Livre:Étude sur l’Apocalypse/Chapitre 1

De mipe
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Il est bien digne de remarque que l’apôtre Jean ait été l’instrument choisi de Dieu pour nous communiquer ce dernier des écrits du Nouveau Testament, si différent de l’évangile et des épîtres du même apôtre. Mais ce n’est pas l’unique fois que Dieu s’est plu à présenter par le moyen du même écrivain des sujets qui offrent les plus grands contrastes. C’est ainsi, par exemple, que celui qui est appelé l’apôtre de l’incirconcision fut cependant le témoin de Christ auprès de ceux qui avaient été Juifs et qui étaient en danger de retourner aux ordonnances mosaïques. C’est à lui, et non à Pierre ni à Jacques, que fut confié ce message final et décisif de la grâce qui invitait les Hébreux à rompre tout lien avec un culte terrestre pour s’attacher à Christ glorifié dans le ciel. De même, dans la pensée de Dieu, l’apôtre Jean, ce témoin de la grâce et de la vérité venues par Jésus Christ, était le témoin le plus convenable pour révéler les jugements à venir. La raison morale en est claire. Si Christ est rejeté comme objet de la foi et canal unique de la grâce, Il devient nécessairement l’exécuteur du jugement. Nous trouvons cette vérité établie d’une manière formelle par le Seigneur Lui-même dans l’évangile selon Jean (chapitre 5).

Or de même que Christ avait été rejeté autrefois par le peuple juif, la grâce et la vérité qu’Il avait apportées étaient aussi sur le point d’être méconnues et abandonnées entièrement par ceux qui portaient le nom de Christ sur la terre. Dans ces circonstances, Jean, plus qu’aucun autre, était propre à dérouler devant nous les visions solennelles des jugements par lesquels Dieu allait revendiquer les droits méprisés de Son Fils ; jugements providentiels d’abord, puis exécutés par Christ venant en personne pour écraser Ses adversaires.

Ainsi, bien que l’évangile selon Jean et l’Apocalypse présentent dans leur forme, leur sujet et leurs conclusions, les contrastes les plus accentués, c’est, par-dessus tout, la personne du Seigneur Jésus que ces deux livres placent devant nous, comme étant Celui à l’honneur et à la gloire duquel Dieu veut faire concourir toutes choses. De là vient qu’en tout temps, mais surtout pendant les périodes d’épreuves et de persécutions, des âmes, incapables peut-être de pénétrer le sens des visions de l’Apocalypse, ont trouvé, en contemplant Christ dans ce livre, une profonde édification et une indicible consolation, tandis que trop souvent les commentaires des savants n’ont fait que le dessécher.

L’Apocalypse est la « Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a donnée ». Christ est ici envisagé comme homme. Même dans l’évangile selon Jean, si rempli du parfum de Sa divinité, cette position si remarquable que le Fils de Dieu a prise est fréquemment, sinon constamment, rappelée. Il nous y est présenté comme Celui que le Père « a envoyé » sur la terre et qui vit « à cause du Père » (Jean 6, 57). Dans l’Apocalypse on Le voit véritablement homme, soit dans le ciel, soit sur la terre. Dans l’évangile selon Jean, Jésus dit que le Père Lui a donné d’avoir la vie en Lui-même (Jean 5). Rien ne démontre mieux combien Il accepte pleinement la position d’homme à laquelle Il s’est abaissé. En Lui était la vie ; bien plus, Il était cette vie éternelle qui était auprès du Père, avant que le monde fût ; et néanmoins, devenu homme par l’effet de la grâce de Dieu, toutes Ses paroles sont en accord avec cette humble position qu’Il a prise ici-bas. Dans la gloire, il en est absolument de même, comme le montre le livre dont nous nous occupons.

« Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves ». Telle est la qualification donnée à ceux à qui s’adresse la révélation. Il n’est pas question ici du titre d’enfants de Dieu qui leur appartient comme ayant cru au nom du Seigneur Jésus. C’est ce qui caractérise l’évangile qui, d’une manière spéciale, est la révélation de la grâce et de la vérité en Jésus Christ, le Fils unique du Père. Dans l’Apocalypse, Dieu donne à connaître ce qu’Il veut faire pour la gloire de l’homme rejeté. Il va montrer à Ses « esclaves » les choses qui doivent arriver bientôt, et ce titre d’esclaves convient aussi bien à nous chrétiens, qu’à ceux qui seront avec Dieu dans une autre relation après que nous aurons été retirés du monde. Il ne s’agit pas de révéler les choses qui étaient en Christ avant tous les siècles, mais de dévoiler les grands faits par lesquels Dieu est sur le point de manifester au monde la gloire du premier-né.

« Et il l’a signifiée, en l’envoyant par son ange, à son esclave Jean ». Ce n’est pas sans raison qu’un ange est employé ici, pour communiquer les révélations de Dieu. L’évangile nous parle de la vie éternelle qui est dans le Fils et qui, par grâce, est donnée au croyant. Aussi y voyons-nous que le Saint Esprit peut seul administrer et rendre efficace une telle faveur, selon les conseils de Dieu et les dispositions que Son amour a prises. Mais ici nous avons des visions — les visions des voies judiciaires de Dieu et du jugement qu’allait appeler sur l’homme son iniquité croissante. Voilà pourquoi « il l’a signifiée, en l’envoyant par son ange, à son esclave Jean ».

Nous trouvons ici un nouveau et remarquable trait de différence entre l’évangile selon Jean et l’Apocalypse. Dans l’évangile, Jean, sans doute, parle comme quelqu’un qui a vu le Seigneur, qui a vécu avec Lui, et qui peut se porter garant personnellement de ce qu’Il communique ; mais il ne parle que rarement de lui-même, et quand il le fait, c’est en s’effaçant tellement que l’on a mis en question si c’était bien lui qui était « le disciple que Jésus aimait ». Cette conclusion est inexacte, mais le fait qu’on a pu la tirer montre combien peu l’écrivain s’est mis en avant. Nous retrouvons cela d’une manière encore plus caractéristique dans les épîtres de Jean qui, soit qu’elles s’adressent à l’ensemble de la communauté chrétienne, à une famille, ou à un ami, ont pour but unique de mettre les enfants de Dieu, par le moyen de Christ, en communion immédiate avec Dieu Lui-même. C’est un apôtre inspiré qui écrit, et les divers membres de la famille de Dieu, aussi bien que les serviteurs du Seigneur, sont reconnus à la place qui leur appartient, mais en même temps, l’écrivain lui-même disparaissant pour ainsi dire, c’est celui qui est Dieu et Père qui instruit, console et avertit directement les siens.

Il n’en est pas ainsi dans l’Apocalypse. Dieu donne une révélation à Jésus, Jésus la transmet par Son ange à Son esclave Jean et par lui à d’autres esclaves. Voilà un mode de communication tout à fait exceptionnel dans le Nouveau Testament.

Pourquoi Dieu ne nous manifeste-t-Il pas ici directement Ses voies et ne s’adresse-t-Il pas à nous d’une manière immédiate comme Il le fait ailleurs ? La raison en est aussi solennelle qu’instructive. Nous trouvons quelque chose d’analogue dans l’Ancien Testament. Dieu ne s’y adresse pas toujours directement à Son peuple. Il le fit à l’origine, quand, de Sa bouche même, Il prononça les dix paroles ; mais plus tard Il se servit d’intermédiaires. Habituellement Dieu envoyait à Israël des messagers, savoir des prophètes qui parlaient au nom de l’Éternel. D’abord ils s’adressaient à tout le peuple, mais le temps vint où le message de Dieu, quoique destiné à être communiqué au peuple, ne lui fut pas envoyé directement, mais fut confié à un seul témoin, Daniel, choisi entre tous.

En examinant ce qui amena ce changement dans les voies de Dieu à l’égard d’Israël, nous trouvons la clé du changement analogue que l’on remarque en passant du reste du Nouveau Testament à l’Apocalypse. Lorsque les enfants d’Israël se furent détournés de Dieu, et, qu’à Ses yeux, cet abandon fut complet et sans retour ; lorsque, non seulement les dix tribus, mais même Juda et la maison de David, dernier lien entre Dieu et Son peuple, eurent failli ; alors Dieu ne s’adressa plus au peuple, mais à un serviteur élu et fidèle dont Il fit Son témoin. C’était une marque certaine que, pour le présent, tout était fini et qu’il n’y avait plus de relation immédiate entre Dieu et un peuple qu’Il ne pouvait plus reconnaître pour sien.

Quelle gravité dans cette situation ! Mais dans les temps même les plus fâcheux, Dieu se montre fidèle. Il serait tout à fait erroné de penser que, malgré le triste état de choses où se trouvait Israël, Daniel et ses trois compagnons fussent moins agréables à Dieu que David. Ses yeux se reposaient pleins de grâce et avec une extrême satisfaction sur un serviteur qui répondait à Ses propres sentiments pour Son peuple. C’est à cause de cela même que Daniel reçut de l’Éternel une faveur si exceptionnelle. Et, en un sens, il valait mieux être Daniel au milieu des ruines, que d’occuper la meilleure des positions dans un temps de prospérité. C’est une plus grande preuve de fidélité de demeurer ferme au milieu du désordre, que lorsque tout suit son cours régulier. La grâce s’élève toujours à la hauteur de chaque difficulté.

Appliquons maintenant ce que nous venons de dire au temps actuel et aux circonstances présentes. Combien n’est-il pas sérieux de penser qu’à l’époque même de Jean, l’Église de Dieu était entrée dans un état de choses semblable à celui dont nous avons parlé relativement à Israël. La position de Jean est analogue à celle de Daniel. C’est à lui que s’adressent les communications du Seigneur Jésus, tandis que l’Église, qui portait encore sur la terre le nom de Christ, est laissée de côté. La grâce était encore là pour réveiller et exhorter, toutefois Jésus ne s’adresse qu’à Son esclave Jean et non à l’Église. Les épîtres mêmes du deuxième et du troisième chapitres ne sont pas envoyées directement aux assemblées, mais à leurs anges. Tout nous place ainsi sous l’impression de cette sérieuse vérité en rapport avec l’état de l’Église.

Jean, est-il dit, « a rendu témoignage de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus Christ, de toutes les choses qu’il a vues ». Ces paroles ne signifient pas la vérité en général, ni l’évangile en particulier, quoiqu’il soit indubitable que Jean a prêché l’évangile et qu’il a nourri l’Église au moyen de la vérité tout entière. Mais tel n’est pas le sujet de l’Apocalypse, ni le sens de ces paroles. Ici tout est limité à ce que Jean a vu. Cette remarque est importante pour comprendre la portée de ce passage et le caractère du livre. Remarquons que les meilleures autorités sont d’accord pour la suppression du mot « et » devant « toutes les choses qu’il a vues ». Que devons-nous donc entendre par ces mots : « la parole de Dieu » ? Est-ce une partie spéciale ou l’ensemble de la Parole ? Que signifie cette expression en relation avec cette autre : « le témoignage de Jésus Christ » ? La réponse est donnée par le dernier membre de la phrase quand l’on supprime le mot « et » ; ce sont « toutes les choses qu’il a vues », c’est-à-dire les visions qu’il lui fut donné de contempler et qu’il rapporte dans ce livre. Ainsi, outre ce que l’apôtre avait en commun avec les autres chrétiens et ce qu’il avait déjà reçu pour le leur communiquer dans sa longue carrière employée au service de Christ, il reçoit maintenant la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ sous un nouveau caractère.

Il en résulte qu’une incrédulité ignorante peut seule traiter avec légèreté ou indifférence les visions apocalyptiques, puisque aussi bien que les évangiles et les épîtres, elles sont la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ, présentés ici, il est vrai, sous la forme prophétique qui convenait au but que Dieu se proposait. Ainsi se trouve jugée nettement la tendance trop commune de considérer l’Apocalypse comme ayant une valeur douteuse et une autorité incertaine, et nous ne pouvons que réprouver avec une juste indignation ceux qui, savants peut-être selon le monde, n’ont pas craint, dans leur folie, d’attaquer ce livre. Il faut convenir, sans doute, que l’Apocalypse n’est pas destinée à l’édification directe du chrétien, dans la position qui lui est propre, mais elle n’en est pas moins la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ, et, comme telle, édifie indirectement en annonçant le sort de ceux qui méprisent Dieu et font leur propre volonté en dépit de Sa révélation.

Les paroles du troisième verset, d’une portée qui embrasse les croyants de ces temps et de ceux qui suivront, tendent au même but. Ne semblent-elles pas expressément écrites, à la fois pour l’encouragement des serviteurs de Christ et pour la condamnation anticipée des doutes et des contestations puériles de l’incrédulité ? « Bienheureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie et qui gardent les choses qui y sont écrites ».

« Car le temps est proche », telle est la raison qui nous est donnée pour garder les choses écrites dans la prophétie, et nous devons la peser sérieusement. Ce n’est pas, comme on l’affirme souvent, parce que nous nous trouvons au milieu des circonstances prédites, ou bien parce que les chrétiens (et l’Église) auront à traverser les tribulations que décrit la prophétie. Ce livre même nous montre l’Église recueillie dans le ciel, en dehors de la scène des tribulations et des jugements. Non, le motif qui nous est donné dans le verset 3 est saint, remarquablement adapté à ceux qui marchent par la foi et non par la vue, et entièrement dégagé de toute considération égoïste. « Le temps est proche » ; il n’est pas arrivé actuellement, en sorte que nous ayons à le traverser en tout ou en partie, mais il est proche. C’est pourquoi Dieu écrit pour nous consoler, nous exhorter et, d’une manière générale, nous bénir quels que soient nos besoins. Il tient pour certain que nous nous intéressons à tout ce qu’Il veut bien nous faire connaître. Il est faux le principe qui prétend que nous ne pouvons tirer profit que des choses qui nous concernent personnellement et des circonstances actuelles que nous traversons.

Après la préface vient la salutation, dont la forme toute particulière convient parfaitement au livre de l’Apocalypse. « Jean, aux sept assemblées qui sont en Asie ». Cette adresse diffère entièrement de celles que nous trouvons autre part. On voit Paul, par exemple, écrire aux saints de telle ou telle localité, à une assemblée ou même aux assemblées d’une contrée ; mais c’est ici seulement qu’il est question d’un nombre déterminé d’assemblées, et d’un nombre dont la signification symbolique est bien connue. Dans le langage prophétique ou typique, sept désigne invariablement la perfection spirituelle. Bien qu’il soit hors de doute que les lettres que nous trouvons ici aient été adressées littéralement aux assemblées mentionnées, il semble tout aussi certain que leur portée est beaucoup plus étendue. Les sept assemblées d’Asie furent choisies et les lettres écrites de manière à présenter à ceux qui ont des oreilles pour entendre, le cycle complet du témoignage du Seigneur ici-bas aussi longtemps qu’existerait ce qui en responsabilité, sinon en réalité, posséderait le caractère d’église. Quelque faible et misérable que puisse être l’état des choses, il y a pourtant une profession ecclésiastique dont nous ne trouvons plus trace depuis le chapitre 4. Ce n’est donc qu’aussi longtemps qu’existe ici-bas la responsabilité de l’Église que ces épîtres trouvent leur application.

« Aux sept assemblées qui sont en Asie : Grâce et paix à vous, de la part de celui qui est, et qui était, et qui vient ». La salutation n’est pas ici de la part du Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, comme dans la plupart des épîtres du Nouveau Testament, mais de la part de Dieu envisagé dans Son essence, Celui qui est immuable, qui existe toujours le même, qui est, et qui était, et qui vient. Cela relie Son existence présente avec l’avenir aussi bien qu’avec le passé.

« Et de la part des sept Esprits qui sont devant son trône ». Le Saint Esprit est présenté ici sous un point de vue tout différent de celui que l’on trouve dans les autres parties du Nouveau Testament. C’est une allusion évidente au passage d’Ésaïe 11, 2, où se trouve décrite la puissance septuple du Saint Esprit en rapport avec le gouvernement, la personne et le royaume du Messie, mais elle est appliquée ici d’une manière beaucoup plus large et qui convient au but de la prophétie apocalyptique.

La même remarque s’applique à toutes les citations de l’Ancien Testament ou aux allusions qui y sont faites dans l’Apocalypse. On y rencontre constamment des passages qui se rapportent à la loi, aux Psaumes ou aux Prophètes, mais ce n’est jamais une simple répétition. Cela aurait pour effet de nous priver de l’Apocalypse, au lieu de nous faire comprendre et recueillir pour notre profit les enseignements particuliers qu’elle renferme. Si l’on identifie la Jérusalem d’Ésaïe avec la nouvelle Jérusalem de Jean, ou si l’on prétend que la Babylone de Jérémie est celle de l’Apocalypse, on perd l’instruction spéciale que Dieu a voulu nous donner dans ce dernier livre. C’est là une des principales causes de confusion dans l’étude de l’Apocalypse. D’un autre côté, si nous ne partons pas des révélations de l’Ancien Testament touchant Jérusalem et Babylone ou, en général, des enseignements des prophètes, nous ne pouvons pas apprécier ou même saisir l’ensemble de l’Apocalypse. Séparer absolument le Nouveau Testament de l’Ancien est une méprise presque aussi grande que de ne voir dans le Nouveau qu’une simple répétition de l’Ancien. Il y a entre eux un enchaînement divin, et il était dans la pensée de l’Esprit que l’un se rapportât à l’autre ; mais l’Apocalypse a une portée bien plus étendue et présente un caractère beaucoup plus profond. Les choses y sont envisagées après que le Saint Esprit a pris Sa place dans les chrétiens et dans l’Église sur la terre, et, par-dessus tout, après que le Fils de Dieu a paru, qu’Il a manifesté Dieu le Père et accompli la rédemption. Voilà pourquoi, si l’on veut donner à l’Apocalypse sa véritable portée, il faut tenir compte de la plénitude de la lumière divine répandue par la personne et l’œuvre de Christ, aussi bien que par la présence de l’Esprit dans l’Église de Dieu.

Les sept esprits représentent donc la plénitude et le parfait déploiement de l’énergie du Saint Esprit agissant dans les voies gouvernementales de Dieu. Partout où elle est ainsi présentée, le contexte montre à quoi s’applique cette puissance de l’Esprit. Ainsi, au chapitre 3, elle est en rapport avec Christ s’occupant de l’Église ; au chapitre 5, elle est en relation avec la terre, mais on ne trouve jamais dans l’Apocalypse le Saint Esprit vu dans Son unité et formant l’Église en un seul corps. Nous ne Le voyons ainsi que dans les épîtres de Paul où le chrétien est envisagé dans sa propre sphère comme membre du corps de Christ.

« Et de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, et le prince des rois de la terre ». Dieu comme tel a donc été introduit dans le caractère qu’Il revêt dans l’Ancien Testament ; le Saint Esprit nous a été présenté de la même manière, et il en est ainsi de notre Seigneur Jésus Christ, comme nous le verrons. Rien n’est plus frappant, surtout quand nous nous rappelons quel est l’auteur de ce livre, que de voir qu’il n’y est fait aucune mention de la relation de Dieu avec les siens comme étant Ses enfants. Nulle part ne s’y trouve la révélation de la grâce. Jésus Christ apparaît comme « le témoin fidèle ». C’est évidemment ce qu’Il a été sur la terre, et, quoique sous une forme différente, c’est bien le sujet que Jean traite partout. Paul contemple surtout Jésus glorifié dans le ciel, mais Jean s’attache toujours à montrer Christ par rapport à ce qu’Il a été ici-bas. S’il Le voit en haut comme l’Agneau, c’est l’Agneau qui a souffert et qui a été immolé sur la terre. Dans la résurrection, Il est le premier-né des morts, mais c’est encore sur la terre, et Son caractère de « prince des rois de la terre » ne sera révélé que lorsqu’Il viendra du ciel ici-bas. Mais, dans les divers caractères sous lesquels le Seigneur Jésus nous est présenté ici, tout ce qui a trait à Sa position céleste est soigneusement laissé en dehors. Nous ne trouvons même pas ce qui Le rattache au chrétien ici-bas, c’est-à-dire Son intercession auprès de Dieu, quoiqu’Il paraisse sous ce caractère pour d’autres dans le chapitre 8.

Le Seigneur Jésus est donc envisagé seulement dans ce qui se rapporte à la terre, même quand il s’agit de Sa résurrection, et c’est pour cette raison que comme homme, Il est placé en dernier lieu devant nous.

Mais alors se fait entendre tout à coup la voix du chrétien, interrompant le courant des pensées du livre avant que les visions ne commencent ; de même aussi, lorsqu’elles ont pris fin, on entend l’aspiration de l’épouse. Bien que Jésus ne soit pas présenté dans la relation où nous Le connaissons comme chrétiens, c’est Celui que nous aimons, et Son nom a suffi pour émouvoir le cœur qui s’épanche en expressions d’adoration et d’amour. « À celui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang ; — et il nous a faits un royaume, des sacrificateurs pour son Dieu et Père ; — à lui la gloire et la force aux siècles des siècles ! Amen ». C’est l’effusion du cœur qui trouve en Jésus toutes ses délices.

Mais de peur d’affaiblir ce que sera Jésus pour ceux qui ne sont pas avec Lui dans cette relation et cette proximité bénies, le verset suivant donne un avertissement en accord avec l’ensemble du livre. « Voici, il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. Oui, amen ! ». Cela n’a rien à faire avec Sa présence pour nous ; mais après le chant de louanges qui s’est comme échappé involontairement du cœur des siens, vient le témoignage qui s’applique à d’autres. Christ vient pour le jugement, Christ vu de tous, et, s’il y a quelque différence, pour l’angoisse inexprimable de ceux qui L’ont percé ; je veux dire les Juifs.

« Moi, je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, et qui était, et qui vient, le Tout-puissant ». Celui qui est le premier et le dernier, embrassant toutes choses dans Sa pensée, lorsqu’Il communique ce qui peut être donné à l’homme, c’est Celui-là qui parle, le Seigneur Dieu, l’Éternel. Il met ainsi dès le commencement Son sceau sur ce livre.

« Moi, Jean, qui suis votre frère et qui ai part avec vous à la tribulation et au royaume et à la patience de Jésus, j’étais dans l’île appelée Patmos, pour la parole de Dieu et pour le témoignage de Jésus Christ ».

L’auteur du livre se présente lui-même d’une manière tout à fait adaptée au témoignage qu’il est appelé à rendre et à tout ce qu’il déroulera plus tard devant nos yeux. Tout le livre suppose les saints passant par les tribulations. Ils sont envisagés, non comme membres du corps de Christ qui est l’Église, mais comme associés à Son royaume et à Sa patience. Dans cette position, ils souffrent pour la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus Christ. Jean, personnellement, jouissait pleinement de sa position en Christ ; rien ne lui manquait des privilèges qui appartiennent au chrétien et à l’Église, mais ici il ne représente pas seulement les chrétiens ; il est associé aux saints d’une époque qui suivra la nôtre, à la fin de cette période, et pour lesquels il a reçu des communications spéciales. Il ne parle donc pas de lui ici comme participant aux promesses de Dieu en Christ dans l’évangile, quoique ce fût vrai, mais seulement comme ayant part au royaume et à la patience de Jésus Christ. Cela d’ailleurs est vrai pour nous tous, mais nous avons en outre notre relation spéciale avec Christ comme membres de Son corps, ce qui n’existera pas pour les saints des derniers temps ; et, ce que Jean met en évidence, c’est ce qui leur appartient.

« Je fus en esprit, dans la journée dominicale ». Montrer que Jean était dans la position chrétienne, semble être une des raisons pour lesquelles il plut à Dieu de lui donner les visions de ce livre dans la journée du Seigneur ou jour dominical. C’est le jour caractéristique du chrétien, le jour anniversaire de la bénédiction qui le distingue, le jour qui devrait remplir tout particulièrement son cœur de joie. C’est le premier jour d’une nouvelle création et de la résurrection de grâce, et non le septième jour du repos de la création et de la loi.

Ce jour-là, l’auteur inspiré, Jean, fut sous la puissance du Saint Esprit pour recevoir et révéler les visions qui allaient passer devant lui. Tout accès devait être fermé aux impressions venant des objets extérieurs, afin qu’il put entrer dans ce que Dieu était sur le point de lui montrer. « Et j’ouïs derrière moi une grande voix, comme d’une trompette ». Le fait que la voix se fait entendre derrière Jean est significatif. La prophétie porte plutôt les regards en avant, vers l’avenir ; mais il fallait d’abord jeter un coup d’œil en arrière et apprendre quel jugement le Seigneur prononçait sur ce qui portait Son nom sur la terre, sur la chrétienté.

« Une grande voix, comme d’une trompette, disant : Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept assemblées ». Ce que va dire la voix qui s’est fait entendre derrière Jean, est exclusivement pour les sept églises. Quand plus loin (chap. 4, 1) un autre sujet est introduit, la même voix lui dit : « Monte ici, et je te montrerai les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Les regards du prophète sont alors dirigés vers les choses futures.

« Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept assemblées : à Éphèse, et à Smyrne, et à Pergame, et à Thyatire, et à Sardes, et à Philadelphie, et à Laodicée. Et je me retournai pour voir la voix qui me parlait ; et, m’étant retourné, je vis sept lampes d’or ». Comme nous l’apprenons plus loin, ce sont les sept assemblées, vues selon la pensée du Seigneur à leur égard, c’est-à-dire comme étalon de la justice divine ; voilà pourquoi les lampes sont d’or. Nous retrouvons partout ce principe, qu’aux yeux de Dieu nous sommes mesurés selon la position qui nous est donnée ; mais il caractérise particulièrement les écrits de Jean. Par exemple pour le chrétien, la mesure n’est nullement la loi ; c’était pour les Juifs ; pour nous, c’est Christ Lui-même. « Celui qui dit demeurer en lui, doit lui-même aussi marcher comme lui a marché ». Le chrétien n’a donc pas à marcher comme un Israélite en se réglant sur la loi, mais en se souvenant qu’il est du ciel, non plus sous la loi, mais sous la grâce. La raison de ce principe est tout à fait claire et simple. La manière dont nous devons agir est en rapport avec notre position et les relations dans lesquelles nous nous trouvons placés. Un serviteur doit se conduire comme il convient à un serviteur, et si je suis maître, la conduite d’un serviteur n’est pas la règle de la mienne. Confondre les diverses relations est un tort ; les négliger, une perte ; les nier est funeste. Quelle que soit la position où il a plu à Dieu de nous placer, la grâce et la puissance de Dieu sont notre ressource pour nous faire marcher d’une manière qui soit en harmonie avec cette position.

Mais remarquons bien qu’il ne s’agit pas des relations de convention que l’homme a établies. La vie en Christ nous sort en principe des vanités de ce monde. Nous abaisser au niveau du monde n’est pas marcher comme Christ, c’est chercher, au moyen d’une position terrestre, à échapper à une partie du renoncement que Christ réclame de nous comme Ses témoins et qui, en réalité, est une bénédiction pour nous. Il n’est donc pas question des désirs et des sentiments de l’homme naturel, mais de ce que Christ a mis en nous. Si l’on a vu le Fils de Dieu et que l’on ait cru en Lui, si par grâce on possède la même vie que celle qui était en Lui, de sorte que ce soit « vrai en lui et en vous », il n’y a alors, comme chrétien, d’autre mesure que Christ Lui-même.

Il en est ainsi des sept lampes d’or. Tout doit être et était mesuré selon la pensée de Dieu et la position dans laquelle Il plaçait les assemblées. Leur règle était la conformité avec Dieu révélé en Christ. C’est pourquoi elles sont représentées sous la figure de lampes d’or.

« Je vis sept lampes d’or, et au milieu des sept lampes quelqu’un de semblable au Fils de l’homme, vêtu d’une robe qui allait jusqu’aux pieds, et ceint, aux mamelles, d’une ceinture d’or. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige ; et ses yeux, comme une flamme de feu ; et ses pieds, semblables à de l’airain brillant, comme embrasés dans une fournaise ; et sa voix, comme une voix de grandes eaux ; — et il avait dans sa main droite sept étoiles ; et de sa bouche sortait une épée aiguë à deux tranchants ; — et son visage, comme le soleil quand il luit dans sa force ». Le Seigneur Jésus, car c’est Lui, comme nous le savons, qui apparaît à Jean sous ces traits, n’est pas vu dans l’activité du service. La robe relevée et ceinte autour des reins en était le signe, tandis qu’ici elle est flottante, descendant jusqu’aux pieds. Il se présente dans l’appareil judiciaire, comme le Fils de l’homme à qui tout le jugement est donné (Jean 5, 22, 27). Mais voici un trait qui seul suffirait à trahir Jean comme l’écrivain de ce livre. Celui qu’il voit sous l’apparence du Fils de l’homme est revêtu des attributs distinctifs de l’Ancien des jours (Daniel 7). Tandis que Daniel avait vu l’Ancien des jours sous un aspect, et le Fils de l’homme sous un autre aspect tout différent, Jean les voit réunis en une même personne. Christ est homme, mais l’homme que Jean voit ainsi est une personne divine, le Dieu éternel Lui-même. Ainsi Jean ne peut perdre de vue la gloire divine de Jésus, même quand le sujet dont il va s’occuper est le jugement, et que c’est le royaume qui partout est mis en évidence.

Ce passage nous montre une triple gloire de Christ : ce qui Lui est personnel, ce qui est relatif, et enfin ce qui est officiel. Mais il y a plus. Jean dit : « Et lorsque je le vis, je tombai à ses pieds comme mort ; et il mit sa droite sur moi, disant : Ne crains point ; moi, je suis le premier et le dernier ». De telles expressions ne peuvent s’appliquer qu’à une personne divine. Celui qui est le premier est nécessairement Dieu, et comme tel, Il doit aussi certainement être le dernier. Or Jésus dit ces paroles de Lui-même ; bien plus, Il ajoute : « et le vivant ; et j’ai été mort », ou plus littéralement « je suis devenu mort ». L’expression est la plus forte possible pour mettre sous nos yeux non pas le simple fait qu’Il est mort, ce que nous trouvons ailleurs, mais qu’Il est mort par un acte de Sa propre volonté. Mourir semble tout à fait incompatible avec la personne glorieuse qui vient d’être décrite, mais Il est devenu ce qui n’était pas une nécessité de Sa nature. Telle semble être la portée de ces paroles, et tel est le soin avec lequel le Saint Esprit veille à faire ressortir la gloire de Christ, même dans ce qui nous parle des profondeurs de Son humiliation. « J’ai été mort ; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles ; et je tiens les clefs de la mort et du hadès ». Nul ne descend au hadès sans avoir passé par la mort ; celle-ci se rapporte au corps, celui-là à l’esprit séparé du corps[1].

« Écris donc les choses que tu as vues, et les choses qui sont, et les choses qui doivent arriver après celles-ci ». Nous avons dans ces mots les trois grandes divisions du livre ; chose évidente et familière à presque tout lecteur. Les choses que Jean a vues sont la personne et la gloire de Christ dans Ses rapports avec ce que révèle l’Apocalypse. C’est ce dont nous avons déjà parlé.

« Les choses qui sont » présentent le tableau de la condition de l’Église durant le temps de son existence ici-bas. Nous le trouvons développé dans les lettres aux sept assemblées. L’expression « qui sont » est très frappante en ce qu’elle semble indiquer que les assemblées devaient d’une manière quelconque continuer à exister. Nous pouvons maintenant comprendre la force de ces mots, quoiqu’il soit possible qu’aux jours de Jean on n’y attachât pas une aussi grande importance.

Il est un autre point de vue auquel on peut envisager le livre de l’Apocalypse. C’est de prendre « les choses qui sont », c’est-à-dire les assemblées, comme déjà passées et terminées, et de considérer la prophétie comme suivant actuellement son cours. Je pense qu’en effet il était dans l’intention de Dieu de nous présenter ce double aspect. Sans entrer dans aucun détail quant à cette manière de voir, j’ai cru devoir la mentionner aussi bien que celle d’après laquelle « les choses qui doivent arriver après celles-ci », ne commencent que lorsqu’il n’existe plus rien auquel la condition d’église soit applicable.

Remarquons encore que l’expression « les choses qui doivent arriver après celles-ci » rend plus exactement le sens clair et précis de l’original que les mots « qui doivent arriver ensuite », lesquels présentent quelque chose de vague.

« Le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite, et les sept lampes d’or : les sept étoiles sont les anges des sept assemblées, et les sept lampes sont sept assemblées ».

Dans chaque épître le Seigneur s’adresse à « l’ange ». Qui faut-il entendre par là ? Qu’est celui qui est désigné sous ce nom ? D’abord remarquons que nous ne trouvons nulle part dans le Nouveau Testament cette expression employée comme un titre officiel donné à quelqu’un ; mais nous ne devons pas nous étonner de la rencontrer ici où tout est en dehors des formes ordinaires. Elle convient à un livre prophétique tel que l’Apocalypse.

Désigne-t-elle ce que nous appelons ordinairement un être angélique ? Je ne le pense pas lorsqu’il est question des anges des assemblées. C’est autre chose quand, dans ce livre, il est parlé de « l’ange ayant puissance sur le feu », ou de l’ange de Jésus dans un sens analogue à celui de « l’ange de l’Éternel » dans l’Ancien Testament. Nous comprenons aussi fort bien qu’un être angélique serve d’intermédiaire entre le Seigneur et Son serviteur Jean. Mais il n’en est pas de même quand il s’agit de l’ange de telle ou telle assemblée. Il y aurait quelque chose de choquant à supposer que Christ adressât par le moyen de Jean une lettre à un ange en prenant ce mot au sens usuel et littéral. Pour ceux qui l’entendent ainsi, il y a là une difficulté qu’il n’est pas aisé de résoudre.

La signification du mot « ange » me semble être la suivante dans le cas qui nous occupe. Ce terme, dans son sens général, est employé pour désigner un « représentant », qu’il s’agisse ou non d’un être angélique, et c’est ainsi que le Seigneur s’en sert en s’adressant aux assemblées. L’ange est donc ce qui représente chaque assemblée.

Nous savons qu’en certains cas ce mot désigne effectivement un représentant au sens littéral, comme, par exemple, quand Jean le baptiseur envoie quelques-uns de ses disciples. Ils sont auprès de Jésus les représentants de leur maître ; dans leur message, ils exposent sa pensée. Toutefois remarquons que l’expression a une portée quelque peu différente, lorsqu’il s’agit d’assemblées qui, au moins à notre connaissance, n’avaient pas envoyé de messagers.

Si donc nous nous en tenons au sens abstrait de cette expression « l’ange de l’assemblée », je crois qu’il faut l’entendre ainsi : Le Seigneur n’avait pas nécessairement en vue un ancien ou un docteur de l’assemblée, mais quelqu’un qui pouvait être l’un ou l’autre, qui devant Lui, dans Sa pensée, représentait réellement l’état de l’assemblée et qui était d’une manière spéciale lié à la responsabilité de cet état. Ce pouvait être une ou peut-être plusieurs autres personnes.



  1. Après « aux siècles des siècles » le texte reçu porte « Amen ». Ce mot doit être omis comme n’étant pas conforme aux meilleures autorités. Il ne peut que gâter le sens de la phrase. Il en est de même des mots « mort et hadès » et non « hadès et mort ». Que l’on comprenne bien que lorsque nous parlons du texte sur la base des meilleures et plus anciennes autorités, il ne s’agit nullement d’innovations arbitraires. Il y a l’évidence la plus positive et la plus convaincante pour les changements, omissions ou insertions, que l’on trouve de temps en temps relativement aux versions ordinaires. Les vrais innovateurs sont ceux qui par négligence, ou volontairement, se sont écartés des paroles mêmes de l’Esprit, et l’arbitraire maintenant serait de conserver ce qui ne repose pas sur une autorité suffisante, contre ce qui est aussi bien établi qu’il peut l’être. L’erreur n’est pas de chercher le meilleur texte, mais de permettre à la tradition de nous lier à des variantes comparativement modernes et certainement fausses. Et tous nous sommes tenus de nous appuyer sur les meilleures autorités.