Traité:Le bonheur

De mipe
Révision datée du 25 mars 2019 à 23:00 par Éditeur (discussion | contributions) (Traité)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

H. Rossier

La Parole de Dieu commence par établir que le bonheur se trouve en Dieu et nulle autre part. L’apôtre nous parle, en 1 Timothée 1, 11, de « l’évangile de la gloire du Dieu bienheureux, qui lui a été confié », mais ce passage nous montre, en même temps, que Dieu veut nous communiquer Son bonheur, ainsi que tout ce qui le constitue, car il nous parle de « l’évangile de la gloire du Dieu bienheureux ». C’est une bonne nouvelle qu’Il nous annonce. Ce qui constitue Son bonheur c’est Sa gloire, c’est-à-dire l’ensemble de Ses perfections : Sa justice, Sa sainteté, Son amour et Sa grâce, manifestés, pour que nous en soyons revêtus, dans la personne et l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ. Nous pouvons déjà réaliser ces choses, car la reproduction du caractère de Christ est notre bonheur ; mais nous entrerons dans la plénitude de cette réalisation « lors de l’apparition de notre Seigneur Jésus Christ, laquelle le bienheureux et seul souverain, le roi de ceux qui règnent et le Seigneur de ceux qui dominent, montrera au temps propre » (1 Tim. 6, 14-15).

Nous voyons donc que notre bonheur est une chose infiniment élevée, une chose divine, provenant de la communication qui nous est faite de la nature de Dieu dans toutes ses manifestations ; une chose qui nous appartient dès que nous avons reçu l’évangile, une chose qui nous accompagne tout le long de notre course, et qui aura son plein épanouissement dans la gloire.

Le monde est complètement étranger à notre bonheur, quoique les hommes passent leur vie à le chercher là où ils ne le trouveront jamais, c’est-à-dire dans la jouissance des « choses qui sont dans le monde ». Ces dernières revêtent mille formes diverses que Satan présente aux hommes pour cacher à leurs yeux le vrai, le seul bonheur. Elles se groupent sous trois chefs : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2, 16). Un homme du monde, et par là je désigne un homme faisant profession de christianisme sans en avoir la réalité, un homme qui, comme les vierges folles, est muni de sa lampe, mais sans l’huile qui l’alimente, c’est-à-dire sans le Saint Esprit qui communique la vie divine, cet homme a-t-il jamais trouvé le bonheur ? Les plus favorisés, après avoir tout essayé pour se le procurer, déclarent, quand ils sont obligés de sortir de l’étourdissement des plaisirs, ou de la tyrannie du travail, ou de la culture de la science et des arts, qu’ils n’ont jamais connu le bonheur. Eh bien ! ce bonheur, nous chrétiens, nous le possédons. Nous pouvons dire : Je suis parfaitement heureux ! non pas : Je jouis parfaitement de mon bonheur, mais : Je l’ai et rien ne pourra jamais me l’ôter.

Le bonheur est donc la part du chrétien et de nul autre, mais ces pages sont destinées à nous montrer en quoi consiste, non la possession de ce bonheur, mais sa jouissance.

Un passage qui s’adresse à Israël, définit l’origine de ce bonheur et le poursuit dès son début jusqu’à sa jouissance parfaite et définitive ; nous le trouvons au chapitre 33 du Deutéronome, verset 29 : « Tu es bienheureux, Israël ! Qui est comme toi, un peuple sauvé par l’Éternel, le bouclier de ton secours, et l’épée de ta gloire ? ». Ce passage nous apprend que le bonheur d’Israël a sa source dans l’Éternel Lui-même ; qu’il commence par le salut que l’Éternel donne à Son peuple, et qu’il se continue pendant toute son histoire. L’Éternel est « le bouclier de son secours » : Il le protège et lui vient en aide tout le long de sa vie. Il est, en fait, « l’épée de sa gloire », c’est-à-dire qu’Il établira par le jugement la grandeur et la magnificence de Son peuple.

Nous allons voir dans les Psaumes les différents aspects que revêt cette jouissance du bonheur chez le racheté, mais remarquons en tout premier lieu qu’elle a son point culminant dans le fait de pouvoir se tenir devant le Seigneur pour Le contempler et Le servir. C’était ce qu’avait si bien senti la reine de Sheba, quand elle disait à Salomon : « Heureux tes gens, heureux ceux-ci tes serviteurs, qui se tiennent continuellement devant toi et qui entendent ta sagesse ! Béni soit l’Éternel, ton Dieu, qui a pris plaisir en toi pour te placer sur le trône d’Israël ! » (1 Rois 10, 8-9). Leur bonheur était : 1° de se tenir continuellement devant lui ; 2° d’entendre les paroles de sagesse qui sortaient de sa bouche, et la reine bénissait Dieu qui avait pris plaisir en lui et l’avait établi sur le trône. Le service, la proximité, l’ouïe des paroles du roi et la louange constituaient le bonheur dont parlait la reine. Il en est de même du bonheur dont parlent les Proverbes au chapitre 3, 13, et dont elle jouissait elle-même : « Bienheureux l’homme qui trouve la sagesse » ; or la sagesse n’est-elle pas (selon le chapitre 8 de ce même livre) résumée en Christ Lui-même ? Connaître la sagesse, c’est Le connaître Lui, et c’est ce qu’appréciait, avant tout, cette reine venue de si loin pour entendre la sagesse de Salomon.

*
*     *

Pour récapituler ce qui vient de nous être enseigné, nous avons vu que le bonheur est en Dieu, qu’Il le communique aux siens et que, pour ces derniers, il consiste dans la jouissance de la personne et de la présence du Seigneur. Mais nous allons voir que le bonheur a des aspects multiples qu’il nous est bon de connaître en détail, afin que nous les réalisions à mesure que nous avançons dans le chemin chrétien. Les Psaumes vont nous présenter ces différents caractères de notre bonheur. En effet, aucune autre partie de la Parole de Dieu ne peut être comparée à celle-ci pour l’expression de ce qu’est le bonheur et de ce en quoi il consiste, si nous le considérons dans les diverses jouissances qu’il nous apporte.

Notons, tout d’abord, au sujet des Psaumes, un fait des plus remarquables. Aucun livre de la Bible ne nous présente, comme ce livre, les souffrances et la tribulation des fidèles en Israël, dans toute leur étendue ; aucun ne nous montre davantage les souffrances indicibles de Christ, soit pendant Sa vie, soit à Gethsémané, soit sur la croix. Et cependant aucun livre ne nous parle plus de bonheur que celui-ci. N’est-il pas frappant de voir que, dans les Psaumes, au milieu des souffrances sans nombre, caractérisées par le mot « détresse », synonyme de la « grande tribulation », le mot bienheureux revienne tout aussi souvent que ce terme[2] ? Ce n’est donc pas sans raison que le mot bienheureux est placé à la tête du premier des psaumes et commande ainsi le livre tout entier (Ps. 1, 1).

Voyons donc de quel bonheur jouissent ces croyants éprouvés, et comment leur bonheur peut s’appliquer à nous et à nos circonstances. Dans ses grandes lignes, les deux premiers psaumes nous en donnent l’expression, mais il nous faut le saisir à son origine, car le bonheur inaugure toute notre carrière chrétienne.

Ce bonheur, nous l’avons tous éprouvé, d’une manière plus ou moins intense, lorsqu’à notre conversion nous avons été « appelés des ténèbres à Sa merveilleuse lumière ». Il est d’un tel prix que le psaume 32 l’exprime par un double « bienheureux » ; « Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert ! Bienheureux l’homme à qui l’Éternel ne compte pas l’iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude ! » (v. 1-2). Nous n’avons désormais plus rien à cacher à Dieu. Son amour a pourvu à tout et le sang de Christ a couvert toutes nos iniquités devant les yeux du Dieu juste et saint. « Bienheureux l’homme », dit l’apôtre en citant ce passage, « à qui Dieu compte la justice sans œuvres, bienheureux l’homme à qui le Seigneur ne compte point le péché » (Rom. 4, 7-8). Partant de ce psaume, nous trouvons donc que notre bonheur consiste en tout premier lieu dans la jouissance d’un salut parfait qui nous est acquis par le sacrifice de Christ et que la Parole nous fait connaître.

Voyons maintenant le psaume 1 :

« Bienheureux l’homme qui ne marche pas dans le conseil des méchants, et ne se tient pas dans le chemin des pécheurs, et ne s’assied pas au siège des moqueurs, mais qui a son plaisir en la loi de l’Éternel et médite dans sa loi jour et nuit ! » (v. 1-2).

Ici le croyant jouit du bonheur dans sa marche et dans sa conduite. Cette conduite caractérise tout le long des Psaumes, le résidu d’Israël, les débonnaires, les pauvres, ceux qui souffrent pour la justice, ceux qui traversent la détresse des derniers jours. Ces caractères du résidu sont les mêmes que ceux des débonnaires dans le sermon sur la montagne (Matt. 5, 1-12). Comme au psaume 1, les béatitudes y sont prononcées par le Seigneur sur les fidèles, et, quoiqu’il s’agisse exclusivement du résidu juif croyant, c’est-à-dire des disciples qui entouraient Jésus à ce moment-là, ce terme de bienheureux s’applique aussi à nous, chrétiens, car les « béatitudes » se terminent par ces mots : « Votre récompense est grande dans les cieux ». Or le résidu de la fin recevra, comme tant de psaumes nous le montrent, sa récompense sur la terre. Dans le sermon sur la montagne, comme du reste dans tous les psaumes, il va sans dire que ce qui rend heureux, ce ne sont pas les souffrances mêmes, mais le glorieux résultat auquel ces souffrances aboutissent.

Notre marche chrétienne, comme celle du résidu d’Israël, a deux caractères dans le psaume 1. Le premier est négatif. Il consiste à marcher dans une vraie séparation du monde : à ne pas nous mêler de ses décisions ou de ses conseils, à nous abstenir de ses voies, à ne pas nous sentir à l’aise en compagnie de ceux qui se moquent de Dieu et de Ses enfants. Le second, le caractère positif de notre bonheur, se résume en un mot : trouver notre plaisir dans la Parole de Dieu. Si cette précieuse Parole n’occupe pas constamment nos pensées, le mot bienheureux ne pourrait nous être appliqué. N’est-ce pas à la négligence de la Parole de Dieu que l’on peut attribuer le malaise et la sécheresse d’âme chez les chrétiens, leur alliance avec le monde, ayant pour but de combler le vide que leur laisse l’oubli des Écritures, et aussi tant de chutes qui déshonorent le beau nom que nous portons ? N’oublions pas que, pour être heureux, il ne suffit pas de lire la Bible, mais qu’il faut que l’âme y trouve son plaisir et la médite jour et nuit. L’application à s’en nourrir implique nécessairement l’obéissance à tout ce qu’elle nous prescrit. Pour nous en tenir à l’enseignement de ce psaume, l’âme, qu’elle soit juive ou chrétienne, obéissant à la Parole, comprendra bien vite ce que c’est que ce monde et s’en séparera comme d’un système hostile à son Sauveur, devant tomber sous un prompt jugement, et comme « gisant tout entier dans le méchant » qui est Satan, l’adversaire de Christ. Abraham, ayant fait la connaissance de Melchisédec, prenait cette attitude. Il n’acceptait aucune association avec le roi de Sodome et n’en recevait aucun présent. Chers lecteurs chrétiens ! voulez-vous être qualifiés de bienheureux ? Suivez le chemin du père de la foi, et le bonheur qui remplira votre cœur ne sera pas trop payé de quelques renoncements et de quelques souffrances ! Lisons la Parole, méditons-la, puisons-y notre vie et notre substance spirituelle, et le monde n’aura plus d’attrait pour nos âmes. Trouvant notre joie dans les pensées de Dieu, nous ne pourrons plus rechercher d’autres plaisirs que ceux dont la Parole nous offre la jouissance.

Le psaume 119, versets 1-2, exprime la même pensée :

« Bienheureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent dans la loi de l’Éternel. Bienheureux ceux qui gardent ses témoignages, qui le cherchent de tout leur cœur ».

Ce psaume nous décrit l’état d’une âme qui, égarée autrefois dans les voies du monde, « comme une brebis qui périt », a trouvé, en revenant à Dieu, le bonheur qu’elle n’avait rencontré nulle autre part. Comme dans le psaume 1, ce bonheur est double : l’âme qui marche dans l’intégrité le possède, mais cette intégrité elle-même est le produit d’une communion habituelle avec tout ce que la Parole de Dieu contient. « Bienheureux », disait le Seigneur, « sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent » (Luc 11, 28).

Le psaume 1 nous a présenté le bonheur que l’âme éprouve dans une marche intègre, dont la source unique est la fidélité à la Parole de Dieu ; le psaume 2 nous présente une nouvelle source de bonheur, tout aussi précieuse que la connaissance de la Parole. Le grand sujet de ce psaume est le Christ, le Fils de Dieu, engendré par Lui comme Fils de l’homme. Le monde entier est soulevé contre Lui, mais Dieu L’établit Roi sur Sion, la montagne de Sa sainteté. Il a mis toute puissance entre Ses mains ; mais, s’Il exerce Sa puissance en jugement, jusqu’à briser les nations avec un sceptre de fer, « bienheureux tous ceux qui se confient en lui » (v. 12). Ils n’ont rien à craindre de la colère à venir. Se soumettre à Lui est le chemin du bonheur ; Lui possède la puissance et notre faiblesse peut s’appuyer sur Lui sans réserve. N’a-t-il pas fait Lui-même, comme homme, la même expérience, avant d’être exalté à la droite de Dieu ? N’a-t-Il pas dit : « Je me confierai en Lui » (Héb. 2, 13) ? Ce seul mot caractérise Sa vie tout entière comme homme ici-bas. Or, pour se confier en Lui, il faut Le connaître, et ici, c’est la connaissance de Sa toute-puissance qui nous remplit de bonheur et nous fait attribuer ce bonheur à tous ceux qui se confient en Lui comme nous. Toute Sa vie à Lui a été celle d’une confiance ininterrompue. Au plus fort de Ses souffrances, quand Il offrait avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à Celui qui pouvait le sauver hors de la mort et Lui répondre d’entre les cornes des buffles, jamais cette confiance n’a été ébranlée ; jamais Il n’a été confus ; jamais le mot bienheureux ne Lui a été retiré.

Cette confiance qui dépend pour nous de la connaissance du Seigneur et des ressources qui sont en Lui, remplit, du commencement à la fin, le livre des Psaumes. Vous l’y trouvez exprimée plus de soixante fois. Qu’il me suffise de la présenter en relation avec notre bonheur et comme en étant la source.

Au psaume 34, la pensée de ce que Dieu a été pour le vrai David au milieu de toutes ses détresses, remplit de confiance le cœur des fidèles, et ils peuvent dire : « Bienheureux l’homme qui se confie en Lui » (v. 8). Au psaume 40, l’âme trouve son bonheur dans cette même confiance, dont le Seigneur a donné l’exemple parfait quand Il est entré pour nous dans le bourbier fangeux et dans le puits de destruction, et que, pour Lui répondre, Dieu a établi Ses pieds sur un roc et a mis dans Sa bouche un nouveau cantique. « Bienheureux », est-il dit au verset 4, « l’homme qui a mis en l’Éternel sa confiance ».

Ainsi, suivre Christ à travers toutes Ses épreuves, dans le chemin d’une confiance qui n’a jamais failli, et qu’à part l’expiation nous pouvons toujours partager, remplit le cœur d’un bonheur que rien ne peut atteindre, puisque la détresse même n’a pu l’ébranler. Oui, c’est un bonheur ineffable de connaître la communion des souffrances de Christ et la puissance de Sa résurrection et de pouvoir les réaliser à Sa suite, dans la même confiance dont Il était animé.

Mais il est encore un bonheur intime qui est celui de nos affections. Il est exprimé en six mots au psaume 41, verse 1.

« Bienheureux celui qui comprend le pauvre » ! Ce bonheur est tout spécial. Comprendre le Seigneur dans Son abaissement, L’adorer dans Son humiliation, être avec Lui, quand, lassé du chemin, Il est assis au puits de Sichar, Le voir, sans qu’une plainte sorte de Sa bouche, répondre par des grâces et des tendresses nouvelles à la dureté de cœur des hommes et même de Ses disciples, Le suivre pas à pas dans un chemin d’anéantissement personnel où, seul entre tous, Il trouve encore moyen de s’abaisser Lui-même…

Votre cœur, cher lecteur, n’est-il pas inondé de bonheur, quand vous Le suivez ainsi ? Ah ! s’il est une chose qui dépasse Sa gloire, gloire que nous partagerons avec Lui, ce sont les souffrances qu’Il a endurées, Lui, « le pauvre », dans Son humble abaissement pour nous !

*
*     *

Il est encore une autre forme de bonheur que nous connaissons bien si nous avons réalisé le triste état de la scène que nous traversons. C’est celui qui est exprimé au psaume 65, verset 4.

« Bienheureux celui que tu as choisi et que tu fais approcher : il habitera tes parvis. Nous serons rassasiés du bien de ta maison, de ton saint temple ». Ce bonheur, nous ne l’avons encore qu’en espérance, espérance basée, toutefois, sur la parfaite certitude de nos relations avec Dieu. Il nous a choisis, Il nous a approchés de Lui, mais Ses parvis, les biens de Sa maison, la louange dont retentira Son saint temple, sont encore à venir. La louange L’attend encore « dans le silence en Sion ». Quand le jour de la gloire aura lui pour nous, Dieu fera chanter de joie les « sorties du matin et du soir ». Glorieuse perspective ! Votre cœur n’en est-il pas illuminé ? Ne vous glorifiez-vous pas dans l’espérance de la gloire de Dieu ?

Nous trouvons en Luc 12 un passage qui se rapproche de celui-ci, parce qu’il s’agit de l’espérance, mais ce que nous ne trouvons pas dans le psaume 65, c’est le bonheur qui accompagne un service lié à l’attente continuelle de Celui qui doit nous trouver les reins ceints et nos lampes allumées. « Bienheureux sont ces esclaves que le Maître, quand il viendra, trouvera veillant » (v. 37). C’est aussi le bonheur de voir enfin notre espérance réalisée par la venue du Seigneur en grâce : « Et s’il vient à la seconde veille, et s’il vient à la troisième, et qu’il les trouve ainsi, bienheureux sont ces esclaves-là » (v. 38). Notre espérance chrétienne elle-même ne peut être le sujet des Psaumes, car ils n’attendent la délivrance du résidu que par le jugement ; mais, nous le demandons, l’espérance est-elle, pour vous, cher lecteur, « la bienheureuse espérance » (Tite 2, 13) ? Si elle ne l’est pas, quelle en est la cause ? Peut-être ne vous remplit-elle pas de bonheur, parce que, pour la réaliser, il vous faudrait quitter des choses auxquelles vous avez donné, dans votre vie, une importance que vous avez, par cela même, refusée à Christ !

Le psaume 84 rappelle plusieurs des causes de bonheur dont le cœur du racheté est rempli, aussi le mot bienheureux y revient-il plus souvent que dans tout autre psaume. Nous sommes revenus tant de fois sur ce psaume qu’il nous suffira de quelques mots pour le caractériser, en évitant des redites inutiles. Le croyant peut dire : « Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison ; ils te loueront incessamment ». Il diffère en cela du croyant du psaume 65 qui n’a ce bonheur qu’en espérance. Le chrétien a, déjà ici-bas, un accès dans le sanctuaire, accès qui n’est pas encore la gloire, mais la jouissance du Seigneur dans les lieux célestes, la réalisation de Sa présence comme le « Dieu vivant », ressuscité d’entre les morts et portant les stigmates de l’Agneau immolé. Le bonheur, attaché au repos du cœur et de la conscience, nous le trouvons dans la contemplation de Son sacrifice, le bonheur du culte, dans la louange incessante qui Lui est rendue.

Nous trouvons dans ce psaume un second bienheureux : « Bienheureux l’homme dont la force est en toi, et ceux dans le cœur desquels sont les chemins frayés ». Ce bonheur appartient à celui dont le cœur est aux chemins frayés qui mènent à la maison de Dieu. Le chrétien qui ne cherche sa force qu’en Dieu, pour atteindre cette maison, au milieu des fatigues et des douleurs de la route, voit la triste vallée fleurir autour de lui et y rencontre à chaque pas des sources d’eau vive ; le ciel même y verse chaque matin sa rosée bienfaisante. Heureux chrétien ! Se plaindra-t-il des difficultés du chemin, quand il voit, à chaque instant, des bénédictions nouvelles naître sous ses pas ? quand ses forces s’accroissent en marchant, au lieu de s’user, à mesure que le voyage se prolonge ?

Ce psaume merveilleux se termine par une invocation à l’Éternel des armées :

« Éternel des armées ! Bienheureux l’homme qui se confie en toi ! ».

Nous sommes ramenés ici à la confiance. Le commencement, le milieu et le bout de la carrière sont remplis de bonheur. Arrivés au terme de notre voyage, quand il s’agit pour nous de paraître devant Dieu, nous savons qu’Il regarde « la face de son Oint » et non la nôtre ; qu’Il est Lui-même notre lumière et notre bouclier ; que l’avenir éternel est parfaitement assuré pour celui qui a mis sa confiance en Lui !

*
*     *

J’ai gardé pour la fin une cause de bonheur que beaucoup de mes lecteurs seraient peu disposés à reconnaître comme telle. Il s’agit du bonheur sous la discipline. Lisez au psaume 94, les versets 12-13 :

« Bienheureux l’homme que tu châties, ô Jah ! et que tu enseignes par ta loi, pour le mettre à l’abri des mauvais jours, jusqu’à ce que la fosse soit creusée pour le méchant ! ».

Sans doute, « aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse ; mais plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » (Héb. 12, 11) ; mais, tout le long de l’épreuve, le chrétien a l’heureuse assurance que, si Dieu s’occupe de lui, c’est parce qu’Il le reconnaît comme Son enfant. La discipline paternelle est donc une preuve d’amour. Elle a pour but de nous faire participer à la sainteté de Dieu. Elle nous reprend, nous châtie, pour que nous apprenions à juger tout ce qui mettrait en nous une entrave à notre bonheur. Cette discipline nous force à recourir à l’enseignement de la Parole ; elle nous évite des jugements douloureux en nous mettant « à l’abri des mauvais jours ».

Parmi mes lecteurs chrétiens, y en a-t-il un seul qui voudrait n’avoir pas été discipliné et même châtié par son Père ? Ne confesseront-ils pas que chaque discipline leur a fait faire un pas de plus dans le jugement d’eux-mêmes, dans celui du monde qu’ils traversent, et dans la connaissance des richesses inépuisables de Christ ? Je connais des chrétiens qui, voyant l’épreuve se prolonger, voudraient saisir toutes les occasions que les hommes leur offrent pour s’y soustraire. Dieu les aime trop pour le leur permettre. De là, conflit entre leur volonté et celle de Dieu, qui les plonge dans le chagrin, le mécontentement, le malaise spirituel. Ces chrétiens ne peuvent dire : « Bienheureux l’homme que tu châties », et au lieu de faire des progrès dans l’affranchissement et dans la jouissance de leur bonheur, ils traînent une vie misérable, sans vrai avantage spirituel, sans communion avec la Parole de Dieu, sans séparation réelle du monde, sans joie et sans force. Combien ils sont à plaindre ! Pour n’avoir pas dit : « Bienheureux l’homme que tu châties », ils perdent la jouissance de tous les bonheurs divers dont ces pages viennent de nous entretenir !

Je ne pense pas pousser plus loin l’étude du bonheur dans les Psaumes. Ils contiennent beaucoup de bienheureux qui s’appliquent exclusivement au résidu juif de la fin. Le bonheur de ce dernier a pour sphère la terre, le nôtre, le ciel. Appliquer aux chrétiens les promesses de bonheur et de bénédictions terrestres faites au résidu juif, serait fausser entièrement le caractère du bonheur chrétien, et c’est de celui-ci que le Seigneur a voulu nous occuper[3].

Mais je voudrais, en terminant, mettre sous les yeux du lecteur les paroles qu’un cher serviteur de Dieu, arrivé au bout d’une étude des Psaumes, écrivait sur son calepin :

« Béni sois-tu, mon Dieu et mon Père, qui m’as accordé le bonheur de pouvoir étudier ce livre, d’en suivre le développement et enfin de le terminer, car il ne s’agit pas pour moi d’une étude proprement dite ; mais, dans la mesure qui m’est accordée, j’ai pu jouir de la vérité et des bénédictions dont ce livre est rempli. Oui, il m’a parlé de Christ, de toi, mon Seigneur, et mon Maître, à la louange de notre Dieu ! ».

Puissions-nous abonder de plus en plus dans la connaissance du Seigneur, par Sa Parole, et dans la jouissance du bonheur que notre âme trouve toujours en Lui !



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1921.
  2. Le mot bienheureux se rencontre vingt-cinq fois dans les Psaumes et huit fois seulement dans tout le reste de l’Ancien Testament, le mot détresse vingt-sept fois dans les Psaumes.
  3. Il va sans dire que je ne parle pas ici des bénédictions que Dieu dispense ici-bas à tous ceux qui obéissent aux règles de Son gouvernement (voy. Éph. 6, 2-3).