Traité:Le dimanche

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

F. Prod’hom 1896

Le monde christianisé, en général, ainsi qu’un grand nombre de vrais chrétiens, considèrent le dimanche comme étant le sabbat. On applique au premier jour de la semaine les passages de l’Écriture qui se rapportent au septième, et, partant de ce point de vue erroné, on travaille à amener la sanctification du jour du repos. Et, si l’on voit des chrétiens même, comme cela arrive, hélas ! se livrer le dimanche aux mêmes travaux que dans la semaine, le scandale qu’on en éprouve est en rapport avec cette idée du sabbat, et non avec celle du dimanche.

D’un autre côté, de vrais chrétiens aussi, éclairés par la Parole, ont reconnu que le dimanche n’est pas le sabbat, qu’il n’est pas un jour imposé, et que le chrétien n’est pas sous la loi. Mais ils peuvent aisément être entraînés — s’ils n’ont pas bien examiné l’enseignement de l’Écriture sur ce sujet — à considérer le dimanche comme tout autre jour de la semaine, ce qui est également une grave erreur.

S’il est donc important pour le chrétien de comprendre, d’après la Parole, que le dimanche n’est pas le sabbat, il ne l’est pas moins de savoir, d’après la même autorité, ce qu’est le dimanche en lui-même.

Qu’est donc le dimanche ?

C’est le jour du Seigneur, ou plutôt la journée dominicale (Apoc. 1, 10)[2], le premier de la semaine. Il est intéressant de remarquer que notre mot français « dimanche » est dérivé de l’expression latine : « dies dominica », qui signifie « jour dominical », tandis que, dans d’autres langues, telles que l’allemand et l’anglais, le premier jour de la semaine est nommé « jour du soleil » (Sonntag, Sunday, etc.).

Mais d’où vient que ce jour soit « le jour du Seigneur » ? C’est parce que, dans les voies de Dieu, il a été choisi pour être le jour de la résurrection du Seigneur Jésus. C’est ce grand fait, accompli ce jour-là, qui l’a consacré comme étant spécialement Son jour.

Il est, en effet, bien remarquable qu’en cette année où le Seigneur a donné Sa vie, la fête de Pâque, qui, chez les Juifs, n’avait pas lieu toutes les années le même jour de la semaine, tombât cette fois sur la veille du sabbat. Les Juifs, contrairement à ce qu’ils auraient désiré (Matt. 26, 3-5), ont été obligés de conduire le Seigneur au supplice le jour même de la fête de Pâque, qui était un vendredi. Et c’est ainsi que Christ, l’Agneau de Dieu, notre Pâque, a été sacrifié ce jour-là, accomplissant ainsi le type. Mais pour les Juifs, ce fait soulevait des scrupules religieux. Ils avaient conduit Jésus de chez Caïphe au prétoire, devant le gouverneur romain ; mais ils ne voulurent pas y entrer pour ne pas se souiller, afin de pouvoir manger la Pâque (Jean 18, 28). Et le soir du vendredi, le sabbat commençant à six heures, ils demandèrent qu’on achevât les crucifiés, afin que les corps ne demeurassent pas sur les croix le jour du sabbat, jour qui cette fois était grand parce qu’il coïncidait avec la fête de Pâque (Jean 19, 31).

La volonté de Dieu était donc que le Seigneur donnât Sa vie un vendredi, et pas un autre jour, et qu’ainsi Il ressuscitât le premier jour de la semaine, et non pas le second, ni aucun des suivants, et encore moins le septième. Combien il était solennel pour les Juifs que le Seigneur passât le jour du sabbat dans le tombeau, le sabbat étant aussi le signe de l’alliance de l’Éternel avec le peuple (Ex. 31, 13-17 ; Éz. 20, 12 ; etc.) !

Le sabbat se trouve être ainsi la fin et la clôture d’une période. Quant aux fêtes juives, nous trouvons des périodes de sept jours, sept semaines, sept mois, sept années, sept semaines d’années[3]. Dans la pensée de Dieu, cela préfigurait pour Son peuple le grand sabbat millénaire à venir, glorieuse clôture de toutes les voies de Dieu à l’égard d’Israël, et précédant la fin de l’existence de la terre actuelle.

Si le sabbat est la clôture d’une période, le premier jour de la semaine est nécessairement le commencement ou l’ouverture d’une autre. Or la résurrection du Seigneur Jésus, le premier jour de la semaine, a été l’inauguration de l’ère éternelle. La vie éternelle pour nous, enfants de Dieu, a son point de départ dans la résurrection du Seigneur. Elle est pour nous la fin de la mort.

Il est bien remarquable de trouver dans les fêtes juives des indices de l’ouverture du nouvel état de choses dont nous parlons. La gerbe des prémices de la moisson devait être tournoyée devant l’Éternel le lendemain du sabbat, c’est-à-dire le premier jour de la semaine (Lév. 23, 11). Sept semaines plus tard, l’offrande du gâteau nouveau se faisait le lendemain du septième sabbat ; c’était donc encore le premier jour de la semaine (Lév. 23, 15-21). Ensuite la fête des tabernacles, qui fermait la série des fêtes de l’année, et qui durait sept jours, avait un huitième jour, qui semblait annoncer l’ouverture d’une période indéfinie. Les termes dans lesquels il est institué sont remarquables : « Le huitième jour, vous aurez une sainte convocation, et vous présenterez à l’Éternel un sacrifice fait par feu : c’est une assemblée solennelle ; vous ne ferez aucune œuvre de service » (Lév. 23, 36) ; aussi voyons-nous qu’en Jean 7, 37, ce jour est appelé la grande journée de la fête.

Tout cela nous dit l’importance qu’a aux yeux de Dieu la résurrection du Seigneur Jésus comme inaugurant un nouvel état de choses, et nous y voyons aussi que le jour choisi entre les sept de la semaine, pour être le jour de la résurrection, devait coïncider, quant à son rang, avec la grande pensée divine du commencement d’une chose nouvelle.

Sept jours avant la résurrection du Seigneur Jésus, le premier jour de la semaine n’avait rien de particulier, sinon qu’il était le premier, en contraste avec les six autres jours, et il en avait été de même depuis la création. Mais le jour où le Seigneur est sorti du tombeau a été consacré, en sa qualité de premier des sept jours, comme étant le premier dimanche, le jour du Seigneur. À partir de ce jour-là, chacun des premiers jours des semaines, cinquante-deux par année, a pour le chrétien ce caractère de jour consacré par la résurrection du Seigneur, comme étant Son jour.

Nous avons plusieurs témoignages de ce fait dans les écrits du Nouveau Testament. Ce fut le soir du premier dimanche, que le Seigneur ressuscité apparut au milieu des disciples rassemblés. Il sanctionnait par Sa présence ce qu’était dans Sa pensée le rassemblement des siens ce jour-là. Huit jours après, le Seigneur se trouva de nouveau au milieu des disciples. Il avait laissé s’écouler toute la semaine sans voir Thomas, attendant que celui-ci se trouvât, le second dimanche, avec les disciples rassemblés (Jean 20, 19-29).

C’est ce jour que choisirent, en connaissance de cause, les disciples qui se trouvaient dans les pays gentils, pour se réunir dans le but exprès de rompre le pain (Act. 20, 7). Les chrétiens seuls se rassemblaient ce jour-là, et il n’y avait que de vrais chrétiens dans ces rassemblements. Les Juifs se réunissaient dans leurs synagogues le jour précédent, jour du sabbat. Les païens avaient leurs fêtes respectives aux jours convenus. Mais le dimanche, jour du Seigneur, ne concernait que les chrétiens.

Paul et ses compagnons profitaient des jours de sabbat pour annoncer Christ dans les synagogues des Juifs. Il saisissait les occasions de prêcher aux Gentils[4] sur les places publiques et ailleurs, quel jour que ce fût. Mais le dimanche, l’apôtre n’aurait pas été évangéliser Juifs ou Gentils, à l’heure où les chrétiens étaient réunis pour la fraction du pain. Il était là avec eux. Le but du rassemblement, dont il est parlé en Actes 20, 7, n’était pas de profiter de la présence de l’apôtre ce jour-là. Il avait passé sept jours en Troade ; un de ces jours était un dimanche, et c’est lui qui, ce jour-là, se réunit avec eux. Sa présence au milieu d’eux dérangea plutôt, semble-t-il, le cours ordinaire de la réunion, et retarda le moment de la fraction du pain, parce qu’il avait beaucoup à dire aux frères, qu’il devait partir le lendemain, et qu’il pensait ne pas les revoir (v. 25).

Le même apôtre, écrivant aux Corinthiens, au sujet d’une collecte générale en faveur des saints, leur prescrit, comme il l’avait fait aux assemblées de Galatie, de mettre à part, chacun chez soi, le dimanche, ce qu’il donnerait selon selon qu’il aurait prospéré (1 Cor. 16, 1, 2). Cela prouve que ce jour, étant reconnu comme le jour du Seigneur, on avait le loisir de considérer comment on avait prospéré pendant la semaine écoulée, et qu’au lieu de continuer ce jour-là à vaquer à ses propres affaires temporelles, on s’occupait paisiblement de celles du Seigneur, parce que c’était Son jour.

Enfin, il n’est pas sans importance de remarquer que le Seigneur a choisi un dimanche pour donner à Jean l’Apocalypse, la révélation de Jésus Christ. Il est possible que l’apôtre bien-aimé, exilé et isolé à Patmos, fût ce jour-là en communion d’esprit avec les saints, qu’il savait être rassemblés pour rompre le pain, partout où l’évangile avait été annoncé et cru. Mais ce fut l’occasion de nous donner le nom scripturaire de ce premier jour de la semaine, savoir le jour du Seigneur, ou journée dominicale (Apoc. 1, 10).

Remarquons encore que l’apôtre Paul, écrivant aux Corinthiens au sujet de la cène, la nomme la cène dominicale, ce qui distingue le souper du Seigneur de tout autre repas. De même le nom de dimanche, journée dominicale, distingue le premier jour des six autres.

Toutes ces considérations scripturaires montrent assez que le jour du dimanche s’impose au cœur et à la conscience du chrétien, d’une manière bien plus précieuse et bien plus puissante, que s’il était un jour dont l’observation serait rendue obligatoire par une loi. Un jour mis à part comme privilège est plus précieux qu’un sabbat imposé. Le cœur attaché au Seigneur est heureux de Lui reconnaître Son jour. C’est le sien et non pas le nôtre. Nous ne pouvons donc pas en disposer à notre gré : il est au Seigneur. Nous devrions être heureux et reconnaissants de l’employer à Son service.

C’est pourquoi, pour le cœur qui a compris la pensée de Dieu à l’égard de ce jour, s’abstenir le dimanche de travailler de ses mains, de vendre et d’acheter, de faire des voyages de plaisir, etc., comme aussi le fait de ne s’absenter des réunions que pour des raisons majeures, tout cela devient une obligation bien plus positive que s’il y avait cent textes formels pour l’établir.

C’est mauvais signe lorsqu’un chrétien demande : « Montrez-moi un passage qui défende au chrétien de travailler le dimanche, de vendre et d’acheter, de faire des voyages de plaisir, etc. ».

On pourrait lui répondre : « Votre cœur n’est pas attaché au Seigneur, et vous ignorez la portée de la résurrection du Seigneur Jésus, ainsi que l’importance que Dieu a donnée au fait que cette résurrection a eu lieu le premier jour de la semaine et pas un autre, et que, par là, ce jour a été consacré comme étant le jour du Seigneur ».



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1896.
  2. L’expression dans l’original diffère de celle qui est employée pour désigner le jour du Seigneur, c’est-à-dire la période de temps où Il exercera le jugement sur le monde (2 Pier. 3, 10 ; 1 Thess. 5, 2).
  3. L’auteur veut dire que le sabbat était le septième jour ; la fête des premiers fruits, la septième semaine après Pâque ; la fête des tabernacles, le septième mois ; et avec la septième année, une année de repos ; et le jubilé, à la fin de sept fois sept ans.
  4. Et aux Juifs, s’il s’en trouvait parmi eux.