Livre:Étude sur l’épître aux Galates/Chapitre 5, 1-12

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« Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant ; tenez-vous donc fermes, et ne soyez pas de nouveau retenus sous un joug de servitude » (v. 1). Les paroles d’introduction de notre chapitre résonnent comme un cri de joie. « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant ». Ce n’est pas : Il veut nous affranchir, ni : Il peut nous affranchir, mais : Il nous a affranchis. Oui, il en est ainsi, Dieu soit béni ! Et tous ceux qui sont au Seigneur ont le droit de répéter avec reconnaissance les paroles de l’apôtre. Tous sont affranchis, et non pas partiellement ou pour un temps, mais entièrement et pour toujours. Ils peuvent se rappeler sans cesse que Christ, alors qu’Il subissait le jugement pour eux sur la croix, a mis fin pour toujours à l’état misérable dans lequel ils se trouvaient jadis.

Le Seigneur Jésus Lui-même avait déjà dit aux Juifs : « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jean 8, 36), et maintenant les Galates avaient sous les yeux, clair et distinct, le chemin par lequel cet affranchissement avait eu lieu, et par lequel seul il avait pu s’opérer. La mort du Seigneur avait fait d’esclaves sans ressource, liés par les chaînes du péché, des fils libres qui étaient maintenant rendus capables de servir « Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte » ; elle les avait libérés du joug de la loi qui, destinée à l’homme dans la chair, ne pouvait le placer, à cause de la faiblesse de la chair, que sous la malédiction et la condamnation. « Liberté » — parole merveilleuse pour celui qui jadis était un prisonnier sans espoir ! Pourrait-on imaginer qu’un homme ayant goûté la douceur d’un tel affranchissement puisse jamais retourner à la position qui lui a causé autrefois tant de douleur et de combat ?

Et pourtant, nous devons nous le redire constamment, c’est exactement cela que les Galates voulaient. Oh ! s’écrie l’apôtre, « tenez-vous donc fermes, et ne soyez pas de nouveau retenus sous un joug de servitude ! ». Remarquons qu’ils ne voulaient pas à proprement parler se mettre sous la loi morale des dix commandements, mais pensaient devoir introduire dans le christianisme l’une ou l’autre des cérémonies juives, telle ou telle coutume légale. Nous ne trouvons pas l’ordonnance de la circoncision parmi les dix commandements, pas plus qu’une allusion à l’observance de jours (à part le sabbat), de mois, de temps et d’années. Eh bien ! on aurait pu demander : Quel mal peut-il y avoir à reprendre des ordonnances qui, d’une part, n’étaient que des signes extérieurs accompagnant l’ancienne alliance et dans lesquelles, d’autre part, on peut discerner des ombres et des types si beaux et si caractéristiques de Christ ? De plus, Dieu n’avait-Il pas déjà donné la circoncision à Abraham ? Elle était donc beaucoup plus ancienne que la loi, et c’est pourquoi le Seigneur, en parlant d’elle, dit que Moïse l’avait bien donnée au peuple, mais qu’elle n’était pas de lui, mais des pères (Jean 7, 22).

D’une manière brève et définitive, l’apôtre met fin à toutes ces questions par ces paroles : « Voici, moi Paul, je vous dis que si vous êtes circoncis, Christ ne vous profitera de rien » (v. 2). Si même les deux tables de la loi ne parlent pas de la circoncision, si Dieu l’a déjà ordonnée des siècles auparavant, elle ne peut cependant pas être séparée de la loi. Elle constituait un élément inséparable de tout le système, elle était une condition essentielle non seulement pour le Juif, mais aussi pour chaque étranger qui voulait se joindre à Israël. Tout l’édifice tenait debout ou s’écroulait pour ainsi dire avec elle. C’est pourquoi celui qui retournait à la circoncision s’engageait sur le terrain de la loi, sur lequel Christ ne pouvait lui profiter de rien. L’apôtre ne veut naturellement pas dire que si un croyant se laissait influencer par un docteur judaïsant à adopter la circoncision, il n’y aurait pour lui personnellement plus de retour possible, plus de pardon, que la grâce ne serait plus là pour lui. Il parle seulement d’un principe : si les Galates en venaient à déclarer la loi nécessaire à leur justification, l’œuvre de Christ deviendrait pour eux sans effet, elle ne pourrait plus leur servir de rien.

Mais il y a plus encore : « Je proteste de nouveau à tout homme circoncis, qu’il est tenu d’accomplir toute la loi » (v. 3). Celui qui, par la circoncision, entrait sur le terrain juif s’engageait par cela à garder toute la loi. Il est impossible d’avoir un pied sur le terrain de la loi et l’autre sur celui de la grâce. Sous ce rapport la Parole nous place toujours devant une alternative inflexible : ou ceci ou cela. Qu’il s’agisse de la justification ou de la marche du croyant, il n’est pas sous la loi, mais sous la grâce. Le fondement et la source de toutes ses bénédictions et de ses relations avec Dieu est la grâce, et la grâce seule, telle que Dieu l’a révélée en Christ. Celui donc qui veut être justifié par la loi est séparé de Christ, il est déchu de la grâce (v. 4). D’ailleurs, cela ne veut pas dire qu’un tel homme se sépare de Christ pour servir dorénavant le monde et le péché. Au contraire, il espère pouvoir mieux Le servir dans ce nouveau chemin et se rapprocher davantage que par le passé de la sanctification pratique. Mais il oublie qu’en mêlant la loi avec Christ et ses propres œuvres avec la grâce, il abandonne le seul fondement sur lequel Dieu peut le justifier, et en même temps la seule chose qui rend possible la croissance intérieure.

« Car nous, par l’Esprit, sur le principe de la foi, nous attendons l’espérance de la justice » (v. 5). Par cela même, le moi, la chair avec toutes ses bonnes intentions, sont mis entièrement de côté, toute sainteté par le moyen des œuvres est rendue impossible. Nous attendons l’espérance de la justice, par l’Esprit, et non pas sur la base de quoi que ce soit qui vienne de nous ou qui se trouve en nous. Vivifiés par la puissance opérante de l’Esprit Saint, scellés par Lui, qui détourne nos regards des choses visibles et passagères, nous attendons par la foiQuoi donc ? L’espérance d’être une fois justifiés ? Certes pas, car nous possédons déjà la justice en Christ, et la foi se repose en elle — « là où (comme le dit un cantique allemand) Dieu se repose avec délice, j’ai aussi trouvé le repos ». Nous pouvons dire en pleine assurance de foi : « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu ». Christ, notre Seigneur bien-aimé, « nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption » (1 Cor. 1, 30).

Qu’attendons-nous donc ? « L’espérance de la justice », c’est-à-dire la rétribution que cette justice est en droit d’attendre, ce qui lui revient de droit, ce qu’elle peut donc espérer avec confiance. Et quelle est cette espérance ? La gloire là-haut, la gloire dans laquelle Christ est déjà entré en raison de Son œuvre achevée, celle dont Il jouit déjà comme récompense de Son travail, de Sa mort en sacrifice, en un mot comme récompense de la justice. Nous, nous n’y sommes pas encore, mais l’Esprit nous Le montre, Lui, à la droite de la majesté dans les hauts lieux, en possession de la gloire qui est encore pour nous un objet de foi et d’espérance : « Nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Rom. 5, 2).

Tout est donc certain et bien fondé. Nous possédons déjà la justice, qui est « par la foi », et nous attendons avec assurance, également par la foi, la gloire due à la justice qui est notre part en Christ. Nous savons ainsi par l’Esprit que nous avons la justice de Dieu, que nous sommes même Sa justice en Christ, et nous connaissons, par le même Esprit, la gloire dans laquelle notre Seigneur bien-aimé est déjà entré. Encore très peu de temps et nous y entrerons nous-mêmes. Après la justification, la glorification.

La foi joue également un rôle important sur le chemin de cette gloire. De même qu’elle assure le croyant de sa justification et qu’elle dirige ses regards en haut vers la gloire, elle opère en lui pendant son pèlerinage ici-bas et elle le fait par l’amour. Ce ne sont pas des commandements ou des obligations légales qui règlent ses actions. Non, l’amour est la source et le ressort de toutes ses manifestations, cet amour dont le croyant a vu la révélation en Christ, et qui est maintenant versé dans son cœur par l’Esprit Saint qui lui a été donné. Il est sans importance qu’il ait été jadis juif ou des nations, circoncis ou incirconcis. « Car, dans le Christ Jésus, ni circoncision, ni incirconcision, n’ont de valeur, mais la foi opérante par l’amour » (v. 6).

Pour l’homme naturel, l’homme dans la chair, le fait d’être juif ou d’entre les nations peut avoir de l’importance ; « en Christ », ni la circoncision, ni l’incirconcision, n’ont de valeur quelconque — il s’agit ici de réalité intérieure et non pas de différence charnelle extérieure. Dans le Christ Jésus, en qui il n’y a ni Juif, ni Grec, le croyant est devenu une nouvelle création et, alors que précédemment les passions du péché opéraient en lui, maintenant la foi qui opère par l’amour est entrée dans son cœur. Quel contraste, et quelle délivrance ! Les Galates l’avaient jadis connue et confessée ; obéissant à la vérité, ils avaient bien commencé. Mais les choses avaient malheureusement changé. L’apôtre éploré doit s’écrier : « Vous couriez bien, qui est-ce qui vous a arrêtés pour que vous n’obéissiez pas à la vérité ? » (v. 7). Hélas ! ils avaient détourné leurs oreilles de la vérité et s’étaient tournés vers les faux docteurs ; ils s’étaient laissés persuader par eux (v. 8).

Mais « un peu de levain fait lever la pâte tout entière » (v. 9). L’apôtre rappelle aux Corinthiens cette sérieuse vérité par les mêmes paroles : « Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever la pâte tout entière ? » (1 Cor. 5, 6). Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la pénétration de l’esprit légal au milieu des croyants ne doit pas être mise sur un autre pied qu’un manquement moral grave, qu’un péché tel qu’il n’existait pas même parmi les nations. L’un est du « levain » comme l’autre, l’un pénètre et fait lever toute la pâte de la même manière que l’autre. Nous avons peine à accepter cela ; mais après quelque réflexion nous reconnaîtrons que la fausse doctrine est, au fond, encore plus à craindre que l’immoralité manifeste, car celle-ci est déjà réprouvée par la conscience naturelle de l’homme, tandis que celle-là sait se parer du vêtement trompeur de l’innocence.

Il est à supposer que le lecteur sait que le levain, à cause de sa propriété de tout pénétrer, est toujours employé dans l’Écriture comme figure du mal, plus précisément du mal qui se répand. Que le lecteur compare des passages tels que les suivants : Exode 12, 15, 19 ; 13, 7 ; 34, 25 ; Lévitique 2, 11 ; 10, 12 ; Matthieu 13, 33 ; 16, 6, 12. Bien des commentateurs ont pensé que Matthieu 13, 33 est une exception à la règle générale, et que le levain représente là une chose bonne, l’évangile, qui peu à peu se répand dans tout le monde grâce à sa propriété de tout pénétrer ! Il est étonnant que cette interprétation ait pu se répandre si largement ; il semble qu’il n’est point besoin de beaucoup de sens spirituel pour la reconnaître comme absolument insoutenable.

Les Galates n’avaient pas connaissance de la première épître aux Corinthiens, si même elle avait déjà été écrite, ce qui n’est guère probable. Mais nous la connaissons, et le fait dont nous venons de parler, savoir que les mauvaises doctrines ont les mêmes effets destructifs et dévastateurs que le mal moral, lorsqu’elles sont tolérées au milieu des croyants, devrait nous donner à réfléchir et nous mettre sérieusement sur nos gardes quant à tout ce qui porte atteinte à la vérité divine, tout ce qui veut mélanger du levain à la fine fleur de farine. Bien que l’homme puisse en juger autrement que Dieu et déclarer l’immoralité le plus grand mal, Dieu aura raison à la fin. Les conséquences montreront toujours combien c’est un mal funeste que de prêter l’oreille au mensonge.

Et pourtant l’apôtre pouvait exprimer sa confiance à l’égard des Galates, « par le Seigneur ». S’il regardait à eux, il était, il est vrai, en perplexité, et craignait d’avoir travaillé pour eux en vain ; mais s’il dirigeait leurs yeux en haut et élevait son cœur vers le Seigneur, il reprenait confiance qu’ils n’auraient point d’autre pensée que ce qu’il leur avait écrit et enseigné (v. 10). Nous avons déjà plusieurs fois attiré l’attention sur l’intérêt qu’il y a à rechercher les sentiments intimes de l’apôtre et à discerner son profond souci de l’honneur de son Seigneur et du bien des croyants. La pensée que toute la gloire de l’œuvre de Christ en rédemption était mise en question par les faux docteurs lui fait dire ces paroles si sérieuses : « Celui qui vous trouble, quel qu’il soit, en portera le jugement ». Le Seigneur Lui-même leur en demandera compte.

« Mais moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? — alors le scandale de la croix est anéanti » (v. 11). Il en sera toujours ainsi. Celui qui ajoute à l’évangile de Christ quoi que ce soit qui accorde une place à la chair, à l’activité de l’homme, sera considéré et sa prédication écoutée. L’inimitié des Juifs n’aurait certainement pas été si mortelle, leur haine et leurs persécutions si cruelles, si Paul avait ajouté à la prédication de la croix un petit quelque chose qui donne une place à l’homme et à sa religiosité. Mais être entièrement corrompu, n’être bon à rien, être mort dans ses fautes et dans ses péchés, être tombé sans espoir sous le jugement — et c’est là ce que proclame la croix de Christ — cela l’homme ne le veut pas ; cette prédication lui sera toujours en scandale. À l’inverse, il sera tout disposé à joindre une certaine mesure de grâce à son activité propre, à sa justice et à sa piété. Mais n’avoir rien pour se glorifier, devoir tout à la grâce de Dieu et rien qu’à la grâce, cela il le refuse. Il a en horreur le jugement de la croix qui l’anéantit.

L’inflexibilité de l’apôtre à cet égard, sa fidèle et inébranlable fermeté à garder « la vérité de l’évangile » (2, 5), étaient donc la raison des souffrances et des persécutions auxquelles il était sans cesse exposé. S’il était entré dans les pensées des hommes, s’il avait eu quelque égard pour leurs désirs religieux, le scandale de la croix aurait été ôté ; mais cette concession, petite en apparence, aurait falsifié la vérité, et entièrement ébranlé les bases de la paix et de la croissance spirituelle des croyants. De là la sainte indignation de l’apôtre, l’extrême rigueur de l’exclamation par laquelle il termine le paragraphe qui nous occupe : « Je voudrais que ceux qui vous bouleversent se retranchassent même » (v. 12). Ces personnes, en prêchant la circoncision, provoquaient en réalité la « concision » (comp. Phil. 3, 2). Ah ! si seulement ils voulaient se retrancher ou se mutiler eux-mêmes, ceux qui troublaient l’esprit des Galates et les poussaient à s’insurger contre l’apôtre et la vérité qu’il proclamait ! Il s’agissait en fait d’une œuvre manifeste de l’ennemi qui songe toujours à opposer une religion charnelle et une religion spirituelle, et qui peut toujours compter sur le succès, parce que cette dernière prononce sans égard l’arrêt de mort sur la chair.

Disons-le encore une fois : vouloir ajouter quelque chose à Christ et à Son œuvre signifie mettre l’homme et son activité à la place de Christ et de la croix, allier le vieil homme et le nouvel homme ; cela signifie, en d’autres termes, reconnaître à la chair le droit de rendre culte à Dieu et détruire l’évangile. La parole de la croix, l’unique mais parfaite rédemption par grâce, et seulement par grâce, restera toujours une pierre d’achoppement pour l’homme religieux, car elle le met de côté, lui et toute son activité, et détruit à la base la considération qu’il a de lui-même. Mais cette parole, occasion de chute pour l’homme légal, folie pour le sage, est et demeure « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu » pour ceux qui sont appelés. L’apôtre ne jugeait pas bon de savoir quoi que ce soit parmi les Corinthiens « sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié ».

Que Dieu accorde également aux croyants de nos jours de demeurer sans équivoque fidèles à cette parole, et de ne rien vouloir d’autre que Christ et Christ seul ! — Jésus Christ, « le même, hier, et aujourd’hui, et éternellement ».