Études Scripturaires:Faire et ne pas faire

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J.B. RossierSully  — 31 mai 1852

Tout ce qui ne provient pas de foi est péché.

Tous les docteurs qui méritent le nom de chrétiens, sont bien d’accord sur ce point, que rien n’est plus précieux, en pratique, que l’activité chrétienne chez les rachetés.

Il y a cependant entre eux des différences qui portent principalement sur la manière d’y exhorter les enfants de Dieu, puis sur l’intelligence de la nature même et des mobiles de l’activité dont nous parlons.

Nous savons qu’il y a dans le racheté, ici-bas, deux activités opposées : celle de la chair et celle de l’esprit filial. La chair ne se tient jamais volontairement tranquille, pas même lorsque le corps se repose. Et, cependant, il y a un repos selon l’Esprit. Il est très dangereux, pour le chrétien, d’agir ou de se tenir tranquille selon les pensées de la chair ; mais cela est infiniment plus dangereux encore, lorsqu’il fait l’une ou l’autre de ces deux choses sous l’influence de prétextes religieux. Il est toujours bon que l’énergie de l’Esprit de Dieu soumette la chair et la force à se tenir tranquille. C’est alors seulement que la foi agit dans l’amour et selon la volonté de Dieu, c’est-à-dire selon Sa Parole.

« Le cœur du sage discerne le temps et connaît ce qui est juste ». L’Esprit d’adoption cherche la volonté de Dieu dans le recueillement, dans la prière et dans la lecture de la Parole. Il est toujours sûr de la trouver et de la connaître, lorsqu’il a un sincère désir de la pratiquer et lorsqu’il ne veut rien autre que cette volonté. Mais, dans cette recherche, nous trouvons souvent qu’il faut plus de foi et plus de spiritualité pour se tenir tranquille que pour agir.

Il y a, pour les spirituels, un temps pour agir et un temps pour se tenir tranquilles, en repos et en espérance. Mais la chair n’aime point cela, car elle ne veut ni ne peut se soumettre à la volonté de Dieu. Il y a un temps pour agir et un temps pour penser, « un temps pour jeter des pierres et un temps pour les ramasser ». Le Saint Esprit nous porte au repos, à la prière et à la méditation, aussi bien qu’à l’action. Le chrétien n’est ni un Sisyphe ni un Juif errant, mais un étranger, qui traverse le monde, où il ne prend de repos que dans les haltes préparées pour lui par le Seigneur. Là encore il ne fait autre chose que la volonté du bon Berger qui le conduit, le guide, le nourrit, le rafraîchit et le soigne avec tendresse. « Je me coucherai et je dormirai aussi en paix ; car toi seul, ô Éternel ! me feras habiter en assurance ».

L’unique bonheur des enfants de Dieu, c’est de faire la volonté du Père, si toutefois leur cœur n’est gouverné que par l’Esprit d’adoption ou par l’Esprit filial. Jésus leur fournit sans cesse l’occasion, les moyens et la force de faire cette volonté, de même que, par l’Esprit, Il leur en inspire le désir. Mais si le chrétien manque d’intelligence, il risque, à tout moment, de ne suivre que ses propres pensées, soit dans l’action soit dans le repos. Ce qu’il nous faut, avant tout, c’est l’intelligence filiale et spirituelle de la grâce.

Si l’on me dit seulement : « il faut agir », on ne réveille en moi aucun des mobiles de la foi et de l’amour. C’est une loi qui excite la chair et m’expose ainsi à semer pour la chair. La moisson sera naturellement pour la corruption.

Si, au contraire, on rappelle à mon âme l’amour de mon Dieu et Père ou la grâce et les privilèges de ma vocation céleste en Jésus Christ, on me met en liberté pour vouloir, pour penser, pour aimer et pour agir selon Dieu, ou bien pour me tenir tranquille selon Lui. C’est toujours l’amour de Dieu envers nous qui est l’unique ressort de la foi et l’occasion qui la détermine à l’activité. Tendez ce ressort, mettez-le en mouvement, si vous voulez susciter chez les saints une action divine ou vraiment spirituelle. C’est ainsi que le Seigneur a disposé l’exhortation dans Sa Parole et nous n’avons qu’à L’imiter, si nous voulons être vraiment Ses disciples. Toutes les exhortations du Nouveau Testament découlent de l’amour du Dieu qui nous a aimés, rachetés, adoptés et glorifiés. Comment pourrions-nous vivre, marcher et courir vers le but de notre céleste vocation, si nous n’étions nourris, abondamment et sans cesse, de la grâce de Dieu, en Jésus Christ, à notre égard ?

Le Seigneur Jésus Lui-même a dit : « Travaillez… à la nourriture qui demeure pour la vie éternelle et que le Fils de l’homme vous donnera » (Jean 6, 27). Il s’agit là principalement de Sa chair qu’Il a donnée pour la vie du monde. C’est-à-dire que la foi en l’amour de Dieu est la seule véritable source, le seul point de départ et l’unique cercle du déploiement de l’activité chrétienne. Le travail de la foi et de l’amour consiste, au fond, à croire au Fils et à demeurer en Lui. En croyant, je travaille à la nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Soit que je mange, que je boive ou que je fasse quelque autre chose, soit que j’agisse ou que je me tienne tranquille, dès que je suis en communion avec le Chef et le Consommateur de la foi, je travaille à la nourriture qui demeure en vie éternelle. Hors de Lui, nous ne pouvons rien faire, quelque louables que soient les apparences de notre activité. C’est l’Esprit qui fait vivre ; la chair ne profite de rien. Aussi nous est-il toujours parlé du fruit de l’Esprit et de la moisson de l’Esprit, parce que, par notre union avec Jésus, « nous avons notre fruit en sanctification et pour fin la vie éternelle » (Rom. 6).

Je suppose que, croyant agir selon le Seigneur, un père de famille chrétien s’applique à enseigner à ses enfants le meilleur chemin pour gagner de l’or et de l’argent ou qu’il les instruise dans les ouvrages de l’art, des sciences et de l’imagination de l’homme. Un tel père aura peut-être agi beaucoup et longtemps d’après des intentions louables, selon le monde. Mais quelle récolte en retirera-t-il, lui et ses enfants, soit dans cette vie-ci, soit dans la vie à venir ! Nous n’avons pas besoin d’en tenter l’expérience. Salomon, le plus puissant et le plus fortuné des hommes, en a fait l’essai et après avoir possédé tout ce qu’un cœur naturel peut désirer, il nous a dit : « Mon cœur eut de la joie de tout son labeur et ce fut la part que je retirai de tout mon labeur. Mais quand je considérai tous les ouvrages faits par mes mains et le labeur dont je m’étais travaillé pour exécuter, je vis que tout est vanité et effort stérile et que rien ne profite sous le soleil — et je me dégoûtai de tout ce qui se passe sous le soleil ». Quel pénible dépouillement pour un vieillard qui cependant connaissait l’Éternel (Eccl. 1, 1-17) !

Faisons un compte utile. Mettons à part d’entre tous les fruits de notre activité, ici-bas, ceux qui sont réellement des fruits de l’Esprit, c’est-à-dire ceux qui seuls demeureront pour la vie éternelle et qui nous seront imputés devant le tribunal du Christ. Combien ne subirons-nous pas de pertes alors ? Nos meilleures intentions, nos principales résolutions, nos entreprises les plus vantées, nos plus grands efforts pour venir à bout de ces choses, tout cela sera fauché comme du chaume. Si ces fruits n’ont pas crû dans le jardin de la foi, ils ne résisteront pas à l’épreuve du feu qui les consumera. Cependant, l’on verra, dans le même temps, quelques âmes qui furent peut-être simples et obscures ici-bas, couronnées là-haut des fruits permanents de l’Esprit. Des milliers de beaux discours seront brûlés et des dizaines de pauvres petites prières reluiront comme des étoiles à perpétuité. Dieu ne reconnaît et ne récompense que les bénédictions saisies et réalisées par la foi en Jésus Christ. Tout ceci est une affaire d’intelligence spirituelle et de communion avec Dieu.

La Parole nous parle des fruits de l’Esprit en les opposant aux œuvres de la chair. Pourvu que celui qui sème et que celui qui moissonne ne le fassent que par l’Esprit, ils recevront un salaire et amasseront du fruit pour la vie éternelle. Tout le reste sera brûlé.

Christ nous a élus, nous aussi, je pense, afin que nous portions du fruit et que notre fruit demeure. Or Jésus n’est pas le cep de nos spéculations, de nos résolutions, ni de nos plans de campagne ici-bas. Ces pensées de l’homme naturel n’ont aucun rapport avec les sarments de la vraie vigne, qui tirent de Jésus seul leur vie, leur sève, leurs feuilles, leurs boutons, leurs fleurs et leurs fruits.

Finalement, « le jour » qui s’approche fera connaître ce qu’est l’œuvre de chacun. C’est pourquoi il est bon et convenable que nous nous exhortions mutuellement à l’amour et aux bonnes œuvres, mais seulement à celles que Dieu a préparées d’avance afin que nous marchions en elles. Rien ne peut me faire discerner ces œuvres-là, si ce n’est une intime communion, par l’Esprit, avec Celui qui me les a préparées. Si je vois devant moi des œuvres qui ne sont pas préparées par Dieu, la foi ne m’y poussera pas. Si elles sont préparées par Dieu, mais non pas pour moi, la foi et l’Esprit me feront encore rester tranquille. Et Celui qui me juge en toutes ces choses, c’est le Seigneur, pour la gloire duquel je veux vivre et mourir, agir et me tenir tranquille, en m’attendant à Lui et en attendant Son retour. Je compte toujours sur la souveraine sacrificature de Jésus quant à toutes mes fautes et à tous mes manquements dans ce précieux service. Car si je sais que les bonnes œuvres sont uniquement celles qui sont faites en Dieu, je sais aussi combien la chair est rusée pour me faire manquer l’occasion, soit en agissant d’après mes propres pensées, soit en m’abstenant d’entrer dans un chemin que Dieu m’aurait préparé afin que j’y marchasse.

Le dernier chapitre de l’évangile de Jean nous présente, en abrégé, divers genres d’activité chrétienne sous le regard du Chef ressuscité de l’Église. Jean et Pierre me frappent spécialement à ce point de vue. Le premier se tenait tranquille dans le sein de Jésus, lorsque Pierre voulait laisser sa vie pour Celui qui devait mourir pour lui. La crucifixion de la croix est une chose rare, en pratique. Avant la croix, Pierre était venu vers Jésus en la chair, puis il L’avait suivi. Alors Pierre, avec les meilleures intentions du monde, avait renié trois fois Jésus. Une chair faible, sans force quant au bien et un esprit naturel, c’est-à-dire, toujours prêt à entreprendre les volontés de la chair, voilà ce que la loi elle-même peut faire mouvoir dans l’homme. Et c’est aussi pourquoi la loi condamne l’homme qui est soumis à son régime.

Mais au-delà de la croix et sur le rivage de la terre de promesse, la spiritualité tranquille et active de Jean reconnaît de loin le Seigneur. Pierre se serait-il jeté à l’eau, s’il n’eût entendu Jean qui lui disait : « C’est le Seigneur » ? Jean reste à l’ouvrage tout en allant à la rencontre de Jésus. Sa spiritualité est bien plus le mobile, ou au moins l’occasion de l’activité de Pierre et cependant (quoique chaque chose, ici, soit bien à sa place), Jean agit autant que Pierre et, dans un sens, il agit plus utilement encore. Toutefois dès que le Seigneur commande qu’on apporte le produit de la pêche, c’est Simon Pierre qui, déjà rafraîchi et restauré par la contemplation de Jésus ressuscité, remontre sur la nacelle et met la dernière main à cette œuvre de puissance.

Avant la croix, Pierre n’avait pas pu suivre Jésus, quoique, de toutes les forces de son âme, il voulût l’entreprendre. Mais la connaissance de la croix a, maintenant, rendu Pierre capable de suivre joyeusement Jésus, même là où Pierre n’aurait pas voulu aller. Une chair mâtée et un esprit d’obéissance filiale, voilà ce que la grâce procure aux rachetés, qu’elle sauve ainsi par la sanctification de l’Esprit.

Jean suivait Jésus sans avoir eu besoin d’un ordre pour cela. Son bonheur était de se tenir tout près de son Maître. Le Seigneur, de son côté, sachant combien ce fidèle disciple comptait sur Son amour, lui témoigne Sa confiance, en cela même qu’Il ne lui donne pas, comme à Pierre, l’ordre de Le suivre. Pierre, à peine relevé de sa chute, avait, au contraire, besoin de toutes les preuves extérieures de la tendre vigilance de Jésus et ce bon Berger ne les lui épargne pas.

On voit, en Jean, la confiance et la simplicité de l’amour. Quoique faisant peu de bruit, il suit toujours Jésus. Il L’attend sans cesse et, ainsi, il Le reconnaît, même avant les disciples les plus zélés ; son intimité avec Jésus lui donne seule une telle supériorité. L’amour est calme et il jouit de son objet. Il fait peu d’expériences pénibles comme celles de Pierre. L’amour parfait de Jésus bannit toute crainte dans Son disciple. Il tue aussi l’activité de la chair.

Jean n’est ni jaloux de Pierre ni inquiet pour son frère qui marche à la mort. Pierre, au contraire, s’inquiète pour Jean, tandis que celui-ci ne s’occupe que de Jésus, demeurant parfaitement tranquille et en repos, tout en suivant le Maître qu’il a l’habitude d’écouter et de contempler.

Nous ne sommes jamais assez pénétrés de la conviction que nous ne sommes rien et que Jésus est tout. C’est pourquoi nous ressemblons ordinairement à des écoliers qui emploient une grande activité à tracer une foule de lignes, parmi lesquelles l’œil du maître distinguera à peine deux ou trois jambages acceptables. Ainsi, l’on recommence toujours pour finir par jeter tous les cahiers au feu, tandis qu’en considérant plus attentivement le modèle, nous entreprendrions moins de lignes et moins de pages, mais nous ferions plus d’honneur au modèle et au précepteur.

« Mon cœur me dit de ta part : Cherchez ma face. Je chercherai ta face, ô Éternel ! ». « Quel autre ai-je au ciel ? Or je n’ai pris plaisir, sur la terre, en rien qu’en toi seul ».