Traité:Qu’est-ce que le pardon dans l’évangile

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

F. Prod’hom 1881

Rien n’est peut-être plus mal compris, par la plupart des personnes qui font profession de christianisme, que le pardon de Dieu, le pardon des péchés.

Deux classes de gens, en particulier, se trompent au sujet du pardon.

Les uns pensent que Dieu est si bon, qu’Il passera à la fin par-dessus tout ce qu’ils auront fait. Pour ces gens-là, la bonté de Dieu est si grande, qu’elle Le rend indifférent au péché, en sorte qu’Il pardonne tout. Ils oublient que Dieu est juste et saint, et que les hommes Lui rendront compte de leurs paroles et de leurs œuvres : « Et je vous dis que, de toute parole oiseuse qu’ils auront dite, les hommes rendront compte au jour de jugement » (Matt. 12, 36). « Dieu jugera par Jésus Christ les secrets des hommes selon mon évangile » (Rom. 2, 16). « À cause de ces choses la colère de Dieu vient sur les fils de la désobéissance » (Éph. 5, 5, 6). « Voici le Seigneur est venu au milieu de ses saintes myriades, pour exécuter le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies d’entre eux de toutes leurs œuvres d’impiété qu’ils ont impiement commises, et de toutes les paroles dures que les pécheurs impies ont proférées contre lui » (Jude 14, 15). « Et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres » (Apoc. 20, 12, 13).

D’autres âmes, au contraire, sincères, travaillées, sentant que leurs péchés les condamnent devant Dieu, pensent, maintenant qu’elles se voient à Sa lumière, que Dieu est trop juste pour pouvoir pardonner à de si méchantes créatures. Envers ces âmes-là, Dieu agit ; Il ne les laisse pas dans cet état ; elles apprennent par l’évangile que si Dieu est juste, Dieu est amour, et que Dieu pardonne par le moyen de Jésus Christ, Son Fils, le Sauveur. Mais ce sont justement ces âmes-là auxquelles il importe de comprendre ce qu’est le pardon de Dieu.

Sans doute, Dieu pardonne parce qu’Il est bon ; mais Sa bonté et Son amour peuvent avoir maintenant un libre cours, Sa justice contre le péché étant satisfaite par l’œuvre expiatoire de Christ. Ainsi la dette affreuse, contractée envers Dieu, étant pleinement acquittée par la mort du Sauveur, Dieu est juste en justifiant celui qui est de la foi de Jésus (Rom. 3, 26). Ainsi donc, non seulement le croyant est pardonné, mais il est justifié. C’est parce que Dieu est juste, qu’Il pardonne tous ses péchés à celui qui croit en Jésus. Il est très important de comprendre que le pardon de Dieu, tel que nous l’enseigne l’évangile, découle de Sa justice, et non de cette prétendue bonté qui ne prend pas garde au mal.

La bonté, l’amour de Dieu, a donné le Sauveur, mais ce dernier a subi sur la croix tout ce que nos péchés méritaient. « Il a été navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités ; l’amende qui nous apporte la paix a été sur lui » (És. 53, 5). Il a porté nos péchés en Son corps sur le bois (1 Pier. 2, 24). Il a été fait péché pour nous (2 Cor. 5, 21). Il est mort une fois pour porter les péchés de plusieurs, et Dieu ne se souvient plus de leurs péchés ni de leurs iniquités (Héb. 9 et 10).

Or que fait Dieu envers moi, lorsque je crois en Celui qui a tout fait pour moi ? Dieu me justifie, Il me pardonne tout, et pourquoi ? Parce que Christ a tout acquitté. Entre Dieu et Christ, c’est donc une affaire de justice, de me pardonner et de me justifier. Mais entre Christ et moi — comme aussi entre Dieu et moi — c’est une affaire de grâce. Il a tout payé quand j’étais insolvable et ruiné. Dès lors aussi, Dieu est juste en me justifiant, puisque je crois en Christ qui a tout payé pour moi.

Illustrons cette vérité par une simple comparaison : Je dois dix mille francs à mon créancier, mais je suis ruiné, et ne peux lui donner un centime. Il veut être payé, sinon je serai jeté en prison jusqu’à extinction de ma dette. Mais un bienfaiteur qui a pitié de moi, va, sans me le dire, payer la somme entière à mon créancier. Celui-ci donne quittance à mon bienfaiteur, qui me l’apporte, en me disant : J’ai eu pitié de toi, j’ai payé pour toi ; voici la quittance ! — Or lorsque mon créancier, après avoir encaissé la somme, a donné quittance à mon bienfaiteur, était-ce de sa part, vis-à-vis de ce dernier, un acte de grâce, ou de justice ? C’était un acte de justice. — Mais la quittance porte : Reçu de… pour le compte de… — Or, quand mon bienfaiteur vient m’apporter cette quittance, est-ce que, vis-à-vis de moi, c’est de sa part un acte de justice ou de grâce ? C’est un acte de pure grâce ; il ne me devait rien, et il s’est mis en mon lieu et place. Mais de plus, par son moyen, mon créancier est juste en me tenant pour acquitté, de sorte que je suis justifié devant lui d’avoir été son débiteur. Voilà, cher lecteur, sur quel pied j’ai la paix avec Dieu ! — Mais l’évangile nous apprend que c’est notre créancier qui nous a procuré notre bienfaiteur. Et Celui-ci, de Son côté, a payé de Sa propre personne pour annuler notre dette.

Je puis dire avec toute révérence, que Dieu doit à Christ de me justifier, si j’ai la foi en Jésus. Entre Dieu et Christ, c’est une affaire de justice ; entre Christ et moi, c’est une affaire de grâce. Mais aussi entre Dieu et moi, c’est grâce et amour ; Il m’a procuré ce Sauveur !

Quelque acte que Dieu accomplisse, ce doit être un acte de justice, autrement Il se renierait Lui-même. Or Dieu a dû pouvoir accomplir un acte de justice en justifiant celui qui croit en Jésus ; tout comme Il accomplira un acte de justice en précipitant dans l’étang de feu celui qui se trouvera avoir sa dette de péchés à son compte, au moment terrible où les livres seront ouverts, et où ceux qui comparaîtront devant le trône seront jugés selon leurs œuvres (Apoc. 20, 11-15).

Dieu ne fait pas tort à mon voisin, en me pardonnant et me justifiant parce que je crois en Jésus ; et, chose merveilleuse, Il ne se fait pas tort à Lui-même.

Si cette prétendue bonté de Dieu passait à la fin sous silence le mal que j’ai commis, et par cette espèce de pardon m’introduisait dans le ciel ; puis qu’en même temps Dieu jugeât mon voisin selon ses propres œuvres, et le précipitât en enfer, Dieu serait-Il juste ?… Non certes ! C’est cependant ainsi qu’en général le salut est compris. Si tel était le pardon de Dieu, quel besoin y aurait-il d’un Sauveur ? Le fait qu’il a fallu un Sauveur qui donnât Sa vie en rançon pour plusieurs, prouve que Dieu ne peut pardonner à la manière des hommes.

D’autres prétendent que Christ, étant venu mourir à la place des pécheurs, ceux-ci sont sauvés, qu’ils se soucient ou non de Lui. La Parole ne connaît pas un tel évangile. Même, comme nous allons le voir, le vrai évangile ne s’adresse pas à un incrédule en lui disant premièrement : « Christ a porté tous tes péchés », puis : « Tu n’as qu’à croire et tout est réglé ».

Nous avons vu que Dieu pardonne à celui qui croit en Christ, parce qu’en effet, Christ a tout payé. A-t-Il tout payé pour ceux qui ne croient pas, s’ils meurent dans leur incrédulité ? Non, ils auront finalement leurs péchés à leur compte devant la justice de Dieu. Si Christ avait payé leur dette, Dieu serait injuste en les jugeant selon leurs œuvres.

Que dit donc le vrai évangile ? — Il dit que maintenant la justice de Dieu (celle qui justifie) est manifestée, et qu’elle est par la foi de Jésus Christ envers tous, et sur tous ceux qui croient, etc. (Rom. 3, 21-26). « Envers tous », c’est l’intention ; ici, personne n’est exclu. « Sur tous ceux qui croient », c’est l’application moyennant la foi. Ailleurs il est dit que Christ est mort pour tous, parce que tous sont morts (ou étaient morts) dans leurs fautes et dans leurs péchés. Afin que ceux qui vivent, etc. (2 Cor. 5, 14, 15). Tous ne vivent pas, quoique la mort de Christ soit à l’intention de tous. Tous ne veulent pas d’un Christ à leur intention, mais ceux qui vivent sont le résultat de cette mort de Christ pour tous. Ils l’ont reçu, et ils ont cru en Lui, étant nés de nouveau (voyez Jean 1, 12, 13).

Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné Son Fils unique (non pas afin que le monde ne périsse pas), mais, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas. Le « quiconque » n’exclut personne, et le « croit en lui » indique la nécessité de la foi dans chacun (Jean 3, 16).

Jésus Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; mais étant là dans ce but, Il a dû dire à la plupart d’entre eux : « Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ».

Il est dit que notre Dieu Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés, et que Jésus s’est donné Lui-même en rançon pour tous (voyez 1 Tim. 1 ; 2). Mais tous ne veulent pas, et ils haïssent ce Jésus qui s’est donné Lui-même en rançon pour tous. La Parole est remplie de preuves de ce genre.

Encore une comparaison : Tous les habitants d’un village sont ruinés, ils vont être dépossédés ; mais un riche bienfaiteur vient déposer chez le syndic une somme capable de couvrir la dette de chacun. Voilà, dit-il, la somme nécessaire pour délivrer tous ces pauvres gens. Quiconque apposera sa signature sur ce registre recevra ce qu’il lui faut !… Hélas ! la plupart de ces pauvres ruinés sont trop orgueilleux pour venir afficher leur propre ruine en inscrivant leurs noms ; ils perdent ainsi la somme déposée à l’intention de tous, et leur dette demeure à leur compte. Il en est de même de Christ, mort à l’intention de tous.

Christ est la propitiation pour nos péchés, et non pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour le monde entier (1 Jean 2, 2). En vertu de cette vérité, l’évangile appelle tous les hommes sans exception : Venez, dit-il ; Dieu est rendu propice par le sacrifice de Christ ; vous ne serez pas repoussés ; venez ! — En voici qui écoutent, qui viennent, qui sont touchés par cette miséricordieuse invitation, et qui croient réellement à Christ le Sauveur. Mais l’évangile continue : Sachez maintenant que Christ est venu du ciel pour ôter tous vos péchés. Il a été votre substitut sur la croix, Il a tout payé pour vous, et Dieu est juste en vous justifiant, puisque vous avez la foi en Jésus. Sachez que toute la valeur de l’œuvre de Christ devient maintenant la propriété de votre foi. Vous êtes lavés de tous vos péchés et propres pour le ciel !

Voilà ce que la Parole enseigne comme étant la substitution en contraste avec la propitiation. La propitiation est pour tous les hommes, mais la substitution est exclusivement pour les croyants. Il est très important de distinguer cela en prêchant l’évangile.

Il y aurait beaucoup de choses à ajouter, quant aux croyants, relativement aux conseils de Dieu à leur égard, en Christ, et à leur nouvelle position devant Dieu en Lui ; mais nous devons nous arrêter.

Toutefois réjouissez-vous, croyants, d’être vis-à-vis de Dieu, au sujet du pardon et de la justification de vos péchés, sur le pied exprimé par ces paroles : « Dieu est juste et justifiant celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3, 26).

Et vous, lecteurs qui ne croyez pas en Christ le Sauveur, ou qui pensez n’avoir pas besoin d’un Sauveur, rappelez-vous que « celui qui ne croit pas ne verra pas la vie ; la colère de Dieu demeure sur lui » (Jean 3, 36). Vous vous trouverez privés du salut et ayant vos péchés à votre compte devant le grand trône de jugement (Apoc. 20, 11-15). Aujourd’hui Dieu vous dit : « Venez, croyez, et vous serez sauvés ! ». Alors, Il vous dira : « Allez ! Subissez la peine éternelle de vos péchés, puisque vous avez méprisé mon salut ! ».

Venez donc à Christ aujourd’hui comme au Sauveur des pécheurs, afin d’éviter de paraître alors devant Lui, comme le juge des pécheurs.



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1881.