Études Scripturaires:L’année sabbatique et le Jubilé/Partie 1

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L’année sabbatique

Qui est-ce qui pourrait encore douter de la divinité des Écritures, s’il lisait sans prévention et avec simplicité de cœur un chapitre tel que celui-ci ? Quel autre que le Dieu créateur a pu parler de cette manière, a pu donner à un peuple de semblables ordonnances ? Imaginez le plus puissant des rois de la terre, Nebucadnetsar ou Alexandre, César-Auguste ou Charlemagne, prescrivant à ses sujets de laisser la terre en friche, chaque septième année ; d’interrompre alors tous les travaux de l’agriculture, et leur promettant néanmoins l’abondance… chacun n’aurait-il pas le droit de se récrier contre l’absurdité barbare d’une pareille loi ? Ne serait-ce pas décréter la disette en permanence ? exposer, quatre fois par génération d’hommes, tout un peuple à mourir de faim ?

Ah ! non, Dieu seul, le Créateur de toutes choses, Celui qui ouvre Sa main et rassasie toute créature, a pu dire : « Pendant six ans tu sèmeras ton champ, et pendant six ans tu tailleras ta vigne, et en recueilleras le rapport. Mais la septième année, il y aura un sabbat de repos pour la terre ; ce sera un sabbat à l’Éternel ; tu ne sèmeras point ton champ et ne tailleras point ta vigne. Tu ne moissonneras point ce qui sera provenu de soi-même, de ce qui sera tombé en moissonnant, et tu ne vendangeras point les raisins de ta vigne non taillée[1] ; ce sera l’année du repos de la terre ».

En effet, Dieu seul peut résoudre les doutes, calmer les inquiétudes, dissiper les angoisses de ceux qui reculent devant une telle ordonnance et qui disent : « Que mangerons-nous en la septième année, si nous ne semons point et si nous ne recueillons point notre récolte ? ». Dieu seul peut leur répondre : « Je commanderai à ma bénédiction de se répandre sur vous en la sixième année, et la terre rapportera pour trois ans… et vous mangerez du rapport du passé jusqu’à la neuvième année ».

Dieu seul peut dresser la table à Son peuple dans le désert ; Il l’a fait pendant quarante ans, dans le grand désert, en envoyant chaque matin du ciel la manne pour nourrir Israël ; Il l’a fait encore en rassasiant, par deux fois, dans un lieu désert, des milliers de personnes avec quelques pains d’orge et quelques petits poissons ; Il le fera encore une fois en nourrissant, dans le désert, la femme pendant mille deux cent soixante jours (Apoc. 12, 6).

Sans doute Il a ordonné et infligé le travail à l’homme, comme une des conséquences du péché ; Il lui a dit : « Tu mangeras le pain à la sueur de ton visage ». Mais Dieu qui peut, quand il Lui plaît, suspendre les lois de la nature, peut aussi, quand Il le veut, suspendre une loi telle que celle dont nous parlons.

Quoique la sagesse et la bonté de Dieu aient lié, pour l’homme, le droit de manger au travail (2 Thess. 3, 10), il n’en est pas moins certain que ce n’est pas le travail de l’homme qui lui procure son pain. L’homme aurait beau labourer la terre, semer, planter, arroser, si le Créateur n’envoyait pas les pluies, les rosées et les saisons fertiles ; s’Il ne donnait pas l’accroissement, tout le labeur de l’homme serait complètement inutile. Il est donc tout aussi certain, d’un autre côté, qu’ici comme à tout autre égard, Dieu, quand Il le veut, peut se passer du travail de l’homme. Il n’a nul besoin du concours de la créature pour la nourrir ; et c’était là, nous le pensons, une première leçon que l’Éternel voulait donner à Son peuple en lui prescrivant l’année du repos de la terre.

Par là même, les enfants d’Israël devaient apprendre à se confier en Dieu, à vivre dans Sa dépendance, à s’attendre à Sa fidélité, à s’assurer, pour toute chose, en Ses promesses, en Sa puissance, et non pas en leurs propres forces. Quel admirable spectacle devait présenter ce peuple, tant qu’il eut assez de foi pour obéir à cette loi de son Dieu (et il en faut souvent plus pour attendre la délivrance sans rien faire que pour agir) ! Comme sa foi était récompensée ! Qu’il était beau de voir la promesse de Dieu se réaliser chaque sixième année, de telle sorte qu’alors la terre rapportait pour trois ans : pour cette sixième elle-même, pour la septième où l’on ne semait ni ne recueillait, pour la huitième où l’on ne moissonnait pas, mais où l’on recommençait à semer pour récolter seulement en la neuvième année ! Qu’il était beau de voir tout un peuple, ayant assez de confiance en son Dieu pour laisser ainsi le sol sans culture, et se trouvant néanmoins abondamment nourri ! Oh ! que la foi est admirable ; qu’il est doux de la voir en activité ; comme elle glorifie le Seigneur !

Et puis Canaan était tout spécialement la terre de Jéhovah, le pays d’Emmanuel. Les Israélites étaient comme Ses fermiers. Il voulait leur montrer qu’Il avait tout droit sur cette terre, en leur rappelant que Lui seul en était le propriétaire et le maître. « La terre est à moi, et vous êtes étrangers et forains chez moi »[2].

Si Canaan était la terre de Dieu, Israël était le peuple de Dieu ; issu d’une seule et même souche, d’un même père qui avait été l’ami du Seigneur et en considération duquel les Hébreux étaient et sont encore aimés. Les enfants d’Abraham étaient donc, dans l’intention de Dieu, une grande, une seule famille ; ils devaient s’envisager et se traiter comme des frères. Plusieurs de leurs institutions tendaient à leur rappeler ce fait et à leur faire revêtir des affections de fraternité les uns pour les autres : tel était évidemment, sinon le but essentiel et premier, du moins l’un des buts de leurs fêtes solennelles, comme la Pâque, par exemple ; tel était aussi l’un des buts de l’ordonnance de l’année sabbatique. Alors la terre de Dieu ou ses produits appartenait également à tous les habitants du pays. Nul ne pouvait moissonner son champ, ni vendanger sa vigne ; mais leur provenance servait d’aliment à chacun, aux Israélites, aux étrangers demeurant avec eux, à leurs bêtes et aux animaux du pays ; tout le rapport du sabbat de la terre était pour manger immédiatement. Ainsi, chaque septième année, on voyait un grand peuple réaliser sans difficulté ce qui fait depuis si longtemps, ce qui fait surtout de nos jours l’objet des rêves chimériques de tant de pauvres mondains. La communauté des biens ne peut s’établir que dans la famille de Dieu. Pour cela, il faut, comme ici, que Dieu la commande et la dirige ; ou bien que, comme en Actes 4, 32-37, une grande grâce soit accordée à ceux qui la mettent en pratique. Au reste elle existe de fait (d’une manière même plus bénie, en tant qu’elle n’exclut pas l’exercice de la foi de la part des pauvres) chez tout enfant de Dieu pour qui la vocation céleste de l’Église est une vérité d’expérience et l’attente du Seigneur Jésus l’objet de désirs journaliers. Lorsque nous savons que nous avons dans les cieux des biens meilleurs et permanents, et que, dans très peu de temps, Celui qui vient arrivera, nous pouvons accepter avec joie l’enlèvement de nos biens terrestres, à plus forte raison la communication de ces biens dont nous ne sommes que les administrateurs.

Enfin et surtout, cette institution se rattachait à toutes les ordonnances sabbatiques qu’elle complétait. Elle faisait partie de ces sabbats, dont Dieu disait, dans les reproches qu’Il adressait aux enfants d’Israël : « Je leur donnai aussi mes sabbats, pour être un signe entre moi et eux, afin qu’ils connussent que je suis l’Éternel qui les sanctifie » (Éz. 20, 12). En effet, il y avait plusieurs sabbats. Chaque septième jour ramenait le repos des pères, des enfants, des maîtres, des serviteurs, des étrangers et du bétail. Dès le lendemain du sabbat qui suivait la Pâque, on comptait sept semaines ou sept sabbats, au bout desquels on célébrait la fête des semaines ou la Pentecôte. Le septième mois était tout particulièrement le mois des sabbats et des fêtes. Au premier jour, il y avait repos et mémorial de jubilation, c’était la fête des trompettes ; le dixième jour était le grand jour des propitiations, c’était un sabbat bien solennel ; au quinzième jour commençait la fêtes des Tabernacles qui durait huit jours, dont le premier et le huitième étaient aussi des jours de repos. Plus qu’aucune autre cette dernière fête préfigurait le repos final du peuple de Dieu. — Après ces sabbats de jours et de mois, venait le sabbat d’années, où Dieu prescrivait le repos de la terre. Ce n’est pas ici le lieu de développer le sujet du sabbat ; nous nous bornons à rappeler qu’il renfermait l’idée, si précieuse pour nous aussi, de la participation au repos de Dieu. Pour Israël, il était un signe de l’alliance de Dieu ; en effet il était les arrhes de cette promesse : « Ma face ira, et je te donnerai du repos ». Rappelons encore que, toutes les fois que Dieu donne quelque nouveau principe ou quelque nouvelle forme de relation entre Lui et Son peuple terrestre, le sabbat est ajouté[3].

Recherchons maintenant, dans la Parole, quels étaient les détails de l’ordonnance relative à l’année sabbatique, nommée aussi l’année de relâche. Il en est fait mention, pour la première fois, en Exode 23, 10, 11, où nous voyons, clairement exprimé, l’un des buts que nous avons indiqués : « afin que les pauvres de ton peuple en mangent ». Dans Deutéronome 15, 1-15, il est encore parlé de l’année de relâche : « C’est ici la manière de la célébrer : que tout homme ayant droit d’exiger quelque chose que ce soit, qu’il puisse exiger de son prochain, donnera relâche et ne l’exigera point de son prochain ni de son frère, quand on aura proclamé le relâche en l’honneur de l’Éternel… Prends garde à toi, que tu n’aies dans ton cœur quelque méchante intention[4], et que tu ne dises : La septième année, qui est l’année de relâche, approche, et que ton œil étant malin contre ton frère pauvre, afin de ne lui rien donner, il ne crie à l’Éternel contre toi, et qu’il n’y ait du péché en toi. Tu ne manqueras point de lui donner, et ton cœur ne lui donnera point à regret ; car à cause de cela l’Éternel ton Dieu te bénira dans toute ton œuvre, et dans tout ce à quoi tu mettras la main ».

L’année sabbatique apportait donc encore ce bienfait signalé aux pauvres d’Israël. Elle était pour eux comme la quittance de toutes leurs dettes et mettait fin à toutes les exactions, dont ils pouvaient être les objets de la part de leurs frères.

Après quoi, nous avons, dans le même chapitre, l’affranchissement des esclaves, qui était aussi l’un des bénéfices de l’ordonnance du Jubilé : « Quand quelqu’un d’entre tes frères, soit hébreu soit hébreue, te sera vendu, il te servira six ans ; mais en la septième année tu le renverras libre de chez toi (cf. Exode 21, 2). Et quand tu le renverras libre de chez toi, tu ne le renverras point vide. Tu ne manqueras pas de le charger de quelque chose de ton troupeau, de ton aire et de ta cuve ; tu lui donneras de ce en quoi l’Éternel ton Dieu t’aura béni ». Les esclaves étaient donc renvoyés libres et avec un présent.

Enfin nous voyons, en Deutéronome 31, 10 et suivants, un acte important, qui devait se renouveler chaque septième année : « De sept ans en sept ans, au temps précis de l’année de relâche, en la fête des tabernacles, quand tout Israël sera venu pour comparaître devant la face de l’Éternel ton Dieu, au lieu qu’il aura choisi, tu liras alors cette loi devant tout Israël, eux l’entendant ». C’est probablement pour se conformer à cette ordonnance que Josué, Josias et Esdras lurent ou firent lire le livre de la loi à tout le peuple rassemblé.

Telle était en résumé l’institution de l’année sabbatique, à l’observation de laquelle, comme nous venons de le voir, de précieuses bénédictions étaient liées. — Le peuple de col roide ne tint pas grand compte, du moins pas longtemps, de ces bénédictions ; il ne tarda pas à transgresser cette ordonnance, comme les autres ordonnances de son Dieu ; il méprisa et profana bientôt les sabbats de Jéhovah, ceux d’années aussi bien que ceux de jours ; et ainsi il attira les jugements de Dieu. Il est hors de doute que le mépris du repos de la septième année fut une des iniquités des Juifs, qui amenèrent les soixante-et-dix ans de captivité à Babylone. — C’était là un accomplissement de cette menace de l’Éternel à Son peuple sous la loi : « Si vous ne m’écoutez point, et que vous ne fassiez pas tous ces commandements, et que vous rejetiez mes ordonnances… je vous disperserai parmi les nations, et je tirerai l’épée après vous, et votre pays sera en désolation et vos villes en désert. Alors la terre prendra plaisir à ses sabbats tout le temps qu’elle sera désolée ; et, lorsque vous serez au pays de vos ennemis, la terre se reposera, et prendra plaisir à ses sabbats. Tout le temps qu’elle demeurera désolée, elle se reposera, au lieu qu’elle ne s’était point reposée en vos sabbats lorsque vous y habitiez » (Lév. 26, 14, 15, 33-35). — Le second livre des Chroniques nous montre cette menace réalisée, quand il est dit au chapitre 36, 20, 21 : « Nebucadnetsar transporta à Babylone tous ceux qui étaient échappés de l’épée, et ils lui furent esclaves à lui et à ses fils, jusqu’au temps de la monarchie des Perses ; afin que la parole de l’Éternel, prononcée par Jérémie, fût accomplie, jusqu’à ce que la terre eût pris plaisir à ses sabbats, et durant tous les jours qu’elle demeura désolée, elle se reposa, pour accomplir les soixante-dix années ».

Voyez encore ce que Dieu dit au peuple, par la bouche de Jérémie (Jér. 34, 8-17), sur la non-observation d’une des ordonnances qui, comme nous l’avons vu, faisait partie de l’institution sabbatique : « Ainsi a dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Je traitai alliance avec vos pères, le jour que je les tirai hors du pays d’Égypte, de la maison de servitude, en disant : Dans la septième année vous renverrez chacun votre frère hébreu, qui vous aura été vendu ; il te servira six ans, puis tu le renverras libre d’avec toi ; mais vos pères ne m’ont point écouté, et n’ont point incliné leur oreille. Et vous vous étiez convertis aujourd’hui ; et vous aviez fait ce qui était juste devant moi, en publiant la liberté chacun à son prochain… Mais vous avez changé d’avis, et avez souillé mon nom ; car vous avez fait revenir chacun son serviteur, et chacun sa servante, que vous aviez renvoyés libres pour être à eux-mêmes, et vous les avez assujettis, afin qu’ils vous soient serviteurs et servantes. C’est pourquoi ainsi a dit l’Éternel : Vous ne m’avez point écouté pour publier la liberté chacun à son frère, et chacun à son prochain ; voici, je vais publier, dit l’Éternel, la liberté contre vous à l’épée, à la peste et à la famine ; et je vous livrerai pour être transportés par tous les royaumes de la terre ».

La captivité de Babylone eut quelques résultats extérieurs qu’il ne faut pas méconnaître : elle inspira aux Juifs l’horreur des dieux étrangers, auxquels leurs pères avaient si souvent sacrifié. C’est ce que veut dire le Seigneur Jésus dans la parabole de l’esprit impur qui est sorti d’un homme. L’homme figurait évidemment « la génération méchante » au milieu de laquelle Jésus vivait. Or quand le démon retourne dans la maison d’où il est sorti, il la trouve vide et balayée des souillures de l’idolâtrie (Matt. 12, 43-45).

À en juger par un fait que rapporte l’historien juif Josèphe, il paraît que le peuple de Juda, de retour de la captivité, serait aussi revenu à la fidèle observation de l’ordonnance relative à l’année sabbatique. Voilà ce fait : Le conquérant Alexandre le Grand, étant entré en ami à Jérusalem, demanda au souverain sacrificateur Jaddua, auquel il témoignait le plus grand respect, quelles faveurs les Juifs désiraient recevoir de lui. Jaddua répondit qu’ils le suppliaient de leur permettre de vivre selon les lois de leurs pères, et de les exempter, en la septième année, du tribut qu’ils lui payeraient durant les autres. Alexandre le lui accorda[5] ; et rien n’était plus juste. Les Juifs ne faisant aucune récolte cette année-là, il n’aurait pas été raisonnable d’exiger d’eux les contributions ordinaires.



  1. Littéralement : « les raisins de ta séparation », ou de « ta vigne dans son état de nazaréat » [allusion aux longs cheveux du nazaréen] ; ou encore « les raisins dans leur état de consécration » à Dieu.
  2. Voir encore 2 Chron. 7, 20 ; Ps. 39, 12 ; És. 8, 8 ; 14, 2, 25 ; Joël 2, 18.
  3. Voir pour le développement de ces pensées, une note, p. 130 ss. des Études sur la Parole, par J.N. Darby, t. 1.
  4. « Une parole de Bélial ». Voir Études Scripturaires n° 3.
  5. Flavius Joséphus. — Antiquités Judaïques, Livre 11, chap. 8.