Livre:Études sur la Parole — Cantique des cantiques
destinées à aider le chrétien dans la lecture du saint LivreJ.N. Darby
Ce livre considère le Juif, ou au moins le résidu, sous un tout autre aspect. Il dit les affections que le roi peut créer dans leur cœur et par lesquelles il les attire à Lui. Quelle qu’en soit la force, ces affections ne sont pas développées selon la position dans laquelle se forment les affections chrétiennes proprement dites. En voici la différence : elles n’ont ni le calme profond, ni la douceur profonde d’une affection découlant d’une relation déjà formée, déjà connue et pleinement appréciée ; d’une affection dont le lien est formé et reconnu, et qui compte sur la pleine et constante reconnaissance de cette relation ; d’une affection dont chaque partie jouit, comme d’une chose certaine dans le cœur de l’autre. Le désir de quelqu’un qui aime et qui veut le cœur de celui qui est aimé, n’est pas l’affection douce, entière et formée d’une épouse avec laquelle le mariage a créé un lien indissoluble. Dans le premier cas, la relation n’est qu’un désir, conséquence de l’état du cœur ; dans le second, l’état du cœur est la conséquence de la relation. Or, quoique les noces de l’Agneau ne soient pas encore arrivées, néanmoins, à cause de la révélation qui nous a été faite et de l’accomplissement de notre salut, ce dernier caractère d’affection est ce qui est propre à l’Église. Grâces et gloire en soient rendues à Dieu ! Nous savons qui nous avons cru. Cependant la force et l’énergie du désir sont maintenues, parce que la gloire et les noces de l’Agneau sont encore à venir. Quelle position que celle de l’Église ! D’un côté la parfaite confiance dans la relation, de l’autre l’attente pleine d’ardeur de la fiancée du Seigneur, dont l’amour, cependant, est bien connu, attente qui se lie à la gloire dans laquelle Il viendra la recevoir pour Lui-même, afin qu’elle soit pour toujours avec Lui.
Pour le Juif, ce n’est pas cela. L’important pour lui, c’est de savoir que son Bien-aimé est à lui. Voilà la question. Qu’il y ait un principe commun, cela est vrai. Christ aime l’Assemblée, Il aime Son peuple terrestre, Il aime l’âme qu’Il attire à Lui ; de sorte qu’il y a pour nous une application morale très précieuse. Cependant il nous importe de distinguer et de ne pas appliquer à l’Église ce qui se rapporte à Israël, sinon nous fausserions nos affections, et nous manquerions à ce qui est dû à Christ.
Le Cantique des cantiques donne donc le rétablissement des rapports entre Christ et le résidu, afin que, par les exercices du cœur nécessaires à sa position, le résidu soit affermi dans l’assurance de son amour, et dans la conscience que tout est grâce, et une grâce qui ne peut manquer. Alors, le Christ est pleinement connu comme Salomon ; Son cœur devient le chariot de Son peuple de franche volonté (Amminabib) qui l’emporte.
Le chapitre 8, 1 nous offre un passage qui peut servir à exprimer l’état d’esprit dont il est question dans ce livre : « Oh ! que tu fusses pour moi comme un frère… Si je te trouvais dehors, je t’embrasserais ! ». Cependant, l’Esprit de Dieu voulant donner au cœur du résidu l’assurance de l’amour du Sauveur, le besoin que le cœur a de posséder son Bien-aimé ne se tait pas jusqu’à ce qu’il Le possède. Le cœur s’assure selon l’opération de l’Esprit prophétique ; car, effectivement, Christ est pour le résidu et le résidu est pour Lui. C’est le fondement de tout ; mais, ainsi que cela se trouve dans d’autres passages, en pareil cas le cœur a besoin d’être rassuré.
Ayant ainsi montré l’idée générale, nous ferons remarquer quelques traits développés dans le cours de ce livre et qui ont une importance morale d’un haut intérêt pour nous.
Le premier chapitre présente, de la manière la plus simple et la plus claire, l’assurance de la pleine jouissance de la bénédiction. Mais, quoique l’affection existe, tout est caractérisé plutôt par le désir que par la paix. Après cela, on trouve les exercices du cœur qui amènent la pleine intelligence de l’affection du Bien-aimé. Et il y a progrès dans cette intelligence, et cela malgré des fautes et une paresse de cœur qui donnent une nouvelle valeur à l’affection qui est en exercice. Cette manière d’instruire se trouve dans les Psaumes, où les premiers versets donnent constamment le thème et le résultat où l’on arrive à travers les circonstances dépeintes dans ce qui suit. Outre le calme de l’affection qui subsiste dans une relation connue, il y a une autre marque d’une affection en exercice, quand la relation n’est pas établie formellement. Les qualités du Bien-aimé, ses traits occupent le cœur. Lorsque, au contraire, on possède l’objet, c’est l’objet même qui occupe. Les qualités rendent heureux sans doute ; mais en en jouissant à cause de notre position, on pense à la personne qui les manifeste. La grâce, la bonté, ou telle autre qualité, attire le cœur ; il en est occupé ; c’est la personne même à laquelle on pense, dont les qualités sont, pour ainsi dire, maintenant en nous.
La bien-aimée parle beaucoup ici des qualités de son Bien-aimé, et elle aime à en parler à d’autres. Mais, dira-t-on, le Bien-aimé le fait davantage, bien qu’Il sache en quelle relation Il se trouve avec elle. C’est vrai ; mais comme elle n’est pas encore dans cette relation, Il est obligé de la rassurer à l’égard du prix qu’elle a à Ses yeux. Aussi, Il le lui dit constamment à elle-même. Au reste, cela convient à la position d’homme et de femme, et d’autant plus qu’il s’agit réellement de Christ Lui-même. En un certain sens, Christ se suffit à Lui-même ; Il n’a nullement besoin de parler à d’autres de ce qui est dans Son cœur. Son amour est un amour de grâce ; mais il est infiniment précieux pour nous, lorsque, indignes de tout, nous pourrions douter de la possibilité de Son affection, dont le prix même donnerait lieu à des doutes ; il est très touchant, aussi bien que très précieux, de Le voir faire sentir quel prix Sa bien-aimée a pour Son cœur, qu’Il la trouve d’une beauté parfaite pour Lui, que tous ses traits Lui sont connus, qu’un regard Lui a ravi le cœur, que Sa colombe, Sa parfaite, est unique, et qu’il n’y a pas de tache en elle. Il y a une grâce parfaite dans ce rassurant témoignage de l’Époux. C’est la principale partie de Son discours. C’est ce dont le cœur de l’épouse avait besoin. Il y a beaucoup plus de variété dans les exercices de son cœur, dans les manquements mêmes, et dans les peines qui sont la suite de ses fautes. Il y a aussi dans son assurance un progrès évident. Le Cantique commence par la déclaration, de la part de l’époux, du besoin que son cœur a de ce témoignage. Elle reconnaît qu’elle est noire, ayant passé par l’ardeur du soleil brûlant de l’affliction. Elle cherche son abri auprès de son Bien-aimé, qui fait reposer Son troupeau sur le midi. Elle veut être à Lui seul. Elle craint maintenant d’errer au milieu des bergers d’Israël. Mais si l’Esprit du Seigneur lui rappelle ces anciens témoignages de la loi et des prophètes, son cœur ne se tait pas, et le cœur du Bien-aimé s’épanche en lui témoignant la valeur qu’elle a à Ses yeux. L’à-propos de tout ceci à l’égard du résidu aux derniers jours, est évident. Le reste du chapitre contient des témoignages d’affection qui nous donnent l’idée du thème du livre.
Les six premiers versets du chapitre 2, hormis le second, sont, il me semble, la voix de la bien-aimée. On les a pris autrement, mais à tort, je crois. Remarquons ici que Christ est le pommier ; cela nous aidera plus tard. Au reste, le Bien-aimé parle d’elle-même. Elle saisit, en théorie, sa relation, et parle principalement d’elle-même ; mais il y a une vraie affection. L’Époux ne veut pas qu’elle soit troublée[1], lorsqu’elle se repose en toute confiance en Son amour. Sa voix à Lui, la seule qu’elle écoute maintenant, la réveillera. C’est Lui-même qui lui dit de se lever ; que l’hiver, ce temps de deuil et de misère, est passé. Il veut aussi ouïr sa voix. Ainsi le cœur de la bien-aimée est rassuré, son Bien-aimé est à elle.
Combien tout cela montre le réveil des affections divines et de la confiance du résidu qui a, pendant si longtemps, appris ce que c’est que d’être privé de la face de l’Éternel, et à quel point l’inextinguible amour de Celui qui pleura sur Jérusalem s’exerce pleinement dans les voies les plus bénies pour éveiller cette confiance et rassurer le cœur du peuple affligé. Cela me semble singulièrement beau ; ce n’est pas une instruction quant aux circonstances ou qui soit en rapport avec la responsabilité, c’est la grâce — la propre relation de Christ (de l’Éternel) avec Israël.
Chapitre 3. — Vient une autre attitude, un autre sentiment du cœur. Elle est seule et dans les ténèbres. Elle cherche son Bien-aimé et ne Le trouve pas. L’affection y est, mais non la joie. Elle interroge les gardes qui font la ronde dans Jérusalem. À peine avait-elle passé plus loin qu’elle L’a trouvé. Il veut encore qu’elle se repose dans Son amour ; mais tout ceci seulement prophétiquement et en témoignage, pour le bonheur de ceux qui ne Le possèdent pas encore, en leur montrant ce qu’Il est pour eux. L’Esprit prophétique fait voir alors l’Époux montant du désert avec Son épouse, où (comme Moïse avec Israël) Il a été en esprit avec elle. Ce chapitre confirme l’application à Israël. Dans sa solitude elle cherche le Messie, et après s’être informée auprès de ceux qui font le guet, elle trouve bientôt Celui que son âme aimait, et elle L’amène au milieu d’Israël, car pour Israël le Fils était né[2], quoique dans une nouvelle relation. Là, Il maintient son repos, et là, autre côté du tableau, le vrai Salomon monte du désert couronné maintenant, au jour de ses fiançailles, et au jour de la joie de son cœur, par cet Israël qui l’avait rejeté.
Au chapitre 4, Il témoigne tout ce qu’elle est à Ses yeux, quoiqu’elle ait été dans les tanières des lions. C’est là que, entièrement belle et sans tache à ses yeux, Il l’appelle. Son cœur trouve Ses délices en elle. J’estime qu’il y a une belle perfection morale de pensée en ce que l’épouse ne parle jamais des perfections de l’Époux à Lui-même comme si elle avait à L’approuver ; elle parle de Lui pleinement, exprimant ses propres sentiments à d’autres, mais non à Lui. Il parle librement et abondamment d’elle à elle-même pour l’assurer qu’Il trouve en elle Ses délices. Cela est pour nous d’une application très précieuse quand nous pensons à Christ et à notre relation avec Lui.
Le chapitre 5 nous donne une autre expérience. L’intimité s’était formée par le témoignage de l’affection de l’Époux. Le cœur rassuré, sûr de Son amour, montre sa paresse. Hélas ! quels cœurs nous avons ! Nous retournons à notre égoïsme aussitôt que nous sommes soulagés par le témoignage de l’amour du Seigneur. Le cœur sensible et juste de l’Époux agit sur la parole de la bien-aimée, et s’éloigne de celle qui n’écoute pas Sa voix. Elle se lève pour faire l’expérience de sa propre folie et de la juste délicatesse de Celui qu’elle a négligé, ainsi que de Ses voies envers elle. Que de fois, hélas ! nous agissons ainsi à l’égard de la voix de Son Esprit et des manifestations de Son amour ! Quelle perte affreuse ; mais, par la grâce, quelle leçon ! Elle est châtiée par ceux qui veillent sur la paix de Jérusalem. Qu’avait-elle à se promener de nuit dans les rues, elle que l’Époux avait voulu reconnaître chez elle ? Son affection même l’expose maintenant à la répréhension, en la plaçant, par l’expression de son énergie, dans une position qui montrait qu’elle avait négligé son Bien-aimé. Si nous ne sommes pas dans la paisible jouissance de l’amour de Christ, là où Il vient se rencontrer en grâce avec nous, l’énergie même de notre affection et le blâme que nous portons sur nous-mêmes, nous font exposer cette affection hors de sa place en un certain sens, et nous mettent en rapport avec ceux qui jugent notre position. C’est pour un guet la discipline convenable à exercer envers la femme qui erre hors de chez elle, quelle que soit la cause de cette conduite. Les témoignages de son affection pour le Bien-aimé chez elle, l’amour de son cœur ne concernent pas le guet ; c’est de l’ordre et d’une marche bienséante qu’il a à s’occuper ; bien que l’affection soit là. Cependant son affection était réelle ; elle donne occasion à l’expression ardente de tout ce que son Bien-aimé était pour elle, expression adressée à d’autres qui devaient la comprendre, non au guet, mais à ses propres compagnes. Mais si la paresse l’a empêchée de Le recevoir dans les visitations de Son amour, son cœur, discipliné par le guet, revenu à son Bien-aimé et s’épanchant dans ses louanges, sait, étant enseigné de Dieu, où Il se trouve.
Et cette expérience fait comprendre par grâce à la bien-aimée, un autre côté de ces relations qui constate un véritable progrès dans l’intelligence de la grâce et dans l’état du cœur. Ce n’est plus son désir qui veut posséder l’objet pour elle-même, c’est la conscience qu’elle Lui appartient. « Je suis à mon Bien-aimé ». C’est un progrès très important. L’âme qui a besoin de salut, besoin de satisfaire à des affections nouvellement éveillées, crie, dès qu’elle en est assurée : « Mon Bien-aimé est à moi ! ». Ayant fait une plus profonde expérience d’elle-même, elle se reconnaît être à Lui. Ainsi, quant à nous, ce n’est pas : « Nous avons trouvé celui duquel les prophètes ont écrit » ; mais : Nous ne sommes pas à nous-mêmes, car nous avons « été achetés à prix ». Être ainsi à Christ, en ne pensant plus à soi, c’est le bonheur de l’âme. Ce n’est pas que l’on perde le sentiment du bonheur que l’on a de posséder le Sauveur, mais l’autre sentiment, celui d’être à Lui, a pris la première place.
Le Bien-aimé rend de nouveau témoignage au prix qu’a la bien-aimée à Ses yeux. Mais, ici aussi, il y a une différence. Auparavant, en parlant d’elle, Il avait ajouté à la douceur et à la beauté de son regard toutes les grâces qui se trouvaient en elle ; le miel qui découlait de ses lèvres ; les fruits délicieux qui se trouvaient en elle ; les doux parfums qu’Il appelle le souffle de l’Esprit à lui faire exhaler. Il ne répète pas ces choses ; Il dit ce qu’elle est pour Lui. Ayant redit sa beauté personnelle, c’est ce qu’elle est en elle-même pour Lui que Son cœur exprime. « Ma colombe, ma parfaite, est unique ». Son affection ne trouve qu’elle. Rien ne peut lui être comparé. Il y en a bien d’autres, mais elles ne sont pas celle qu’Il aime. La personne du Seigneur remplit le cœur qui a été ramené à Lui. Le regard et les grâces de l’épouse sont le sujet du témoignage de l’Époux. Au reste, pour Lui, il n’y a que celle-là, l’unique de sa mère. Il en sera ainsi du résidu d’Israël aux derniers jours, comme aussi, en Esprit, il en est ainsi pour nous.
La réception de Christ et Son union avec ce résidu à Jérusalem, sont dépeintes d’une manière frappante dans ce qui suit. Ce n’est plus le Bien-aimé qui, en gloire et en amour, monte du désert, où Il s’est associé avec Son peuple. C’est la bien-aimée qui, belle comme la lune, paraît sur la scène, brillante de gloire et redoutable comme des troupes sous leurs bannières déployées. Le Bien-aimé est descendu pour voir les fruits de la vallée qui mûrissent, et pour voir si Sa vigne bourgeonne. Avant qu’Il s’en aperçoive, Son amour l’a fait être comme les chariots de son peuple de franche volonté (comp. Ps. 110, 3). Il les conduit en gloire et en triomphe. Il avait cherché en eux les fruits de la grâce ; mais, descendu pour cela, Il les élève en gloire. C’est seulement lorsque Son peuple sera pleinement placé en grâce, que tout en lui sera beauté et perfection, et qu’il reconnaîtra qu’il est entièrement à Christ, et qu’en même temps il possédera parfaitement Son affection.
Cette dernière pensée est le repos de son cœur. Si je puis ainsi parler froidement, cela est exprimé dans la troisième formule de l’expérience de ce chant divin, qui indique le bonheur complet de l’Épouse : « Je suis à mon Bien-aimé, et son désir se porte vers moi ». — Avoir la conscience que l’on appartient à Christ et que Ses affections demeurent sur nous, avoir la conscience que nous sommes les objets de Ses propres affections et de Ses délices, quelle joie plus profonde et plus parfaite !
Le lecteur fera bien de peser ces trois expressions de la satisfaction du cœur : posséder Christ ; Lui appartenir ; et cette dernière : tout est grâce, avec l’indicible connaissance qu’Il trouve Ses délices en nous, quelque étendues que soient ces délices, et c’est sûrement ici qu’on le sentira.
Mais, pour en revenir à notre texte, le peuple peut sortir maintenant avec Lui, et jouir de toutes les bénédictions de la terre dans la certitude et la communion de Son amour. Quels fruits de reconnaissance, quels sentiments particuliers que ceux qu’Israël a gardés pour le Seigneur seul et que nul autre que lui après tout n’aurait jamais pu avoir pour le Seigneur considéré comme venu sur la terre.
Le chapitre 8, qui est à part, résume, il me semble, les principes de tout le livre, et revient au fond de tout ce qui a donné lieu à tous ces exercices. La pleine satisfaction des désirs du résidu est prophétiquement annoncée, et le chemin de ses affections tracé. Mais ce tableau est dressé pour l’encouragement de ceux qui n’en jouissent pas encore, et constate le désir de cet accomplissement (fournissant ainsi, de la part de Dieu, la sanction de ce désir ardent du résidu de posséder Christ, et d’avoir pleine liberté de communion avec Lui). La réponse nous enseigne, avec une clarté très précieuse, la manière dont cela s’accomplit. L’ardente affection de la bien-aimée se manifeste, et le Bien-aimé veut qu’elle se repose en Son amour et en jouisse tant qu’elle voudra, sans être troublée. Puis elle sort du désert appuyée sur Lui. Et où le Seigneur l’a-t-il réveillée de son sommeil ? Sous un pommier (voyez chap. 2, 3). C’est de Christ seul qu’elle tire sa vie. Là seulement Israël a pu enfanter ce résidu vivant, qui, à Jérusalem, devient sur la terre l’épouse du grand Roi et veut être et sera comme un cachet sur Son cœur, selon la force d’un amour fort comme la mort, qui n’épargne rien et ne cède à rien.
La « petite sœur » me semble être Éphraïm, qui n’a jamais eu le développement qu’a eu Juda par la manifestation du Christ et par tout ce qui s’est passé depuis la captivité des dix tribus ; car toutes les affections morales de Juda ont été formées sur ses relations avec Christ, sur le rejet du Christ et sur les sentiments que ce rejet a produits, lorsque le Saint Esprit le lui fait sentir (voyez És. 50-53). Éphraïm n’avait pas passé par là ; mais il entrera dans la jouissance de ce qui en sera l’effet. Juda, amené à sa perfection, jouira de la pleine faveur du Messie, ses affections ayant été formées pour Lui par tous les exercices de cœur qu’il a eus à Son sujet.
Christ, dans Son caractère de Salomon, Roi glorieux, Fils de David, et selon l’ordre de Melchisédec, a une vigne, comme Seigneur des nations ou multitudes. Il l’a confiée à d’autres pour Lui en rendre le revenu convenable. La vigne de la bien-aimée était à sa disposition à elle ; mais tout le revenu en sera pour Salomon, et il y en aura une part pour ceux qui ont soigné les fruits ; touchante expression de sa relation avec le Roi. Elle veut que tout soit à Lui, mais alors d’autres en profiteront aussi.
Les deux derniers versets expriment le désir, de la part de l’épouse, que l’Époux vienne sans délai.
Il est à remarquer qu’il s’agit, dans ce livre, non de la purification de la conscience, c’est une question laissée de côté, mais des affections du cœur, affections qui, lorsque le Seigneur en est l’objet, ne sauraient être trop ardentes. Et, par conséquent, les fautes qui manifestent l’oubli de Lui et de Sa grâce, ne servent qu’à produire à Son sujet de ces exercices de cœur qui font rappeler tous les attraits de Sa personne et la conscience d’être entièrement à Lui — exercices qui forment le cœur à une appréciation beaucoup plus profonde de ce qu’Il est, parce qu’il s’agit, non d’une culpabilité devant un juge, mais d’une faute de cœur envers un ami ; faute qui, rencontrant un amour trop fort pour être détourné de son objet, ne fait autre chose que de rendre plus profonde l’affection de la bien-aimée et de rehausser infiniment à ses yeux l’affection de son Bien-aimé (formant ainsi son cœur, par des exercices intérieurs, à l’appréciation de Son amour et au développement dans ce cœur d’une capacité d’aimer et d’estimer tout ce qu’Il est). Il est de toute importance que l’état de notre cœur soit conforme à cette partie de la vie chrétienne. C’est ainsi que Christ est vraiment connu ; car, quand il est question des personnes divines, celui qui n’aime pas ne connaît pas. Le cœur, il est vrai, est imparfait ; il ne sait pas aimer comme il faut ; c’est pourquoi tous ces exercices sont nécessaires. Je ne dis pas que les fautes le soient ; mais, ainsi qu’on l’a remarqué, c’est l’amour qui fait sentir la faute quand elle existe, et sa force qui expose à recevoir les coups du guet dont le devoir n’est pas de mesurer cet amour, mais de maintenir l’ordre moral. Il enlève le voile, triste et pénible discipline qui montre que tout en aimant beaucoup on n’aimait pas assez, ou au moins que cet amour ardent était déposé dans un vase faible et traître à lui-même, si on l’écoutait.
J’ai dit que, dans son interprétation, ce livre ne s’applique pas à l’Église. Cependant j’ai parlé de nous et de nos cœurs, et avec raison, parce que si l’interprétation du livre nous montre qu’Israël en est l’objet, il s’agit du cœur et de ses sentiments, de sorte que, moralement, il a une application pour nous. Mais alors, il faut tenir compte de la modification déjà mentionnée. Nous avons la pleine connaissance d’une rédemption accomplie, nous savons que nous sommes assis dans les lieux célestes en Christ. Notre conscience est éternellement purifiée. Dieu ne se souviendra plus de nos péchés ni de nos iniquités. Mais l’effet de cette œuvre, c’est que nous sommes entièrement à Lui, selon l’amour montré dans le sacrifice qui l’a accomplie. Moralement donc, Christ est le tout de nos âmes. Il est évident que s’Il nous a aimés, s’Il s’est donné Lui-même pour nous, lorsqu’il n’y avait point de bien en nous, c’est en ayant absolument fini avec nous-mêmes que nous avons la vie, le bonheur et la connaissance de Dieu. C’est en Lui seul que nous en trouvons la source, la force et la perfection. Or, pour la justification, cette vérité rend notre position parfaite. En nous, il n’y a pas de bien. Nous sommes acceptés dans le Bien-aimé — parfaitement acceptés dans Son acceptation, nos péchés étant entièrement ôtés par Sa mort. Mais alors, pour la vie, Jésus devient le seul objet, le tout de nos âmes. En Lui seul le cœur trouve ce qui peut être son objet — en Lui qui nous a tant aimés et s’est donné pour nous — en Lui qui est toute la perfection pour le cœur. Quant à la conscience, la question est résolue dans la paix par Son sang ; nous sommes justes en Lui devant Dieu, quoique nous soyons journellement exercés sur ce terrain. Mais le cœur a besoin d’aimer un tel objet, et, en principe, il ne veut que Lui en qui se trouvent toute grâce, tout dévouement pour nous, et toutes les grâces qui sont selon le cœur de Dieu Lui-même. C’est ici que le chrétien se rencontre avec le Cantique des cantiques.
L’Église aimée, rachetée, l’Église qui est à Lui, ayant compris Ses perfections par l’Esprit, L’ayant connu dans l’œuvre de Son amour, ne Le possède pas encore tel qu’elle Le connaît. Elle soupire après le jour où elle Le verra tel qu’Il est. En attendant, Il se manifeste à elle, réveille ses affections et veut posséder son amour en lui témoignant toute Sa joie en elle. Elle fait aussi l’expérience de ce qui est en elle-même, de cette paresse de cœur qui perd les occasions d’avoir communion avec Lui. Mais cela lui apprend à juger tout ce qui, en elle, affaiblit dans son cœur l’effet des perfections de son Bien-aimé. Ainsi elle est moralement préparée, et a la capacité d’une pleine jouissance de communion avec Lui. Lorsqu’elle Le verra tel qu’Il est, elle Lui sera semblable. Ce n’est pas un effort pour L’avoir ; mais nous cherchons à saisir tout ce pour quoi nous avons été saisis par Christ. Nous avons un objet que nous ne possédons pas pleinement encore, mais qui seul peut satisfaire tous nos désirs — objet dont nous avons besoin de réaliser l’affection dans nos cœurs — but que, dans Sa grâce, Il poursuit par le témoignage de Son amour parfait envers nous, en cultivant par là même le nôtre pour Lui, nous encourageant même par le sentiment de notre faiblesse et par la révélation de Sa propre perfection, nous montrant ainsi tout ce qui dans nos cœurs nous empêche de jouir de Lui. Il nous en délivre en nous en faisant faire la découverte en présence de Son amour.
Ce n’est pas ici mon but de tracer en détail le mouvement de ces affections dans le cœur, parce que j’interprète et que je n’exhorte pas ; mais il était nécessaire d’en dire cela pour l’intelligence du livre. Du reste on ne peut pas exagérer l’importance qu’il y a pour nous à cultiver les saintes affections qui nous attachent à Christ, qui nous font connaître Son amour et nous Le font connaître Lui-même. Car, je le répète, quand il s’agit de Dieu et des voies de Dieu à notre égard, celui qui n’aime pas ne connaît pas.
Remarquons seulement avec quel empressement, avec quelle tendresse Il dit à sa bien-aimée tout le prix qu’elle a à Ses yeux et la perfection qu’Il découvre en elle. Si Jésus voit de la perfection en nous, nous n’avons besoin de rien d’autre. Il rassure le cœur de Sa bien-aimée en lui en parlant, après qu’elle a été justement reprise et disciplinée par le guet, et que son cœur a été forcé de se soulager en déclarant à d’autres, à ses amies, tout ce qu’Il était pour elle. Il ne lui reproche rien, mais Il lui fait sentir qu’elle est parfaite à Ses yeux.
En pratique, quelle profonde perfection d’amour dans ce regard de Jésus à Pierre qui venait de Le renier ! Quel moment que celui où, sans reproche, tout en l’enseignant, Il atteste Sa confiance en Pierre, en lui remettant, alors même qu’il venait de Le renier, les brebis et les agneaux si chers à Son cœur, pour lesquels Il venait de donner Sa vie !
Or, cet amour de Christ, dans sa supériorité au mal — supériorité qui en montre la nature divine — se reproduit, comme une nouvelle création, dans le cœur de celui qui en reçoit le témoignage, en le liant au Seigneur qui l’a ainsi aimé.
Le Seigneur est-Il autre chose pour nous ? Non, mes frères ; nous apprécions Son amour, et nous apprenons, dans ces exercices de cœur, à Le connaître Lui-même.
- ↑ Lisez : « jusqu’à ce qu’elle le veuille ».
- ↑ Ainsi pour Naomi ; voyez aussi Apocalypse 12.