Écho du Témoignage:Jonas

De mipe
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Notre corruption morale est bien profonde : elle est complète ; mais parfois elle se manifeste sous des formes très repoussantes, desquelles nous reculons instinctivement, confondus à la pensée que nous avons pu produire de telles choses. Les privilèges confiés à l’homme ne servent qu’à développer cette corruption, au lieu d’y remédier.

Le désir de nous distinguer fut trouvé en nous dès l’origine de notre apostasie. Cette parole : « Vous serez comme des dieux », fut écoutée ; nous sacrifierions de sang-froid à cette convoitise, à cet amour des distinctions, tout ce qui se trouverait sur notre chemin, sans égard au sexe ou à l’âge, comme au commencement nous lui avons sacrifié le Seigneur Lui-même (Gen. 3).

Nous prenons les dons que Dieu nous accorde, et nous nous en parons. L’église de Corinthe agissait de la sorte. Les frères, au lieu de faire usage, pour le profit des autres, des dons qu’ils avaient reçus de Dieu, s’en prévalaient. Mais celui qui avait au milieu d’eux la pensée de Dieu, pouvait dire : « J’aime mieux prononcer cinq paroles avec mon intelligence, afin que j’instruise aussi les autres, que dix mille paroles en langue ».

Le Juif, tant favorisé, tant privilégié, pécha grièvement de cette manière. Romains 2 le condamne sur ce terrain. Sa séparation, ou mise à part d’entre les nations, était l’œuvre de Dieu ; mais, au lieu d’en prendre occasion pour rendre témoignage à la sainteté de Dieu au milieu des souillures d’un monde révolté, il s’en prévalut pour s’élever. Il se glorifiait en Dieu et dans la loi, mais il déshonorait Dieu en transgressant la loi.

Jonas était de la nation d’Israël, et faisait partie des prophètes de Dieu. Ainsi il se trouvait doublement privilégié ; mais en lui la nature est prompte à tirer parti de ces avantages en vue de ses propres fins. Jonas était assurément un saint de Dieu ; mais cela seul, en présence des tentations et de la chair, n’assure pas un triomphe sur la nature.

Le Seigneur l’envoie comme prophète porter une parole contre Ninive — une parole de jugement. Quand il la reçut, Jonas savait[1] que Celui de la part duquel il était envoyé se réjouissait dans la miséricorde. C’est pourquoi il avait estimé que Sa parole qui parlait de jugement serait mise de côté pour faire place à la grâce qui abondait en Lui (voyez chap. 4, 2).

Mais était-il préparé à cela ? Pouvait-il, comme Juif, souffrir qu’une cité gentile fût favorisée et partageât le salut et la miséricorde de Dieu ? Pouvait-il, lui prophète, souffrir que sa parole demeurât sans accomplissement, et cela en présence de gens incirconcis ? C’était trop pour lui. Il monte sur un navire qui allait en Tarsis au lieu de traverser la contrée pour se rendre à Ninive. Assurément, si nous l’envisageons dans un état semblable, nous pouvons bien dire que c’est un orgueilleux apostat, un autre Adam tournant le dos à l’Éternel, qui vogue sur les eaux de la Méditerranée. Comme Adam il fut transgresseur, et transgresseur par orgueil comme Adam ; et comme Adam encore il dut entendre prononcer contre lui la sentence de mort. Tout cela est simple, véritable, mais profondément solennel !

Accepter le châtiment de son péché, c’est le premier devoir d’une âme coupable. Nous ne devons pas chercher à nous justifier par nos propres efforts, lorsque nous avons péché, de peur que Horma (Nomb. 14, 45) ne devienne notre portion. Notre premier devoir est d’accepter, dans un véritable esprit de confession, le châtiment de notre péché, et de nous humilier sous la puissante main de Dieu (Lév. 26, 41). David le fit, et le royaume lui fut rendu. C’est ce que fait aussi Jonas maintenant : « Prenez-moi, et me jetez dans la mer », dit-il aux mariniers au plus fort de la tempête ; « et la mer s’apaisera, vous laissant en paix, car je connais que cette grande tourmente est venue sur vous à cause de moi ». Ils agirent selon sa parole, mais avec une grâce qui pourrait rendre confus des gens plus excellents qu’eux, et qui annonce que la main de Dieu opérait avec eux, comme elle était contre Jonas. Et Jonas fut bientôt enveloppé par les roseaux de la mer aussi bas que les racines des montagnes.

Ninive, la cité gentile, pouvait-elle être dans un état plus mauvais ? La circoncision de Jonas n’était-elle pas semblable à de l’incirconcision ? Un Juif, un prophète juif, dans les profondeurs de la mer, ayant des roseaux entortillés autour de sa tête, et cela à cause du déplaisir de Jéhovah ! Sûrement, dans un tel état, il pouvait cesser ses vanteries et ne plus mépriser les autres. Était-il possible de se trouver beaucoup plus bas ? L’orgueilleux Adam était caché derrière les arbres du jardin ; l’orgueilleux Jonas est au fond de la mer.

Le Seigneur ne saurait tenir le coupable pour innocent. Le juge de la terre agit avec équité. Mais la grâce apporte le salut ; et bientôt le péché seul de Jonas sera laissé au fond de la mer, Jonas lui-même étant délivré comme son premier père Adam, qui laissa derrière lui son péché et son vêtement pour rentrer dans la présence de Dieu.

Mais Jonas fut enseigné, aussi bien que délivré. Il apprit, dans le ventre du poisson, que, tout Juif qu’il était, le salut de Dieu lui était aussi indispensable qu’à quelque Gentil que ce fût. L’incirconcise Ninive lui avait semblé souillée et méprisable, et il aurait voulu la priver de la miséricorde de Dieu ; mais maintenant, que deviendrait-il lui-même sans cette précieuse miséricorde ? Il se trouvait en prison, et il le méritait. Qu’est-ce qui pouvait agir pour lui dans la condition où il était réduit, si ce n’est la grâce — libre, parfaite et souveraine ? « Le salut est de l’Éternel », peut-il dire maintenant. Ce n’est pas en lui-même, comme Juif privilégié, ni comme prophète doué de Dieu, qu’il se réjouit désormais, mais en Celui à qui seul il appartient d’apporter le salut.

Alors s’élève cette question de joie et de triomphe : « Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ?… Certes (il l’est) aussi des nations ». Le besoin que nous avons tous d’être sauvés, la dépendance où nous sommes de la souveraineté et de la grâce de Dieu, nous placent tous sur le même niveau. « C’est un seul Dieu qui justifiera la circoncision sur le principe de la foi et l’incirconcision par la foi ». Il faut que le Juif entre sur le principe de la même miséricorde qui sauve le Gentil (Rom. 11, 30-31). Jonas doit être comme Ninive.

Telle est la leçon que le ventre de la baleine apprit au Juif Jonas. Quelle que pût être la position de Ninive — gentile et incirconcise, étrangère aux alliances de la promesse ou pire encore, elle ne pouvait avoir plus besoin du salut de Dieu que le Juif privilégié, le prophète de Dieu, à ce moment où il se trouvait comme en enfer à cause de sa transgression. Sans ce salut, c’en était fait de lui ; mais il le reçut, et le poisson le dégorgea sur le sec lorsqu’il eut appris et confessé que « le salut est de l’Éternel ».

Jonas fut un signe pour les Ninivites. Prochainement, sa nation recevra la même leçon. Il ne lui sera pas donné d’autre signe que celui de ce prophète ; et comme du sein de l’enfer ou du milieu des jugements de Dieu (dans lesquels elle se trouve maintenant comme peuple), elle apprendra que la grâce et la rédemption qui en est le fruit sont pour elle le seul moyen de salut, son unique refuge.

Mais nous savons que ce salut de Dieu, dans lequel Jonas est appelé à se réjouir, tire toute sa valeur du mystère de la croix, parce que celui qui seul pouvait le faire s’est assujetti à la domination de la mort pour nous, pécheurs, et a subi le jugement dû au péché. Et c’est de ce précieux Sauveur, placé dans cette condition, comme dans le sein de la terre, durant trois jours et trois nuits, que Jonas devient le type dans son séjour d’une égale durée dans le ventre du poisson.

Lorsque nous pensons à cela, nous pouvons dire que l’Écriture a bien lieu d’exalter le ministère qui lui est confié, comme le fit l’apôtre des Gentils à l’égard du sien. Elle a pour but de révéler Dieu et Ses conseils ; et sûrement elle le fait avec une merveilleuse et féconde sagesse, donnant parfois pour notre instruction, comme c’est le cas ici, des portions d’histoire ; mais en ayant soin en même temps que ces récits historiques soient pour nous des exemples, des gages, et comme des figures anticipées de secrets plus avancés et infiniment plus riches, afin que notre instruction abonde encore davantage.

Comme type, Jonas préfigure à la fois le Seigneur Lui-même, et Israël en tant que nation, tel que les évangiles nous le dépeignent. Israël doit passer par la mort et la résurrection ; son iniquité ne sera point effacée qu’il n’ait traversé la mort (És. 26). Toute l’Écriture le déclare, et ce qui se passe dans la vallée des ossements desséchés est une vive image de la chose. Mais au jour du royaume, il sera comme un peuple ressuscité. Grâces et louanges soient rendues à la mort et à la résurrection du Fils de Dieu pour cette bénédiction, aussi bien que pour toute autre ! Je le répète, dans sa mort et sa résurrection, Jonas présente typiquement et d’une manière très significative l’histoire de sa nation et celle de son Sauveur[2] (voir Matt. 12, 40 ; Luc 11, 29-30).

L’histoire de notre prophète est, comme nous le voyons, pleine de richesses. À la vérité du récit, elle joint la signification profonde de la parabole. Et nous, élus de Dieu, nous pouvons tous, aussi bien qu’Israël, prendre place à notre manière, avec Jonas dans la mort et la résurrection, seul caractère, du reste, que nous puissions avoir en tant que pécheurs sauvés.

Mais, revenant à l’histoire même, nous pouvons remarquer maintenant qu’ayant été enseigné — ayant appris le besoin qu’il avait de la grâce de Dieu, Jonas est, pour la seconde fois, chargé d’un message pour Ninive ; il s’y rend, et c’est avec des paroles de jugement sur les lèvres qu’il entre dans cette grande cité, la cité de Nimrod, qui représentait en ce temps l’orgueil et l’audace d’un monde révolté. « Encore quarante jours », proclame-t-il par les rues, à la façon d’un héraut, « et Ninive sera renversée ».

C’est ainsi qu’il « chanta d’un air lugubre ». Il avait reçu cette commission. En retour, Ninive « se lamenta ». Le roi se leva de son trône, et toute la nation se couvrit de sacs : dans une condition semblable, humilié sous la main de Dieu, un roi de Ninive trouvera le Seigneur comme l’avait trouvé avant lui un roi d’Israël. C’est David qui parle : « J’ai dit : Je ferai confession de mes transgressions à l’Éternel. Et tu as ôté la peine de mon péché ». — « Qui sait, » dit le roi gentil, « si Dieu viendra à se repentir, et s’Il se détournera de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point ». Il en arriva ainsi, en effet : « Dieu se repentit du mal qu’Il avait dit qu’Il leur ferait, et ne le fit point ».

De nouveau, je demande avec l’apôtre : « Est-il seulement le Dieu des Juifs ? ». Et avec lui aussi je réponds encore : « Certes il l’est aussi des Gentils ». La grâce est divine. Le gouvernement peut avoir affaire avec un peuple et lui donner comme tel des règlements. La grâce a affaire avec des pécheurs, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. La terre a ses arrangements divers, mais le ciel garde sa souveraineté. Ninive est épargné, comme le fut Jérusalem ; la main de l’ange destructeur est arrêtée sur une ville aussi bien que sur l’autre (1 Chron. 21 ; Jon. 3).

Mais « ne l’allez point dire dans Gath ». Ne laissez pas entendre aux filles des Philistins quelle fut la conduite de Jonas au chapitre 4.

Lot retourna-t-il dans Sodome ? Ézéchias se rendit-il coupable de vanité vis-à-vis des ambassadeurs de Babylone, après que l’ombre se fut retirée de dix degrés ? Après s’être humilié et avoir versé des larmes, Joas alla-t-il, de sa volonté propre, se battre contre le roi d’Égypte ? Est-ce en dépit des avertissements de son Seigneur que Pierre Le renia ? Et vous, bien-aimés, n’avez-vous pas, comme moi, oublié des leçons apprises, ou perdu le souvenir de châtiments endurés ? Et faut-il maintenant que Jonas ne se souvienne plus du ventre du poisson ? C’est profondément étrange. Quoi ! une leçon tant solennelle, et qui aurait dû, semble-t-il, faire sur l’âme une si forte impression et y demeurer à jamais gravée, doit-elle être si promptement perdue, pour elle !

Jonas est mécontent. La grâce déployée à l’égard de Ninive rendait un Gentil important aux yeux du Dieu des cieux et de la terre, et c’en était trop pour un Juif. La parole du prophète avait reçu un affront, comme l’orgueil le lui suggérait tout bas, de la main du Dieu de miséricorde.

Jonas donc se mit fort en colère. Il ne peut pas précisément encore monter sur un navire, et s’en aller à Tarsis ; mais c’est dans le même esprit qu’il sort de la ville et fait cette requête : « Ô Éternel ! n’est ce pas ici ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est pourquoi j’avais voulu m’enfuir en Tarsis ; car je connaissais que tu es un Dieu fort, miséricordieux, pitoyable, tardif à colère, abondant en gratuité et qui te repens du mal dont tu as menacé. Maintenant donc, ô Éternel ! ôte-moi, je te prie, la vie ; car la mort m’est meilleure que la vie ». Quelle méchanceté de cœur cela dévoile. Se préparait-il le ventre d’une autre baleine ? Il le méritait bien. Quelles difficultés nous nous créons nous-mêmes ! Pourquoi Lot ne demeura-t-il pas dans la sainte et paisible tente d’Abraham ? Et pourquoi se prépara-t-il dans Sodome une première et une seconde fournaise ? Pourquoi David attira-t-il sur sa maison une épée qui devait, selon l’ordre de l’Éternel, y demeurer dégainée jusqu’au jour de sa mort ? « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés. Mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons point condamnés avec le monde ». La voix de l’Éternel crie dans la ville et l’homme de sagesse l’entendra ; mais Jonas était sourd. Il a déjà oublié la leçon que le ventre du poisson lui avait apprise, et maintenant c’est le kikajon séché et flétri qui doit lui fournir un enseignement.

En dehors de la ville, Jonas se fit une cabane pour s’y retirer dans son humeur boudeuse et méchante, irrité qu’il était contre l’Éternel. Alors l’Éternel fit croître un kikajon pour abriter Jonas dans sa cabane, et Jonas se réjouit extrêmement du kikajon. Mais Dieu prépara pour le lendemain un ver qui ronge et dessèche le kikajon ; de telle sorte que le soleil et le vent d’est frappant la tête de Jonas désormais sans abri, le prophète s’irrite et demande à mourir.

Alors, le Seigneur, avec une douceur merveilleuse, change ces simples circonstances en une délicieuse page de la plus profonde et la plus touchante instruction. « Et Dieu dit à Jonas : Est-ce bien fait à toi de t’être ainsi dépité au sujet de ce kikajon ? Et il répondit : C’est bien fait à moi que je me sois ainsi dépité, même jusqu’à la mort. Et l’Éternel dit : Tu voudrais qu’on eût épargné le kikajon, pour lequel tu n’as point travaillé et que tu n’as point fait croître, car il est venu en une nuit, et en une nuit il est péri ; et moi, n’épargnerais-je point Ninive, cette grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille créatures humaines qui ne savent point discerner entre leur main droite et leur main gauche, et où il y a aussi une grande quantité de bêtes ? ».

Les délices que Jonas prenait dans le kikajon ne sont que le faible reflet des délices que le Seigneur prend à visiter en grâce les créatures de Sa main — en quelque endroit qu’elles se trouvent, à Ninive, à Jérusalem, ou ailleurs, n’importe. Si Jonas désirait que le kikajon eût été épargné, il fallait qu’il consentît à ce que Ninive le fût aussi. Il sera jugé par les paroles mêmes de sa bouche : Jonas rendra témoignage pour le Seigneur contre lui-même.

C’est en vérité, une précieuse et excellente Parole.

Jonas avait été humilié pour apprendre à connaître la grâce de Dieu dans un de ses caractères, et maintenant il vient de l’apprendre dans un autre — le besoin qu’il avait de cette grâce et les délices que Dieu y prend. Le ventre du poisson (les profondeurs de l’enfer) où il s’était trouvé lui avait appris le besoin qu’il avait « du salut », dans toute cette souveraineté, dans cette glorieuse hauteur, cette glorieuse profondeur qui lui appartient, et en vertu desquelles il pouvait s’étendre comme du trône de la puissance dans les plus hauts cieux, jusqu’aux lieux les plus profonds de la mer pour y délivrer un captif placé sous le juste jugement de Dieu.

Le kikajon desséché lui apprit (comme à nous les paraboles de Luc 15) comment l’Éternel, le Créateur des bouts de la terre, le Seigneur des troupeaux qui paissent en mille collines, dans l’Assyrie comme en Judée, prend Ses délices dans Ses créatures, les œuvres de Ses mains, et trouve Son repos et Sa joie dans la miséricorde qui les épargne, lorsqu’elles se repentent et reviennent à Lui.



  1. 2 Rois 14 en avait donné une preuve à Jonas.
  2. Le péché de Jonas est celui dont se rendirent coupables les Israélites. Ils ont, lui et eux, également repoussé toute pensée de grâce envers les Gentils (1 Thess. 2, 16). Lorsque Paul commença à parler de la grâce de Dieu envers les Gentils, les Juifs ne voulurent plus l’écouter (Act. 22, 21-22).