Traité:L’exercice des dons et l’intercession dans leurs rapports avec le culte
Réponses à deux questionsH. Rossier
I
Le Nouveau Testament ne parle qu’une seule fois d’un discours prononcé quand les frères étaient assemblés pour rompre le pain (Act. 20). Ce discours n’avait pas de rapport avec le culte, mais l’apôtre profitait des jours et des heures du rassemblement pour faire entendre à tous les choses qu’il avait à leur dire. Il semblerait même que Paul avait saisi l’occasion de cette réunion générale pour retarder son départ (v. 6, 7. Voyez aussi 21, 4 ; 28, 14). Les termes employés au verset 11 ne nous donnent pas une certitude absolue que la fraction du pain ait eu lieu après ou avant le discours[1], mais nous voyons, en tout cas, que ces deux actes, le discours et la fraction du pain, ne furent pas liés à l’un à l’autre. La prédication avait lieu à l’occasion du culte, mais non pendant le culte. Si une occasion pareille se présentait à nous, nous serions autorisés par la Parole à faire ce que fit l’apôtre.
À part cette occasion, nous ne trouvons aucun passage où la prédication soit associée à la fraction du pain et au culte, mais nous trouvons, au contraire, que l’exercice des dons est une partie inséparable de la réunion d’assemblée pour l’édification (1 Cor. 14). Dans le culte, l’exclusion des dons proprement dit se conçoit aisément ; les adorateurs parlent à Dieu par les hymnes, les prières et les actions de grâces ; dans la réunion d’édification, les dons parlent à l’Assemblée de la part de Dieu.
Ceux qui rendent culte sont devant Dieu pour L’adorer en Esprit et en vérité ; la cène, symbole d’un Christ mort, est le centre du culte ici-bas, comme l’Agneau immolé est, dans Sa personne, et restera éternellement, le centre du culte dans le ciel. « La coupe de bénédiction » signifie que nous bénissons par elle (quoique nous la bénissions aussi) ; elle est, pour ainsi dire, un cantique d’adoration, le parfum de l’amour de Christ offert à Dieu. Tel est le culte idéal, si j’ose m’exprimer ainsi : tel, du moins, il se réalisera dans le ciel. Je ne doute pas que, lorsqu’il est compris et goûté autour de la table du Seigneur, l’Assemblée, y trouvant une joie accomplie, ne s’estimera pas privée d’une bénédiction, si un ministère spécial ne s’exerce pas au milieu d’elle. Quand le culte est à la hauteur, l’exercice d’un ministère pendant le culte pourrait en troubler le courant ascensionnel en lui substituant un courant inverse, quelque précieux et béni que ce dernier soit à sa place.
Est-ce à dire qu’aucun ministère ne doive s’exercer dans l’Assemblée pendant le culte ? Bien loin de nous une telle pensée !
En premier lieu l’Écriture, la Parole elle-même, y garde toujours sa place. Présentée par l’Esprit, souvent dès le début du culte, elle fournit une note dominante, reprise, du commencement à la fin, par les frères qui prennent une part active à l’adoration. Ou bien encore, la Parole vient confirmer et appuyer ce que l’Esprit a exprimé dans les actions de grâces. Je suis convaincu que, si la lecture de tel ou tel passage de l’Écriture qui détermine le caractère du culte ou entre dans son courant, venait à manquer, ce serait une perte considérable pour l’Assemblée. N’oublions pas toutefois que même la simple lecture d’un passage de la Parole est soumise à la direction de l’Esprit ; si elle ne l’était pas, elle pourrait entraver fâcheusement le cours de l’adoration.
Mais il est nécessaire d’établir que nous rencontrons, hélas ! trop souvent des cas où le ministère de tel ou tel frère doit s’exercer dans une réunion autour de la table du Seigneur. Ces cas sont ceux où l’assemblée n’est pas à la hauteur du culte. Tel relâchement spirituel, tel mal caché ou non jugé, telle marche mondaine individuelle ou collective, contristent le Saint Esprit qui n’est plus libre de s’exprimer sans entraves au milieu de circonstances pareilles. L’assemblée reste froide et languissante ; des silences pénibles s’établissent ; l’on s’attend les uns aux autres. La contrainte règne à la place de l’élan heureux de cœurs unis dans une même pensée et dans une commune joie. Bien plus, la chair s’en prévaut souvent (de quoi ne se prévaut-elle pas ?) pour chercher à remédier au mal par une action intempestive qui, dans bien des cas, revêtira la forme d’un discours. Ainsi le culte se trouve profondément altéré.
C’est dans les cas, si fréquents, où l’assemblée est impuissante à réaliser le culte, qu’une action selon l’Esprit de Dieu a lieu pour relever le niveau moral en présentant Christ comme l’objet qui peut délivrer les âmes de leur apathie ou de leur préoccupation d’elles-mêmes. Par Ses instruments, quels qu’ils soient, non pas toujours les plus doués, mais les plus pieux, l’Esprit Saint exhorte les frères à se réveiller et à se relever d’entre les morts, afin que le Christ resplendisse sur eux, et provoque, s’il y a lieu, une humiliation salutaire en atteignant la conscience de celui ou de ceux dont l’état moral est la cause de cette faiblesse.
Mais nous trouvons encore une autre participation d’un ministère occasionnel dans le culte. Une pensée exprimée dans les prières, les chants, les actions de grâces, peut devenir le point de départ de développements suggérés par l’Esprit de Dieu à tel ou tel frère, développements qui donnent eux-mêmes lieu à de nouvelles actions de grâces et, de cette manière, le culte, bien loin d’être entravé, est soutenu par l’activité des divers services ou ministères dans l’assemblée.
Ceux que le Seigneur appelle à ces fonctions ont besoin de beaucoup de vigilance, de spiritualité et de communion avec le Seigneur. Un frère qui vient au culte avec l’intention d’y présenter un sujet particulier, quelque édifiant qu’il puisse être en soi, ne fait que troubler l’action du Saint Esprit dont la direction lui est encore inconnue. Qu’il y vienne, s’attendant à cette direction, et renonçant à ce que ses propres pensées lui suggèrent. S’il en est ainsi, on n’observera pas dans ses méditations la tournure d’un discours préparé d’avance. Sous ce rapport, l’action des frères dans l’assemblée de culte est souvent très défectueuse par leur manque de spiritualité pour discerner l’état de l’assemblée, ou par l’absence d’une dépendance réelle du Saint Esprit, en présentant des sujets étrangers à la direction que l’Esprit seul a droit d’imprimer au culte, direction qui peut revêtir chaque premier jour de la semaine un caractère différent : tantôt l’amour du Père, tantôt l’amour du Fils, tantôt la jouissance de la présence de Dieu dans la lumière, tantôt le Fils de l’homme à la droite du Père, tantôt les merveilles de Sa marche ici-bas, tantôt la profondeur de Ses souffrances, tantôt les résultats glorieux de Sa résurrection, tantôt l’espérance de Son prochain retour, tantôt l’amour qui s’abaisse, tantôt la victoire qui s’élève en emmenant la captivité captive… Mais qu’ajouterais-je encore ? Comment passer en revue des sujets qui sont innombrables ? La coupe n’est-elle pas pleine de bénédictions, de louanges inépuisables ?
Tel est le culte. Irions-nous le troubler par l’exercice des dons ? Jamais je n’ai été plus profondément humilié dans ma vie, que le jour où j’entendis un frère exprimer dans le culte la pensée que « la table du Seigneur est le lieu où les dons se font valoir » ! Non, la table du Seigneur n’est pas ce lieu-là et nulle action dans le culte ne devrait jamais sortir des conditions, très importantes du reste, que nous avons faiblement cherché à caractériser.
II
La réponse à la seconde question, au sujet de l’intercession dans le culte, est très simple. Jamais l’intercession ne devrait être ni absente, ni bannie du culte. Les saints glorifiés dans le ciel, ces anciens qui rendent culte autour de l’Agneau immolé, en un temps futur, caractérisé par les « âmes sous l’autel » et les saints persécutés ici-bas, se présentent non seulement avec des harpes, mais avec des « coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints ». Telle est de même aujourd’hui la vraie intercession en faveur des saints dans le culte. Mais l’intercession, quoique présentant ici et en bien des cas un objet restreint, n’a de fait point de limites, ou plutôt ne s’arrête qu’aux bornes de la terre. J’exhorte avant toutes choses, dit l’apôtre, à ce qu’on fasse « des supplications, des prières, des intercessions, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont haut placés ». Et plus loin : « Je veux donc que les hommes prient en tout lieu » (1 Tim. 2, 1, 2, 8). Il n’y a donc aucune limite de personnes, ni de lieu pour l’intercession ; elle peut être présentée aussi bien dans le cabinet qu’en public, aussi bien dans les réunions d’édification que dans le culte autour de la table du Seigneur.
Il est cependant une restriction, à coup sûr profondément humiliante, apportée à l’intercession, et qui provient de nous-mêmes. Si l’état de l’assemblée est mauvais, s’il comporte un mal patent et non jugé, elle ne pourra pas plus intercéder qu’elle ne peut adorer. La coupe d’or est inséparable de la harpe ; elles s’associent ou s’excluent mutuellement, et il n’en est pas autrement s’il s’agit de l’individu. L’intercession suppose la communion. Quand cette dernière est interrompue par le péché, nous avons besoin d’intercession pour nous-mêmes, et c’est le rôle de notre Avocat. Alors notre rôle à nous est uniquement de confesser nos péchés à Celui qui est fidèle et juste pour nous les pardonner et « nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1, 9 ; 2, 1). Ensuite, la communion étant retrouvée, notre intercession peut avoir de nouveau libre cours. Abraham intercède quand il est sur la montagne, en communion avec l’Éternel ; il n’intercède pas quand il est descendu en Égypte ; même chez Abimélec (Gen. 20), il n’intercède, comme prophète, qu’après avoir été profondément humilié au sujet de sa conduite (v. 17).
- ↑ Plusieurs concluent de ces termes que Paul se servit du pain qui restait de la cène pour faire un repas sommaire.