Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 26

De mipe
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Dublin, le 17 avril 1829

… Je vous assure, ma chère amie, que si j’avais eu un instant la pensée que vous fussiez si mal, je n’aurais pas attendu une réponse à ma lettre. Dieu vous a fait passer par de grandes afflictions, mais aussi Son amour a voulu qu’au milieu des douleurs vous pussiez reconnaître que Ses consolations ont recréé votre âme. Assurément nous sommes sans excuse d’être encore incrédules ; et cependant chaque fois qu’Il nous conduit au bord des eaux de la tribulation, nous tremblons et nous craignons d’y entrer, comme si les eaux n’avaient pas été partagées précédemment, et n’étaient pas devenues, de droite et de gauche, un mur de protection et de consolation. Quel bonheur pour nous d’être sous une dispensation de miséricorde dans laquelle Dieu prend plaisir à agir en grâce ! Nous pouvons discerner notre penchant à la propre justice par l’étonnement toujours nouveau que nous éprouvons chaque jour, en voyant que Dieu nous traite si différemment de ce que nous sentons avoir mérité. Souvent aussi nous voudrions par nos craintes dicter au Seigneur Son chemin ; mais Il est meilleur que toutes nos craintes, se souvenant de faire miséricorde au milieu même de Ses jugements. « Écoutez la verge et celui qui l’a assignée », nous dit-Il, et souvent il semble qu’Il ne fait que l’agiter au-dessus de Ses enfants sans pouvoir, si j’ose parler ainsi, leur en faire sentir les coups. Puisque nos jouissances tiennent toutes à un fil si délié, allons en avant avec confiance tous les jours de notre vie, et apprenons à nous réjouir avec tremblement.

David s’est trouvé fréquemment dans de grandes détresses, mais il se fortifiait dans l’Éternel son Dieu ; et nous, nous sommes souvent affligés par des choses extérieures, et toujours par des choses intérieures. Nos cœurs sont si appesantis, si peu spirituels malgré tout ce que nous avons appris et de la terre et de Jésus, que souvent il me semble que nous avons encore tout à apprendre, tant nous sommes « stupides et sans connaissance, même comme des brutes en sa présence ». Fortifions-nous donc dans l’Éternel notre Dieu ; fortifions-nous dans la contemplation de Son cœur et de Sa miséricorde. Sa colère ne nous fermera pas la porte de Ses tendres compassions ; ce sont bien plutôt Ses tendres compassions qui nous fermeront la porte de Sa colère, car Sa miséricorde dure éternellement. Oh ! que Son amour et Sa gratuité soient notre haute retraite, le lieu où nous nous mettions à l’abri des péchés, des tentations, des chutes et de l’ingratitude ! Comme nous sentons que Sa tendresse est celle d’un Dieu jaloux, nous voudrions Lui cacher ce qui nous paraît propre à L’affliger ; mais notre Jésus n’est pas jaloux à la manière d’un ami terrestre ; Son amour ne saurait être ébranlé par le soupçon. Il connaît toute notre indignité, et cependant Il nous aime jusqu’à la fin ! Allons donc promptement Lui tout dire, jusqu’aux sentiments que nous voudrions pouvoir nous cacher à nous-mêmes ; apportons tout en Sa présence, et répandons dans le sein de notre Maître toute notre tristesse. Fréquemment nous tremblons à la seule pensée que dans Sa fidélité Il devra nous affliger, et dans le même moment nous pouvons dire avec calme que Lui seul peut nous suffire, et qu’Il nous restaurera, puisqu’Il s’est donné à nous tout entier. Quel étrange composé nous sommes ! Nous pouvons tout Lui confesser, car Il est notre haute retraite. Il peut sympathiser aux difficultés que la chair oppose à la volonté du Père, car Il a dit : « Père, sauve-moi de cette heure ! ».

Nous pouvons nous reposer sur Ses compassions. Nous pouvons nous jeter dans Ses bras, en disant : « Sois mon garant ! ». « Que je tombe entre les mains de l’Éternel, car ses compassions sont en grand nombre ! ». C’est le Dieu qui pensait même aux bêtes quand Il détournait Ses jugements de Ninive. Ne craignons pas de perdre notre volonté dans la sienne. Il est lent à la colère ; Il est prompt à pardonner ; et lorsque Ses prophètes perdaient patience jusqu’à intercéder contre le peuple, même alors Il ne pouvait rejeter ce peuple qu’Il avait mis à part pour l’amour de Son grand nom. Il ne peut pas davantage rejeter Ses enfants maintenant. Que notre joie abonde en Jésus ! Que notre amour soit aussi avide d’amour que le sien ! Qu’Il soit Lui-même notre but dans la joie comme dans la tristesse, tellement que nous puissions dire : « Pour moi, vivre c’est Christ » ! N’abusons pas de Ses compassions, et que chaque coup dont Sa verge nous frappe à cause de nos péchés, nous pousse plus près de Lui ! Oh ! ne soyons pas comme Son ancien peuple, qui, après chaque bénédiction, rejetait Ses lois avec endurcissement, et Le provoquait toujours davantage ! Conduisons-nous d’une manière digne de l’évangile de Jésus Christ, persistant en un même esprit, combattant ensemble d’un même courage pour la foi de l’évangile. Demandons à Dieu qu’Il ne nous épargne pas la verge à cause de nos cris, mais qu’Il ait compassion, car la chair est faible. Voici, qu’Il fasse de moi ce qu’il Lui semblera bon !

Mon désir est de pouvoir dire cela de l’esprit autant que de la bouche, du cœur autant que de l’intelligence. Fortifions-nous donc dans le Seigneur notre Dieu ; ne soyons point épouvantés par nos adversaires, mais rendons-Lui grâces de ce qu’Il nous a donné, non seulement de croire en Lui, mais aussi de souffrir pour Lui et avec Lui. Et puisqu’Il est pour nous si rempli de tendresse, faisons entendre nos alléluias de la haute retraite de Ses compassions, et que le nom de Jésus retentisse sous les voûtes mêmes du royaume de Satan !

Votre très affectionnée

Théodosia Powerscourt