Messager Évangélique:Explication de passages/Partie 1
Un de nos abonnés (C.B.) du département du Gard nous écrit pour nous demander notre pensée sur Matthieu 11, 12 et Luc 16, 16, et aussi sur Luc 22, 44. Nous sommes réjouis qu’il nous ait fait ainsi rentrer dans une subdivision de notre plan primitif que nous avions fort à cœur de ne pas négliger. Voici donc une réponse à cette demande ; nous la devons à un de nos frères que l’on aime toujours à entendre ; elle ne concerne que les deux premiers passages ci-dessus qui sont parallèles. Quant au dernier (Luc 22, 44), nous sommes forcés de renvoyer à notre prochain numéro la publication d’un article du même auteur.
En répondant à la question sur Matthieu 11, 12 et Luc 16, 16, il est important de faire attention à la place où ces passages se trouvent dans ces évangiles. En Matthieu, le onzième chapitre marque la transition de la présentation de Christ à la nation, à l’exclusion des Gentils (ce qui se trouve au chapitre 10, chapitre qui parle de cette présentation jusqu’au retour du Fils de l’homme), et le nouvel ordre de choses qui a lieu à la suite du rejet de Christ. Les versets 20-30 constatent de la manière la plus frappante ce changement. Le Seigneur reproche aux villes où il avait travaillé, leur déplorable incrédulité, et se soumet à la volonté de Son Père dans cette dispensation. Cette soumission ouvre pour Son cœur l’énigme de la grâce qui paraît dans toute sa simplicité et dans toute sa puissance.
Il s’agit de connaître le Père, et le Fils seul peut Le révéler, mais Il invite tous les travaillés et chargés à venir à Lui, et Il leur donnera du repos ; Sa personne, et non pas Israël, est le centre de la grâce et de l’œuvre de la grâce. Lui seul révèle le Père. Le jugement d’Israël est développé, chapitre 12, et les mystères du royaume exposés, chapitre 13. À l’occasion de cette transition nous voyons le témoignage de Jean et celui du Christ également rejetés.
Cette transition est, si possible, encore plus clairement marquée en Luc à la fin du chapitre 13. La rupture entre Jéhovah et Jérusalem est complète, la maison qui appartenait aux enfants de Jérusalem, autrefois la « maison de Dieu », est abandonnée, et ceux-ci ne reverront plus le Seigneur, jusqu’à ce que le psaume 118 soit accompli dans leur repentance. Ensuite, chapitre 14, le changement des voies de Dieu est clairement constaté et la sphère de l’activité de sa grâce n’est plus l’Israël maintenant rejeté, mais le monde entier, après avoir recueilli les pauvres du troupeau de son peuple, versets 16-24. Ensuite les voies de Dieu en grâce souveraine envers les hommes, envers les pécheurs, sont exposées dans cette trésorerie de grâce et d’amour qui se trouve dans le chapitre 15, et dans le chapitre 16 le Seigneur fait voir l’emploi que l’homme doit faire de ce qu’il possède selon la nature, étant maintenant ce qui avait été particulièrement démontré en Israël, un économe renvoyé. Il s’en sert en grâce, en vue de son avenir, au lieu d’en jouir comme d’un bien dans ce monde. Il pense à des habitations éternelles. C’est ici que le passage relatif au royaume et à Jean-Baptiste se trouve. La mission a été comme le pivot de ce lancement. Sous ce point de vue la mission de Christ sur la terre, Son ministère n’était que le complément de celui de Jean-Baptiste. Comp. Matthieu 4, 17 et 3, 2. Seulement celui-ci chantait les airs lugubres du jugement, et celui-là les cantiques joyeux de l’espérance et de la grâce, ainsi que notre chapitre 11 nous l’explique.
Dans les passages qui nous occupent, Matthieu parle en pensant à Israël, Luc en pensant à tous les hommes.
Deux grands systèmes de Dieu à l’égard de la terre, se trouvent renfermés dans Ses conseils et révélés dans Sa Parole. L’un dépendait de la fidélité de l’homme à la responsabilité qui pesait sur lui, l’autre de la puissance active de Dieu. Ce sont les économies de la loi et du royaume. Mais il y a eu un moment de transition où le royaume a été prêché, et prêché au milieu d’Israël par Jean-Baptiste et par Christ, sans qu’il eût été établi en puissance. Le peuple a été mis à une épreuve morale pour ce qui regardait le droit d’y entrer. Au reste les prophètes et les Psaumes avaient bien annoncé d’avance le caractère de ceux qui devaient avoir une part aux bénédictions du royaume. — Voyez psaumes 15 ; 24 ; 37 et beaucoup d’autres ; Ésaïe 48, 22 ; 51 ; 57, 21 ; 66, 2, et une foule de passages. À ce témoignage le sermon sur la montagne a mis le sceau en lui donnant de l’actualité. Or la prédication du royaume a pour effet de détacher le résidu, savoir ceux qui avaient des oreilles pour écouter, du mal et de l’hypocrisie qui régnaient au milieu du peuple, de le préparer pour l’entrée du royaume s’il avait été établi en puissance, et de fait le Christ ayant dû être rejeté, pour être le noyau de l’assemblée qui, selon les conseils de Dieu, allait être révélée. Ensuite le royaume prenait le caractère de semailles et d’autres formes semblables et non du règne d’un roi en puissance, et il a continué d’être prêché comme devant arriver, quoique le salut et la gloire de l’Église aient dû occuper, dès la descente du Saint Esprit, la principale place dans la doctrine dont l’Esprit a été la source.
C’était donc au moment où les relations d’Israël avec Dieu par le moyen du Messie étaient devenues impossibles, et où la relation fondée sur la loi et maintenue par le témoignage des prophètes tendait à sa fin par la publication du royaume prêt à être rétabli et en quelque sorte là dans la personne du roi ; c’était dans ce moment-là que le Seigneur prononçait ces paroles que nous cherchons à rendre claires à nos lecteurs, en répondant à la demande qui nous a été faite.
Or la première chose qu’elles constatent, c’est que la loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean. Israël avait été placé par Dieu sur ce pied-là jusqu’au ministère de Jean. Il n’y avait qu’à observer la loi, et à se réjouir de l’espérance donnée par les prophètes, et tout allait bien. Ceci n’était plus le cas depuis Jean. Le royaume n’était pas établi ; s’il l’avait été, la puissance de Dieu aurait tout arrangé. L’ordre et la paix auraient régné, le résidu aurait été béni dans le royaume où le roi eût régné en justice. Mais il n’en était pas ainsi, il était prêché, et prêché par des prophètes — et par ceux qui étaient plus que prophètes — mais par des prophètes honnis, rejetés, pour lesquels le désert et la mort étaient la demeure ou la récompense. Le peuple hypocrite, race de vipères, n’en voulait rien. Ce n’était que l’énergie de la foi à travers les souffrances, qui pouvait s’en emparer. Satan et les chefs de la nation feraient tout ce qu’ils pourraient pour empêcher les gens d’y entrer, jusqu’à souiller leurs mains du sang des justes. Ceux qui prêchaient le royaume souffraient, et ceux qui y entraient devaient prendre leur part avec eux. Le royaume ne s’établissait pas avec puissance, le roi ne régnait pas, il était prêché. Ce n’était que par la violence qu’on en forçait l’entrée. C’étaient les violents, ceux qui ne s’arrêtaient pas devant les obstacles et l’opposition, mais se frayaient un chemin à travers tout, qui s’assuraient une place. Il n’y a que cette différence entre Matthieu et Luc, que Matthieu parle exclusivement du caractère de ceux qui s’emparent du royaume et de la position de ce dernier, et ne dépasse pas, par conséquent, l’application de ces pensées au peuple juif. Luc avait formellement parlé des carrefours et des haies et ouvert par ses expressions la porte aux Gentils sans les désigner formellement comme ces « quiconque » si souvent cités par Paul. « Chacun, dit-il, s’en empare par violence ». Puisque c’était une affaire de prédication et de foi, le Gentil qui écouterait la prédication et aurait cette foi y entrerait comme un autre. Toutefois il ne fait qu’ouvrir la porte, par principe selon la doctrine de cet évangile depuis le chapitre 4. La parabole qui suit ces versets en Luc, va plus loin. Elle ouvre décidément le ciel, et renverse totalement le système judaïque qui faisait des bénédictions terrestres une preuve de la faveur de Dieu.