Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 25

De mipe
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Le 15 février 1829
Ma chère amie,

Depuis que j’ai appris votre accident, j’ai eu le désir de vous écrire, mais comme M. G… m’a dit que vous étiez à peu près rétablie, j’avais besoin d’un moment de loisir pour vous adresser une longue lettre. Je vous demande des détails afin que je puisse me joindre à vos actions de grâces. J’ai été profondément touchée de ce que vous m’accordez le privilège d’être nommée dans vos petites réunions ; c’est la plus grande jouissance que vous puissiez me procurer. Oh ! ce n’est pas pour mon corps que je vous demande de prier ; ce que je désire, c’est que ma vie soit à la gloire de Sa vérité. Ce petit accident vous était donc mis en réserve par le Seigneur, et il faisait partie de l’inventaire de Ses dons. Ce dont nous avons besoin, c’est d’apprendre à faire usage de Ses promesses. Trop disposés à n’étudier Sa Parole que pour y trouver notre jouissance, nous allons souvent en avant en l’oubliant, jusqu’au temps fixé pour la reprendre ; c’est pourquoi il nous est bon de nous faire quelques égratignures aux ronces et aux épines que nous rencontrons, afin que, pour être guéris, nous soyons obligés de retourner à la Bible, et de nous nourrir des promesses, et qu’ainsi l’appétit de notre âme étant suffisamment excité, notre Dieu puisse nous rassasier de Sa bonté. Sa volonté n’est pas que nous ne tirions que de grandes sommes sur la banque des consolations, comme s’il ne valait la peine d’y aller que pour de telles valeurs ; mais il veut que nous y retournions sans cesse, et cela pour chaque franc et chaque sou de consolation dont nous pouvons avoir besoin, car nous ne Le fatiguons jamais.

Que de choses sont renfermées dans ces mots : « Je n’aurai point de disette ». Et cependant Il manquait de tout. « Même quand je marcherai par la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi » ; et cependant Il s’est écrié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Nous triompherons dans une pleine confiance au milieu de nos ennemis, parce qu’Il a été « le méprisé et le rejeté des hommes, un ver et non point un homme » ; et je sais avec certitude que mon habitation sera dans la maison de l’Éternel pour jamais, parce qu’Il a dit : « Tu m’as exaucé ». Il nous est doux de savoir que le troupeau tout entier est sous la même direction. L’expérience que nous faisons de Sa tendresse et de Sa vigilance, nous rend capables de dire des autres dans chaque circonstance : Ils n’auront point de disette, le vingt-deuxième psaume étant le fondement de la confiance exprimée dans le vingt-troisième. Avec quelle sécurité nous pouvons nous abandonner entre des mains aussi tendres. Il est notre trésor ; plaçons auprès de Lui tout notre dépôt, notre corps, notre âme, et notre esprit, car nous Le connaissons. Il a promis de ne perdre aucun de ceux que le Père a remis entre Ses mains, mais de les ressusciter au dernier jour. Ne Lui montrons aucune défiance relativement à la manière dont Il gère notre dépôt, mais ayons la pleine confiance que nous le trouverons restauré et richement augmenté au matin de la résurrection. Alors nous consentirons volontiers à être trouvés parmi les pauvres et les méprisés qui L’auront suivi dans la mauvaise aussi bien que dans la bonne réputation, puisque c’est le sentier de l’affliction, et celui-là seulement qui conduit dans le pays où l’affliction est inconnue.

Dernièrement mes pensées ont été occupées des anges. Quel sujet d’humiliation ils devraient être pour le croyant, auquel ils ne sont semblables que dans ce seul point, c’est qu’ils « obéissent aussi à la voix de sa parole », mais dont ils diffèrent, et quant à leur état, et quant à leur service ! Les croyants sont l’Épouse de Christ, et comme tels ils sont plus près de Lui, ils Lui sont plus chers ; « là où le péché s’est multiplié, là a surabondé la grâce ». Mais combien les anges se montrent plus empressés dans leur service ! Leur beauté semble se refléter sur la terre dans leur profonde humilité, témoin leur joie lorsqu’un pécheur est par sa conversion élevé au-dessus d’eux-mêmes. Quelle différence entre leurs sentiments et ceux des Juifs, lorsque les Gentils étaient appelés ! Quelle différence entre leurs sentiments et ceux des chrétiens, en face de la gloire promise aux Juifs ! Combien les impressions du frère aîné contrastaient avec les leurs lors du retour de l’enfant prodigue ! Écoutez le retentissement de leurs alléluias : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ! et sur la terre paix ! parmi les hommes bienveillance ! ». Avec quelle promptitude les douze légions ne seraient-elles pas descendues à l’aide du Seigneur, si, dans Son agonie, Il avait réclamé leurs services ! Il préférait la sympathie de Ses enfants, aussi regardait-Il à eux dans l’attente de leur compassion, « mais il n’y avait personne » ; ils étaient tous appesantis par le sommeil. Si c’était aux anges qu’Il eût adressé cette parole : « en tant que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait », serait-ce avec tant de lenteur qu’ils Lui donneraient à manger quand Il aurait faim, qu’ils Lui donneraient à boire quand Il aurait soif, qu’ils Le recueilleraient quand Il serait étranger, qu’ils Le vêtiraient quand Il serait nu, qu’ils Le visiteraient quand Il serait malade ou en prison, et surtout qu’ils s’acquitteraient de leur message s’ils étaient envoyés pour annoncer la bonne nouvelle d’une grande joie ? Non, ils voleraient avec la même rapidité que Gabriel lorsqu’il fut envoyé à Daniel, ou que celui d’entre eux qui porta un gâteau à Élie. « La parole est sortie dès le commencement de tes supplications, et je suis venu » ; la parole était sortie dès le commencement, et il était venu avant la fin ! Il est cependant un office que les anges ne peuvent remplir dans l’Église, savoir, celui de consolateurs ; comme ils n’ont pas connu l’affliction, ils ne peuvent sympathiser. C’est là notre privilège, c’est notre service le plus honorable dans le temple d’ici-bas ; nous sommes des coupes de consolation dans les mains de Celui qui est venu pour guérir ceux qui ont le cœur brisé. Des vases de miséricorde peuvent seuls contenir ce cordial. Et comme chaque brin d’herbe brille d’une splendeur semblable à celle d’un petit globe de diamant, lorsque le soleil se lève sur la rosée de la nuit, de même les larmes de cette nuit du temps jetteront sur les enfants de Dieu, lorsque le soleil de justice paraîtra au matin de la résurrection, un éclat qui surpassera de beaucoup l’éclat des anges, « puissants en vertu, faisant son commandement, en obéissant à la voix de sa parole ». Quant aux anges, ils connaissent la bénédiction de la puissance ; pour nous qui connaissons le bonheur de la faiblesse, nous savons ce que c’est que d’appuyer nos faibles mains sur le grand « Je suis », de nous glorifier dans les infirmités, afin que la puissance du Christ habite sur nous, et de porter, par la foi, notre âme sans force sur les douces et précieuses promesses. J’ai entendu raconter par une personne qui fut témoin oculaire du naufrage du Kent, que chaque mère, dans ce péril imminent, se tournait, comme par instinct, du côté de son plus jeune enfant et le serrait dans ses bras. C’est ainsi que fait le Seigneur à l’égard de Sa faible brebis. Penserait-on que, dans cette catastrophe, les enfants qui avaient le sentiment de leur force et qui étaient laissés à eux-mêmes, aient été plus en sûreté que le petit enfant dont la vie dépendait de celle de sa mère ?

Béni soit Dieu qui nous aime, non pas selon nos mérites, mais selon nos besoins ! Béni soit Dieu, de ce que le sang de Jésus Christ Son Fils nous purifie, non seulement des péchés que nous voyons, mais aussi de ceux qu’Il voit Lui-même !

Plusieurs des compartiments de notre cœur nous sont encore fermés, et nous ne voyons qu’à travers les fentes, mais Son sang peut y pénétrer et les arroser tous. Puissions-nous, chère sœur en Jésus, Lui laisser entièrement le soin de conduire notre nacelle, nous confier pleinement en Lui toutes les fois que le vent nous paraît contraire, et aller en avant sans hésitation, sachant qu’Il ne nous abandonnera pas à nous-mêmes. Qu’Il nous préserve d’affaiblir, par notre exemple, les mains de nos frères ! Et quoique nous méritions qu’Il plaide contre nous avec Sa grande puissance, demandons-Lui qu’Il mette Sa force en nous de telle manière que nous puissions crucifier la chair avec ses passions et ses désirs. Un tel crucifiement ne peut qu’être douloureux ; mais que ce soit crucifiement ou amputation, peu importe, pourvu que l’épreuve nous conduise plus près du but. « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime ». Oh ! ne restons pas dans le silence, nous qui avons tant de sujets de louanges et de gratitude ! Lorsqu’il fut donné à Jean d’entendre les alléluias des êtres vivants qui se tiennent devant le trône, et qui sont les témoins continuels des innombrables merveilles des perfections de Celui dont le nom est amour, tout se résumait dans un seul chant d’amour, de gratitude et de louange. Conviendrait-il après cela que les pécheurs rachetés se tussent ? Toutes ses œuvres Le louent et Lui obéissent ; toutes Ses créatures vont et viennent au son de Sa parole. Il dit à la mer : Tu iras jusque-là ; s’arrêteront tes vagues orgueilleuses ; et le firmament nous montre l’ouvrage de Ses mains. Mais pour nous, c’est en nous confiant en Lui que nous pouvons le mieux Le glorifier. La bonté et la miséricorde nous suivront de la même manière que l’eau qui sortait du rocher suivait les Israélites à travers le désert. Tout ce qui nous est envoyé est bonté et miséricorde, et ce ne sont là que les arrhes des joies à venir et de notre futur héritage ; ce n’est qu’une jouissance par la foi des promesses qui y auront leur accomplissement. Nous sommes enfants de la promesse, héritiers de toutes les promesses. Enfants de la lumière, nous attendons le matin. Oh ! que notre lumière « augmente son éclat jusqu’à ce que le jour soit en sa perfection » ! Mes affectueuses salutations à vos chères sœurs et à tous ceux qui m’aiment dans le Seigneur. Veuillez m’écrire bientôt, et croyez à la sincère affection de votre sœur dans l’espérance,

Théodosia A. Powerscourt