Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 8

De mipe
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Janvier 1826

… Je vous remercie de votre longue et bonne lettre. Notre cœur se sent attiré vers ceux qui ont assez de sollicitude à notre égard, pour nous faire remarquer les choses qui, dans notre conduite, pourraient contrister le Saint Esprit. Je crois que vos observations sont parfaitement justes, et j’espère que je puis compter sur vos prières pour être rendue capable de marcher en toute chose d’une manière digne du Seigneur. En effet, c’est dans le Seigneur qu’il nous est dit de nous réjouir, et nous pouvons éprouver cette joie, même au milieu de l’affliction ; c’est le « bon courage » dans la tribulation. Quelquefois je me suis arrêtée, comme étonnée que ma coupe fût aussi débordante de cette bénédiction. Plus mon cœur est dépouillé de lui-même pour la recevoir, plus aussi elle abonde ; mais il n’en est pas ainsi lorsque je suis dans quelque illusion. J’avoue que quelquefois je me sens extraordinairement abattue, et cependant je ne suis pas malheureuse. La blessure que j’ai reçue est des plus profondes ; le coup a été bien sévère ; mais comment sans cela aurais-je pu connaître que Jésus naît comme un frère au temps de la détresse ? Comment aurais-je pu L’apprécier comme ma force, si je n’avais pas été laissée à toute ma faiblesse ? Mon cœur est trop égoïste pour que mes yeux ne laissent plus échapper aucune larme ; mais j’espère que le murmure ne m’en fera plus jamais verser. Ma plaie est cicatrisée, mais de temps en temps elle s’entrouvre encore. Il fallait qu’un cœur dur comme le mien fût suffisamment amolli pour sentir le besoin de ce bon médecin, qui fait la plaie et qui la bande, qui blesse et dont les mains guérissent.

Je comprends assez bien ces paroles : « Crier et gémir sous les afflictions, et en même temps craindre toute pensée de bien-être ».

Si c’était cependant plus à la gloire de Dieu que je prisse plaisir dans les nombreux sujets de jouissance qui me restent encore dans ce monde, quelque décolorés qu’ils me paraissent au travers du verre de l’affliction, hé bien, me voici, Seigneur ! Puissé-je seulement reposer toute mon âme sur le grand « Je suis ». Je puis vous assurer que, quoique les apparences semblent me démentir, je suis remplie de joie et de paix en croyant, et que la vie est pour moi comme un flux et reflux d’amour. Jésus m’est précieux. La bannière de Son amour est déployée au-dessus de ce lieu. Ici Ses promesses me sont encore comme le miel découlant du rayon. Je ne désire rien sur la terre que Lui seul ; Il est toute mon espérance et tout mon salut ; je vais en avant avec confiance, sachant qu’Il ne peut se renier Lui-même pour dire : « Je ne t’ai jamais connue », car Il me donne le témoignage que non seulement Il me connaît, mais aussi qu’Il m’aime ; aussi suis-je rendue capable de Lui dire : « Tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime ».

Quelquefois nous nous sentons des vermisseaux si insignifiants, qu’il nous est difficile de comprendre que le Seigneur puisse penser à nous et s’occuper de nos misérables intérêts. Dans d’autres moments on se sent d’une telle importance, qu’on s’étonne que des chrétiens puissent vivre comme les autres hommes, surtout lorsqu’on lit quels sont les transports de joie de l’armée céleste qui, lorsque l’ange du Seigneur annonce aux bergers de Bethléhem la naissance du Sauveur des pécheurs, s’écrie : Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; paix sur la terre, et bienveillance envers les hommes ! C’est précisément cette paix qu’il nous faut ici-bas ; aussi nous l’a-t-Il acquise par Son sang et nous l’a-t-Il léguée à Son départ. Que les paroles qu’Il adresse à Ses disciples, après Sa résurrection, paraissent simples ! Il semble qu’Il jouissait du travail de Son âme quand Il distribuait Sa paix. Oh ! qu’Il en remplisse abondamment votre âme ! Puissiez-vous, tandis que vous recommandez aux autres le trésor inexprimable de la Parole, vous en nourrir de plus en plus vous-même par la foi avec actions de grâces ! Qu’Il répande dans tous nos cœurs les richesses de Sa plénitude ; qu’Il nous rende capables de montrer combien nous estimons le privilège de nous approcher de Lui pour Lui parler de craintes que le monde ne peut calmer, de besoins qu’Il ne saurait satisfaire, et de bénédictions auxquelles Il ne connaît rien !

Votre affectionnée,

T.A. Powerscourt