Messager Évangélique:Explication de passages

De mipe
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Un de nos abonnés (C.B.) du département du Gard nous écrit pour nous demander notre pensée sur Matthieu 11, 12 et Luc 16, 16, et aussi sur Luc 22, 44. Nous sommes réjouis qu’il nous ait fait ainsi rentrer dans une subdivision de notre plan primitif que nous avions fort à cœur de ne pas négliger. Voici donc une réponse à cette demande ; nous la devons à un de nos frères que l’on aime toujours à entendre ; elle ne concerne que les deux premiers passages ci-dessus qui sont parallèles. Quant au dernier (Luc 22, 44), nous sommes forcés de renvoyer à notre prochain numéro la publication d’un article du même auteur.

En répondant à la question sur Matthieu 11, 12 et Luc 16, 16, il est important de faire attention à la place où ces passages se trouvent dans ces évangiles. En Matthieu, le onzième chapitre marque la transition de la présentation de Christ à la nation, à l’exclusion des Gentils (ce qui se trouve au chapitre 10, chapitre qui parle de cette présentation jusqu’au retour du Fils de l’homme), et le nouvel ordre de choses qui a lieu à la suite du rejet de Christ. Les versets 20-30 constatent de la manière la plus frappante ce changement. Le Seigneur reproche aux villes où il avait travaillé, leur déplorable incrédulité, et se soumet à la volonté de Son Père dans cette dispensation. Cette soumission ouvre pour Son cœur l’énigme de la grâce qui paraît dans toute sa simplicité et dans toute sa puissance.

Il s’agit de connaître le Père, et le Fils seul peut Le révéler, mais Il invite tous les travaillés et chargés à venir à Lui, et Il leur donnera du repos ; Sa personne, et non pas Israël, est le centre de la grâce et de l’œuvre de la grâce. Lui seul révèle le Père. Le jugement d’Israël est développé, chapitre 12, et les mystères du royaume exposés, chapitre 13. À l’occasion de cette transition nous voyons le témoignage de Jean et celui du Christ également rejetés.

Cette transition est, si possible, encore plus clairement marquée en Luc à la fin du chapitre 13. La rupture entre Jéhovah et Jérusalem est complète, la maison qui appartenait aux enfants de Jérusalem, autrefois la « maison de Dieu », est abandonnée, et ceux-ci ne reverront plus le Seigneur, jusqu’à ce que le psaume 118 soit accompli dans leur repentance. Ensuite, chapitre 14, le changement des voies de Dieu est clairement constaté et la sphère de l’activité de sa grâce n’est plus l’Israël maintenant rejeté, mais le monde entier, après avoir recueilli les pauvres du troupeau de son peuple, versets 16-24. Ensuite les voies de Dieu en grâce souveraine envers les hommes, envers les pécheurs, sont exposées dans cette trésorerie de grâce et d’amour qui se trouve dans le chapitre 15, et dans le chapitre 16 le Seigneur fait voir l’emploi que l’homme doit faire de ce qu’il possède selon la nature, étant maintenant ce qui avait été particulièrement démontré en Israël, un économe renvoyé. Il s’en sert en grâce, en vue de son avenir, au lieu d’en jouir comme d’un bien dans ce monde. Il pense à des habitations éternelles. C’est ici que le passage relatif au royaume et à Jean-Baptiste se trouve. La mission a été comme le pivot de ce lancement. Sous ce point de vue la mission de Christ sur la terre, Son ministère n’était que le complément de celui de Jean-Baptiste. Comp. Matthieu 4, 17 et 3, 2. Seulement celui-ci chantait les airs lugubres du jugement, et celui-là les cantiques joyeux de l’espérance et de la grâce, ainsi que notre chapitre 11 nous l’explique.

Dans les passages qui nous occupent, Matthieu parle en pensant à Israël, Luc en pensant à tous les hommes.

Deux grands systèmes de Dieu à l’égard de la terre, se trouvent renfermés dans Ses conseils et révélés dans Sa Parole. L’un dépendait de la fidélité de l’homme à la responsabilité qui pesait sur lui, l’autre de la puissance active de Dieu. Ce sont les économies de la loi et du royaume. Mais il y a eu un moment de transition où le royaume a été prêché, et prêché au milieu d’Israël par Jean-Baptiste et par Christ, sans qu’il eût été établi en puissance. Le peuple a été mis à une épreuve morale pour ce qui regardait le droit d’y entrer. Au reste les prophètes et les Psaumes avaient bien annoncé d’avance le caractère de ceux qui devaient avoir une part aux bénédictions du royaume. — Voyez psaumes 15 ; 24 ; 37 et beaucoup d’autres ; Ésaïe 48, 22 ; 51 ; 57, 21 ; 66, 2, et une foule de passages. À ce témoignage le sermon sur la montagne a mis le sceau en lui donnant de l’actualité. Or la prédication du royaume a pour effet de détacher le résidu, savoir ceux qui avaient des oreilles pour écouter, du mal et de l’hypocrisie qui régnaient au milieu du peuple, de le préparer pour l’entrée du royaume s’il avait été établi en puissance, et de fait le Christ ayant dû être rejeté, pour être le noyau de l’assemblée qui, selon les conseils de Dieu, allait être révélée. Ensuite le royaume prenait le caractère de semailles et d’autres formes semblables et non du règne d’un roi en puissance, et il a continué d’être prêché comme devant arriver, quoique le salut et la gloire de l’Église aient dû occuper, dès la descente du Saint Esprit, la principale place dans la doctrine dont l’Esprit a été la source.

C’était donc au moment où les relations d’Israël avec Dieu par le moyen du Messie étaient devenues impossibles, et où la relation fondée sur la loi et maintenue par le témoignage des prophètes tendait à sa fin par la publication du royaume prêt à être rétabli et en quelque sorte là dans la personne du roi ; c’était dans ce moment-là que le Seigneur prononçait ces paroles que nous cherchons à rendre claires à nos lecteurs, en répondant à la demande qui nous a été faite.

Or la première chose qu’elles constatent, c’est que la loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean. Israël avait été placé par Dieu sur ce pied-là jusqu’au ministère de Jean. Il n’y avait qu’à observer la loi, et à se réjouir de l’espérance donnée par les prophètes, et tout allait bien. Ceci n’était plus le cas depuis Jean. Le royaume n’était pas établi ; s’il l’avait été, la puissance de Dieu aurait tout arrangé. L’ordre et la paix auraient régné, le résidu aurait été béni dans le royaume où le roi eût régné en justice. Mais il n’en était pas ainsi, il était prêché, et prêché par des prophètes — et par ceux qui étaient plus que prophètes — mais par des prophètes honnis, rejetés, pour lesquels le désert et la mort étaient la demeure ou la récompense. Le peuple hypocrite, race de vipères, n’en voulait rien. Ce n’était que l’énergie de la foi à travers les souffrances, qui pouvait s’en emparer. Satan et les chefs de la nation feraient tout ce qu’ils pourraient pour empêcher les gens d’y entrer, jusqu’à souiller leurs mains du sang des justes. Ceux qui prêchaient le royaume souffraient, et ceux qui y entraient devaient prendre leur part avec eux. Le royaume ne s’établissait pas avec puissance, le roi ne régnait pas, il était prêché. Ce n’était que par la violence qu’on en forçait l’entrée. C’étaient les violents, ceux qui ne s’arrêtaient pas devant les obstacles et l’opposition, mais se frayaient un chemin à travers tout, qui s’assuraient une place. Il n’y a que cette différence entre Matthieu et Luc, que Matthieu parle exclusivement du caractère de ceux qui s’emparent du royaume et de la position de ce dernier, et ne dépasse pas, par conséquent, l’application de ces pensées au peuple juif. Luc avait formellement parlé des carrefours et des haies et ouvert par ses expressions la porte aux Gentils sans les désigner formellement comme ces « quiconque » si souvent cités par Paul. « Chacun, dit-il, s’en empare par violence ». Puisque c’était une affaire de prédication et de foi, le Gentil qui écouterait la prédication et aurait cette foi y entrerait comme un autre. Toutefois il ne fait qu’ouvrir la porte, par principe selon la doctrine de cet évangile depuis le chapitre 4. La parabole qui suit ces versets en Luc, va plus loin. Elle ouvre décidément le ciel, et renverse totalement le système judaïque qui faisait des bénédictions terrestres une preuve de la faveur de Dieu.

Quant à Luc 22, 44, l’état du cœur a plus à faire que l’exégèse avec l’intelligence de ce passage. Toutefois des doctrines importantes, ou plutôt des faits et des vérités relatifs à Christ se rattachent à ces remarquables versets. Je tâcherai de faire ressortir la position dans laquelle le Sauveur à jamais béni se trouve ici, bien que l’appréciation de la portée de ces versets, dépende après tout de la spiritualité du cœur. On comprendra que des doctrines quant à Christ s’y rattachent, quand on sait que les versets 43, 44 ont été omis de plus d’un manuscrit, évidemment parce que au point de vue des copistes, ils rendaient Christ trop homme. Or c’est ce qui donne à ces versets leur véritable valeur. Christ, dans l’évangile de Luc, est essentiellement homme. On L’y trouve en prières, beaucoup plus souvent que dans les autres évangiles. Ainsi après Son baptême par Jean, c’est lorsqu’Il priait que le ciel fut ouvert sur Lui ; c’est pendant qu’Il priait qu’il fut transfiguré, chapitre 9. Ainsi aussi, 6, 12 : Il avait passé toute la nuit en prière avant de choisir Ses douze disciples. Tout ceci est fort intéressant : oui, d’un profond intérêt pour le cœur.

Mais d’autres éléments entrent dans la considération des versets qui nous occupent. Un changement immense s’opérait en ce moment dans la position du Sauveur. Jusqu’alors, Il avait, par sa divine puissance, pourvu à tous les besoins de Ses disciples. Tout méconnu qu’Il était et en apparence dépendant de la bienveillance de quelques femmes (car c’était leur privilège particulier de se dévouer ainsi à Lui) ou d’autres personnes pour Son pain quotidien, s’il le fallait un poisson Lui apportait exactement ce qui était nécessaire pour Ses besoins, et quand Il envoie Ses disciples pour prêcher dans les villes du pays de noblesse, Il sut disposer les cœurs en sorte qu’ils ne manquèrent de rien. Mais Il devait être rejeté, les choses qui Le concernaient devaient trouver leur solution divine et merveilleuse et s’accomplir selon les conseils profonds de Dieu. Il devait, non pas garantir Ses disciples de tout mal, mais ne pas se garantir Lui-même, être exposé aux outrages de ceux qui disaient : Il a sauvé les autres, Il ne peut pas se sauver Lui-même ; s’Il est le Roi d’Israël qu’Il descende maintenant de la croix et nous croirons en Lui. Le Christ ne buvait pas encore la coupe de la colère, cela s’est accompli sur la croix, c’était là ce qu’Il a souffert de la part de Dieu, suprême et expiatoire dans sa nature. Mais le moment était arrivé, qu’Il dépeint Lui-même par ces paroles : « c’est ici votre heure, et la puissance des ténèbres ». L’heure de la tentation, non pas de la colère, mais de la tentation, où le Sauveur dut penser en même temps à la terrible coupe qui était devant Lui. L’ennemi cherchait à L’accabler, par les circonstances devant lesquelles la nature humaine, comme telle, devait reculer, et en vue de l’abandon de Dieu au milieu de ces circonstances. Le Seigneur entrait en ce moment dans cette épreuve ; mais Il y entrait, parfait en tout, en recevant la coupe par obéissance, de la main de Son Père. Quant aux circonstances et à ce qui pesait sur Son âme, Satan et les hommes sous Son pouvoir étaient pour tout ; quant à l’état de Son âme, pour rien. Son Père était tout. — C’est une instruction des plus profondes et des plus parfaites pour toutes nos peines.

C’est à cette heure suprême que l’apôtre Jean fait allusion quand il dit plus d’une fois, lorsque personne ne touchait, ni ne pouvait toucher le Seigneur : « son heure n’était pas encore venue ». Mais je veux prendre de plus loin le caractère de cette heure de tentation. Le Seigneur dans Sa grâce a daigné, conduit par l’Esprit, se laisser tenter, s’étant associé à nous pour prendre part à nos misères et à nos peines. — Satan L’a tenté au commencement par tout ce qui, à part le péché, attire l’homme à agir de sa propre volonté, ce qui l’induit dans le péché quand il écoute sa volonté : le besoin de manger, le monde et sa gloire, les promesses en dehors du chemin de l’obéissance et en se méfiant de Dieu et de Sa fidélité. Mais le second homme a maintenu son intégrité, et Satan n’a pas pu réussir à le faire sortir du chemin de l’homme de Dieu. L’homme fort était lié, et Christ revient, la puissance de l’Esprit intacte dans Son âme, pour piller ses biens. Il délivre tous ceux qui étaient opprimés par le diable, car Dieu était avec Lui ; Il était l’homme victorieux de Satan comme le premier avait succombé. Par l’Esprit de Dieu, Il chassait les démons ; le royaume de Dieu était là. Tous les effets de la domination de Satan disparaissaient devant Lui, jusqu’à la mort même. Hélas ! ceci ne changeait pas le cœur de l’homme ; il était, dans les affections de sa chair, inimitié contre Dieu. Il fallait la mort pour la rédemption de l’homme ; un tout nouvel état de son être, sa réconciliation avec Dieu ; la justice de Dieu devait être glorifiée ; les droits que Satan avait sur l’homme par le péché dans la mort, et cela par le jugement de Dieu, devaient être anéantis, annulés. La juste vengeance de Dieu contre ce qui Lui était hostile devait se montrer. De sorte que toute l’inimitié de l’homme contre Dieu, toute l’angoisse de la mort envisagée comme puissance de Satan et jugement de Dieu, toute l’énergie de Satan, et enfin la colère de Dieu (et c’est en supportant cette dernière que l’expiation a été faite) devaient se concentrer sur Jésus, et se sont concentrées sur la tête de l’Agneau de Dieu qui n’ouvrait pas Sa bouche devant les oppresseurs. Terrible témoignage montrant que l’heure de l’homme et de sa volonté est la puissance des ténèbres ; l’heure de Dieu pour l’homme en justice n’est que la juste colère qui l’abandonne, et exclut finalement de Sa présence celui qui est en hostilité contre Lui. Quel puissant, infini témoignage de la grâce, que Christ a goûté cela par la grâce, que Dieu L’a donné afin que nous y échappions, que Christ l’a goûté s’étant offert Lui-même sans tache à Dieu pour cela. Extérieurement la puissance de Satan, et la malice de l’homme, conduisent Christ vers la mort et la coupe de la colère de Dieu. Et c’est ici que la perfection de Christ sait séparer absolument ces deux parties de la souffrance, et tourner la terrible souffrance, de toute la puissance de Satan dans la mort, à l’obéissance parfaite à Dieu Son Père, parce qu’Il traversait cette affreuse heure de tentation avec Dieu et sans y entrer un moment comme tentation qui eût pour effet en Lui de réveiller une volonté propre. C’est là Gethsémané, non la coupe, mais toute la puissance de Satan dans la mort et l’inimitié de l’homme se vengeant, pour ainsi dire, sur Dieu (« les outrages de ceux qui t’outragent sont tombés sur moi »), parfaitement et entièrement senties, mais portées à Dieu dans une entière soumission à Sa volonté. C’est le Christ — merveilleuse scène ! veillant, priant, luttant, au suprême degré ; toute la puissance et le poids de la mort pressés sur Son âme par Satan et augmentés par le sentiment qu’Il avait de ce qu’ils étaient devant Dieu, de la face duquel rien ne Le voilait alors ; mais Il mettait Son Père toujours absolument devant Sa face, rapportant tout à la volonté du Père, sans fléchir un instant ou chercher à échapper à cette volonté en se laissant aller à la sienne propre. Ainsi Il ne prend rien de la part de Satan ou des hommes, mais tout de la part de Dieu. Quand Il demeure assuré que c’est la volonté de Son Père qu’Il boive cette coupe, tout est décidé pour Lui. « La coupe que mon Père m’a donné à boire, ne la boirai-je pas ? ». Tout était entre Lui et son Père, l’obéissance est calme et parfaite. Quelle victoire ineffable, quel calme suprême ! Souffrir, oui, mais entre Lui et Dieu. Satan n’y était maintenant pour rien, les hommes des instruments de la volonté de Dieu ou les rachetés de Sa grâce. Voyez ce qui se passe quand ils arrivent : Jésus s’avance, et quand Il s’annonce, ils tombent par terre. Il s’offre volontairement pour accomplir l’œuvre, et ainsi laisse aller en sûreté ceux qui n’avaient aucune force pour se garantir eux-mêmes, pour subsister dans ce terrible moment où le triomphe du bien ou du mal se décidait, et où la justice de Dieu contre le péché prêtait sa force à l’empire de la mort et à la malice de ceux qui étaient les esclaves volontaires de celui qui possédait cet empire.

Le lien parfait de l’amour a vaincu par la soumission de Christ homme au jugement contre le péché, par laquelle la justice peut triompher en bénissant selon l’amour ; l’expiation du péché a été faite, et la puissance de Satan et de la mort annulée pour celui qui vient à Dieu par Jésus. Or Luc 22, 39-44 nous présente Christ conscient de ce qui devait arriver et, comme homme, occupé avec Son Père de cette épreuve finale et décisive. Devait-il entrer dans la tentation, c’est-à-dire se laisser aller à une volonté propre, même en désirant échapper à la mort et à la coupe du jugement, ou trouver l’occasion d’obéissance, au lieu de s’épargner Lui-même ? Pour Lui l’obéissance, quelque terrible que fût la souffrance, était la joie, la respiration de son âme.

Ne pas craindre le jugement de Dieu aurait été l’insensibilité, l’éviter aurait été manquer à la volonté de son Père, car Il était venu à cette heure pour cela ; c’eût été manquer au salut de l’homme dans lequel tout le caractère de Dieu se révélait même aux anges.

Mais ici Christ ne saisit pas le caractère de ce moment dans des motifs élevants et encourageants, mais Il le traverse dans la pure soumission à la volonté de Dieu, dans toute la peine qui s’y rattachait. Il prie. Le verset 43 pose la question dans toute sa simplicité — un ange Lui apparaît pour le fortifier ; c’est un homme ayant besoin de secours d’en haut.

S’Il n’avait pas été cela, ce n’aurait pu être la délivrance de l’homme.

La pression de l’angoisse ne devient que plus forte en réalisant le mal avec lequel Il avait affaire, mais cette lutte d’agonie d’âme, ne se traduit que par des prières plus intenses, Son âme s’attache plus fortement à Dieu ; Il se lève ayant parfaitement traversé la vallée de l’ombre de la mort, la puissance de Satan, l’horreur du mal comme opposé à Dieu ; Il se lève victorieux. La coupe que Son Père veut Lui donner, Il la boira. Là il ne s’agit pas de lutter, de veiller, de prier, mais de soumission. Un calme parfait est sur la croix, un calme de ténèbres, où l’œil de l’homme ne pénètre pas ; mais la soumission est parfaite, là sort ce cri : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; « Toutefois tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d’Israël ». C’était la perfection, la perfection de souffrance, de soumission, mais non pas une lutte où l’âme s’attache à Dieu pour ne pas entrer dans la tentation, tentation, remarquez-le, non par le moyen de quelque chose d’agréable, mais de toute la puissance du mal, de la mort, de Satan, cherchant à faire reculer le Sauveur devant la coupe affreuse qui se trouvait sur le chemin de l’obéissance, la coupe qui valait notre salut et la gloire de Jésus comme homme. Sur la croix, dans l’heure solennelle de l’expiation, tout se passait entre l’âme de Christ et Dieu. En Gethsémané le Christ, en présence de tous les efforts de Satan, s’attache à Dieu, pour ne pas entrer dans la tentation, mais suivre le sentier de l’obéissance, quelque bas qu’il Le conduisît ; or Il est allé jusqu’aux parties les plus basses de la terre, seul, délaissé, trahi, renié et enfin abandonné de Dieu, parfait, victorieux, obéissant, le Sauveur de ceux qui Lui obéissent. — Et remarquez ici par conséquent, qu’en Gethsémané, tout infinies qu’aient été Ses souffrances au prix de toutes les nôtres, Christ nous est un exemple ; nous avons à veiller et à prier, à lutter peut-être par la prière pour ne pas entrer dans la tentation. Quelquefois même, quand quelque affliction vient sur nous par nos fautes (en Christ sans doute, c’était par la faute d’autrui), il est difficile de se soumettre aux voies de Dieu. C’est la même chose quand d’une manière quelconque le chemin de l’obéissance et de la droiture, le chemin de la vie, est pénible. Un chemin plus facile, plus verdoyant aux yeux de la chair, se trouve à côté ; alors dans nos petites peines, notre part est celle du Sauveur, de veiller et de prier pour ne pas entrer dans la tentation. Le chemin pénible (voyez Ps. 16) est le chemin de la vie. Là Dieu se trouve, là il y a l’issue pour Sa gloire et pour la nôtre. Que Dieu nous y tienne. Il faut Sa grâce, il faut quelquefois lutter dans la présence de Dieu, pour y tenir bon ; mais Celui qui a vaincu est avec nous, et si nous avons traversé les peines des circonstances avec Dieu, les circonstances ne seront guère que l’occasion de l’obéissance quand elles arriveront de fait. C’est le secret de la vie pratique.

Dans l’expiation, il est évident que Christ nous a été substitué, et n’est pas exemple, sauf dans le fait de Sa parfaite soumission. Il y a eu sans doute sur la croix des souffrances profondes de corps et d’âme, où Christ a été un exemple parfait de patience pour nous ; mais en parlant de la croix, nous sommes assez habitués, et avec raison, d’avoir le moment d’expiation devant nos pensées. C’est dans ce sens seulement que je fais la différence, quant à l’exemple. Il est important aujourd’hui de maintenir aussi claire que possible l’idée de substitution, où Christ a été seul, de souffrances auxquelles nous n’avons part que par nos péchés. — On veut bien un Christ holocauste, un Christ qui s’offre — nous par grâce nous pouvons nous offrir, nous devons le faire — mais un Christ sacrifice pour le péché, on n’en veut souvent pas. — Devons-nous souffrir pour nos péchés, et les porter ? — Moralement parlant, il y a une gloire dans l’expiation, dans la croix, qu’il n’y a pas dans la gloire. Je partagerai la gloire de Christ avec Lui par la grâce infinie qui me l’a accordée. Aurais-je pu partager la croix ? Le chrétien sait ce qu’il a à répondre. Que Dieu nous instruise dans les exercices de piété, mais qu’Il nous tienne fermes dans la simplicité de la foi qui repose sur une expiation parfaite, accomplie par Celui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois.

Pour comprendre donc Gethsémané, il faut comprendre Christ homme, comme Il l’a été lors de Sa première tentation au désert ; puis toute la puissance du mal et de la mort entre les mains de Satan, et en présence du jugement de Dieu dans la mort contre le péché. Si Christ n’avait pas traversé cela, ce bourbier fangeux et sans fond, cette fondrière où il n’y avait pas où prendre pied, était sur notre route. Qui aurait pu la traverser ? Satan a cherché à faire reculer Christ devant le gouffre qu’avait ouvert notre péché, à le placer entre Son âme et Dieu. L’effet en fut de Le faire aller avec plus d’intensité d’âme auprès de Dieu, de s’assurer de Sa volonté en réalisant toute l’horreur du moment avec Lui, et puis d’y trouver ainsi l’occasion de l’obéissance parfaite sans entrer en tentation.

La coupe elle-même du jugement, Il l’a bue sur la croix.

Un mot sur notre part en suivant Son exemple, si une épreuve est devant nous. Si c’est la volonté de Dieu que nous passions par une épreuve, si nous la craignons même, notre sagesse est de nous présenter devant Dieu, et de placer tout devant Ses yeux. Il peut y avoir de l’angoisse ; ce en quoi chez nous la volonté n’est pas brisée, sera mis à découvert. Quand nous désirons éviter la tentation parce qu’elle est pénible, c’est-à-dire nous épargner au lieu d’en rapporter les fruits de sainteté, au lieu de nous y soumettre pour le bien de nos âmes, et pour la gloire de Dieu, le mauvais chemin d’égoïsme que le cœur cherche à prendre, devient évident, nous choisissons « l’iniquité plutôt que l’affliction ». Là où ces exercices sont envoyés pour le développement de la grâce, la grâce est développée, Dieu agissant avec épreuve dans l’âme. Là où il y a discipline, châtiment positif, et que l’âme se soumet, reçoit la discipline de la main de Dieu, la discipline a perdu son amertume, et porté son fruit. Dieu y est pour tout en sainteté pour l’âme. Je ne désire pas qu’on anticipe du mal, mais quand le mal est en vue qu’on y passe avec Dieu et non avec l’homme. Qu’on veille et qu’on prie pour qu’on n’entre pas dans la tentation.