin que nous suivions ses traces » (1 Pier. 3, 17 ; 2, 21) ; Christ qui, au moment de prendre la coupe, si horriblement amère, du péché et de la malédiction, a dit : « Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe passe loin de moi, sans que je la boive, que ta volonté soit faite » (Matt. 26, 42).

À ces deux égards nous désirons sans doute faire la volonté de Dieu ou l’accepter avec une entière soumission. Mais nous avons besoin pour cela d’être, selon les richesses de la gloire du Seigneur, puissamment fortifiés par Son Esprit dans l’homme intérieur (Éph. 3, 16) ; nous avons besoin de comprendre, par une expérience pratique et habituelle, cette recommandation de l’apôtre : « Ne vous conformez pas à ce siècle ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre entendement, pour que vous éprouviez quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite » (Rom. 12, 2). Pour faire de cœur « la volonté de Dieu » (Éph. 6, 6), il nous faut cette intelligence spirituelle, au moyen de laquelle nous comprenons, dans toutes les circonstances, « quelle est la volonté du Seigneur » (Éph. 5, 17). Il nous faut « nous armer de cette pensée que celui qui a souffert en la chair, en a fini avec le péché, pour ne plus vivre, le reste de son temps dans la chair, selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu » (1 Pier. 4, 2). « Nous avons besoin de patience, afin qu’ayant fait la volonté de Dieu, nous recevions l’effet de la promesse » (Héb. 10, 36). En d’autres termes, nous avons besoin du secours de notre Dieu et de l’efficace de Son Esprit pour faire Sa volonté. Ce secours, cette puissance, nous les réclamerons au nom de Jésus ; mais le ferons-nous en employant la troisième demande de l’oraison dominicale ? Je ne le pense pas, du moins si nous prions avec intelligence, parce que, comme nous l’avons déjà vu (p. 41), ces mots : « Ta volonté soit faite comme au ciel, aussi sur la terre », s’appliquent, non à des besoins individuels, mais à ceux de la terre tout entière ; et que, d’un autre côté, pour exprimer des désirs personnels de faire la volonté de Dieu, nous avons dans les épîtres des prières et des vœux parfaitement appropriés à cet état de l’âme. Nous dirons, par exemple, avec l’apôtre inspiré : « Nous ne cessons pas de prier et de demander pour vous (ou pour nous) que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant dans la connaissance de Dieu » (Col. 1, 9, 10). Si nous sommes animés du même esprit que le fidèle Épaphras, esclave de Christ, on nous verra, comme lui, « combattant toujours pour nos frères par nos prières, afin qu’ils demeurent parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu » (Col. 4, 12). Nous aimerons à répéter, pour nous-mêmes et pour tous les saints, cette belle prière de l’auteur de l’épître aux Hébreux : « Que le Dieu de paix qui a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis, dans la puissance du sang de l’alliance éternelle, notre Seigneur Jésus, vous rende accomplis en toute bonne œuvre pour faire sa volonté, faisant en vous ce qui est agréable devant lui, par Jésus Christ, auquel soit gloire aux siècles des siècles ! Amen ! » (Héb. 13, 20, 21).

Mais s’ensuit-il que la troisième demande de la prière du Seigneur n’ait pour nous ni sens ni importance ? Nullement. Elle peut et doit faire aussi partie de nos requêtes, si nos cœurs ont quelque ferveur pour la gloire de Dieu ; car ce n’est que lorsque cette demande sera pleinement exaucée que, selon la parole du Seigneur à Moïse, « la gloire de l’Éternel remplira toute la terre » (Nomb. 14, 21) ; et que ce vœu, qui termine le deuxième livre des Psaumes, deviendra une réalité : « Béni soit aussi éternellement le nom de sa gloire, et que toute la terre soit remplie de sa gloire ! Amen ! Oui, amen ! » (Ps. 72, 19).

Et quant à nous, enfants de Dieu, ici encore, nous avons intérêt plus que tous autres à voir bientôt l’accomplissement de ces paroles, qui sont à la fois une prière et une prophétie, comme nous l’avons montré. Demander à notre Père que Sa volonté soit faite « comme au ciel, aussi sur la terre », c’est, au fond, hâter par nos désirs la réalisation des promesses qui nous sont faites ; c’est solliciter d’être mis en possession des gloires offertes à notre espérance. « Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dans lesquels la justice habite » (2 Pier. 3, 13). Quand la prière, dont nous nous occupons, sera exaucée, « la justice » habitera sur la terre renouvelée, et l’Église sera dans les cieux à jamais purgés de la présence de Satan et de ses anges. En répétant cette demande, nous réclamons donc la venue du jour et du règne de Christ, qui sera, pour la terre, un règne de justice et de paix, tandis que les membres du corps de Christ, l’Épouse, devenue la femme de l’Agneau, sera avec Lui dans la maison du Père ; c’est par l’Église, en effet, c’est par nous tous, croyants, qu’alors la volonté de Dieu sera faite dans le ciel ; c’est alors que nous, justes par grâce, par la foi, nous resplendirons comme le soleil dans le royaume de notre Père, selon la parole infaillible du Seigneur Jésus (Matt. 13, 43). Aussi ferons-nous bien de redire avec ferveur et avec intelligence : « Que ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre ! ».

e) Nous sommes, nous aussi, chrétiens, exposés à des besoins temporels ici-bas ; à cet égard encore, nous devons vivre dans la dépendance de notre Dieu et Père et, par conséquent, nous pouvons tous réclamer de Sa puissante bienveillance les choses qui nous sont nécessaires, et dire : « Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous faut ». Belle prière ! Elle tend à modérer nos désirs, à nous donner ce « contentement d’esprit qui, avec la piété, est un grand gain » ; elle s’harmonise si bien avec ces paroles de Paul qui seraient notre devise relativement à notre condition temporelle, si nous réalisions mieux notre profession d’étrangers et de voyageurs ici-bas et si les affections célestes dominaient davantage dans nos âmes : « Ayant la nourriture et de quoi nous couvrir, que cela nous suffise » (1 Tim. 6, 6, 8).

Il n’est guère possible que cette demande ne nous rappelle pas aussi l’obligation du travail, sous laquelle nous sommes placés comme enfants d’Adam. En effet, le droit de manger est subordonné par le Saint Esprit à cette obligation de travailler. Nul chrétien ne peut, sans pécher, s’y soustraire. Il y en avait à Thessalonique qui, abusant peut-être de l’attente journalière du Seigneur, s’imaginaient qu’ils pouvaient, en conséquence, se dispenser d’obéir à cette loi de l’humanité. L’apôtre les reprend avec beaucoup de force ; il en parle comme de frères qui marchent dans le désordre ; il enjoint aux fidèles, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, de se retirer d’eux. Il propose son propre exemple à leur imitation : « nous n’avons pas, dit-il, marché dans le désordre au milieu de vous ; nous n’avons mangé du pain chez personne gratuitement, mais dans le travail et dans la peine, travaillant nuit et jour, afin de n’être à charge à aucun de vous… Car aussi quand nous étions auprès de vous, nous vous avons enjoint ceci : que si quelqu’un ne veut pas travailler, il ne mange pas non plus. Car nous avons appris qu’il y en a quelques-uns parmi vous qui marchent dans le désordre, ne travaillant pas du tout, mais se mêlant de tout. Mais nous enjoignons à ceux qui sont tels, et nous les exhortons par notre Seigneur Jésus Christ, qu’en travaillant paisiblement ils mangent leur propre pain » (2 Thess. 3, 6-12). De même, dans l’épître aux Éphésiens (4, 28), il est dit : « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus ; mais plutôt qu’il travaille en faisant de ses mains ce qui est bon, afin qu’il ait de quoi donner à celui qui a besoin ». Ces passages suffisent pour nous faire voir que si le chrétien, comme tout autre homme, est soumis à la loi du travail, cependant, ici comme dans tous les autres détails de sa marche, il travaille ou du moins doit travailler avec de tout autres dispositions que les enfants du présent siècle. Le mondain travaille avec agitation et avec de continuels soucis ; il s’attend à son travail, il s’y confie, il s’en glorifie ; il travaille pour lui, avec l’espoir ou l’ambition chez plusieurs d’arriver par l’ouvrage de leurs mains à la richesse. Le chrétien, au contraire, s’il est fidèle, travaillera paisiblement, sans aucune inquiétude, par obéissance à son Dieu et Père, attendant de Lui seul la bénédiction, désirant seulement, par ce moyen, parvenir « à manger son propre pain » et avoir « de quoi donner à celui qui a besoin ». Quelle différence ! Que de tourments le premier se donne, de quelle paix le dernier jouit même au milieu de pénibles labeurs !

Oui, c’est là une ineffable paix ; elle est fondée sur de nombreuses promesses qui sont faites à notre foi. Nous sommes autorisés par le Seigneur « à rejeter sur lui notre souci, car il a soin de nous » (1 Pier. 5, 7). Ailleurs Il nous adresse cette exhortation : « Que votre conduite soit sans avarice, étant contents de ce que vous avez présentement, car lui-même a dit : Non, non, je ne te laisserai point ; non, non, je ne t’abandonnerai point » (Héb. 13, 5)[22].

Et pour nous engager à travailler, non dans des vues égoïstes, mais dans le but de pouvoir faire part de nos biens, il nous est dit, que « Dieu prend plaisir à de tels sacrifices » (Héb. 13, 16). Quel encouragement : Dieu y prend plaisir ! Il nous est recommandé « d’être prompts à donner et libéraux, nous amassant comme trésor un bon fondement pour l’avenir » (1 Tim. 6, 18, 19).

Écoutez surtout ce que disait aux Corinthiens, à l’occasion d’une collecte en faveur des saints de la Judée, le grand apôtre des Gentils : « Celui qui sème chichement, moissonnera aussi chichement, et celui qui sème libéralement, moissonnera aussi libéralement. Que chacun fasse selon qu’il se l’est proposé dans son cœur, non à regret ou par contrainte, car Dieu aime celui qui donne joyeusement. Mais Dieu est puissant pour faire abonder toute grâce envers vous, afin qu’ayant toujours tout ce qui suffit en toute chose, vous abondiez pour toute bonne œuvre, selon ce qui est écrit : « Il a répandu, il a donné aux pauvres, sa justice demeure éternellement ». Or celui qui fournit de la semence au semeur, vous fournira du pain à manger, et multipliera votre semence, et augmentera les fruits de votre justice, étant de toute manière enrichis pour une entière libéralité » (2 Cor. 9, 6-11).

Si ces paroles de l’Esprit Saint étaient reçues, comme elles doivent l’être, par les chrétiens, avec une pleine certitude de foi ; si elles se traduisaient pour eux en une expérience habituelle, alors, je le pense, ils n’auraient plus sujet de demander à Dieu « leur pain de chaque jour », Dieu promettant et se chargeant, dans Sa puissance, de faire abonder toute grâce envers eux, et de fournir du pain à manger à tous ceux qui sèment libéralement le leur et qui donnent joyeusement à leurs frères dans le besoin.

Nous avons encore, à cet endroit, l’exemple de Paul lui-même qu’il est toujours bon et instructif de considérer. Nous voulons donc mettre cet apôtre en parallèle avec le sage Agur, dont nous avons cité la prière plus haut (p. 43) ; cela nous montrera quelle distance sépare un des saints les plus spirituels sous la loi, d’un serviteur de Christ sous l’évangile de la grâce. — Il était, en effet, particulièrement spirituel, le fils de Jaké, l’auteur inspiré du beau chapitre 30 des Proverbes, qu’il dédie à Ithiel (Dieu avec moi) et à Ucal (le très-puissant). Son nom d’Agur, signifie : « le collecteur » ou, « celui qui rassemble » ; c’était peut-être un de ces hommes qu’Ézéchias avait chargés de recueillir et de copier les proverbes de Salomon (25, 1). Il parle de l’Éternel avec une élévation de pensées et de style qui rappelle Ésaïe ; il mentionne même le Fils de Dieu, verset 4 : « Qui est celui qui est monté aux cieux, et qui en est descendu ? » (cf. Éph. 4, 9). « Qui est celui qui a renfermé le vent dans ses poings, qui a serré les eaux dans son manteau, qui a dressé toutes les bornes de la terre ? Quel est son nom, et quel est le nom de son fils, si tu le connais ? » (cf. Ps. 2, 12 ; És. 9, 6). Ensuite il loue, comme David, l’excellence de la parole de Dieu, lequel, dit-il, est un bouclier pour ceux qui se confient en lui. Il exhorte celui auquel il s’adresse à ne rien ajouter à ce que Dieu a dit, « de peur qu’il ne te châtie et que tu ne sois convaincu de mensonge ». Puis vient la prière, dont nous voulons nous occuper un moment : « Je te demande deux choses ; ne me les refuse pas, avant que je meure. Éloigne de moi la fausseté et le langage menteur ; ne me donne ni pauvreté, ni richesse, nourris-moi du pain qui est pour moi le nécessaire ; de peur que, rassasié, je ne te renie, et ne dise : « Qui est l’Éternel ? » ou que, appauvri, je ne dérobe, et ne m’attaque au nom de mon Dieu ! ».

Si nous nous souvenons que, sous la loi, la prospérité temporelle était une des bénédictions promises à l’obéissance, et que l’Israélite pieux pouvait donc, sans infidélité, désirer et rechercher les richesses, on jugera, comme nous, que cette prière annonçait un cœur élevé, par l’Esprit de Dieu, au-dessus des notions que pouvait donner la loi, un cœur vraiment sevré, étranger sur la terre et dont les affections étaient ailleurs. Cette prière est tout à fait analogue à la quatrième demande de l’oraison dominicale, et elle nous présente une pensée dont beaucoup de chrétiens pourraient retirer une instruction fort utile à sa place : c’est que celui qui a le pain nécessaire à sa subsistance, n’est pas pauvre et devrait donc être non seulement content de son sort, mais encore reconnaissant envers Dieu qui le nourrit. Cependant si nous comparons maintenant cette requête d’Agur avec ce que l’apôtre Paul nous dit de ses propres expériences sur le même sujet, nous nous convaincrons peut-être que ce n’est pas sans des motifs fondés que le sage collecteur débute ainsi : « Je n’ai point appris la sagesse, ni connu la science des saints ».

Écoutons donc ce que nous dit Paul dans le chapitre 4 de l’épître aux Philippiens (v. 10 à 20). Les saints de Philippes lui avaient envoyé Épaphrodite, pour le servir à Rome où il était en prison à cause de l’évangile, et pour lui porter un présent, fruit de leur libéralité et témoignage de leur affection chrétienne pour leur père en la foi. L’apôtre les remercie comme un fidèle serviteur de Christ pouvait le faire. « Je me suis fort réjoui dans le Seigneur, leur dit-il, de ce que maintenant enfin vous avez fait revivre votre pensée pour moi… Vous avez bien fait de prendre part à mon affliction ». Il aime à rappeler, à cette occasion, deux envois pareils qu’ils lui avaient fait précédemment « pour ses besoins » ; ce n’est pas, ajoute-t-il, « que je recherche un présent, mais je recherche du fruit qui abonde pour votre compte. Or, j’ai amplement de tout, et je suis dans l’abondance, et je suis comblé, ayant reçu d’Épaphrodite ce qui m’a été envoyé de votre part, comme un parfum de bonne odeur, un sacrifice acceptable et qui est agréable à Dieu : mais mon Dieu suppléera à tous vos besoins, selon ses richesses en gloire par le Christ Jésus. Or à notre Dieu et Père soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen ! ».

Quel magnifique commentaire, pour le dire en passant, de 2 Corinthiens 9, 10, ou de ce que nous avons dit au sujet de ce verset. Quelle importance le Saint Esprit donne encore ici à la bénéficence chrétienne, à ces sacrifices « agréables à Dieu », dont Il parle, presque dans les mêmes termes, que du sacrifice de Christ, se donnant Lui-même pour nous (cf. Éph. 5, 2) ! Mais il nous reste à considérer ce qui met une si grande différence entre l’apôtre Paul et le sage Agur, ou à montrer que le premier avait appris ce que l’autre avouait ne pas connaître, c’est-à-dire la vraie sagesse ou la science des saints. Voici donc ce que Paul dit encore aux Philippiens dans ce même passage : « Ce n’est pas que je parle ayant égard à des privations, car j’ai appris à être content dans les circonstances où je me trouve. Je sais être abaissé, je sais aussi être dans l’abondance ; en toutes choses et à tous égards je suis initié tant à être rassasié qu’à avoir faim, tant à être dans l’abondance qu’à être dans les privations. Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie ».

Il me semble que ces paroles nous présentent le docteur des Gentils comme tellement élevé, par ses affections célestes et par la puissance du Sauveur, au-dessus de tout ce qui se rapporte à ses circonstances purement temporelles, qu’il n’aurait, pour ainsi dire, pas même l’idée de faire de celles-ci l’objet de ses prières. Il s’en rapporte à Dieu à ce sujet ; il sait tout recevoir de Dieu avec un esprit soumis et content ; il sait, par initiation, glorifier le Seigneur aussi bien dans les privations que dans l’abondance. Il semble que peu lui importe, au fond, d’être rassasié ou d’avoir faim, tant il vit dans la dépendance de son Dieu, qui le fortifie tellement que, sous ce rapport, il peut toutes choses. Heureux ceux qui ont assez de foi pour réaliser, dans leur expérience journalière, l’expérience du fidèle Paul. Ceux-là, nous le croyons, n’auront plus besoin de redire la quatrième demande de l’oraison dominicale.

f) Sur la demande suivante : « Remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous les remettons à nos débiteurs », nous aurons encore à signaler une plus grave différence entre la position des disciples juifs, auxquels Jésus enseignait cette prière, et les chrétiens de nos jours, membres de l’Église, corps de Christ.

Le Seigneur parle aux disciples selon l’état où ils étaient alors. S’Il leur avait annoncé ouvertement des vérités encore cachées et qui ne pouvaient être entièrement révélées que quand la rédemption serait opérée et le Saint Esprit envoyé du ciel, les disciples n’auraient pas compris Son langage. Si les pensées, dans cette prière, eussent dépassé ce qui convenait à leur état ; si elles eussent supposé la position, les expériences ou le culte appropriés à la rédemption accomplie, ce n’eût pas été là une prière parfaite pour eux.

Prenez l’exemple d’un homme en prison. On fait en sa faveur une pétition au souverain. Si cette pièce est bien rédigée, elle reconnaîtra la sainteté de la loi transgressée par le délinquant et la majesté du roi qui l’a promulguée ; puis elle contiendra une confession humble et entière de la faute du prisonnier. Ce serait là le seul langage approprié aux malheureuses circonstances de ce dernier. Il pourrait avoir des motifs bien fondés de croire que sa demande sera favorablement accueillie par le souverain et que sa requête lui sera accordée ; ce qui n’ôterait rien à la nécessité d’un franc aveu de son délit : le ton d’un homme libre serait tout à fait incompatible avec sa position. Or la condition de ceux qui étaient sous la loi était, au fond, analogue à celle de notre prisonnier, jusqu’à ce que la rédemption accomplie l’eût changée. La confiance que Dieu pouvait et voulait les sauver, les disciples juifs l’avaient, et ils faisaient bien de l’avoir ; car elle était fondée sur ce qu’ils connaissaient et croyaient du caractère de Dieu, et sur Ses promesses positives, nonobstant toute la connaissance qu’ils pouvaient avoir de leur état de péché. Le Seigneur leur avait annoncé de mille manières, par parole et par serment, en types et en prophéties que, par le moyen du Messie, Il accomplirait la délivrance de tous ceux qui se confiaient en Lui. Néanmoins ils n’étaient pas encore rendus libres, quoiqu’ils dussent certainement le devenir, puisque cela dépendait de la fidèle bonté et de la vérité de ce Dieu, qui « n’est pas homme pour mentir ». Mais jusqu’alors le pardon, ou la conscience et la jouissance de ce pardon, était une grâce désirée et non pas possédée par eux, un privilège après lequel ils soupiraient et pour lequel ils devaient prier ; il n’était pas encore accordé ou du moins ils n’en jouissaient pas encore comme d’une bénédiction constante et assurée, et cela parce que la mort et la résurrection de Christ n’étaient pas encore intervenues pour faire que Dieu fût juste en pardonnant ainsi au croyant, ou, comme il est écrit, « juste et justifiant celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3, 26).

Remarquons, en passant, que ce que nous venons de dire peut servir à expliquer beaucoup de passages dans les Psaumes, et, en particulier, les alternances si fréquentes de confiance et de combats qui se rencontrent dans ce livre. Tantôt le langage de ceux qui parlent dans les Psaumes, est celui de l’espérance, tantôt celui de la crainte ; ici, ils se disent le troupeau de Jéhovah et les brebis de sa pâture ; bientôt après, ils craignent d’être consumés par l’ardeur de son courroux. C’étaient là les expériences des saints, avant que la croix de Christ permît à l’Esprit de Dieu de rendre aux âmes fidèles le témoignage d’une rémission complète des péchés, de leur éternelle abolition. Il était bon, selon Dieu, que ces saints eussent le sentiment de leur état, sans avoir la présomption de devancer les voies du Seigneur ; et il en était ainsi des disciples auxquels Jésus parlait sur la montagne. Sans doute, plusieurs prophètes et plusieurs rois avaient désiré de voir ce qu’ils voyaient et d’entendre ce qu’ils entendaient ; cependant la rédemption, avec toutes ses fécondes conséquences, était toujours une bénédiction en perspective seulement. Or la prière du Seigneur était la parfaite expression de leurs désirs et de leurs besoins, avant que cet immense changement fût devenu un fait. Il est essentiel, je le crois, si nous voulons parvenir à une intelligence vraie et complète de cette prière, que nous nous identifiions avec la position de ceux auxquels elle fut primitivement et directement donnée ; et elle sera, je pense, toujours mal comprise et mal appliquée, si nous ne tenons pas compte du terrain tout nouveau sur lequel la rédemption accomplie place le fidèle.

Cela suffit déjà pour montrer que si cette demande était parfaitement à sa place dans les cœurs et dans la bouche des disciples auxquels Jésus l’enseignait, il n’en sera pas de même quant aux croyants de nos jours, qui jouissent, par la foi et dans la communion de leur Seigneur, des résultats bénis de la rédemption pleinement accomplie. En effet, l’un de ces résultats, c’est la réconciliation avec Dieu, c’est la rémission de tous nos péchés. Nous ne sommes plus des prisonniers, retenus sous la garde de la loi, et ayant à recourir à la miséricorde du souverain pour qu’il veuille bien nous quitter notre dette et nous délivrer. Notre dette est entièrement payée par le sacrifice de « l’homme Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » (1 Tim. 2, 6). Or, comme nous l’avons dit ci-dessus (p. 51) en parlant des Juifs pendant le millénium : « Alors il n’y aura plus lieu pour Israël à dire : « Remets-nous nos dettes », parce que ces dettes seront remises et remises pour toujours, tenues pour acquittées » — il en est, dès maintenant, précisément ainsi de l’Église laquelle, outre les bénédictions qui lui appartiennent en propre, jouit par anticipation de toutes celles d’un ordre spirituel, qui seront l’apanage de l’Israël de Dieu dans l’économie de la plénitude des temps. Il est presque humiliant d’avoir à rappeler une vérité aussi élémentaire et fondamentale aux enfants de Dieu, et cependant, hélas ! il n’y a que trop sujet de le faire. Quel est pourtant le chrétien qui ignore que Jésus Christ a toujours le pouvoir de pardonner les péchés ; que c’est Lui qui, par Sa Parole et par Son Esprit, dit encore à l’âme qui croit en Lui : « Tes péchés te sont pardonnés » (Matt. 9, 2, 5, 6) ? Peut-on être chrétien, tout en étant complètement étranger à la béatitude déjà exprimée par David au psaume 32 : « Bienheureux ceux dont les iniquités ont été pardonnées, et dont les péchés ont été couverts » (Rom. 4, 7) ? En quoi le pieux Zacharie, dans son magnifique cantique, fait-il donc consister le salut du peuple de Dieu, sinon « dans la connaissance de la rémission de leurs péchés » (Luc 1, 77) ? N’est-ce pas le même salut que prêchaient les apôtres soit aux Juifs soit aux Gentils ? Écoutez Pierre, dans la maison de Corneille, terminer ainsi son discours si admirablement béni pour tous ses auditeurs : « Tous les prophètes lui rendent (à Jésus) témoignage que, par son nom, quiconque croit en lui, reçoit la rémission des péchés » (Act. 10, 43). Écoutez Paul, s’écriant dans la synagogue d’Antioche de Pisidie : « Sachez donc, hommes frères, que par lui [Jésus Christ] vous est annoncée la rémission des péchés, et que de tout ce dont vous n’avez pu être justifiés par la loi de Moïse, quiconque croit est justifié par lui » (Act. 13, 38, 39). Quelle est, d’après le même apôtre, la première grâce qui découle de notre union avec Christ ? Voici ce qu’il écrit aux saints d’Éphèse et de Colosses : « En qui [Christ] nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés selon les richesses de sa grâce » (Éph. 1, 7 ; Col. 1, 14). Vous savez, mes frères, ce qui caractérise spécialement les moins avancés de tous les croyants ; si vous l’aviez oublié, l’apôtre Jean va vous le dire : « Je vous écris, petits enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés par son nom » (1 Jean 2, 12). Hélas ! que de chrétiens qui, semble-t-il, n’en sont pas même à la stature morale des petits enfants en Christ, puisque c’est à peine s’ils savent que leurs péchés leur sont pardonnés, à peine, du moins, s’ils en jouissent, à peine s’ils connaissent, par expérience, l’immense privilège — qui, dans l’intention de Dieu, est pourtant le partage de toute âme qui croit — de pouvoir se présenter avec assurance devant leur Père sans « conscience de péchés » (Héb. 10, 2) !

J’en suis donc profondément convaincu, cette prière : « Remets-nous nos dettes », si bien appropriée à l’état moral et aux besoins des disciples juifs, ne l’est plus à la position dans laquelle la grâce nous a placés en Christ. Elle supposerait de notre part un retour en arrière jusqu’au temps de notre incrédulité, un besoin de voir l’œuvre parfaite de notre rédemption recommencer, un oubli complet de ce que Dieu a fait pour nous et en nous, une déplorable méconnaissance de la valeur infinie du sang de Christ. Non, ce n’est qu’un chrétien qui ne connaît pas l’affranchissement que produit la grâce, un chrétien qui ne peut pas ou qui ne peut plus dire avec l’apôtre Paul : « La loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rom. 8, 2) — qui sentira encore le besoin, comme un pauvre disciple juif, de répéter à son Père céleste : « Remets-nous nos dettes ».

Car, encore une fois, ces dettes n’ont-elles pas été remises et remises pleinement, une fois pour toutes ? Est-il vrai, oui ou non, que « le sang de Jésus Christ nous purifie de tout péché » (1 Jean 1, 7) ? Oui, de tout péché, et par conséquent, aussi bien des péchés d’aujourd’hui et de demain que de ceux d’hier ? Ici, il me semble voir une âme simple, fidèle, mais peu éclairée ou mal enseignée, tout effarouchée et même scandalisée en lisant les lignes que je viens de tracer, qui ne sont cependant que l’explication toute naturelle d’un passage des Écritures. Quoi ! s’écriera-t-elle, l’auteur croit-il donc à la perfection absolue atteinte dès ici-bas par certains chrétiens ? Prétend-il que nous arrivons à ne plus pécher, puisque nous n’avons plus besoin de demander à Dieu de nous pardonner ? Non, cher lecteur, je ne veux point parler de cette prétendue perfection qui n’est, au fond, qu’un amoindrissement ou une négation de ce que la Parole appelle péché. Non, je sais, moi aussi, que, « si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous » (1 Jean 1, 8). Oui, je le sais, et jusqu’ici nous sommes d’accord ; mais voici en quoi nous différons.

Je pense et je crois que le chrétien ne perd jamais sa position de réconcilié, de pardonné, d’enfant bien-aimé du Seigneur, et que cette position même le met d’autant plus sous la responsabilité de marcher ici-bas comme tel, à la louange de la gloire de la grâce de son Dieu et Père. Plus il sera pénétré de la grandeur de ce privilège, plus il réalisera cette position bénie et la vocation céleste qui s’y rattache, plus aussi il vivra en la présence et en la dépendance de Celui qui seul « a le pouvoir de nous garder sans que nous bronchions, et de nous placer irréprochables devant sa gloire avec abondance de joie » (Jude 24). Plus nous serons bien établis et fondés dans la grâce, moins le péché aura d’empire sur nous. Néanmoins, « nous bronchons tous en plusieurs choses » (Rom. 6, 11 ; Jacq. 3, 2). Je ne le sais que trop. Or qu’est-ce qu’un chrétien doit faire dans ce cas ? Si vous vous en tenez à la Parole, j’entends aux exemples des saints, à leurs prières ou aux recommandations que le Seigneur leur fait adresser à dater de l’origine de l’Église, le jour de la Pentecôte, vous ne trouverez pas un passage qui vous invite à vous présenter à Dieu comme n’étant pas pardonnés et à Lui dire : « Remets-nous nos dettes » — et cela par la raison que cette bonne et sainte Parole ne cesse pas dès lors de proclamer que ces dettes sont entièrement remises ou que tous les péchés des croyants sont pardonnés. « Lorsque vous étiez morts dans vos offenses,… il [Dieu] vous a vivifiés ensemble avec lui [Christ], nous ayant pardonné toutes nos offenses » (Col. 2, 13). Non, même en état de chute, nous ne sommes plus des ennemis de Dieu, des prisonniers chargés de dettes envers Lui. Il est écrit que « Dieu a constaté son amour à lui envers nous, en ce que lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. Beaucoup plutôt donc, ayant été maintenant justifiés par son sang, serons-nous sauvés de la colère par lui. Car si étant ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, beaucoup plutôt, ayant été réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » (Rom. 5, 8-10).

Lors donc qu’il est arrivé au croyant de tomber dans le péché, il doit s’humilier devant son Dieu d’autant plus que son Dieu lui a tout pardonné en Christ, gratuitement, sans condition : ce qui donne précisément beaucoup plus de gravité à son manque de vigilance et de prière et au péché qui en a été le résultat. Voilà ce que nous montrent les épîtres des apôtres comme étant pour nous la seule voie du relèvement, le seul moyen de retrouver la jouissance de la communion avec le Seigneur. Voilà ce qui est si clairement exprimé dans ce passage de 1 Jean 1, 9 : « Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité ». Ne changeons donc rien à la Parole ; elle ne dit pas : « Si nous demandons pardon », mais : « si nous confessons nos péchés ». Et qu’on ne s’y trompe pas, il est bien plus facile de dire : « Pardonne-nous », que de confesser droitement et en détail la chute qu’on a faite. Chacun a pu en faire l’observation chez des enfants vis-à-vis de leurs parents. Cette dernière manière d’agir, la seule que le Saint Esprit enjoigne aux chrétiens, exige et manifeste une vraie humiliation de cœur ; elle est, en même temps, de notre part, un jugement porté sur le péché, qui détourne les jugements de Dieu, selon ce qui est écrit : « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés » (1 Cor. 11, 31). Et quelle bénédiction est attachée à cette confession humble et sincère de nos fautes ! Il est dit que, si nous la faisons, « Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner ». Nous aurions, nous, dit ou pensé que, dans ce cas, Dieu est bon et miséricordieux ; qu’Il le soit, c’est clair. Mais ici c’est plutôt selon Sa justice et Sa fidélité qu’Il nous pardonne, parce que le sang de Christ ayant été répandu, il est conforme à la justice que Dieu nous pardonne ; puis Dieu ayant promis le salut à tous ceux qui croient, Il est fidèle à Ses promesses en nous pardonnant. Mais « si nous confessons nos péchés », Dieu ne fait pas que nous pardonner, mais de plus, Il nous « purifie de toute iniquité », c’est-à-dire de la source impure du mal en nous. Que le Seigneur nous donne d’écouter Sa Parole, de nous y soumettre et, dans le cas qui nous occupe, de faire avec simplicité et avec une humble confiance, l’essai de la voie qu’elle indique et nous ne tarderons pas à en recueillir les heureux fruits ; car il est encore écrit au premier verset de 1 Jean 2 : « Mes petits enfants, je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez pas ; et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ, le juste ; et lui est la propitiation pour nos péchés ». Oui, que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !

Enfin si nous en venons à la clause finale de cette cinquième demande de la prière du Seigneur : « comme nous aussi les remettons à nos débiteurs », nous ne pouvons plus la comprendre, relativement à nous chrétiens, que dans ce sens : « Nos dettes nous ont été remises et cela doit nous disposer à en faire de même envers nos débiteurs ». En d’autres termes, nous avons reçu grâce et pardon, et cela nous engage à user de grâce envers autrui et à pardonner. Notre point de départ, ou le grand motif qui nous est proposé à ce sujet est, en effet, le pardon non demandé, mais reçu, la grâce non recherchée, mais obtenue. Écoutez plutôt comment s’exprime la Parole sur ce sujet : « Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d’entrailles de miséricorde ; revêtez-vous de bonté, d’humilité, de douceur, de longanimité, vous supportant les uns les autres, et vous pardonnant les uns aux autres ; si l’un a un sujet de plainte contre l’autre, comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même » (Col. 3, 12, 13). Et encore : « Soyez bons les uns envers les autres, pleins de compassion et vous pardonnant les uns aux autres, comme Dieu aussi vous a pardonné en Christ. Soyez donc imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants ; et marchez dans l’amour comme aussi le Christ nous a aimés, et s’est donné lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en odeur de bonne senteur » (Éph. 4, 32 ; 5, 1). Ne semble-t-il pas que le comme de la cinquième demande que nous étudions, et les comme des beaux passages qu’on vient de lire, présentent, à certains égards, une vraie interversion ? Quelle différence entre eux ! Elle est la mesure de la distance morale qui séparait les disciples juifs sur la montagne et les enfants de Dieu, les affranchis du Seigneur ; lors même qu’on pourrait et devrait, ainsi que nous l’avons dit (p. 46), considérer cette clause, dans la bouche du résidu juif, uniquement comme une déclaration de la disposition de leur cœur à agir en grâce envers ceux qui les ont offensés. Il resterait toujours ceci que, chez ces Juifs fidèles, cette disposition est basée sur le pardon demandé, tandis que, chez les chrétiens, elle découle du pardon reçu gratuitement.

g) Quant à la sixième demande : « Ne nous induis pas en tentation », nous nous apercevons que, dans notre première partie, nous avons fort empiété sur ce que nous aurions à dire ici, en sorte que nous pouvons, d’abord, prier nos chers lecteurs de relire tout le commencement de notre exposition (p. 51 à 56) et, ensuite, être court sur ce qu’il nous reste à ajouter.

Il est clair, et nous l’avons dit, que nous ne devons ni désirer, ni rechercher les tentations, et c’est ce que nous nous garderons de faire, si nous connaissons tant soit peu notre faiblesse, la méchanceté de nos cœurs, la puissance de l’ennemi et de la chair. Alors nous aurons soin d’éviter tout ce qui peut nous tenter ; nous prendrons au sérieux, par exemple, ce qui est écrit dans 1 Timothée 6, 9 : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège ». Il est clair encore que nous devons prendre pour nous ce précieux avertissement du Seigneur : « Veillez et priez, afin que vous n’entriez pas en tentation » (Matt. 26, 41). Il est clair, par conséquent, que nous pouvons et devons demander à notre Père de nous épargner les tentations.

Mais, avec tout cela, il est impossible, tant que nous sommes dans ce monde et dans ce corps, que nous ne soyons pas exposés à beaucoup de tentations. Eh bien ! Dieu, dans Son ineffable grâce, nous donne dans Sa Parole, toute espèce d’encouragements, d’avertissements et de promesses, appropriés à nos besoins et à nos craintes dans cette position d’épreuve. Il sera bon et profitable pour nous de Le laisser parler.

Pierre, dans sa première épître, revient souvent sur les tentations et les afflictions des chrétiens, en déclarant que c’est à cela qu’ils sont appelés ici-bas, à la suite et à l’exemple de leur Sauveur. Ainsi (1, 6, 7) « En quoi [dans la perspective rapprochée du salut] vous vous réjouissez, tout en étant affligés pour un peu de temps par diverses tentations, si cela est nécessaire, afin que l’épreuve de votre foi, bien plus précieuse que celle de l’or qui périt et qui toutefois est éprouvé par le feu, soit trouvée tourner à louange, à honneur et à gloire, en la révélation de Jésus Christ ». Et au chapitre 4, versets 12 et 13 : « Bien-aimés, ne trouvez pas étrange l’ardeur du feu qui est allumé au milieu de vous et qui est venu sur vous pour votre tentation, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire ; mais réjouissez-vous en ce que vous avez part aux souffrances de Christ, afin que aussi, à la révélation de sa gloire, vous vous réjouissiez avec transport ».

Paul, après avoir exhorté les Galates (6, 1) à redresser, dans un esprit de douceur, celui qui s’est laissé surprendre par quelque faute, ajoute : « prenant garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté ». Ailleurs il nous fait entendre une bonne et précieuse promesse, bien propre à relever notre courage au milieu de la fournaise, 1 Corinthiens 10, 13 : « Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été une tentation humaine. Or Dieu est fidèle qui ne permettra point que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez, mais avec la tentation il donnera aussi l’issue, afin que vous puissiez la supporter ». Ainsi donc, mes frères, si les tentations surviennent, ne vous en étonnez ni ne vous en effrayez pas trop, croyez que cela est nécessaire, confiez-vous en Dieu, regardez à Lui, vous souvenant qu’il est encore écrit, 2 Pierre 2, 9 : « Le Seigneur sait délivrer de la tentation les hommes pieux », et ailleurs, Jacques 1, 2 : « Mes frères, quand vous serez en butte à diverses tentations, estimez-le comme une parfaite joie ; sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience » ; et plus bas, verset 12 : « Bienheureux est l’homme qui endure la tentation, car quand il aura été montré fidèle par l’épreuve, il recevra la couronne de la vie que Dieu a promise à ceux qui l’aiment ». En présence de déclarations aussi positives, il nous paraît évident que ce n’est pas dans le même esprit que les disciples juifs, que nous dirons à notre Père : « Ne nous induis pas en tentation » — parce que nous avons, de la part du Seigneur, pour surmonter les tentations ou pour les endurer, pour en retirer du profit et même pour nous en réjouir, des ressources et des promesses que ces disciples ne connaissaient point encore.

Quant à la grande tentation qui sera surtout, pour le résidu juif de la fin, l’objet de cette demande, nous avons déjà dit qu’il n’en est point ainsi de l’Église, vu que l’Église a la promesse d’être « gardée par le Seigneur en dehors de l’heure de cette tentation » (Apoc. 3, 10) et que la Parole nous dit expressément que nous avons été convertis pour attendre, non pas la grande tribulation, mais « pour attendre des cieux le Fils de Dieu qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir » (1 Thess. 1, 10). Oui, béni soit Dieu, Sa grâce salutaire est apparue : voilà notre passé ; nous sommes ici-bas à l’école de cette grâce qui nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, pour vivre dans ce présent siècle sobrement, justement et pieusement : voilà notre présent ; attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ : voilà notre avenir, le seul avenir que nous devrions toujours avoir en perspective.

h) Il ne nous reste plus à considérer, dans son sens relativement aux chrétiens, que la dernière demande : « Délivre-nous du mal ou du méchant ». Cette demande, il est évident encore que nous avons bien sujet de la faire monter à notre Père, puisque, nous ne le savons que trop, nous sommes au milieu du mal et le mal est attaché à nous ; et que, d’un autre côté, nous sommes toujours exposés aux attaques, aux machinations et aux ruses du méchant. Mais nous pouvons le faire, je le crois, avec plus de confiance que les disciples juifs, parce que, ici encore, nous avons des promesses spéciales qui ne leur avaient point été données.

En effet Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima et les aime jusqu’à la fin. Après leur avoir montré le plus grand amour possible, en donnant Sa vie pour eux, Il ne les abandonne certes pas dans ce monde ; Il a promis de ne point les laisser orphelins ; Il veille sur eux ; Il se charge Lui-même de laver leurs pieds, afin qu’ils soient entièrement nets, car dit-il : « Celui qui a le corps lavé, n’a besoin que de se laver les pieds ; mais il est tout net ; or vous êtes nets » (Jean 13, 1-11).

En conséquence de cet amour, notre charitable Sauveur ne nous laisse pas sans directions et sans avertissements à ce sujet. Il nous donne, entre autres, ces recommandations que nous ferons bien de serrer soigneusement dans nos cœurs : « Ayez en horreur le mal, tenez ferme au bien » (Rom. 12, 9) ; « Ne sois pas surmonté par le mal, mais surmonte le mal par le bien » (Rom. 12, 21). Et encore : « Soyez sages quant au bien, et simples quant au mal » (Rom. 16, 19). Et ailleurs : « Abstenez-vous de toute forme, ou de toute apparence de mal » (1 Thess. 5, 22). Voici ensuite des promesses, dignes aussi de toute notre attention. Nous en jouirons d’autant plus que nous tendrons sérieusement et avec prières vers l’état « d’hommes faits, qui, pour y être habitués, ont les sens exercés à discerner le bien et le mal » (Héb. 5, 14). Redisons donc de tout notre cœur, pour nous-mêmes et pour nos frères, ce vœu de l’apôtre Paul en faveur des saints de Thessalonique, lequel est appuyé d’une excellente promesse : « Or le Dieu de paix lui-même vous sanctifie entièrement ; et que votre esprit, et l’âme, et le corps soient conservés absolument sans reproche en la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui vous appelle est fidèle, qui aussi le fera » (1 Thess. 5, 23, 24). Rappelons-nous bien que nous pouvons attendre avec assurance « la manifestation de notre Seigneur Jésus Christ, qui aussi nous affermira jusqu’à la fin pour être irréprochables dans la journée de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Cor. 1, 8). N’oublions pas enfin, pour être soutenus dans le combat, qu’en quittant ses rachetés pour un temps, le Seigneur a prié pour eux, et qu’il les a confiés à la puissante garde du « Père saint », son Père et leur Père, en disant : « Je ne fais pas la demande que tu les ôtes du monde, mais que tu les gardes du mal » (Jean 17, 15).

Et si nous lisons : « Délivre-nous du méchant », nous trouverons, dans l’Écriture, tout autant de déclarations et de promesses qui nous autorisent à la plus parfaite confiance en adressant cette demande à notre Dieu et Père. En effet, le méchant ou Satan (car pour nous le méchant ne peut être que Satan, vu que nous n’avons, comme on l’a vu, rien à faire avec l’Antichrist) nous est représenté comme un ennemi vaincu par notre Sauveur qui le voyait déjà « tombant du ciel comme un éclair » (Luc 10, 18). Cela ne nous dispense nullement, sans doute, d’être sur nos gardes, de veiller et de prier en tout temps « de peur que le tentateur ne nous tente » (1 Thess. 3, 5). Mais le Seigneur, dans Sa grande miséricorde, nous enseigne les moyens de résister à ce puissant adversaire ; Il nous indique et nous donne les armes au moyen desquelles nous pouvons le surmonter. Il nous dit, par exemple : « Résistez au diable, et il s’enfuira de vous » (Jacq. 4, 7). « Résistez-lui, étant fermes dans la foi, sachant que les mêmes souffrances s’accomplissent dans vos frères qui sont dans le monde » (1 Pier. 5, 9). Et encore : « Par-dessus tout, prenez le bouclier de la foi par lequel vous pourrez éteindre tous les dards enflammés du méchant » (Éph. 6, 16).

Puis, pour ranimer notre courage dans cette bonne guerre, Il nous apprend que ce qui caractérise les jeunes gens en Christ, c’est qu’ils sont forts, et que la Parole de Dieu demeure en eux, et qu’ils ont « vaincu le méchant » (1 Jean 2, 13, 14). Il nous déclare que « celui qui est né de Dieu se conserve lui-même, et que le méchant ne le touche pas » (1 Jean 5, 18). Enfin, Il nous annonce que « bientôt, le Dieu de paix brisera Satan sous nos pieds » (Rom. 16, 20) ; et Il nous fortifie par cette précieuse promesse : « Le Seigneur est fidèle, qui vous affermira et vous gardera du méchant » (2 Thess. 3, 3).

En voilà assez pour montrer dans quel sens et avec quelle confiance, nous pouvons, nous chrétiens, répéter cette prière du résidu juif : « Délivre-nous du mal, ou du méchant ».


Nous avons cherché à montrer quelle est maintenant, pour les enfants de Dieu, la signification de chacune des demandes de l’oraison dominicale. Avant de terminer cette seconde partie de notre étude, il nous reste, comme nous l’avons annoncé, à exposer les différences essentielles que la grâce de Dieu a mises entre les disciples, tels qu’ils étaient quand Jésus les enseignait sur la montagne, et les disciples, tels qu’ils sont devenus plus tard comme membres de l’Église, corps de Christ : cela nous mettra à même de juger si la prière du Seigneur doit être pour nous un formulaire que nous soyons tenus d’employer.

Partie 2

Nous avons déjà dit bien des choses relatives à ces différences de position entre les disciples encore juifs et les chrétiens, membres du corps de Christ. Nous avons dit, entre autres, que les premiers, quoique croyant en Jésus, n’avaient pas l’idée encore de la rédemption et de ses riches conséquences, tandis que les seconds en jouissent ; les premiers n’avaient pas la conscience du pardon de leurs péchés, tandis que les autres peuvent se présenter avec assurance devant Dieu, comme étant pleinement rachetés et pardonnés, comme rendus capables de s’appliquer cette déclaration de l’apôtre, écrivant aux Corinthiens : « Vous étiez tels que ceux qui n’hériteront pas du royaume de Dieu ; mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus, et par l’Esprit de notre Dieu » (1 Cor. 6, 11). Nous avons comparé les disciples juifs, encore sous la loi, à des prisonniers recourant avec confiance à la grâce de leur roi, dont ils connaissent la bienveillance ; les chrétiens, au contraire, sont élargis, délivrés, mis en liberté, après que leur dette a été entièrement payée par le Fils de leur souverain. Serait-ce de notre part honorer Celui-ci et s’adresser à Lui avec intelligence, que de répéter la prière qui était parfaite dans la bouche des premiers, et admirablement adaptée à leur position et à leurs besoins ? Non, je ne le pense pas.

À Dieu ne plaise que je voulusse en rien diminuer ou affaiblir l’importance de paroles qui sont sorties des lèvres du Seigneur Jésus. J’ose dire que je ne le cède à personne en respectueuse admiration pour la plus belle, la plus compréhensive[23] forme de prière qui ait jamais été écrite. Mais la question n’est pas là ; il ne s’agit nullement, en effet, de discuter la valeur intrinsèque de l’oraison dominicale, mais de rechercher quelle était l’intention du Seigneur quant à l’usage de cette prière, après la rédemption accomplie et la descente du Saint Esprit.

Il est clair que, après comme avant ces deux grands faits, les disciples du Seigneur devaient prier et prier beaucoup. Notre Maître nous a laissé Sa Parole « qui est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice » (2 Tim. 3, 16) ; Sa Parole, « vivante et permanente » (1 Pier. 1, 23), par le moyen de laquelle nous avons été régénérés, et par laquelle nous sommes nourris afin que nous croissions à salut (1 Pier. 2, 2) ; par elle nous sommes rendus nets, enseignés, gardés des sentiers du destructeur, mis à part pour Christ dans le ciel. Mais, avec tout cela, nous avons besoin de quelque chose de plus ; il nous faut pour l’exercice et la prospérité de la vie spirituelle, un autre élément encore ; et c’est la prière. Sans la prière, la Parole n’étant pas reçue dans un esprit de dépendance de Dieu, peut devenir, hélas ! un simple aliment à l’activité purement intellectuelle ; ce qui est non seulement sans profit, mais encore un grave piège pour l’âme. La prière est le grand moyen par lequel nous sommes, en pratique, gardés en la présence de Dieu, par lequel aussi la Parole est, pour nous, précieuse, profitable et sanctifiante. Elle est l’expression convenable de notre faiblesse devant Dieu et de notre confiance en Son amour et en Ses soins journaliers.

Mais, n’est-il pas vrai ? avant toute chose, la prière doit être sincère ; en d’autres termes, elle doit être l’expression réelle de besoins sentis et de désirs qui y correspondent. Or si la position de celui qui prie est changée, ses besoins sont changés aussi et, par une conséquence inévitable, ses prières doivent changer de même : sinon quelque excellentes qu’elles aient pu être en leur temps, elles deviennent une forme sans vérité et sans vie ; des paroles, des sons, et rien de plus[24].

Or, encore une fois, quel est le chrétien qui ne reconnaîtrait pas que la position des disciples de Christ sur la terre avait subi un immense changement, ou qu’elle avait fait un progrès des plus considérables, depuis le sermon sur la montagne au grand jour de la Pentecôte !

Dans le sermon sur la montagne, il n’y a pas même une allusion au grand fait de la rédemption, et cela se conçoit très bien : ce n’était pas pour Jésus le moment d’en parler. Le jour de la Pentecôte, l’apôtre Pierre prêche aux multitudes la rédemption pleinement accomplie par la mort et la résurrection de Jésus ; rédemption confirmée par le Saint Esprit donné, ce jour-là, à l’Église.

Les disciples, auxquels, dans Sa miséricorde, le Seigneur donnait un modèle de prière si bien en rapport avec leur état d’alors, ne connaissaient évidemment pas encore la position bénie, les privilèges tout nouveaux, auxquels l’accomplissement prochain de la rédemption les ferait parvenir. Sans doute — à cet égard, comme les saints de l’Ancien Testament — en vertu de cette rédemption non accomplie, et par la foi qu’ils avaient au Seigneur Jésus, ils étaient sauvés, quoiqu’ils n’en eussent pas l’assurance. C’étaient des chrétiens dans un état d’enfance, dont nous ne devrions plus avoir d’idée ni d’exemple maintenant. Ils avaient le bonheur d’avoir avec eux le Rédempteur qui prend soin de les instruire selon leur portée et qui leur enseigne à prier conformément aux exigences de leur condition morale et en les envisageant, ainsi qu’ils l’étaient alors, comme un résidu juif fidèle, au milieu de l’apostasie de la masse de la nation. Or, nous ne saurions trop le redire, la prière que Jésus leur donne est tout ce qu’il y a de plus parfait à sa place.

Mais après la Pentecôte, les choses avaient tellement changé de face pour ces mêmes disciples, qu’il leur fallait de tout autres paroles pour exprimer les désirs de leurs âmes et les sentiments d’adoration et de reconnaissance dont leurs cœurs étaient pénétrés. Maintenant, ils devaient, avant tout, éprouver le besoin de se présenter devant leur Père comme des adorateurs, une fois pour toutes purifiés et n’ayant plus conscience de péchés ; le besoin de « rendre grâces au Père qui nous a rendus capables et dignes de participer à l’héritage des saints dans la lumière ; qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés » (Col. 1, 12-14).

Voilà, je le répète, ce que les disciples (en Matt. 6) n’auraient pu comprendre, parce que l’œuvre de la rédemption n’était encore qu’une promesse. C’est là ce qui donne à la prière entière la couleur qu’elle devait avoir : il n’y a point de précipitation, en effet, dans les voies de Dieu qui ne pouvait tenir assez peu de compte des souffrances de Son Fils et de tous leurs heureux résultats, pour supposer, un seul instant, que les saints pussent, par anticipation, en jouir dans leur expérience.

Il est un autre de ces résultats, auquel nous avons déjà souvent fait allusion et sur lequel nous devons maintenant revenir avec quelques développements, comme constituant, relativement à notre sujet, la grande différence entre les disciples avant la rédemption opérée et les chrétiens, membres de l’Église de Dieu.

À la rédemption accomplie se rattachait, en effet, un autre privilège des plus élevés, je veux parler du don du Saint Esprit, d’une manière toute nouvelle. Il faut se rappeler qu’il y a de certaines opérations du Saint Esprit, qui sont communes à tous les fidèles dans tous les âges ou sous toutes les économies, telles que la régénération, la conviction de péché, une sainte obéissance. Ces opérations de l’Esprit ont, de tout temps, été le partage de tous les saints de Dieu ; elles l’étaient de Noé, Abraham, David, etc. Ils furent tous des hommes régénérés, des croyants. Mais si cette face de la question est assez généralement comprise, il en est une autre, non moins vraie, qui ne l’est pas au même degré. Quand le Seigneur Jésus Christ fut sur le point de voir Son œuvre achevée sur la terre, et de remonter au ciel, Il promit à ses disciples que le Saint Esprit leur serait donné d’une façon inconnue jusqu’alors. Évidemment les disciples étaient déjà des croyants et, comme tels, ils avaient la vie éternelle. Cependant nous voyons que, avant de se séparer d’eux, le Seigneur leur dit : « Il vous est avantageux que je m’en aille ». Comment était-il possible qu’il fût avantageux pour eux de perdre leur meilleur ami, leur Sauveur ? N’eût-il pas été bien préférable pour eux, à tous égards, qu’Il demeurât avec eux ? Que signifie donc cette parole, en quoi consiste cet avantage ? Le voici : « Il vous est avantageux que je m’en aille : car si je ne m’en vais, le Consolateur ne viendra pas à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » (Jean 16, 7). Cette déclaration ne montre-t-elle pas que le départ de leur Maître leur procurerait une immense bénédiction dont ils n’avaient pas joui auparavant ? C’est ce qui paraît évident. Mais il y a plus que cela. Il est des personnes qui restreignent le don du Saint Esprit aux langues, aux miracles, aux dons du ministère, etc. Mais c’est là confondre le Consolateur avec les diverses capacités que produit le Saint Esprit. C’est le Saint Esprit en personne que le Père voulait envoyer au nom de Jésus. Telle était la grande vérité que le Seigneur annonçait à Ses disciples. Dès le commencement, le Saint Esprit avait agi sur tous les saints, mais outre cela et par-dessus cela, après le départ de Jésus Christ, le Saint Esprit devait descendre, d’une manière personnelle et immédiate, pour être dans les disciples et avec eux jusqu’à la fin. Le Fils de Dieu était descendu d’une façon toute spéciale, la Parole avait été faite chair. Le Saint Esprit descendrait après que Christ aurait achevé l’œuvre de la rédemption et serait remonté vers Son Père. C’est pourquoi Pierre dit, en Actes 2, 33 : « Étant donc exalté par la droite de Dieu, et ayant reçu de la part du Père le Saint Esprit promis, il a répandu ce que maintenant vous voyez et entendez ». Les puissances miraculeuses, qui furent conférées aux disciples le jour de la Pentecôte, attirèrent l’attention sur cet Être divin, dont elles annonçaient la présence : elles servaient essentiellement comme de preuves extérieures et d’effets visibles de ce don sans pareil dans le passé, appelé la promesse du Père.

Telle est donc la grande vérité, qui est à la base de la question concernant la prière du Seigneur. Cette prière était destinée à des gens qui étaient de vrais croyants, mais pour lesquels la rédemption était encore en perspective, et auxquels le Saint Esprit n’avait pas encore été donné. Peu après ce qui nous est transmis de cette oraison dans Luc 11, le Seigneur dit : « Si donc vous qui êtes méchants, savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est du ciel, donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ». Ce verset indique la condition des disciples : Ils étaient déjà enfants, et cependant ils devaient demander au Père de leur donner le Saint Esprit. Cela ne voulait pas dire : le Saint Esprit pour faire d’eux des croyants ; car ils croyaient déjà — ils étaient « des enfants de Dieu par la foi en Christ Jésus ». Mais le Saint Esprit devait encore leur être personnellement donné, pour les introduire pleinement dans toutes les conséquences de la rédemption par Christ, quand elle serait effectuée ; pour les unir intimement à Christ, l’homme glorifié à la droite de Dieu, et en former des membres de Son corps, de Sa chair et de Ses os. Ces privilèges, qui n’étaient ni connus ni possibles avant la croix, constituent un des éléments essentiels du christianisme. Ils sont grandement supérieurs à tous les privilèges précédents des saints. On peut dire que l’Ancien Testament, par des types, des déclarations positives, des promesses — par tout un plan préparatoire du salut, nous révèle Dieu pour nous. Puis, dans l’accomplissement du temps, nous avons quelque chose de plus : la Parole est faite chair ; l’oracle d’Ésaïe s’accomplit : « Voici, la vierge sera enceinte, et enfantera un fils, et on appellera son nom Emmanuel, ce qui, interprété, est Dieu avec nous » (Matt. 1, 23). Enfin, Jésus ayant achevé la grande œuvre du salut de Son peuple, quitte la terre et remonte au ciel, et cela est avantageux pour Ses disciples qui doivent, par là, obtenir une plus grande grâce encore. En effet, selon Sa promesse, Jésus leur envoie le Consolateur, pour demeurer, Lui, « éternellement avec eux ». « Vous le connaissez, ajoute Jésus, parce qu’il demeure avec vous [maintenant en tant que Jésus était rempli du Saint Esprit], et que [bientôt] il sera en vous » (Jean 14, 16, 17). Par l’accomplissement de cette promesse, nous possédons le plus haut degré de bénédiction à cet égard, car nous avons Dieu en nous. Ce privilège caractéristique de notre économie appartient à tout croyant individuellement, selon cette parole de Paul, entre beaucoup d’autres : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, et que vous avez de Dieu ? » (1 Cor. 6, 19). En même temps, c’est cet Esprit Saint dans les croyants, qui fait d’eux tous un seul corps, dont Christ est la tête ; c’est l’Église ou le seul temple de Dieu sur la terre, actuellement, selon ce qui est encore écrit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Cor. 3, 16). « En qui [Jésus Christ] tout l’édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur ; en qui aussi vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit » (Éph. 2, 21, 22).

Il est aisé de comprendre quelle immense différence la présence et l’action du Saint Esprit apportait à l’état moral des disciples, dans quelle position toute nouvelle ils étaient placés par là. Le Seigneur Jésus leur envoie ce Consolateur ou Défenseur pour le remplacer auprès d’eux ; c’est Lui, leur dit-Il, qui « vous enseignera toutes choses » (Jean 14, 26). Voilà, entre autres, en quoi devait consister la mission de cet hôte divin. Or, de ces toutes choses que l’Esprit Saint devait enseigner aux disciples, la prière est certainement une des plus importantes. Comme des écoliers, si nous osons, en tout respect, employer cette comparaison, ils allaient passer à une classe supérieure et sous les soins d’un nouveau maître. Dans leur état d’enfance Jésus leur avait appris à prier ; Il leur avait donné un formulaire qui convenait parfaitement à cet état. Maintenant qu’ils sont comparativement devenus des hommes faits, c’est l’Esprit qui leur enseignera à prier, or l’Esprit de Dieu ne se sert pas de formulaires, lesquels d’ailleurs ne conviennent plus à la condition d’hommes faits ou, comme l’Écriture les appelle, de « parfaits et accomplis » (Phil. 3, 5 ; Col. 4, 12).

Qu’on lise les Actes des apôtres avec soin, et l’on y trouvera, du commencement à la fin, la démonstration de ce fait, que le Saint Esprit était donné à l’Église comme substitut du Seigneur Jésus, le Chef de l’Église. On verra que tout dans le corps de Christ sur la terre est conduit, contrôlé par cet autre Consolateur ; que c’est Lui qui a maintenant la haute main pour diriger et gouverner soit l’ensemble soit les serviteurs de Jésus. En voici quelques exemples : C’est l’Esprit qui parle directement à quelques-uns des ouvriers du Seigneur, pour leur faire savoir ce qu’ils ont à faire. Ainsi (8, 29), « l’Esprit dit à Philippe : Approche-toi et te joins à ce chariot » (de l’eunuque éthiopien). Plus loin (10, 19 ; cf. 11, 12), l’Esprit dit à Pierre : « Voilà , trois hommes te cherchent ; lève-toi, et descends, et t’en vas avec eux sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés ». À Tyr (21, 4), les disciples dirent, par l’Esprit, à Paul, de ne pas monter à Jérusalem (cf. verset 11). Paul lui-même avait dit (20, 23) : « L’Esprit Saint rend témoignage de ville en ville, me disant que des liens et de la tribulation m’attendent ». Ailleurs le Saint Esprit agit avec puissance, par exemple (8, 39), quand il ravit Philippe, que l’eunuque ne vit plus.

Le Saint Esprit est tellement là présent, exerçant le gouvernement supérieur, que c’est ce qui donne tant de gravité à la tromperie d’Ananias et de Sapphira. C’est ce que Pierre leur reproche, en disant à l’un (5, 3, 9) : « Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, que tu aies menti à l’Esprit Saint ? » puis à l’autre : « Comment êtes-vous convenus entre vous de tenter l’Esprit du Seigneur ? » c’est-à-dire de mettre en doute Sa présence, Son action et Son autorité, dans le même sens qu’il est écrit en Exode 17, 7 : « Et il nomma le lieu Massa et Meriba, à cause du débat des enfants d’Israël, et parce qu’ils avaient tenté l’Éternel, en disant : L’Éternel est-il au milieu de nous ou non ? ».

Si Barnabas et Saul sont envoyés pour annoncer l’évangile en divers lieux, ce n’est point de l’église d’Antioche ni d’un conseil de cette église, qu’ils reçoivent cette mission. C’est l’Esprit Saint qui dit (13, 2, 4) : « Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés ». Avec quelle joie, quel courage, quelle confiance, ces deux premiers missionnaires devaient partir, puisqu’on pouvait dire sans aucune hésitation : « Eux donc, ayant été envoyés par l’Esprit Saint, descendirent à Séleucie » ! Ce divin Conseiller les dirige dans toutes leurs voies, il leur fait connaître où ils doivent aller, et quelles sont les contrées qu’ils doivent laisser de côté. Ainsi (16, 6, 7), nous voyons Paul et Timothée « empêchés par le Saint Esprit d’annoncer la parole en Asie » ; puis ils viennent en Mysie et essayent de se rendre en Bithynie, « mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas ».

Paul, en exhortant les anciens de l’assemblée d’Éphèse (20, 28) à prendre garde à eux-mêmes et à tout le troupeau, leur rappelle que c’est « l’Esprit Saint qui les a établis surveillants au milieu de ce troupeau, pour paître l’Assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils ». Enfin, dans le concile de Jérusalem, l’assemblée tout entière se sentait tellement sous la dépendance et la direction de l’Esprit de Dieu, qu’elle pouvait formuler les ordonnances qu’elle avait arrêtées, en disant : « Il a semblé bon au Saint Esprit et à nous » (15, 28).

Telle étant donc l’action du Saint Esprit dans tant de détails de la marche et de la vie des disciples d’alors, nous ne pouvons certes pas supposer que cette action leur fît défaut quand il s’agissait de prières. Or les croyants nous sont souvent montrés comme priant, dans ce livre si instructif pour nous. S’ils doivent accomplir quelque fait tant soit peu important, nous les voyons ordinairement commencer par prier ou même par prier avec jeûne (cf., entre autres, 6, 6 ; 13, 3 ; 14, 23). Cela n’est pas étonnant, puisque les premiers membres de l’Église nous sont signalés (2, 42) comme persévérant dans ces quatre choses : « la doctrine des apôtres, la communion, la fraction du pain et les prières ». Eh bien ! voyons-nous quelque part, dans les Actes, l’Esprit de Dieu suggérant aux disciples de répéter la prière du Seigneur, la leur indiquant comme formulaire ? Jamais ! Il n’y a pas la moindre allusion à cette oraison. Une seule prière de quelque étendue, nous est conservée dans ce livre des Actes (je dis de quelque étendue, car il en est d’autres, comme celle d’Étienne mourant [7, 60], par exemple[25]) ; nous la trouvons au chapitre 4, 24-30. Relisez-la, cher lecteur, et jugez vous-même si elle a le moindre rapport avec celle que Jésus avait précédemment enseignée à Ses disciples encore juifs.

Et si nous continuons l’étude de notre sujet à travers les épîtres apostoliques, nous y trouverons deux renseignements de toute importance pour nous. D’abord, des déclarations claires et positives de la vérité que nous avons déjà énoncée, savoir que c’est maintenant le Saint Esprit qui enseigne à prier ou qui fait prier les chrétiens ; ensuite des exemples de prières que nous pouvons aussi comparer à l’oraison dominicale.

Le temps était venu où, selon la parole du Seigneur Jésus à la Samaritaine (Jean 4, 24), les vrais adorateurs adoraient le Père en Esprit (ou par l’Esprit) et en vérité. Maintenant le Père en cherchait de tels qui L’adorassent. C’est aussi à cette fin que l’évangile était prêché, que le grand salut par Christ était proclamé. En convertissant les pécheurs, en les donnant à Jésus, Dieu a en vue Sa propre gloire, sans doute ; puis le salut de ceux qui, par nature, étaient des enfants de colère ; ensuite, aussi, de se former sur la terre un peuple d’adorateurs, « une sainte sacrificature », appelée comme telle « à offrir des sacrifices spirituels (ou de l’Esprit), agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 Pier. 2, 5). C’est aussi pour cela que, par Jésus Christ, « nous avons accès auprès du Père par un seul Esprit » (Éph. 2, 18).

Et quant à la prière proprement dite, nous ne sommes pas plus abandonnés à nous-mêmes que pour tous les autres détails de notre marche. Nous participons, par notre corps, à la vanité à laquelle toute la création a été assujettie. Elle soupire et est en travail, et nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps. Mais nous avons les prémices de l’Esprit et, par là, nous appartenons à la nouvelle création en Christ. Et « l’Esprit nous est en aide dans nos infirmités ; car nous ne savons pas ce qu’il faut demander comme il convient ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous par des soupirs inexprimables ; — et Celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, car il intercède[26] pour les saints selon Dieu ».

Or non seulement l’Esprit intercède pour nous dans nos infirmités ; mais encore c’est par Lui que nous devons prier. En énumérant (Éph. 6, 13-18) les diverses pièces de l’armure complète de Dieu, que nous devons revêtir pour pouvoir résister au mauvais jour, et tenir ferme, après avoir tout surmonté, voici la dernière de ces armes indiquée par l’apôtre Paul : « Priant par toutes sortes de prières et de supplications en tout temps par l’Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance ». Et voici aussi une recommandation, en rapport avec les jours mauvais, que nous donne l’apôtre Jude (v. 20, 21) et que Dieu veuille appliquer avec puissance à nos consciences et à nos cœurs : « Mais vous, bien-aimés, vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, priant par le Saint Esprit, conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ pour la vie éternelle ».

Or, comment le Saint Esprit fait-Il prier, ou comment un enfant de Dieu prie-t-il quand il prie par le Saint Esprit ? C’est ce que nous pouvons voir aussi dans les épîtres. Je ne parle pas ici des doxologies qui sont assez fréquentes dans les lettres apostoliques[27], par la raison que l’oraison dominicale ne renferme ni action de grâces ni doxologie. La tradition a voulu suppléer à ce qui lui paraissait une lacune en y ajoutant une espèce de doxologie qui, comme nous l’avons vu, n’est pas émanée de la bouche du Seigneur. Nous nous en tenons donc aux prières ; et nous en mentionnerons seulement cinq, qui se trouvent dans les épîtres de Paul ; elles se présentent à nous dans un ordre remarquable et nous offrent une belle succession des demandes que l’homme nouveau en Christ peut adresser à Dieu par le Saint Esprit.

La première se trouve dans l’épître aux Éphésiens, chapitre 1, versets 15-23. Nous ne la citerons pas ; nous laissons à nos lecteurs le soin de la relire et de la méditer, assuré qu’ils ne pourront le faire sans en retirer profit et bénédiction, surtout s’ils la tournent en supplication pour eux-mêmes et pour leurs frères. Nous dirons seulement qu’elle est adressée au « Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire » ; et que Paul Lui demande, pour les saints d’Éphèse, sagesse, révélation par l’Esprit, intelligence éclairée pour connaître quelle est l’espérance de la vocation et les richesses de la gloire de l’héritage du Père de gloire ; puis aussi l’excellente grandeur de Sa puissance, manifestée envers nous qui croyons, comme elle l’avait déjà été par la résurrection de Christ et par Son exaltation au-dessus de toutes choses, comme chef ou tête de l’Église, qui est Son corps et la plénitude de Celui qui remplit tout en tous.

Nous avons la seconde dans la même épître, chapitre 3, versets 14-21. Elle est adressée au « Père de notre Seigneur Jésus Christ, duquel toute famille dans les cieux et sur la terre est nommée ». Elle diffère de la précédente, soit par cette adresse qui indique la réalisation de l’association avec le Père et avec la famille ; soit par son objet qui nous semble plus précieux encore. Ici il s’agit de la connaissance, non de la puissance et des richesses de Dieu, et de la position de l’Église dans les lieux célestes, mais de celle de l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance. Il s’agit d’être « fortifiés en puissance par son Esprit… » jusqu’à être « remplis de toute la plénitude de Dieu ». Nous trouvons ici sept bénédictions, de l’ordre le plus élevé, sollicitées par celui qui prie pour ses frères ; la dernière, c’est qu’ils soient « remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu ». Impossible d’aller au-delà ; aussi, après cela, l’apôtre remet les saints « à Celui qui, selon la puissance qui opère en nous, peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons et pensons, et auquel sera gloire dans l’Église dans le Christ Jésus pour tous les âges du siècles des siècles ! Amen ! ».

La troisième de ces prières est contenue dans l’épître aux Philippiens, chapitre 1, versets 9-11. Elle a pour objet la marche et la bénédiction pratiques des fidèles : que leur « amour abonde de plus en plus en connaissance et toute intelligence » des pensées de Dieu, sans doute, et « des choses les plus excellentes », afin qu’ils soient purs et qu’ils ne bronchent pas jusqu’au jour de Christ, et enfin qu’ils soient « remplis du fruit de la justice qui est par Jésus Christ à la gloire et à la louange de Dieu ».

La quatrième est dans Colossiens 1, 9-14. Elle est en rapport avec ce que l’apôtre avait appris de leur état spirituel (v. 3, 4, 8) : ils avaient la foi et de l’amour pour tous les saints dans l’Esprit ; ce n’était pas là des affections purement naturelles. Paul demande pour eux qu’ils soient « remplis de la connaissance de la volonté de Dieu, en toute sagesse et intelligence spirituelle » ; puis que leur marche soit en harmonie avec cette connaissance, qu’elle soit « digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu ». Connaître, puis agir. Enfin, il demande qu’ils soient « fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie, rendant grâces au Père qui nous a rendus capables de participer à l’héritage des saints dans la lumière », tout comme aussi il « nous a délivrés de la puissance des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour ».

Enfin, la prière qui se rencontre dans 2 Thessaloniciens 1, 11, 12. L’assemblée des Thessaloniciens était dans la position la plus bénie — « en Dieu, notre Père, et dans le Seigneur Jésus Christ » ; aussi remarquez ce que l’apôtre dit de leur marche : « votre foi augmente beaucoup », l’amour… abonde, « de sorte que nous-mêmes nous nous glorifions de vous dans les assemblées de Dieu, au sujet de votre patience et de votre foi dans toutes vos persécutions et dans les afflictions que vous soutenez,… pour que vous soyez estimés dignes du royaume de Dieu pour lequel aussi vous souffrez » (v. 1-5). C’est pour cela que Paul dit : « Nous devons toujours rendre grâces à Dieu pour vous » ; « c’est aussi pour cela, ajoute-t-il, que nous prions toujours pour vous, que notre Dieu vous juge dignes de la vocation ». C’est-à-dire, je pense, de ce à quoi vous êtes appelés maintenant, savoir des tribulations et des souffrances. C’est là ce que l’apôtre estime un honneur pour eux de la part de Dieu. Hélas ! nos cœurs apprécient bien peu un pareil honneur. Mais Paul ne désire pas seulement qu’ils soient jugés dignes de souffrir, il demande encore à Dieu « qu’il accomplisse tout le bon plaisir de sa bonté et l’œuvre de la foi en puissance ». Ce qui signifie, je crois, que, par la puissance de la foi, ils puissent endurer « tout le bon plaisir de sa bonté » envers eux, qui se révélait par de grandes épreuves ; « en sorte que le nom de notre Seigneur Jésus Christ » fût glorifié en eux, et eux en lui, « selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ ». Comme s’il leur eût dit : « Vos souffrances doivent contribuer à la gloire du Seigneur ». Et quelle place pour une créature : « Vous en lui » !

Eh bien ! je vous le demande encore, mon cher lecteur chrétien, trouvez-vous entre ces prières de Paul, à l’école et sous l’efficace du Saint Esprit, et celle que le Seigneur donnait à Ses disciples sur la montagne, quelque rapport, quelque ressemblance ? Nous ne saurions trop le répéter, à Dieu ne plaise que nous disions cela pour rabaisser en quoi que ce soit la « prière du Seigneur ». Encore une fois, elle est parfaite à sa place ; ce n’est pas elle qui a baissé, c’est la position et l’état moral des disciples qui se sont élevés. L’un de ceux qui avaient entendu le Maître sur la montagne et reçu de lui ce formulaire, aurait pu dire, au temps de Paul, après avoir reçu le Saint Esprit : Quand j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, par conséquent je priais comme un enfant, et mon miséricordieux Sauveur m’avait donné une forme de prière qui répondait exactement à ma condition d’alors, à mon état d’enfance. Mais quand je suis devenu homme, j’ai passé sous un autre Maître qui maintenant m’enseigne à prier selon la position toute nouvelle et infiniment plus élevée, dans laquelle la grâce de mon Dieu et Père m’a placé en Christ ; j’en ai donc fini avec ce qui était de l’enfant, quelque précieux et excellent qu’il fût.

Il est encore un point de toute importance, qui se lie au précédent et qui vient corroborer ce que nous avons dit de l’immense changement qu’apportaient à l’état moral des disciples la rédemption opérée et le don du Saint Esprit. Ce changement était, en effet, si grave et si complet, que le Seigneur y prépare Ses disciples de la manière la plus solennelle en Jean 16. Après leur avoir bien fait connaître la mission et la présence du Consolateur en eux et avec eux, Il ajoute : « En ce jour-là vous ne me ferez pas de demandes. En vérité, en vérité, je vous dis que toutes les choses que vous demanderez au Père en mon nom, il vous les donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit accomplie ». Reprenons, avec quelques explications, ces versets : « En ce jour-là vous ne me ferez pas de demandes » ; c’est ce que les disciples n’avaient cessé de faire pendant que Jésus était sur la terre ; dans toutes leurs difficultés, ils venaient à Lui, comme à leur Sauveur plein de grâce, et ils avaient certes bien raison d’agir ainsi. Cependant Il ajoute : « En vérité, en vérité, je vous dis que toutes les choses que vous demanderez au Père en mon nom, il vous les donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom ». Quoi ! rien demandé en Son nom ? N’avaient-ils pas, pendant des années, fait usage de la prière du Seigneur ? Certainement ; et cependant ils n’avaient rien demandé au nom de Jésus. Et, en effet, cette prière ne parle et ne pouvait parler, ni de la rédemption, parce qu’elle n’était pas accomplie, ni du nom de Jésus, parce que tant que Jésus était avec eux, ou tant qu’Il n’était pas glorifié, il n’était pas possible de prier le Père au nom du Fils. C’est là un grand privilège, une joie excellente, particulière à la dispensation de l’Esprit (comp. Éph. 2, 18).

Maintenant, veut dire Jésus, vous allez être placés sur un nouveau terrain et dans des rapports tout nouveaux. Ils consisteront, non plus à venir simplement à moi et à m’adresser vos demandes, mais à demander au Père, et à demander au nom de Christ. Qu’est-ce que cela veut dire, « demander au nom de Christ » ? Serait-ce seulement, terminer une prière par ces mots : « pour l’amour ou au nom de Jésus Christ » ? Je ne le pense pas. Je crois que le sens en est celui-ci : en vertu de la rédemption une fois accomplie, et par le Saint Esprit qui les unirait au Seigneur Jésus dans le ciel, les disciples seraient placés dans la même position que Lui-même. C’est pourquoi il est dit en 1 Jean 4, 17 : « Comme lui est, nous sommes, nous aussi, dans ce monde ». Et dans 1 Corinthiens 6, 17 : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit [avec lui] ». Ces déclarations de la Parole peuvent faire comprendre le sens de ces mots : « demander au nom de Jésus ». C’est faire une demande au Père dans la conscience que tous nos péchés nous sont ôtés et que nous sommes actuellement amenés à Dieu, et dans la pleine jouissance de Sa faveur, sans qu’il y ait le moindre nuage entre Dieu et nos âmes. C’est aller à Dieu, qui est pour nous désormais sur un trône de grâce, et Lui présenter nos supplications comme étant, nous, en possession de toute la bénédiction, à laquelle Christ en haut et le Saint Esprit en bas nous donnent des droits : voilà ce que c’est que demander au Père au nom de Christ.

Le Seigneur avait déjà auparavant enseigné cette forme de prière aux disciples, et ceux-ci en avaient, sans aucun doute, fait usage. Maintenant Il leur montre qu’Il est une position toute nouvelle, dans laquelle ils allaient être placés, et que, par conséquent, ils devaient quitter leur ancien terrain. Leurs circonstances étant changées par le don du Saint Esprit, la prière emprunterait désormais ses formes à leur nouvelle position, ou à la pleine et parfaite grâce dans laquelle ils allaient être introduits. Si donc maintenant des croyants retournent en arrière à la position de disciples encore sous la loi, avant que la rédemption fût accomplie, voici quel est pour eux l’effet de ce défaut d’intelligence ou de ce manque de foi : ils ne peuvent jamais arriver à la connaissance d’une paix réelle et assurée ; ils ne savent pas ce que c’est que le privilège de prendre devant Dieu la place d’adorateurs une fois purifiés et n’ayant plus conscience de péchés. En un mot, quant à la jouissance du moins, ils se privent des immenses bénédictions, procurées par la mort et par la résurrection de Christ.

Maintenant, cher lecteur chrétien, si vous tiriez de ce qui précède la conclusion que je veux vous interdire l’usage de l’oraison dominicale, vous auriez tort. Car, d’abord, qui suis-je, moi, pour vous commander ou vous défendre quelque chose ? Ensuite, je suis convaincu que bien des personnes simples, pieuses, tout en étant peu éclairées, ont pu et peuvent encore redire : « Notre Père qui es aux cieux », avec une certaine bénédiction, parce que, finalement, ce sont des paroles du Seigneur, de ce Sauveur si plein de support et de miséricorde envers nous qu’Il est toujours disposé à nous bénir, et qu’Il peut, en réponse à cette prière, exaucer non selon le vrai sens des demandes que celui qui l’adresse ne comprend pas, mais selon le désir sincère de son cœur, qu’il croit exprimer ainsi. Si quelqu’un, vraiment converti, mais retenu encore, sous un esprit de servitude, dans l’ignorance des voies de Dieu en grâce et de toute l’étendue de la rédemption, s’agenouille et répand son cœur devant Dieu au moyen des paroles de la prière du Seigneur, je pourrais, pour ma part, sympathiser aux sentiments qui l’animent ; car j’estime qu’un état de cœur et de conscience tel que le sien est aussi rapproché que possible de celui des disciples que le Seigneur avait devant Lui sur la montagne. Il n’en reste pas moins vrai que, sous l’évangile de la grâce, l’état que je viens de décrire est tout à fait anormal. Ceux qui en sont là retournent en arrière et se placent eux-mêmes — ce n’est pas Dieu qui les y met — pour ainsi dire, avant la rédemption. Aussi, sans mettre en doute le salut final de croyants pareils, je ne puis m’empêcher de croire qu’ils ne comprennent pas leurs plus précieux privilèges et que, sans intention et à leur insu, ils apprécient bien peu, pour ne rien dire de plus, les souffrances et la gloire du Seigneur.

Ensuite, nous l’avons vu, il est plusieurs demandes de cette prière, qui nous concernent nous aussi et ont droit à notre intérêt. Nous pouvons donc, sans doute, les répéter ou, ce qui vaudra mieux, prier dans le sens de ces demandes, si toutefois le Saint Esprit nous le met au cœur. Car c’est là ce qui maintenant fait la vie des supplications des enfants de Dieu ; c’est ce qui en fait des prières vraiment dignes de ce nom. Si donc l’Esprit, qui est en vous et que vous avez de Dieu, vous pousse, cher frère, à exprimer les besoins de votre âme par cette prière, n’hésitez pas à le faire. Mais le Saint Esprit le fera-t-Il ? Permettez-moi de dire, avec une respectueuse conviction, que je ne le pense pas. C’est qu’en effet l’Esprit de Dieu ne peut pas se contredire Lui-même en donnant à des affranchis du Seigneur les mêmes requêtes qui convenaient à des disciples encore gardés renfermés sous la loi. En résumé, chers lecteurs, souvenez-vous que si quelques parties de cette oraison peuvent faire l’objet de vos demandes, elle cesse, dans son ensemble, d’être pour vous un formulaire obligatoire, parce qu’elle se tait et devait se taire sur la rédemption non encore opérée et qu’elle suppose, par conséquent, celui qui l’adresse ayant besoin de cette rédemption, tandis que nous en jouissons ; parce qu’elle ne fait et ne pouvait pas faire mention du nom de Jésus, et que maintenant nous ne sommes exaucés qu’autant que nous prions au nom de Jésus ; parce que, enfin, c’est par l’Esprit que nous devons prier, nous chrétiens, et que « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté », c’est-à-dire, nous l’avons dit, liberté de rapports avec Dieu, et, par conséquent, absence de formulaire, même de celui que Jésus avait donné et, à plus forte raison, de tout formulaire humain ; car rien n’est plus incompatible à la liberté dans la prière que l’obligation de se conformer à une formule prescrite.

Nous tenons à le redire, ce n’est point là déprécier l’oraison dominicale (nous verrons bientôt comment on la profane par l’usage même que l’on en fait) ; nous croyons, au contraire, que nous la respectons en lui donnant le sens et la portée qu’elle avait dans l’intention de Celui qui l’a enseignée ; nous croyons honorer vraiment le Seigneur en appliquant Ses paroles selon Ses pensées, à Lui, et non selon les nôtres. Mais l’on dira : Comment se peut-il donc que le Seigneur nous ait transmis cette prière dans Sa Parole, en disant : « Vous donc, priez ainsi », si elle n’était pas destinée à l’usage permanent de tout Son peuple sur la terre ? À cette objection, je réponds : À qui Jésus l’a-t-Il donnée ? Sans revenir sur ce que j’ai dit et répété de l’état des disciples d’alors en contraste avec les chrétiens d’aujourd’hui.

Puis je réponds encore, que le Seigneur a dit bien des choses qui ne s’appliquent pas et ne pouvaient pas s’appliquer à tous. Lisez, par exemple, Matthieu 10. Vous y trouverez plusieurs principes qui demeurent pour notre instruction, mais qui pourrait contester le caractère exclusivement juif de la mission des douze ? Supposez donc un lecteur qui dirait, en citant les versets 5 et 6 : « Ce sont là les propres paroles du Seigneur : nous ne devons pas aller sur le chemin des nations, ni entrer dans aucune ville des Samaritains, mais aller seulement vers les brebis perdues de la maison d’Israël », n’est-il pas vrai que l’absurdité d’une telle interprétation sauterait aux yeux de tous ? Nous-mêmes, pauvres pécheurs d’entre les Gentils et cependant sauvés, nous sommes une preuve suffisante de la fausseté d’une pareille application des paroles de notre Sauveur. Ce serait mettre quelques mots de ce chapitre en opposition avec une multitude de déclarations du Nouveau Testament, qui témoignent d’une miséricorde toute spéciale envers ces mêmes Gentils. De même que le Seigneur donnait alors aux disciples une mission particulière, de même aussi Il avait pourvu, par une prière particulière, aux exigences de leur état d’alors. La mort de Christ, à mon avis, mit nécessairement un terme à la prohibition de l’évangile aux Gentils, tout comme elle étendit et éleva le terrain de la prière, et posa un fondement à l’introduction d’un autre ordre de choses. C’est pourquoi, après sa résurrection, le Seigneur, à la fin du même évangile, ordonne aux mêmes apôtres d’aller et de faire disciples toutes les nations ; c’est pourquoi aussi, dans l’évangile de Jean, Jésus se voyant, par anticipation, déjà monté au ciel, leur dit que dans ce jour-là ils feraient des demandes au Père en Son nom. Jusqu’alors ils ne l’avaient pas fait.

Citons encore un exemple de la manière dont, par suite de la rédemption, des paroles du Seigneur peuvent être modifiées dans leur portée et leur application. Nous voulons parler de l’avant-dernier verset du chapitre 6 selon Matthieu, de ce même chapitre qui renferme la prière dont nous nous occupons. « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice », dit le Seigneur aux disciples. Or je demande, si cette recommandation s’applique, d’une manière directe, aux chrétiens dans leur condition actuelle. Quant à moi, je ne le pense pas, et voici pourquoi. Parce que le chrétien a reçu le royaume inébranlable, et que maintenant il est fait justice de Dieu en Christ ; il n’a donc plus à chercher le royaume et la justice de Dieu, il les possède. Quand Jésus adressait ces paroles à Ses disciples, la justice de Dieu était encore à chercher ; mais dès lors Dieu « a fait celui qui n’a pas connu le péché, être péché pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en lui » (2 Cor. 5, 21). Une nouvelle et divine justice, telle est notre portion ; mais avant la rédemption, nul ne pouvait dire qu’il était fait justice de Dieu. Alors les disciples étaient exhortés à attendre cette justice, et à demander préalablement le Saint Esprit. Mais quand ils eurent reçu l’un et l’autre, vous ne les voyez plus jamais chercher et demander encore ces deux grâces pour eux, comme s’ils ne les possédaient pas. C’eût été là oublier ou méconnaître leurs plus excellentes bénédictions.

Voici comment nous pourrions résumer cette subdivision de notre sujet. Que l’oraison dominicale soit parfaite, c’est évident, puisque c’est le Seigneur qui l’a donnée ; mais là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté, et je ne vois pas la moindre trace d’allusion à cette prière dans tout le reste du Nouveau Testament, quoiqu’il y ait bien des prières et des passages qui indiquent des sujets de prières. Il serait même impossible qu’un homme, conduit par le Saint Esprit dans la connaissance de ses besoins et de l’amour de Dieu, se bornât à une forme prescrite, et, de fait, il ne s’y borne pas. Or, si l’on se sert de cette prière et qu’on en ajoute d’autres avant ou après, n’est-ce pas reconnaître qu’elle est imparfaite ou qu’elle ne répond pas à tous les besoins d’une âme rachetée ? Si les chrétiens veulent l’oraison dominicale, ce devrait être leur seule prière. Sans cela son emploi n’est guère autre chose qu’une superstition. Oui, si c’est à nous que cette prière est donnée et prescrite, elle est parfaite, nous le savons, et par conséquent, elle devrait être toute notre prière et notre seule prière. C’est ce qui est évident. Si c’est à nous que le Seigneur adresse ce commandement : « Priez ainsi », ou : « Quand vous prierez, dites : Notre Père etc. » — en ajoutant que ce n’est pas par beaucoup de paroles que nous serons exaucés — et si néanmoins, avant et après cette prière, nous en ajoutons d’autres dix ou vingt fois plus développées, cela me paraît une singulière obéissance et un respect bien suspect pour ces paroles de Jésus Christ. Du reste, méditer, étudier le contenu de cette prière, sonder les pensées de Jésus dans ces demandes, sera toujours un exercice bien précieux pour nos âmes.

Le fait est que des directions, quelque parfaites qu’elles soient, données à des disciples qui n’avaient pas reçu le Saint Esprit, et l’opération de ce Saint Esprit en ceux en qui Il demeure, sont deux choses nécessairement distinctes, et celui qui ne le comprend pas ne sait pas encore ce que c’est que l’office et l’action du Consolateur.

L’Esprit divin agit nécessairement dans l’âme d’une manière qui Lui est propre et, tout en révélant la gloire de Jésus, Il met l’âme dans une relation toute nouvelle avec le Père et avec notre Seigneur Jésus Christ. Le Seigneur vivant sur la terre ne pouvait pas mettre les âmes de Ses disciples dans cette relation, dont la prière est l’expression intime, tout en en recevant son vrai caractère. De là ces soupirs inexprimables, dans lesquels Celui qui sonde les cœurs ne trouve certainement pas des formes apprises et gravées dans la mémoire, quand même ce serait une forme donnée par le Seigneur Lui-même. Il trouve là la pensée de l’Esprit qui intercède pour nous selon Dieu. Si nous voulons employer ce formulaire comme supplément à l’imperfection de nos propres soupirs, tout en admettant que cela puisse se faire de bonne foi, je ne peux m’empêcher de croire que c’est méconnaître la portée de ces soupirs, et faire un mauvais emploi de cette précieuse instruction du Seigneur ; car c’est là, le plus souvent, réciter sans cœur Ses paroles pour combler des lacunes qui se trouvent dans nos propres cœurs.

Quand nous avons affaire, sous ce rapport, à des chrétiens qui, n’étant pas affranchis par le Saint Esprit, ne comprennent pas la pensée de Jésus, qui ne conçoivent donc pas que, dans Sa miséricordieuse tendresse, le Seigneur pouvait ainsi faire, pour les disciples qui n’avaient pas encore reçu le Saint Esprit, une provision de demandes, qui ne leur serait pas nécessaire ou applicable de la même manière, lorsque le Saint Esprit serait descendu — il est bien difficile de leur faire apprécier cette distinction et, nous le craignons, des assertions comme les nôtres leur apparaîtront toujours comme plus ou moins injurieuses pour la prière du Seigneur, malgré toutes nos protestations contraires. Peut-être y a-t-il chez eux un vrai respect pour les paroles de Jésus, quoique, ici, il ne soit pas sans mélange de superstition ; aussi faut-il agir avec beaucoup de ménagements et d’amour envers ces enfants de Dieu. Il faut chercher à les éclairer sur l’affranchissement par le Saint Esprit et sur sa présence dans le cœur de ceux qui se sont soumis à Jésus. Leur difficulté tombera sans raisonnements lorsqu’ils seront vraiment affranchis.

C’est en vain qu’on leur parlerait du résidu juif, ils n’y entendent rien ; mais ils comprendront ce que sont les pensées de Jésus, Sa tendresse pour Ses disciples encore charnels et ayant besoin d’être menés comme des enfants, Lui-même étant sur la terre pour les conduire ; ils comprendront quelle différence il y a entre cette position des disciples et la présence en nous de l’Esprit qui nous fait savoir que nous sommes en Christ et Lui en nous. Sur la terre, nous disons : « Notre Père qui es aux cieux » ; maintenant nous l’adorons comme étant près de Lui, ou nous nous approchons de Lui par Jésus pour Lui confesser nos péchés. Nous disons : « Viens, Seigneur Jésus », plutôt que : « Ton règne vienne », quoique les deux choses restent vraies. « Que ta volonté soit faite, comme au ciel, aussi sur la terre », est bien notre désir, mais ces mots n’expriment pas les besoins d’une âme qui est dans le combat avec les malices spirituelles dans les lieux célestes, d’une âme, qui traverse cette terre, laquelle est aliénée de Dieu puisqu’elle a rejeté Jésus, d’une âme qui prend donc son parti d’être étrangère ici-bas et qui trouve son repos dans les délices célestes elles-mêmes et dans sa conformité à Jésus là-haut. C’est ainsi que le Saint Esprit donne un grand développement aux désirs et aux vœux exprimés dans l’oraison dominicale.


Venons-en maintenant à la signification de cette prière dans la bouche des inconvertis soi-disant chrétiens, auxquels on la recommande ou on l’impose dans toute la chrétienté. C’est le sujet de notre troisième et dernière partie.

Chapitre 3

Ce que nous avons dit jusqu’ici suffit, sans doute, pour faire présumer ce qu’il nous reste à dire, savoir que nous ne comprenons pas comment on a pu faire de l’oraison dominicale, donnée par le Seigneur à des disciples, une prière que l’on enseigne à des enfants, que l’on fait répéter ou que l’on prescrit à des mondains incrédules ou indifférents. Nous l’avouons, nous ne pouvons voir, dans cet usage, qu’un affreux abus, une déplorable profanation de cette sainte prière, en même temps qu’un grave danger moral pour ceux qui la disent avec le cœur entièrement éloigné de Dieu. C’est ce que nous allons essayer de démontrer. Mais pour cela, nous avons, d’abord, à dire quelques mots sur l’emploi liturgique de l’oraison dominicale.

En l’enseignant à Ses disciples, Jésus eut probablement moins en vue de leur donner une prière à réciter, qu’un exemple de prière, telle qu’elle convenait à leur état, et l’idée de la marche à suivre, des demandes à faire, de l’esprit qui doit régner dans l’âme lorsqu’elle s’élève à Dieu. Rien n’indique que, dans la pensée du Seigneur, elle fût destinée à devenir une prière d’assemblée ou une prière de fidèles réunis. Quoique, ainsi que nous l’avons vu, les demandes qu’elle contient ne soient pas individuelles, cela ne veut nullement dire qu’elle soit, dans son ensemble, une prière collective, une prière pour un corps d’adorateurs. Lisez, en effet, dans Matthieu, les versets qui précèdent immédiatement, et vous verrez comment le Seigneur parle à Ses disciples sur la manière dont ils doivent prier : « Mais toi ! quand tu pries, entre dans ton cabinet, et ayant fermé ta porte, prie ton Père, etc. ». Ensuite vient la prière qui nous occupe, prescrite comme le langage convenable d’un individu qui, cependant, dans ses besoins et ses demandes, présentées ainsi dans son cabinet, aime à s’identifier à ses frères dans la même position que lui, et dit en conséquence : « Notre Père » et non pas : « Mon Père ».

D’où a donc pu venir l’usage et l’abus de cette prière dans ce qu’on appelle le culte public ? Nous ne pensons pas manquer de prudence ou de modération, en l’attribuant à l’état de déchéance de l’Église, à sa mondanisation, à l’oubli de la présence du Saint Esprit, à la substitution de l’homme et des formes dans le culte à la place de la direction de cet Esprit de Dieu, au cléricalisme qui envahit de bonne heure les assemblées, et en vertu duquel, elles eurent des présidents et des prêtres pour le culte du Seigneur, au retour de formes judaïques et, par là-même, à la dénégation du sacerdoce universel des chrétiens.

Une chose indiquait assez clairement, ce semble, que le divin Chef de l’Église n’avait point eu l’intention de nous donner un formulaire de prière obligatoire, ce sont les variantes si considérables qui se rencontrent dans le texte même de cette oraison, tel qu’il nous est transmis en Matthieu et en Luc. Nous avons déjà dit un mot à ce sujet, p. 5 et 6 (voir surtout la note). Nous ajouterons ici quelques remarques. Pour montrer que ces divergences entre les deux évangélistes étaient bien connues et constatées, nous citerons encore le témoignage de deux très anciens auteurs, divers de pays, de temps, de langage, d’école doctrinale et de position ecclésiastique ; mais l’un et l’autre remarquablement versés dans la connaissance des Écritures, et tout à fait dignes de confiance en matière de faits. Le premier, Origène[28], le plus habile critique de l’antiquité chrétienne, dit expressément[29], que Luc, après ces mots : « Ton règne vienne », omet les suivants : « Ta volonté soit faite », etc., et passe à ceux-ci : « Donne-nous chaque jour », etc. « C’est pourquoi, ajoute-t-il, nous y avons mis ces expressions, telles qu’elles se trouvent en Matthieu seulement »[30]. Puis, quand il en vient à la fin de la prière, il fait cette observation : « Quant à ces mots : « mais délivre-nous du méchant », ils ne se trouvent pas dans Luc »[31]. Le second, Augustin, la plus grande lumière théologique de l’église d’Occident, dit de même : « L’évangéliste Luc, dans l’oraison dominicale, n’a pas compris sept demandes, mais seulement cinq »[32]. Il est vrai que, comme Origène, il essaye de résoudre la difficulté, en prétendant que les deux clauses omises par Luc sont virtuellement contenues dans celles qui précèdent ; assertion qui, à mon avis, ne se concilie guère avec la perfection des deux évangiles, surtout avec celui de l’apôtre Matthieu, et qui, en outre, passe entièrement sous silence les autres points de divergence.

Cela étant, que devons-nous en conclure ? Laissons répondre un savant théologien anglais, le doyen Alford : « Il est tout à fait improbable que, dans les premiers temps de l’Église, l’oraison dominicale fût regardée comme un formulaire prescrit par notre Seigneur pour en faire un usage liturgique. Les variations en Luc, quoique peu importantes en elles-mêmes, ne permettent absolument pas de supposer que cette prière ait été employée liturgiquement dès le temps où ces évangiles furent écrits »[33]. Mais, chose singulière, dans ses notes subséquentes sur Luc 11, 1, le même auteur semble mettre en doute ses propres affirmations dans ses remarques sur Matthieu 6, 9 ; car là, il emprunte à Meyer un argument identique, pour le sens, avec le sien propre, puis il demande : « Si l’Église apostolique n’employait pas la prière du Seigneur comme un formulaire — quand est-ce qu’a commencé cet emploi, vu que nous la trouvons dans toutes les liturgies connues ? ». J’admets, il le faut bien, l’usage liturgique de cette prière dans les assemblées chrétiennes, dès les temps qui suivirent les jours apostoliques. Nous voyons, du moins, par une phrase d’un père de l’Église que, dans le troisième siècle, cette prière était, ou commençait à être prononcée en public, comme « une oraison légitime et ordinaire »[34]. Cependant il semble que, dans le siècle précédent, il n’en était pas encore ainsi, puisque Justin Martyr parle du conducteur comme prononçant des prières et des actions de grâces « selon que cela lui était donné »[35], c’est-à-dire, je pense, improvisées ou, ainsi que nous disons, « de cœur ». Mais ce n’est pas là la question. Peu importe pour nous que l’oraison dominicale ait pris place, plus ou moins tôt, dans toutes les liturgies. Il s’agit de savoir, d’abord, si des liturgies sont légitimes pour ceux qui devaient toujours prier « par le Saint Esprit », et quant à notre sujet spécial, la vraie question est de savoir quelle était la pratique apostolique. Les évangiles de Matthieu et de Luc ne furent écrits que plusieurs années après la Pentecôte, et M. le doyen Alford admet qu’il y a des raisons qui ne permettent absolument pas de supposer qu’on fît de la prière du Seigneur un emploi liturgique, quand ils furent publiés. Est-ce donc que l’Église avait tort, quand elle était sous l’enseignement et la direction d’hommes inspirés ? Est-ce qu’elle avait raison quand elle suivait des guides, qui étaient dans l’erreur sur beaucoup de points, tels que Tertullien, Cyprien, ou des pères subséquents encore moins sains dans la doctrine ?

Sans donc nous arrêter à déterminer l’époque où fut introduit l’usage liturgique de l’oraison dominicale, nous soutenons que cet usage est un abus et qu’il a donné lieu à de lamentables profanations de cette sainte et parfaite prière du Seigneur.

En effet, quelles ont été les conséquences de cet usage, quelles sont-elles encore aujourd’hui dans les grandes corporations de la chrétienté ? Voici, d’abord, ce qu’on en a fait dans la soi-disant église romaine ; elle a hérité des pharisiens leur vaines redites : dans la catholicité tout entière, il se prononce chaque jour des cent millions de Pater[36] incompris, sous toutes les formes, comme devoirs, comme tâches, comme punitions, par zèle sans connaissance, par vanité, par crainte, par habitude. On prescrit cette prière pour tous les sujets de demande, même pour ceux avec lesquels elle n’a pas le moindre rapport. Ainsi naguère, les évêques catholiques-romains ordonnaient à leurs ouailles un certain nombre de Pater à répéter chaque jour, en faveur du pape et de sa puissance temporelle ; comme si le Seigneur Jésus, dans cette prière, avait pensé au pape et à ses états ! Ah ! en voyant une aussi indigne profanation des paroles les plus saintes, on ne peut que penser avec douleur à ce que disait le Chef de l’Église, relativement à ceux qui donnaient l’exemple des vaines redites : « Malheur à vous ! ». Qu’attendre, en effet, de pareilles prières, sinon l’engourdissement, le sommeil et la mort des âmes, leur endurcissement ? Pourquoi dégrader ainsi l’homme et la prière tout ensemble, et faire de Dieu même une espèce de teneur de livres qui enregistre en débit et en crédit les prières machinalement émises par la bouche des pécheurs ? Il est triste, pour la plus grande secte de la chrétienté, d’être ainsi descendue au-dessous du judaïsme, et d’avoir donné lieu à l’expression vulgaire et populaire de patenôtre (ce sont proprement les deux premiers mots latins de la prière du Seigneur), qui se dit ironiquement de toutes les prières. Ce reproche qui tombe, non point sur tous les prêtres du romanisme, ni sur tous ses adhérents, mais sur tout son système, suffit à lui seul pour le caractériser et le stigmatiser.

Mais si le catholicisme romain a horriblement abusé de l’oraison dominicale, n’y a-t-il rien à redire à l’usage qu’en font les églises protestantes ? Sans doute, nous trouvons ici plus de respect pour les paroles du Sauveur et moins de bigoterie : si l’on enseigne ou si l’on prononce l’oraison dominicale, on le fait dans une langue connue de ceux qui entendent, et avec sérieux et solennité. Néanmoins et pour nous borner, d’abord, à l’emploi de cette prière dans le culte public, est-ce bien de la répéter, comme c’est souvent le cas, jusqu’à deux ou même trois fois dans le même service ? Est-ce là vraiment honorer cette forme d’oraison, sortie de la bouche même de Jésus Christ ? Non, certainement ; par là, au contraire, vous en faites une redite. Si vous croyez que c’est à vous, et aux multiples assemblées dans vos temples ou vos chapelles, que cette prière est donnée ; que c’est à vous aussi, en communion avec ces multitudes, que Jésus dit : « Priez ainsi », eh bien ! ici encore, si vous voulez réellement rendre honneur à ces paroles et obéir au Seigneur, contentez-vous de proférer une fois l’oraison dominicale avec révérence et onction, et gardez-vous d’y rien ajouter, ni liturgie ni paroles d’hommes ; — car si cette prière est vraiment pour vous, comme elle est parfaite, elle doit répondre à tous vos besoins, et vous ne devez pas mêler des requêtes purement humaines à celles que le Seigneur Lui-même — vous le croyez — vous commande de présenter à votre Père céleste.

Hélas ! nous prêchons dans le désert, nous le savons ; il n’est pas probable que de pareilles idées seront comprises. La puissance des traditions, la vénération qu’elles inspirent, le culte que l’on professe pour l’Église historique, comme on l’appelle, voilà tout autant d’obstacles ou de préjugés qui empêcheront toujours même de pieux serviteurs de Christ de reconnaître que la répétition de l’oraison dominicale dans les assemblées de multitude est, d’un côté, déplacée et, d’un autre, rien moins que respectueuse pour ces paroles du Seigneur. Au reste, cette répétition ne se concilie que trop avec un autre usage de la plupart des assemblées multitudinistes, celui de les commencer par la lecture des dix commandements. Ainsi, autant qu’on le peut, on place sous la loi de Moïse des auditeurs que cette loi ne concerne pas. Par une bizarre ou plutôt triste inconséquence, on en fait des Israélites, puisqu’on leur applique le décalogue, commençant par ces mots : « Écoute, Israël ! » et peu après on les appelle : « Chrétiens, nos très chers frères en Jésus Christ notre Seigneur ! ». Il est certes affligeant de voir de chers enfants de Dieu, mêlés dans ces assemblées à la masse des indifférents et des incrédules, et donner ainsi leur approbation à ces formes d’un soi-disant culte qui n’ont aucune sanction dans la Parole.

Nous avons cru devoir nous occuper, d’abord, dans cette partie de notre sujet, de l’emploi liturgique et, par conséquent, collectif, de l’oraison dominicale ; nous aurions pu encore examiner, si c’est à bon droit que cette prière occupe une place considérable dans les catéchismes à l’usage des enfants baptisés ; mais nous pouvons, sur ce dernier point, nous en référer à ce que nous venons de dire ; tout en ajoutant qu’un peu plus de réflexion et surtout une compréhension plus correcte du vrai sens de l’oraison dominicale, feraient comprendre qu’elle n’est pas destinée à des enfants, qu’elle est au-dessus de leur portée, qu’elle ne peut exprimer leurs besoins et qu’on la profane en la leur faisant répéter sans intelligence et sans cœur. Il nous reste donc à entrer directement dans notre sujet qui consiste à considérer la portée et la signification de la prière du Seigneur pour les inconvertis et les incrédules soi-disant chrétiens.

Or, à ce dernier égard, nous le disons sans hésitation, nous ne comprenons plus que des hommes vraiment pieux, puissent être assez ignorants de la vraie signification de l’oraison dominicale, ou respecter assez peu ces paroles sorties de la bouche du Seigneur, pour engager ceux qu’ils connaissent comme des mondains inconvertis, à les répéter, à en faire leur prière quotidienne, peut-être leur seule prière, comme si elle était adaptée à leur état moral, comme si elle exprimait leurs vrais besoins d’âme. Mais, pensez-y sérieusement, c’est là une réelle profanation, un déplorable abus de cette admirable et sainte prière. Dans la bouche d’un mondain, indifférent aux choses de Dieu, elle est, d’un bout à l’autre, le plus affreux des mensonges, puisque c’est un mensonge relatif aux paroles du Seigneur Lui-même ; et, comme nous l’avons déjà dit, même indépendamment de cela, cet usage entraîne pour eux un danger moral des plus graves. Essayons de prouver ces assertions qui auront pu paraître exorbitantes et plus que téméraires à plusieurs de nos lecteurs.

Dans ce but, reprenons encore une fois et brièvement les différentes parties de cette admirable prière.

Dès les premiers mots, tout homme non-croyant, mais sérieux et consciencieux, devrait être arrêté et dire : « Cette forme de prière n’est pas pour moi ». Si les disciples juifs, grâce à la révélation que le Messie leur en avait faite, pouvaient et devaient dire à Dieu : « Notre Père » ; si mieux encore, dans un sens plus intime et plus élevé, nous chrétiens, par l’Esprit d’adoption qui est en nous, nous disons : « Abba ! Père », celui qui ne croit pas à l’évangile ne peut absolument pas, en vérité, appeler Dieu son Père ; au reste, il en a bien le sentiment, et ce n’est pas sous ce caractère de Père que Dieu se présente à lui. La Parole est formelle et des plus explicites à cet endroit ; elle nous apprend que ceux-là seulement qui ont reçu Jésus, c’est-à-dire qui croient en Son nom — ont reçu de Lui le droit d’être enfants de Dieu ; et qu’ils sont tels, parce qu’ils sont nés de Dieu. Elle nous dit : « Vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus (Jean 1, 12, 13 ; Gal. 3, 26). Partout elle oppose les enfants de lumière et les enfants de ténèbres, les frères bien-aimés du Seigneur et les ouvriers d’iniquité, ceux qui ont le Fils et partant la vie et ceux qui, n’ayant pas le Fils, n’ont pas la vie, les enfants de Dieu, en un mot, et les enfants du diable. Il suffit d’ouvrir le Nouveau Testament pour s’en convaincre. Aussi, d’après toutes ces déclarations, l’incrédule n’a nullement le droit d’appeler Dieu, son Père, il ment en le faisant ; comment donc pourrait-il en recevoir de la bénédiction ? Comment sa prière pourrait-elle être agréable au Seigneur et parvenir jusqu’à Lui, étant portée non par la foi qu’il n’a pas, mais par une contre-vérité ?

En général, ce n’est pas la prière qu’il faut, d’abord, recommander aux hommes sans conviction ; car s’il n’y a pas en eux le sentiment de vrais besoins moraux, que serait pour eux la prière ? Une pure formalité, une cérémonie, un opus operatum[37]. Commencez par leur faire connaître leur état, leur profonde misère, leurs péchés et, par conséquent, leur perdition. Si Dieu bénit vos efforts, si vos auditeurs sont convaincus par la Parole, alors il n’y aura pas même besoin de les exhorter à prier ; ils crieront plutôt d’eux-mêmes pour invoquer le secours du Seigneur. Mais en quels termes le feront-ils ? Nous en avons un exemple dans l’évangile ; c’est celui du publicain, dont parle le Sauveur, qui était monté au temple pour prier. Accablé par le sentiment et la conviction de ses péchés et de son indignité, il se tient loin, il ne veut pas même lever les yeux vers le ciel, mais il se frappe la poitrine. Ah ! il n’oserait pas dire : « Père » ou « Notre Père qui es aux cieux ». « Ô Dieu ! sois apaisé envers moi, pécheur ! » telle est la prière qui sort de ses lèvres tremblantes, tel est le cri tout à fait convenable qui sort de son cœur brisé. C’était évidemment un homme sous la direction de l’Esprit de Dieu, mis en contraste par le Seigneur Lui-même, non pas avec les disciples, mais avec un de ces pharisiens qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, et qui tenaient les autres pour rien — et dont la prière, si l’on peut l’appeler de ce nom, trahissait sa propre satisfaction de lui-même, par des actions de grâces, qui ne se rapportaient nullement à ce que Dieu est, mais uniquement à ce que lui, le pharisien, prétendait être. Le publicain pouvait être, à bien des égards, dans l’obscurité, mais du moins, sa conscience était assez éclairée pour lui faire sentir et reconnaître son état de pécheur devant Dieu. Celui qui est le Saint et le Puissant ne méprise personne ; Il ne méprise surtout pas le cœur contrit qui tremble à Sa parole. Aussi le publicain descendit en sa maison justifié plutôt que l’autre (Luc 18, 9-14). Ce n’est pas non plus mépriser quelqu’un, que d’attirer son attention sur l’état actuel de son âme et de lui rappeler que la prière du Seigneur suppose que celui qui l’adresse est un disciple de Jésus, placé devant Dieu dans la relation d’enfant vis-à-vis d’un Père. La sincérité ne peut jamais changer le mal en bien, et l’ignorance, quoique moins coupable que l’expression consciente de paroles qui vont au-delà de notre état d’âme et de nos expériences, n’en est pas moins une pauvre excuse devant l’éclatante lumière de Dieu, révélée dans Sa Parole. En résumé, l’oraison dominicale n’a jamais été destinée à tous les hommes indistinctement ; elle n’est pas, non plus, l’expression de l’état, des besoins et des sentiments de toute personne qui ressent quelques désirs de trouver Dieu ou quelques craintes de la colère à venir.

Pour s’en assurer, il suffit de se rappeler le vrai sens selon Dieu des diverses demandes de la prière du Seigneur, et l’on sera convaincu que, non seulement elles ne répondent pas aux besoins (si besoins il y a) d’une personne inconvertie, mais encore que, pour la plupart de ces demandes, il est fort heureux pour elle, lorsqu’elle redit cette prière, qu’elle ne soit pas immédiatement exaucée ; si tant est que, dans son état, elle puisse être exaucée, ou même que, selon Dieu, elle prie réellement. « Voilà, il prie », dit le Seigneur à Ananias, pour le convaincre que Saul de Tarse était vraiment converti ; — lui, le disciple des pharisiens qui faisaient tant de prières et de si longues prières, ce n’est qu’après avoir entendu le Seigneur et cru à Sa parole que, au jugement du Seigneur, il pria réellement. — Supposons donc un homme non converti — adressant à Dieu l’oraison dominicale — et qui serait exaucé — quant aux trois premières demandes. Nous en avons déterminé la signification d’après les Écritures ; nous nous sommes convaincus qu’elle est toute prophétique, et qu’un jour, en effet — Dieu l’annonce — Son grand nom sera sanctifié, Son royaume sera établi et Sa volonté faite sur la terre comme au ciel. Mais ces faits seront précédés de jugements redoutables. Avant de pouvoir régner ici-bas, le Seigneur Jésus, accompagné des anges de sa puissance, en flammes de feu, sera révélé du ciel ; exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu, et contre ceux qui n’obéissent pas à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ, lesquels seront punis d’une perdition éternelle de devant la présence du Seigneur et de devant la gloire de sa force. Cela étant, un incrédule priant ainsi : « Ton nom soit sanctifié ; ton règne vienne », demande en réalité son jugement par la manifestation du Seigneur ; à son insu, nous l’admettons, sans s’en douter, et même avec bonne intention, il sollicite au fond, il hâte par ses demandes, sa propre condamnation, sa condamnation éternelle et infaillible, si le jour du Seigneur le trouve encore dans son incrédulité. Or, n’est-ce pas affreux de faire répéter ces prières à un homme qui serait éternellement perdu par leur accomplissement immédiat ?

L’on dira qu’ils ne donnent pas à ces demandes le même sens que nous, que, dans leur esprit, elles expriment le désir d’être convertis à Dieu, de sanctifier Son nom et de faire Sa volonté. Je réponds : Pourquoi, dans ce cas, ne pas exprimer ce désir par d’autres paroles, simples, claires et qui ne peuvent signifier autre chose que l’expression de ce besoin ? Est-ce bien, d’employer des termes que l’on ne comprend pas ou que l’on comprend mal ou que l’on détourne de la signification que la Parole de Dieu leur donne ? Je ne le pense pas, et il n’est guère probable que l’on soit entendu par le Seigneur, en agissant ainsi.

Mais, dira-t-on encore, au moins accorderez-vous que les quatre dernières demandes de l’oraison dominicale, sont bien placées dans la bouche d’un pauvre pécheur ; car si l’on peut admettre, avec vous, qu’il n’est pas en état de concevoir, d’apprécier et de désirer les grâces si excellentes et si précieuses qui font l’objet des trois premières ; ici il ne s’agit plus que de bénédictions à sa portée et dont il doit et peut, certainement, sentir le besoin. Je réponds de nouveau que, s’il les désire vraiment, il les demandera sans s’astreindre à un formulaire, comme un enfant qui, s’il a bien faim, n’a pas besoin d’une phrase faite et apprise, pour demander à manger.

Hélas ! une multitude de baptisés ne connaissent, pour ainsi dire, Dieu que comme Celui qui envoie du ciel les pluies et les saisons fertiles ; comme Celui dont ils réclament la bénédiction pour leurs champs ou leurs vignes ; et qu’ils remercient après une bonne récolte. Mais se contenteraient-ils du pain de chaque jour ; ont-ils cette confiance filiale dans les soins continuels du Créateur et partant cette absence totale d’inquiétudes et de soucis quant au lendemain, que suppose la quatrième demande ? Serait-elle donc sur leurs lèvres une vérité ? Je ne le crois pas.

Celle qui vient ensuite, comme, au reste, toutes les autres, ne convient qu’à des disciples, non encore affranchis, il est vrai, mais connaissant Dieu comme leur Père ; ce n’est point du tout la prière convenable à un pécheur convaincu de son iniquité et qui ne connaît pas encore Christ comme Sauveur. C’est la supplication du pauvre publicain qui serait alors placée dans sa bouche. Mais s’il s’imagine que la prière du Seigneur est appropriée à son état, qu’elle est même un moyen de bénédiction prescrit pour son cas, nous pensons qu’il se trompe et qu’il se fait tort à lui-même. Est-ce que, en effet, Dieu fait dépendre le pardon d’un homme irrégénéré, en quelque manière ou en quelque degré, du pardon que cet homme accorde à autrui ? Nullement : ce serait là une exigence de la plus haute portée pratique imposée à un individu dans l’état le plus bas possible ; ce serait là le placer sous une nouvelle loi plus fatale aux espérances du pécheur que celle de Sinaï : en un mot, ce serait détruire et nier l’évangile du salut qui, dans ce cas, serait par les œuvres et non plus par grâce. Ainsi la demande même, sur laquelle l’ignorance pourrait s’appuyer pour chercher à prouver que la prière du Seigneur est destinée à tous les hommes indistinctement, suffit, quand on l’examine de près, à faire voir que cette prière n’est nullement applicable à ceux qui sont encore dans leur état naturel ; car elle suppose, avant tout, et d’un bout à l’autre, un lien vivant avec Dieu par la foi.

Quant aux tentations par lesquelles Dieu met à l’épreuve la foi des rachetés, il est évident encore qu’elles ne peuvent concerner que les croyants, lesquels seuls aussi sont en état de dire : « Délivre-nous du mal ou du méchant », parce que seuls ils sentent la puissance du mal, le besoin de lutter contre son empire ; parce que, seuls aussi, ils sont ou seront en butte aux attaques du méchant.

On le voit donc, cette sainte prière ne regarde pas l’homme inconverti ; elle n’est point faite pour lui, et nous osons le dire, dans sa bouche elle est une profanation des paroles du Sauveur, il ne peut la comprendre, il n’est point du tout appelé à la dire. Il se peut pourtant, je suis encore tout disposé à le concéder, qu’un pauvre pécheur, après l’avoir prononcée, ait éprouvé quelque bénédiction, quelque rafraîchissement, qu’elle ait pu même être pour lui un moyen de conversion. Pourquoi douterions-nous, en effet, de la puissance régénératrice d’expressions prononcées par le Seigneur Lui-même ? Mais si l’on y fait attention, on verra que, dans ces cas probablement assez rares, la bénédiction est procédée non par voie d’exaucement, mais, je dirai, par voie du contraste que l’Esprit de Dieu manifestait aux consciences, entre la sainteté des demandes proférées et l’état de l’âme de celui qui les proférait. Ainsi la prière agissait sur le cœur comme une loi pour convaincre de péché celui qui l’adressait. Plus d’un malheureux ignorant a été, je le crois, comme renversé et condamné, en disant : « Pardonne-nous, comme nous pardonnons », à la vue de son cœur sans miséricorde, sans pardon pour les autres, de sa disposition au ressentiment et à la vengeance, disposition si naturelle au cœur humain. — Mais pour cela, il suffit de lire cette portion des discours de Jésus, et tant d’autres analogues ; il n’est nullement nécessaire, et il est souvent dangereux, d’usurper la position de ceux à qui Jésus Christ disait : « Vous donc, priez ainsi ».

D’ailleurs, si vous êtes encore du nombre de ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ce n’est pas, avant tout, la prière que Dieu vous demande : c’est d’abord de reconnaître votre état de pécheurs, enfants de colère par nature ; puis c’est de croire à l’évangile de la grâce. Souvenez-vous qu’on ne peut réellement prier sans foi. Il est écrit, et quelle précieuse parole ! « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » ; mais il est immédiatement ajouté : « Comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont point cru ? » (Rom. 10, 13, 14).

Ah ! si le Saint Esprit agit avec puissance sur votre âme pour la convaincre de péché et de perdition, et pour lui faire désirer le salut ; s’Il vous met au cœur le cri du geôlier de Philippes : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » j’aime à espérer qu’il se trouvera auprès de vous quelque serviteur de Dieu intelligent et fidèle, pour vous répondre, non pas : « Va prier », non pas : « Répète l’oraison dominicale », mais (seule réponse à faire en telle occurrence) : « Crois au Seigneur Jésus Christ, et tu seras sauvé », et alors, dirons-nous encore, on pourra aussi dire de toi : « Voilà, il prie », et tu apprendras ce que c’est que « prier par le Saint Esprit ».

Tout ceci pourra paraître dur pour la classe nombreuse de ceux que j’ai en vue. Dieu m’est témoin que je les aime et que le désir de mon cœur, c’est qu’ils soient sauvés. Cet écrit n’est pas fait pour eux ; s’il en est qui le lisent, ils le comprendront. Dieu veuille leur donner de comprendre aussi que c’est dans un sincère intérêt pour leurs âmes immortelles et selon la vérité évangélique, que je les conjure de chercher le salut par la foi et non point en répétant une prière où il n’est pas et ne pouvait pas être question de la rédemption opérée plus tard. Quelque excellente et nécessaire que soit la prière à sa place, l’homme est sauvé par grâce, par le sang de Christ, et non par la prière.


Je termine en répétant que la vraie manière d’honorer Jésus, c’est de recevoir et d’appliquer Ses paroles selon Ses pensées et Ses intentions. Puissions-nous tous, chrétiens, le comprendre toujours mieux ; puissions-nous être élevés par l’Esprit au-dessus de nos pensées naturelles et de toutes les traditions humaines ; puissions-nous enfin réaliser de plus en plus cette exhortation qui nous est adressée : « Comme donc vous avez reçu le Christ Jésus, le Seigneur, marchez en lui, enracinés et édifiés en lui et affermis dans la foi selon que vous avez été enseignés, abondant en elle avec actions de grâces » (Col. 2, 6, 7).



  1. « Neque enim disputari sine reprehensione potest », a dit Cicéron, de Finib. bon. et mal. l. 1, c. 8.
  2. 2,0 et 2,1 ou : « Ton royaume ».
  3. 3,0 et 3,1 « Nécessaire pour la subsistance de chaque jour » ; ou simplement : « suffisant ». Nous ferons grâce à nos lecteurs des interminables discussions, auxquelles le seul mot grec ἐπιούσιον, que nous rendons par les sept mots ci-dessus, a donné lieu.
  4. 4,0 et 4,1 Ou : « du méchant ». Tous ceux qui ont vu une édition critique du Nouveau Testament grec, savent que ces mots du texte reçu, qui d’ailleurs ne se trouvent que dans Matthieu : « Car à toi est le règne, et la puissance, et la gloire, pour tous les siècles. Amen » — sont une adjonction, non autorisée, au texte inspiré.
  5. Nous donnons ici, dans l’original, pour ceux de nos lecteurs qui savent le grec, les phrases qui diffèrent.
    Matthieu : Δὸς ἡμἲν σήμερον·
    Καὶ ἄφες ἡμἴν τὰ ὀφειλήματα ἡμῶν͵ ὡς ϰαὶ ἡμεἴς ἀφίεμεν τοἴς ὀφειλέταις ἡμῶν·
    Luc : Δίδου ἡμἲν τὸ ϰαθʹ ἡμέραν·
    Καὶ ἄφες ἡμἴν τάς ἀμαρτίας ἡμῶν͵ ϰαὶ γὰρ ἀυτοὶ ἀφίεμεν παντὶ ὀφείλοντι ἡμἴν·
    Quant aux variantes, à part celle citée ci-dessus, note 4, il n’y en a que d’insignifiantes sur le texte de Matthieu. Sur celui de Luc, il n’en est pas de même. D’éminents critiques, tels que Griesbach et Tischendorf, de même que la Vulgate, n’admettent que ces mots, au verset 2 : « Père, que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne » — et retranchent tout le reste et, par conséquent, aussi la troisième demande. Grégoire de Nysse (4e siècle) et Maxime le Confesseur (7e siècle) prétendent que, au lieu de : « Ton règne vienne », Luc avait écrit : « Que ton Saint Esprit vienne sur nous et qu’il nous purifie ». Enfin, les mêmes critiques allemands, auxquels il faut ajouter Scholz, retranchent, avec la Vulgate, les derniers mots : « Mais délivre-nous du mal ».
    Voici donc, nous n’en doutons pas, à quoi devrait se réduire cette prière en Luc : « Père, ton nom soit sanctifié ; ton règne vienne ; donne-nous chaque jour le pain qu’il nous faut ; et remets-nous nos péchés, car nous-mêmes aussi nous remettons à tous ceux qui nous doivent ; et ne nous induis pas en tentation » (voir Livres du Nouveau Testament traduits par A. Rilliet, la note sur ce passage).
    Cela étant, nous nous en tiendrons dans cette étude, uniquement au texte de Matthieu.
  6. « La pensée » [νοὔν], non pas tant l’effet que la cause ; c’est-à-dire l’esprit, l’intellect, la capacité de penser de Christ.
  7. Il se trouve quinze fois dans Matthieu, savoir : 5, 16, 45, 48 ; 6, 1, 9 ; 7, 11, 21 ; 10, 32, 33 ; 12, 50 ; 16, 17 ; 18, 10, 14, 19 ; 23, 9. Voir encore Marc 11, 25, 26 ; mais ce dernier verset est rejeté comme apocryphe par Tischendorf ; il manque, en effet, dans le manuscrit du Vatican, et dans d’autres. Nous avons déjà dit que, dans Luc 11, 2, d’après les meilleures autorités, le titre se borne à ce seul mot : « Père ». Dans Luc 11, 13, l’expression est différente, ce n’est pas : « qui est au ciel », mais « qui est du ciel », ό πατὴρ ὁ ἐξ οὐρανοῡ.
    La locution synonyme : « Notre Père céleste », si affectionnée par beaucoup de chrétiens, ne se trouve pas dans la Bible. « Votre Père céleste » n’y est que trois fois, et cela dans Matthieu 6, 14, 26, 32. Au chapitre 15, 13, Jésus dit : « Mon Père céleste ».
  8. Il en est de même quant au nom de la vigne de Dieu ; cf. És. 5, 7, avec Jean 15, 1 : « le vrai cep ».
  9. Dans Matthieu 26, 29, Jésus dit : « le royaume de mon Père ».
  10. Luc est l’évangile pour les hommes, en général, l’évangile de Jésus, fils d’Adam (3, 38), comme Matthieu est spécialement l’évangile juif, l’évangile de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham (1, 1). Cela explique, je pense, les différences que présente cette demande dans ces deux écrivains inspirés. Un Gentil n’eût pas compris, comme un Juif, le mot de dettes qui suppose une position de responsabilité envers Dieu, et qui, dans Luc, est remplacé par péchés, dont la portée morale est accessible à tous.
  11. Voyez aussi Matthieu 5, 25, 26, et Luc 12, 58, qui ont rapport à la position d’Israël au temps de la vie de notre Seigneur.
  12. Ils doivent d’autant plus l’apprécier que c’est uniquement relativement à Israël que ce sang est appelé le sang de la nouvelle alliance. Une nouvelle alliance suppose une ancienne. Or l’Église n’a proprement rien à faire avec la nouvelle alliance, quoiqu’elle participe, par anticipation, aux bénédictions spirituelles de cette alliance.
  13. Deut. 7, 19 ; 29, 3 (le mot est massa, comme dans Ex. 17, 7) ; Ex. 15, 25 ; 20, 20 ; Deut. 8, 2, 16 ; 13, 3 ; Jug. 2, 22 ; 3, 1, 4 ; Héb. 11, 17, 37.
  14. L’apôtre Paul écrivait aux Galates (4, 14) : « Vous n’avez point méprisé, ni rejeté avec dégoût ma tentation qui était en ma chair » ; c’était, probablement, la même chose que « l’écharde dans la chair », mise en lui afin qu’il ne s’élevât point (2 Cor. 12, 7) et consistant peut-être en une maladie ou infirmité corporelle.
  15. Nous avons déjà fait allusion à ces deux classes de témoins, en terminant notre exposition de la quatrième demande. Voir p. 43.
  16. Voir les passages cités ci-dessus, sur le sens de πονηρος, et Matthieu 13, 19, 38 ; Éphésiens 6, 16 ; 1 Jean 2, 13, 14 ; 3, 12 ; 5, 18.
  17. Il est pourtant, nous devons le reconnaître, un sens dans lequel on peut dire que la conversion des âmes tend à l’avancement du règne de Dieu, c’est celui-ci. Il est une plénitude des nations qui doit entrer dans l’Église, avant que celle-ci puisse être enlevée, et que le royaume de Dieu puisse être établi. Cette plénitude indique un nombre plein, complet, connu de Dieu seul ; c’est, si nous pouvons parler ainsi, le contingent que les Gentils doivent, selon l’élection du Père, fournir à l’Église du Dieu vivant. Or il est clair que plus il y a de pauvres pécheurs convertis et amenés à Jésus par la foi, plus on se rapproche de cette plénitude, plus, en conséquence, le royaume de Dieu avance vers l’époque glorieuse de son établissement. Mais c’est là, on le voit, un sens passablement indirect et qui n’est point, nous le pensons, celui que l’on attache généralement aux mots : « Ton règne vienne », avec la signification erronée qu’on leur donne.
  18. Voyez une note intéressante sur ce mot ἐντὸς, à la fin de la brochure déjà citée : « Le témoignage de la fin ».
  19. C’est le sens littéral des mots grecs, traduits par « jugement d’homme », au verset 3 de ce chapitre.
  20. Il est clair que nous n’approuvons pas davantage l’expression également consacrée par la tradition : « les nouvelles du règne de Dieu » et d’autres analogues. Ainsi que nous l’écrivions naguère à un respectable frère, nous ne connaissons d’autres nouvelles du règne de Dieu, que celles qui nous sont données sous forme de prophéties dans les Saintes Écritures.
  21. cf. Jean 18, 36, ces mots significatifs de la réponse de Jésus à Pilate : « Maintenant mon royaume n’est pas d’ici ».
  22. Nous avons cherché à rendre, en quelque mesure, la force de l’original, qui renferme cinq particules négatives. Or, en grec, deux négations valent une affirmation. Cinq affirment donc avec toute l’énergie possible ».
  23. J’emprunte, à défaut d’autre, ce mot anglais, dans le sens de « comprenant beaucoup de choses ».
  24. Hélas ! oui, sunt verba et voces, prætereaque nihil.
  25. Nous ne parlons pas non plus de la prière rapportée chapitre 1, 24, 25, parce que le Saint Esprit n’était pas encore donné.
  26. Romains 8, 23, 26, 27. Même expression qu’au verset 34, où elle est appliquée à Christ dans le ciel.
  27. Elles consistent quelquefois seulement en ces mots : « À lui [Dieu] soit la gloire éternellement ». D’autres fois elles sont plus développées. En voici, je crois, une indication complète : Rom. 11, 36 ; 16, 25, 27 ; Éph. 3, 20, 21 ; Phil. 4, 20 ; 1 Tim. 1, 17 ; 6, 16 ; 2 Tim. 4, 18 ; Héb. 13, 20, 21 ; 1 Pier. 4, 11 ; 2 Pier. 3, 18 ; Jude 24, 25 ; Apoc. 1, 6.
  28. Il vécut de 185 à 253.
  29. De Oratione, p. 240.
  30. Διόπερ ἂς προετάξαμεν λέξεις͵ ᾡς παρἁ μόνω τᾢ Ματθαιῳ ϰειμένας͵ ϰ. τ. λ.
  31. Τὸ δὲ͵ αλλἁ ρῡσαι ἡριᾱς ἀπὸ τοῡ πονηροῡ͵ παρὰ τᾢ Λουϰᾱ σεσιώπηται ; ibid. p. 256.
  32. Enchirid. cap. 116. « Evangelista vero Lucas in oratione Dominica petitiones non septem, sed quinque complexus est ». Augustin, né en 354, mourut en 430.
  33. Greek Test. vol. 1, page 52.
  34. « Oratio legitima et ordinaria ».
  35. ὂση δύναμις αὐτᾢ. Pro Christianis, Apol. 2, p. 98 D, Éd. Paris 1615. Justin subit le martyre en 167.
  36. « Notre Père », en latin.
  37. C’est-à-dire une œuvre de grâce opérée indépendamment de toute foi, de toute connaissance et de toute piété, chez celui qui la fait, ou aussi chez celui qui en est l’objet, comme le baptême chez les romanistes, les luthériens et les anglicans.