Traité:L’assemblée locale et la solidarité universelle des assemblées

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

F. Prod’hom 1898

L’évangile de Matthieu, nous le savons, présente Christ comme fils d’Abraham, fils de David, le Messie promis à Israël. C’est ce qui rend d’autant plus frappant le fait qu’il est le seul qui fasse mention de « l’Assemblée », de l’Église, et que c’est la première fois qu’elle est nommée dans l’Écriture. Le Seigneur, au chapitre 16, en parle comme d’une chose qu’Il allait bâtir. « Sur ce roc », dit-Il — ce roc, le Christ, le Fils du Dieu vivant — « je bâtirai mon assemblée » (v. 16-18). Ici, Il parle de l’Assemblée entière, pendant toute la période qui s’écoule entre la descente du Saint Esprit à la Pentecôte, et le retour du Seigneur. Ce qui amène le Seigneur à parler de Son Assemblée, c’est qu’Il avait conscience de Son rejet par Israël, et c’est ce qui explique qu’au verset 20 du même chapitre, Il enjoint aux disciples de ne dire à personne qu’Il était le Christ. Cela ne servait de rien : Il était rejeté. La pensée du Seigneur se portait donc sur ce qui allait suivre Son rejet par Israël, c’est-à-dire Son Assemblée.

Mais il n’est pas moins frappant de voir qu’outre la mention de Son Assemblée universelle, le Seigneur, dans ce même évangile, donne Sa pensée sur ce qu’est, à Ses yeux et de Sa part, « une assemblée locale », ne fût-elle composée que de deux ou trois personnes (chap. 18, 15-20). Tout en souffrant de Son rejet, comme Il l’exprime au chapitre 11, le Seigneur voyait poindre ce temps où Il révélerait le Père à Ses frères, et où ces mêmes rachetés seraient rassemblés en Son nom sur la terre. Il fallait bien que le cœur du Seigneur fût préoccupé avec bonheur, si nous osons dire, de ce temps-là, pour qu’Il saisît l’occasion du touchant enseignement de la grâce relativement aux petits enfants (chap. 18, 1-14) et de l’exercice de cette même grâce entre frères (v. 15, 16), pour arriver à parler de l’assemblée dans les versets suivants. Non plus de l’Assemblée entière, mais de l’assemblée locale, fût-elle réduite au moindre nombre possible.

Ainsi nous avons, de la bouche même du Seigneur, les paroles qui nous révèlent le caractère d’une assemblée de Dieu, à laquelle le Seigneur confère Son autorité pour agir de Sa part et en Son nom, de sorte que les actes de cette assemblée sont ratifiés dans le ciel. On voit par là que ce passage est de toute importance. Il n’y en a point de tel dans les épîtres de Paul ; elles en contiennent seulement le développement et l’application.

Il est évident que la pensée du Seigneur, en Matthieu 18, se portait sur une assemblée chrétienne, et non sur une synagogue juive. Lorsqu’il s’agit de celle-ci, l’expression synagogue est employée (voyez Jacq. 2, 2). Le Seigneur ne pensait pas non plus à l’Église universelle, car lorsqu’il est dit au verset 17 : « Et s’il ne veut pas les écouter, dis-le à l’assemblée », Il n’entendait certainement pas l’ensemble de tous les croyants. Le Seigneur avait en vue une assemblée locale qui, selon Lui, devait (et aujourd’hui devrait) réunir tous les saints d’un endroit. Les deux frères, dont l’un a péché contre l’autre, sont tous deux de l’assemblée, et c’est ce qui donnait une si sérieuse importance à la démarche de celui qui cherchait à gagner son frère. Les « une ou deux personnes » qu’il prenait avec lui en second ressort, et qui devenaient des témoins devant l’assemblée, en faisaient certes aussi partie. Il en est de même des « deux d’entre vous », du verset 19. La valeur que le Seigneur attache à une telle assemblée nous est montrée par le fait que, si celui qui avait péché contre l’autre se refusait à écouter l’assemblée, c’était fini. Il n’y avait pas un quatrième essai à faire, du moment qu’il méprisait ce qu’il y avait de plus relevé aux yeux du Seigneur sur la terre, ce à quoi Il a conféré Son autorité. Et remarquons que, si celui qui voulait gagner son frère avait continué, par compassion, à s’occuper de lui, après que celui-ci avait refusé d’écouter l’assemblée, il aurait agi contrairement à la pensée du Seigneur, et aurait méconnu à son tour ce que l’assemblée est devant le Seigneur. Malgré tout ce que son cœur pouvait en souffrir, ce frère était tenu d’obéir à l’injonction du Seigneur : « Qu’il te soit comme un homme des nations et comme un publicain ».

Le verset 18 nous explique pourquoi le Seigneur tient l’Assemblée pour une chose aussi élevée : Il lui a conféré Son autorité ! L’Assemblée n’est pas elle-même une autorité : elle est soumise au Seigneur ; mais elle s’administre, et elle administre par l’autorité du Seigneur, laquelle Il lui a conférée, que ce qu’elle lie et délie sur la terre, est lié et délié dans le ciel. L’Assemblée ne lie rien et ne délie rien dans le ciel, mais ses actes sur la terre sont ratifiés dans le ciel.

Nous voyons, au verset 19 du chapitre 16, une autre autorité. C’est celle que le Seigneur confère à Pierre, lorsqu’Il lui donne les clefs du royaume des cieux. En vertu de cette autorité individuelle, ce que Pierre liait et déliait sur la terre, était lié et délié dans les cieux. Nous en avons un exemple lorsqu’à Césarée (Act. 10), Pierre a ouvert la porte aux Gentils, les ayant fait baptiser au nom du Seigneur Jésus, après qu’ils eurent reçu l’Esprit Saint. Ils étaient bien déliés de leur état précédent, et certes, la chose était ratifiée dans le ciel. Il y avait donc alors, dans l’Église, une autorité individuelle conférée par le Seigneur aux apôtres. Ainsi Paul, à la fin de sa seconde épître aux Corinthiens, parle aussi de l’autorité que le Seigneur lui a donnée (chap. 13, 10). Mais ce qui est important à remarquer, c’est que la même autorité donnée par le Seigneur à Pierre comme apôtre (Matt. 16), est conférée aux deux ou trois assemblés au nom de Jésus (chap. 18).

Il y avait donc, au temps apostolique, deux autorités, celle de l’Assemblée et celle des apôtres. Mais depuis le départ de ceux-ci, il n’existe plus d’autorité individuelle dans l’Église. L’autorité conférée aux deux ou trois réunis au nom de Jésus subsiste seule, et subsistera jusqu’à la venue du Seigneur.

La première épître aux Corinthiens nous fait voir que l’autorité des apôtres et celle de l’Assemblée ne se remplaçaient pas l’une l’autre, mais agissaient chacune à sa place respective. L’apôtre dirigeait et stimulait l’assemblée comme telle, mais c’était l’assemblée qui prononçait en dernier ressort. Paul, dans l’exercice de son autorité apostolique, n’agit pas en lieu et place de l’assemblée dans le cas de l’incestueux (1 Cor. 5). Il montre bien que, comme apôtre, il avait le pouvoir de livrer quelqu’un à Satan (v. 3-5). Il l’a fait en d’autres occasions (1 Tim. 1, 20). Ici, il déclare qu’il a jugé qu’un tel homme devait être livré à Satan pour la destruction de la chair ; mais ce jugement de l’apôtre ne dispensait pas l’assemblée d’agir comme telle avec l’autorité qu’elle possédait de la part du Seigneur. Au lieu d’agir pour elle, Paul stimule la conscience des Corinthiens, afin de leur faire sentir leur responsabilité comme assemblée. Lui, apôtre, a jugé pour lui-même de livrer un tel homme à Satan ; l’assemblée, elle, avait toute autre chose à faire : c’était d’ôter le méchant du milieu d’elle. Voilà donc comment un apôtre agit à l’égard d’une assemblée : il l’exhorte, il cherche à réveiller sa conscience et lui montre sa responsabilité. Il reconnaît sa compétence et l’autorité qu’elle a pour ôter le méchant, tellement que plus tard, lorsqu’il engage les Corinthiens à ratifier leur amour envers ce même homme (2 Cor. 2, 5-11), il ne lui donne pas le nom de frère, tant que l’assemblée ne l’a pas réintégré. Pour Paul, il est encore « un tel homme ».

*
*     *

Remarquons un autre point. Concurremment avec ce qui précède, une assemblée de Dieu est démontrée être telle par la table du Seigneur dressée au milieu d’elle. Un rassemblement de chrétiens qui n’aurait pas la table du Seigneur, ne constituerait pas une assemblée. Mais là où la table du Seigneur est dressée, là se trouve l’autorité du Seigneur pour administrer au milieu de ceux qui s’y trouvent rassemblés. De plus, la table du Seigneur dressée dans les diverses assemblées de Dieu est ce qui établit et démontre leur solidarité, car elles professent être sous l’autorité du même Seigneur. Enfin, sans la table du Seigneur, il n’y aurait point de discipline.

Le verset 17 du chapitre 10 de la première épître aux Corinthiens nous fait connaître qu’à la table du Seigneur se trouve exprimée l’unité du corps de Christ sur la terre. « Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain ». Nous, les membres du corps de Christ, qui sommes plusieurs, c’est-à-dire tous les membres du corps, nous sommes un seul pain, un seul corps. Voilà le grand principe proclamé à la table du Seigneur, et le terrain sur lequel elle est dressée. Il n’y a qu’un pain de la cène, et il n’y a qu’un corps de Christ sur la terre.

La table est « la table du Seigneur », et non celle des saints. Le Seigneur seul a l’autorité sur Sa propre table. Les saints s’y trouvent réunis en leur qualité de membres du corps, afin qu’en annonçant Sa mort, en se souvenant de Lui, ils expriment, en même temps, par cette fraction du pain entre eux, l’unité de Son corps sur la terre. Mais, à cause de cela, chaque assemblée de Dieu a la responsabilité de veiller à ce que les droits du Seigneur sur Sa propre table soient maintenus.

Il ne saurait y avoir plusieurs catégories d’assemblées de Dieu, pas plus qu’il ne peut exister deux Églises ou deux corps de Christ sur la terre. Pour la même raison, il est impossible qu’il y ait plusieurs tables du Seigneur. Comme nous l’avons vu, il n’y a que « la table du Seigneur » (1 Cor. 10, 21), exprimant l’unité du corps (v. 17). En rompant le pain ensemble, les membres du corps expriment l’unité de ce corps, et il n’y a pas d’autre manière scripturaire de rompre le pain. Toute table dressée pour la cène en dehors de ce principe, n’est pas « la table du Seigneur ». C’est une table de l’homme, exprimant (sciemment ou non) l’indépendance à l’égard de ce principe scripturaire ; chose digne de l’attention sérieuse de tout membre du corps de Christ. On ne se rend pas assez compte de la gravité de ce fait, qu’une table indépendante est la négation de l’unité du corps, ainsi que des droits du Seigneur sur Sa propre table et sur Sa propre cène. Les enfants de Dieu sont membres du corps de Christ, et ne peuvent disposer à leur gré de la cène du Seigneur. Il faut qu’en prenant entre eux la cène, cet acte collectif soit aussi l’expression de l’unité du corps ; sans cela, on ne peut pas prétendre se trouver à la table du Seigneur.

Mais ce terrain du témoignage de l’unité du corps, est aussi celui de la solidarité universelle des assemblées de Dieu entre elles. Si, comme nous l’avons vu, les actes d’une assemblée de Dieu sont ratifiés dans le ciel, ils le sont aussi, universellement, dans toutes les assemblées de Dieu, lesquelles forment ensemble, non une confédération d’assemblées, mais « le corps de Christ »[2].

Supposons, pour un moment, qu’il y ait cinq mille assemblées de Dieu sur la terre, et que, selon la pensée de Dieu, tous les enfants de Dieu du monde entier se trouvent dans leur sein. Le Seigneur ayant conféré Son autorité à l’assemblée locale, chacune de ces assemblées a la compétence pour s’administrer et la responsabilité de le faire. Le Seigneur est seigneur sur elles toutes : « Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Éph. 4, 5). L’Esprit agit et dirige dans chacune, et c’est un seul Esprit. La compétence et la responsabilité sont locales dans chacune, mais la solidarité est universelle, de sorte que les actes de chacune des cinq mille assemblées sont acceptés universellement. Jusque-là, tout est simple. Mais voici que, par l’action de l’ennemi (comme, hélas ! cela est arrivé), une des cinq mille refuse d’accepter l’acte solennel d’une autre d’entre elles, et persiste dans son refus. Ce fait, n’est-ce pas, la constitue immédiatement schismatique et sectaire : elle cesse d’être une assemblée de Dieu ; elle se sort elle-même de la communion des cinq mille, rompant ses liens avec elles et s’excluant elle-même. Si, après cela, une personne de cette assemblée se présentait dans une de celles qui sont restées en communion, cette personne pourrait-elle être reçue, bien qu’elle soit membre du corps de Christ et qu’il n’y ait rien dans sa marche qui moralement encoure la discipline ? Non ; car elle est solidaire, sciemment ou non, de l’acte de l’assemblée à laquelle elle appartient, et qui est en révolte contre l’autorité du Seigneur. Recevoir cette personne telle quelle, serait accepter la révolte de la dite assemblée, et l’assemblée qui la recevrait se trouverait à son tour solidaire de cette révolte. Mais si la personne dont nous parlons vient à comprendre qu’elle a à se purifier de sa solidarité avec son assemblée, et qu’elle se dégage personnellement de la culpabilité de celle-ci — qui n’est plus une assemblée — alors elle aura sa place partout en sa qualité de membre du corps de Christ. Nous avons supposé que tous les enfants de Dieu sur la terre se trouvaient dans les cinq mille assemblées. Ce n’est pas le cas actuellement, vu la ruine, mais le principe n’en reste pas moins vrai et applicable pour toutes les assemblées de ceux qui sont réunis au nom du Seigneur Jésus, sur le terrain de l’unité du corps de Christ.

*
*     *

Nous ne saurions mieux clore ces pages qu’en recommandant la lecture du traité de notre vénéré J.N.D., intitulé : « Sur l’indépendance ecclésiastique », qui développe plus amplement le sujet dont nous venons de nous occuper.



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1897.
  2. Cela ne veut pas dire que les assemblées soient des membres du corps de Christ. Ce sont les individus qui le sont. Mais l’ensemble des assemblées, composées de ces membres, forme le corps, en supposant les choses dans l’état normal.