Messager Évangélique:Savoir et faire

De mipe
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Pensées sur Jean 13, 17

Ce chapitre 13 de Jean et les suivants sont en vérité pour la brebis de Jésus comme un riche pâturage, où elle trouve toujours en abondance une herbe tendre et une eau rafraîchissante. Plus elle broute dans ces pâturages, plus elle boit aux ruisseaux de grâce qui y coulent, plus ces aliments et ces breuvages ont pour elle de fraîcheur, de saveur et de vertu pour fortifier et réjouir son cœur. Et il y a plus : cette précieuse portion de l’Écriture est aussi un foyer d’où sort une lumière qui éclaire et une chaleur qui réchauffe. Ou bien encore je comparerai ces chapitres à un collier de perles dont chacune a son prix, sa beauté propre, son reflet particulier. On peut examiner et admirer l’ensemble du collier, mais on peut aussi examiner et admirer chaque perle à part, et ici chaque parole de Jésus n’est-elle pas comme une perle de prix dont la beauté, quand nous l’examinons un peu, nous frappe d’admiration ? Permettez-moi de vous dire quelques mots sur une de ces paroles. Je ne vous donne pas ces pensées comme une explication du verset indiqué en tête de ces lignes ; mon but est simplement d’attirer votre attention sur cette perle, afin que vous l’examiniez par vous-mêmes ; vous pourrez alors m’en dire de plus belles choses que celles-ci.

Pour moi donc, en lisant ces paroles : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites », je me suis d’abord demandé : Quel est le bonheur dont le Seigneur parle ici, comme étant le partage de ceux qui savent et qui font ? S’agit-il du bonheur futur, du bonheur éternel, du salut ? Hélas ! trop souvent on l’a pensé et enseigné ; et on a fait ainsi dépendre le salut, non pas de l’unique grâce de Dieu par la foi, mais de la connaissance des vérités chrétiennes et de la pratique des préceptes de l’évangile. On ouvre ainsi largement la porte à la propre justice, et cette parole si bonne ne sert alors qu’à torturer, qu’à désespérer une âme droite ; car quelles que soient ses connaissances et son obéissance, si elle fait dépendre son salut de cela, elle ne pourra jamais se croire sauvée, précisément parce qu’elle sera droite. Et alors comment pourrait-elle goûter la moindre paix, avoir la moindre joie ? Il est donc bien important de lire le passage tel qu’il est écrit : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites ». Le Seigneur aurait bien su dire : « Vous serez bienheureux », s’Il avait eu en vue le bonheur futur ; ou : « Vous serez sauvés », s’Il avait eu en vue le salut. Il ne s’agit donc pas ici de bonheur éternel, ni de salut, ni de la voie par laquelle on y arrive ; il s’agit d’un bonheur actuel, connu seulement, il est vrai, de celui qui sait et qui fait « ces choses ». Mais cette parole m’a fait penser ensuite à deux autres écueils contre lesquels bien des chrétiens viennent se heurter : les uns font du christianisme essentiellement une affaire de savoir et négligent trop le côté pratique ; d’autres, au contraire, semblent fort peu se soucier du savoir et négligent, peut-être même méprisent l’étude. Cette précieuse parole semble nous avoir été donnée exprès pour nous empêcher de tomber dans l’un ou l’autre de ces deux travers. Elle nous pousse avec une égale force à l’étude et à la pratique, à savoir les choses et à les faire.

Je dis d’abord : à savoir ; et en effet la connaissance des choses de Dieu est une science de première nécessité pour tout croyant. Car comment ces choses pourraient-elles me réjouir[1] si je ne les connais pas ? « Les choses révélées sont pour nous » (Deut. 29, 29), choses infiniment précieuses qui « nous ont été données de Dieu » (1 Cor. 2, 12). Mais comment les connaîtrions-nous, si nous ne les étudions pas, si nous négligeons la Parole qui les renferme, si au lieu de nous attacher à la lecture, comme Paul le recommandait à Timothée, nous sommes sans besoin de savoir, de connaître ? Négliger l’étude des choses de Dieu, négliger la lecture de la Parole, c’est marcher à grands pas vers la pauvreté et la sécheresse spirituelle. C’est une chose vraiment affligeante de voir le peu d’ardeur, le peu d’entrain que nous avons pour prendre connaissance des choses révélées qui sont à nous. Nous n’agissons pas avec cette mollesse quand il s’agit des choses de la terre. L’homme le plus riche en champs, vignes, maisons ou argent, ne perd pas souvent de vue ce qu’il possède. L’idée juste de sa fortune se présente facilement à son esprit et il ne lui est guère pénible de prendre connaissance de toutes les choses qu’il a ici-bas. Que ne sommes-nous de tels hommes quant aux choses de Dieu !

Je sais bien que même dans l’étude des choses saintes le cœur peut se dessécher ; aussi est-il bien important que nous nous souvenions comment cette étude doit se faire. « Personne ne connaît les choses de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu ». Et (grâces Lui en soient rendues) « nous avons reçu l’Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données de Dieu » (1 Cor. 2, 12). Cet Esprit est pour nous un docteur sûr, infaillible, capable de nous diriger dans toute la vérité, mais il faut L’écouter ; car il arrive quelquefois que dans l’étude des choses de Dieu notre intelligence naturelle s’érige en docteur et alors, quel renversement ! Quel fruit pourrait-on recueillir d’une étude faite sous un pareil maître ? Là où la chair ne voit goutte (quelles que soient ses prétentions), comment nous servirait-elle de guide ? C’est spirituellement que les choses de Dieu se discernent et pas autrement. Ainsi pour apprendre les choses de Dieu, il faut, non seulement que la chair se taise, mais encore que l’Esprit agisse, parle, enseigne.

Mais est-ce assez d’apprendre ? Est-ce assez de savoir ? Parce que nous avons une certaine somme de connaissances bibliques et que nous pouvons parler et raisonner juste sur beaucoup de points, nous figurerons-nous que tout va bien ? Écoutons : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites »… « Si vous les faites » ! Disons d’abord que nous sommes bienheureux de savoir beaucoup de choses que nous ne sommes point appelés à faire. Le Seigneur a créé toutes choses, les visibles et les invisibles ; Il soutient toutes choses par Sa parole puissante ; Il a ouvert les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ; Il a guéri des lépreux, ressuscité des morts ; fait la purification de nos péchés, etc. Il est évident que nous ne sommes point appelés à faire ces choses, mais à les savoir pour notre profit. Mais Jésus n’est pas, ne doit pas être pour nous simplement un Sauveur, un docteur, mais aussi un modèle. « Je vous ai donné un exemple, afin que comme j’ai fait, moi, vous fassiez de même ». Donc le lavage des pieds que le Seigneur venait d’accomplir fait partie de cette catégorie de choses qu’il faut savoir et faire pour goûter le bonheur dont Il parle. Avant tout, sans doute, nous avons besoin de connaître le sens, la portée de cet acte béni du Sauveur ; il est clair que le grand amour qu’Il témoigne ici aux siens occupera d’abord nos pensées et réjouira nos cœurs ; mais ensuite pensez-vous que nous jouirons pleinement de cette vérité, si nous ne la pratiquons pas, si au lieu de nous abaisser et de prendre la dernière place, nous nous élevons ; si au lieu de servir par amour, nous exigeons ? Pour moi je ne le pense pas, parce que c’est ici l’une de ces choses desquelles le Seigneur dit : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites ». Un chrétien qui néglige de laver les pieds de ses frères, sera-t-il, pour cela, privé du bonheur éternel ? Non ! mais bien certainement il sera privé de la jouissance qu’il y a à savoir et à faire cela. Car si le salut ne dépend en rien du faire, certaines jouissances en dépendent : le nier ce serait affirmer qu’on est tout aussi heureux dans la mondanité, l’infidélité, la désobéissance, que lorsqu’on marche dans la lumière et la fidélité, ce qui ne serait pas seulement un mensonge, mais un blasphème. « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites ».

« Vous êtes bienheureux ». Il est de fait que les vérités chrétiennes sont telles qu’elles ne peuvent que remplir le cœur du croyant de joie et d’allégresse. Or il n’est pas nécessaire d’être un observateur très profond, pour se convaincre, hélas ! que parmi les saints cette joie, cette allégresse, est généralement bien loin d’être en rapport avec ces vérités qu’ils professent croire et croire sincèrement. Vous me direz peut-être que cela vient de ce que ces vérités sont imparfaitement connues. Je consens volontiers à mettre cette ignorance en ligne de compte. Mais n’y a-t-il pas d’autre cause ? N’avons-nous pas la malheureuse habileté de nous soustraire à la puissance de certaines vérités que nous connaissons parfaitement bien ? Voyez le cas de Pierre en Matthieu 16 ; comparez les versets 15-17 avec les versets 22, 23 de ce chapitre. « Il leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Et Simon Pierre répondant lui dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus répondant lui dit : Tu es bienheureux, Simon fils de Jonas, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Certes la vérité que Pierre connaissait et confessait ici est fort précieuse, cela ressort du simple énoncé de cette vérité, comme aussi de ces mots de Jésus : « Tu es bienheureux » etc. Puis remarquez que cette connaissance était réelle, elle ne venait ni du sang, ni de la chair, mais du Père. Voyez maintenant quelques versets plus bas (22, 23) : « Et Pierre le prenant à part, se mit à le reprendre, disant : Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera pas ! Mais lui se retournant dit à Pierre : Va arrière de moi, Satan ; tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes ! »… Quel contraste !… « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». « Et Pierre se mit à le reprendre : Cela ne t’arrivera pas ! ». Comment concilier une aussi choquante inconséquence ? Par ces mots, ce me semble : « tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes ». Voilà ce qui explique l’inconséquence de Pierre et les nôtres. Ce qui les explique aussi, c’est ce qui explique celles de Balaam, qui a connu de belles choses, qui a eu les yeux ouverts, et qui aima le salaire d’iniquité. Connaître les choses de Dieu, et penser aux choses des hommes et aimer les choses du monde, voilà, je pense, ce qui explique pourquoi notre joie, notre amour, notre humilité, notre douceur, notre zèle, et toute notre marche, en général, sont encore loin d’être en harmonie avec les vérités que nous connaissons.

Prenons-y donc garde, chers frères : il ne s’agit pas de se relâcher dans l’étude des choses de Dieu ; bien au contraire, il faut redoubler d’ardeur à cet égard, mais en demandant instamment au Seigneur de nous faire cette grâce : que les vérités que nous connaissons exercent toute leur puissance sur nos affections, sur nos cœurs. Lisons donc, étudions, apprenons, mais sans jamais perdre de vue cette bonne parole : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites ».



  1. Ce n’est pas là le seul effet de la connaissance des choses de Dieu, mais c’est celui qui est indiqué dans le passage qui nous occupe.