Écho du Témoignage:Réflexions pratiques sur les Psaumes/Partie 8
Psaumes 42-43
Dans le commencement de ce second livre des Psaumes, nous trouvons un fait qui donne un caractère tout particulier à son importance spirituelle et prophétique, c’est l’absence du nom de Dieu en rapport avec l’alliance. Quelles que fussent les détresses et les angoisses décrites dans les quarante-et-un premiers psaumes, le cœur du psalmiste regardait toujours librement vers Jéhovah, il était en pleine relation avec Lui et jouissait des actions de grâce par lesquelles Son nom était publiquement célébré. Mais ici, abandonné, rejeté, il n’a plus que le souvenir de ces choses, et ne peut plus que regarder dans le secret de son âme, à la nature et à l’essence de Dieu. N’oublions pas la différence qui existe entre la relation de Dieu comme Père et celle de Dieu comme Jéhovah, qu’il s’agit ici d’une délivrance extérieure et du jugement qui doit l’amener. Toutefois, le changement qui a lieu dans ces psaumes nous fournira une grande instruction. Le psaume 22 nous exprime cette différence d’une manière frappante. Là, Christ Lui-même, ayant été fait péché pour nous, était séparé de la jouissance de Sa relation personnelle avec le Père ; au milieu de souffrances humaines, Il ne trouve pas, cette unique fois, de soulagement divin.
Quant à la colère actuelle de Dieu, il va sans dire qu’aucune âme pieuse n’a jamais à la subir ; mais, sous le rapport de l’affliction, la face de Dieu est bien réellement cachée à Israël, et lorsque ce peuple sera réveillé, il sentira que Dieu lui cache Sa face à cause de son péché, quoique sa foi soit alors à l’œuvre ; or, telle est précisément la situation décrite par ces psaumes.
Nous voyons ici les Juifs regardant à Dieu, par la foi, au milieu des circonstances les plus accablantes et lorsqu’ils sont écartés de la jouissance de leur communion et de leur relation avec Dieu, basées sur Son alliance. C’est la situation dans laquelle Dieu place Son peuple, lorsque la relation de l’alliance est brisée ou ignorée. La foi reconnaissant la justice de cette situation, regarde, malgré tout, à la fidélité de Dieu comme telle, c’est-à-dire à Sa fidélité comme faisant partie de Sa nature. C’est, pour ainsi dire, une foi dénuée de tout, n’ayant, pour la soutenir, aucune des choses que Dieu donne à Son peuple comme témoignage de Sa faveur. L’épreuve de l’âme est complète. Ce qui l’occupe maintenant, n’est pas de savoir combien elle jouit des bienfaits de Dieu, mais combien son état actuel peut entrer en rapport avec ce que Dieu est, selon Sa nature, et compter là-dessus. L’âme est ainsi éprouvée jusqu’au fond, la chair étant complètement jugée, parce qu’il ne saurait y avoir aucune liaison entre elle et Dieu.
Cela, à coup sûr, ne sera jamais compris que par une nouvelle nature, capable de saisir ce que Dieu est, et de s’attacher aux promesses par le moyen de la grâce et de l’œuvre du Saint Esprit ; de cette manière, la chair est complètement jugée ; on connaît, on discerne toute la différence qui la sépare du nouvel homme, mais on ignore la rédemption. En conséquence de la nouvelle nature, on a la conscience d’avoir le désir de faire le bien, on a la conscience de la grâce divine, mais point de paix. C’est une épreuve pour que nous nous abandonnions à la grâce purement et simplement. On en trouve le principe en Romains 7.
En parlant du psaume 42, nous ne pouvons nous attacher qu’au principe général qu’il renferme, sauf dans un cas tout particulier d’expérience chrétienne : lorsqu’une âme a cru au pardon, qu’elle a reconnu son état de péché, mais sans avoir été réellement sondée, ou sans avoir découvert la nature toute pécheresse de la chair, il se peut que cette âme vienne à perdre sa première joie et qu’elle connaisse Dieu juste assez pour éprouver l’angoisse de ne pas avoir la lumière de Sa présence ; mais alors, ce sentiment même lui inspire un désir sincère d’en jouir. Un cas semblable a lieu quand une âme s’est crue chrétienne et que, par l’opération de l’Esprit de Dieu, elle découvre qu’elle s’est trompée. Dans les deux cas, l’effet réel et bienheureux de la position dans laquelle nous sommes placés par la rédemption est ignoré. Ce psaume ne dépasse pas l’espérance, mais celle-ci est rendue plus profonde et plus véritable par l’épreuve ; il exprime plutôt le résultat de l’épreuve que l’épreuve elle-même par laquelle l’âme a dû passer ; c’est pourquoi, tout abandonnée qu’elle soit, nous y trouvons une expression si bénie de son état. Elle brame après Dieu. Pour le chrétien, la différence est qu’il se réjouit en Dieu (Rom. 5) ; toutefois cette soif de Dieu est, sous certains rapports, quelque chose de plus profond que la première joie, parce que la joie n’est que partiellement réalisée, tandis que la soif est complète et que Dieu Lui-même, tel quel, en est l’objet. Le psaume fait du reste allusion aux circonstances, et c’est la perte qu’elle a faite de Dieu dans des circonstances heureuses qui la soutenaient plus ou moins[1], c’est cette perte qui oblige l’âme à s’appuyer sur Dieu même, à Le chercher Lui seul, et qui lui fait trouver sa joie auprès de Dieu. C’est cette soif de Dieu que l’âme spirituelle doit surtout remarquer ici. Celui qui parle dans ce psaume, ayant perdu la joie qu’il avait eue au milieu de la multitude, brame après Dieu. La perte qu’il ressent en son cœur, c’est Dieu même, tandis que les personnes et les circonstances heureuses disparaissent de son esprit, quoiqu’il en ait joui avec Dieu. Le cœur a besoin de Dieu pour soi. Tel est le changement qui est opéré !
La nature divine en nous soupire après sa joie en Dieu, seul objet capable de la satisfaire, parce qu’elle est divine, seul objet qui remplisse tous les désirs et en exclue tout autre que lui. Auparavant, l’âme avait joui des bénédictions de Dieu et de Dieu Lui-même en elles. Maintenant, c’est Dieu qui devient nécessairement et d’une manière consciente, la bénédiction tout entière. L’épreuve a jugé la chair quant à l’état subjectif de l’âme, elle a jugé cette jouissance médiate de Dieu, qui n’avait lieu qu’au moyen des circonstances. Alors la vie divine, en vue de son entière bénédiction et avec la conscience de ce qu’est cette bénédiction, trouve sa joie parfaite en Dieu même, en Dieu seul. Ce n’est pas que l’âme renonce à la joie ; mais la source de la joie, la pure bénédiction morale, prend une plus grande place dans le cœur. Ainsi nous voyons des chrétiens qui, fort éprouvés par la perte de bénédictions extérieures accordées autrefois par Dieu, deviennent bien plus calmes et ont un sentiment bien plus profond que le Seigneur est leur portion ; libérés désormais de l’influence des circonstances, ils se retirent vers ce centre de repos et de bonheur.
Quoique d’une manière pénible, ainsi l’exige la discipline du Seigneur, les adversaires contribuent à l’avancement de l’âme dans le sentier dont il est question : « Mes ennemis m’outragent et me brisent les os, en me disant tout le jour : Où est ton Dieu ? ». Celui qui parle ici avait été chassé par eux de la jouissance publique de la bénédiction accordée par Dieu (voir Job. Pour Israël, c’est la bénédiction attachée à l’alliance). Quelle était désormais la preuve que les bénédictions venaient de la part de Dieu ? L’âme les Lui avait attribuées, elle avait proclamé la fidélité de Dieu, Sa puissance pour secourir ; et ses adversaires la raillant, lui disent : « Où est ton Dieu ? » comme plus tard les Juifs l’ont dit à Christ. L’effet de ces paroles est de rapprocher l’âme de Dieu, car elle n’a plus rien d’autre que Lui seul. Ses adversaires lui avaient enlevé les bénédictions dont elle jouissait et qui l’auraient facilement détournée du Seigneur. Ainsi dénuée de tout, sauf de Dieu, elle s’attend à Lui. Mais que fait-elle ? Implore-t-elle des bénédictions ? Nullement. Souvent l’âme, tout en cherchant la joie, ne réussit pas à la trouver, car ce n’est pas cela qui purifie et qui bénit ; or, pour bénir, il faut que Dieu purifie ; tandis qu’une fois dépouillés de nous-mêmes et cherchant Dieu, nous trouvons la joie. De même ici, tout en se souvenant du passé, l’âme s’écrie : « Attends-toi à Dieu, car je le louerai encore, lui le salut de ma force et mon Dieu ».
Il y a, dans ce psaume, encore d’autres points à observer. La fierté, la résistance stoïque contre l’épreuve, n’amènent pas l’âme vers Dieu ; au contraire, elles la tiennent loin de Lui, l’enseignent à se passer de Lui. Ici, l’âme ayant été sensible à l’affliction et se tenant dans la dépendance, peut s’ouvrir à Dieu, à cause de Sa bonté et de Sa fidélité.
Quand l’angoisse est à son comble et sans espoir, elle donne de l’intimité avec Celui qui est capable et désireux de secourir : « Mon âme, pourquoi t’abattre et bruire en moi ? Attends-toi à Dieu, car je le louerai encore ; sa face est le salut. Mon Dieu, mon âme s’abat au-dedans de moi, aussi me souviens-je de toi ».
Ceci nous mène à un autre point. Les angoisses, les afflictions, viennent de Dieu. Le jugement intérieur de soi-même et le regard tourné vers Dieu, l’introduisent Lui seul dans chaque circonstance. Les bénédictions et les ennemis ont disparu : « Tes vagues et tes flots passent sur moi ». C’est Dieu qui commença l’épreuve de Job, sans que ni lui ni Satan ne connussent Son dessein. Dieu se servit de la malice aveugle de Satan pour briser la nature insoumise de Job, dont ce dernier ne se doutait pas, et pour amener une bénédiction. « Un abîme appelle un autre abîme », mais c’est « à la voix des torrents de Dieu ». Voir ainsi la main de Dieu, dès le début, fait qu’on a la conscience d’une relation avec Lui (pour nous, c’est avec le Père) et, sur cette base, on s’attend à Lui pour l’avenir : « Durant le jour, l’Éternel dispensera sa grâce et, dans la nuit, son cantique sera avec moi et ma prière au Dieu de ma vie ». Il y a de la confiance, de la hardiesse vis-à-vis d’un Dieu fidèle : « Je dirai donc au Dieu qui est mon rocher : Pourquoi m’as-tu oublié ? ». Le mot abandonné n’est pas employé ici. Christ seul a été abandonné ; la foi sait qu’elle ne le sera jamais. Mais conformément à cette confiance en l’amour infaillible de Dieu, le psalmiste Lui demande pourquoi Il l’a oublié entre les mains de ses ennemis.
Chose digne d’attention ! Du moment que nous voyons la main du Seigneur dans nos afflictions, nous pouvons chercher la délivrance, parce que c’est le Seigneur et que Sa main est sur nous en amour.
Les railleries des adversaires plaident elles-mêmes en faveur de la délivrance (v. 10), car lorsqu’ils disent : « Où est ton Dieu ? », pour réponse, il faut que Dieu se manifeste. Cependant, la soif de l’âme après Dieu est devenue de plus en plus profonde, et toute légèreté de cœur ayant disparu, cette manifestation a infiniment plus de valeur. Ici, les assurances de bénédiction sont augmentées avant que l’âme angoissée n’ait dit qu’elle était assurée du salut de sa face et qu’elle en ferait le thème de ses louanges ; mais nous avons vu que le cœur purifié et exercé a été amené à se confier dans la fidélité de Dieu, selon la relation qu’il sait exister entre Dieu et lui. Le cœur, sans être encore délivré extérieurement, se confie sur Dieu et Le désire. Aussi il s’écrie : « Lui le salut de ma face et mon Dieu » (sa face joyeuse réfléchit l’amour qui brille sur celle de Dieu). La détresse, le manque de tout ce que Dieu avait donné, même des bénédictions spirituelles, ont fait que le cœur s’est rejeté sur Lui comme l’unique source de joie et avec cette confiance qui s’établit dès que l’âme est près de Dieu et qu’elle reconnaît, par la foi, la relation qui existe entre elle et Lui. Il se peut bien que la paix complète, la pleine jouissance du cœur, se fassent attendre, si le Seigneur trouve nécessaire de purifier encore et d’éprouver ; mais on s’appuiera cependant sur Lui avec confiance et l’âme sera amenée de cette façon à avoir réellement soif de Lui. « Mon âme a soif de Dieu ». Elle s’adresse à Lui ; la réponse manque, mais nous voyons l’état de l’âme amenée à ne rechercher que Dieu, assurée de la clarté de Sa face et du salut qu’elle y trouvera. Encore un détail : c’est quand l’âme est abattue, c’est quand son orgueil est brisé, qu’elle se souvient de Dieu (v. 6). Quand elle voit la main de Dieu dans ses épreuves (v. 7), elle voit aussi que l’Éternel (Dieu connu par une relation) dispensera Sa grâce, que Dieu est le Dieu de sa vie et son rocher.
Dans le psaume 42, nous venons de voir l’âme restaurée intérieurement et amenée à avoir véritablement soif de Dieu, cherchant toute sa joie en Lui. Au psaume 43, nous voyons ensuite que l’âme demande une délivrance qui la rende capable de jouir pleinement de Dieu. Dieu est devenu son allégresse et, ainsi restaurée, il lui sera accordé de L’adorer librement, afin de pouvoir exprimer toute sa joie et toute sa reconnaissance. Dieu n’est pas nommé ici le Dieu de sa vie, mais le Dieu de sa force (v. 2). Jusqu’à ce que l’âme considérât réellement Dieu Lui-même comme sa joie, ce cri de délivrance, quoique naturel et sans être mauvais, s’il était soumis à la volonté de Dieu (au fond, la soumission fait désirer plutôt la purification que la délivrance de l’épreuve), exprimait un désir de confort et de bien-être, quoique ces choses, venant de la part de Dieu, ne soient pas à mépriser. Mais maintenant que l’âme est purifiée, le cri de délivrance n’est autre chose que le désir de louer et de glorifier Dieu. Ce changement est digne de remarque, quoique l’épreuve pleine de grâce et juste de la part de Dieu, puisse être injuste de la part des hommes. Il est naturel que le cœur désire d’être délivré ; mais, comme Élihu le dit à Job, si ce n’est pas en étant soumis à la volonté de Dieu, c’est préférer l’iniquité à l’affliction ; on manque alors à la fois de droiture et de soumission. Dès que le cœur est complètement restauré, le désir de la délivrance est à sa place. Or avec une conscience droite, nous saurons assez bien que s’il y a en nous la soumission à la volonté de Dieu et le désir d’être parfait de cœur, la délivrance arrivera sûrement au bon moment.
Ce désir d’être délivré, c’est le désir d’être manifestement en paix avec Dieu, de Le glorifier et de Le louer publiquement. Au psaume 42, les ennemis qui se moquaient n’étaient que les vagues et les flots de Dieu (v. 7) ; mais le point terrible, c’était leur question : « Où est ton Dieu ? ». L’âme eut soif de Lui ; maintenant, elle désire que sa cause soit jugée et implore la délivrance. Il y avait une épreuve plus douloureuse que l’oppression extérieure, quoiqu’elle existât encore, c’était la méchanceté directe des iniques (« délivre-moi de l’homme fourbe »). Le psalmiste désire que la lumière et la vérité de Dieu apparaissent, le conduisent, l’amènent à la montagne de Sa sainteté. Ce n’est pas ici la conscience que Dieu est la joie secrète de son âme, mais que ce Dieu qui est sa joie l’amènera maintenant, par Sa puissance, à Le louer, à L’adorer publiquement : « Alors j’irai près de l’autel de Dieu, auprès de Dieu, mon transport et mon allégresse, et je te louerai avec la harpe, ô Dieu, mon Dieu ! ». Cet espoir encourage son cœur et le ramène à ce qui était le secret et la plénitude de sa joie, à ce qu’il possédait dans l’espérance que Dieu serait le salut de sa face. Moralement, Dieu était son allégresse ; maintenant, cette allégresse se montrera dans une adoration publique et paraîtra sur la face radieuse de celui qui en jouit
Dans le psaume précédent, le résultat de l’épreuve est la soif de l’âme après Dieu, quoiqu’elle cherche la délivrance. Ici, tout en n’étant pas encore rétablie dans la bénédiction extérieure, Dieu est son allégresse, son Dieu, et cette bénédiction extérieure est attendue prochainement.
- ↑ Elle a perdu Dieu en perdant son bonheur extérieur.