Livre:Études sur la Parole — Tite
destinées à aider le chrétien dans la lecture du Saint LivreJ.N. Darby
L’épître à Tite s’occupe du maintien de l’ordre dans les assemblées de Dieu.
Le but spécial des épîtres à Timothée, quoiqu’elles parlent d’autres sujets à l’égard desquels l’apôtre donne des directions pour la conduite de Timothée, était le maintien de la saine doctrine : l’apôtre le dit lui-même. Dans la première de ces deux épîtres, nous voyons que Paul avait laissé à Éphèse son enfant bien-aimé dans la foi pour veiller à ce qu’aucune autre doctrine n’y fût prêchée ; l’Assemblée est la colonne et le soutien de la vérité. Dans la seconde épître, on voit quels sont les moyens d’affermir les chrétiens dans la vérité quand la masse s’en est éloignée.
Ici, dans son épître à Tite, l’apôtre dit expressément qu’il avait laissé Tite en Crète pour mettre en bon ordre les choses qui restaient encore à régler, et pour établir des anciens dans chaque ville. Bien que des dangers plus ou moins semblables à ceux que nous trouvons mentionnés dans l’épître à Timothée se présentent aussi à sa pensée, l’apôtre aborde son sujet immédiatement et avec une tranquillité qui montre que son esprit n’était pas préoccupé de ces dangers de la même manière, et que l’Esprit pouvait l’occuper plus entièrement de la marche ordinaire de l’Assemblée ; de sorte que l’épître à Tite est beaucoup plus simple dans son caractère. La marche qui convient aux chrétiens à l’égard du maintien de l’ordre dans leurs relations les uns avec les autres et les grands principes sur lesquels cette marche est fondée, tel est le sujet du livre. L’état de l’Assemblée se présente peu à notre vue. Les vérités qui découlent plus entièrement de la révélation chrétienne et la caractérisent, occupent plus de place dans cette épître que dans celles à Timothée. D’un autre côté, les prophéties à l’égard de l’avenir de la chrétienté, et le développement de la chute de celle-ci déjà en voie de s’accomplir, ne sont pas répétées ici. Tout en constatant d’une manière remarquable certaines vérités du christianisme, le ton de l’épître est plus calme, plus ordinaire.
Toutes les trois, elles parlent plus particulièrement de la promesse de la vie. Au reste, cette promesse distingue le christianisme et la révélation de Dieu (comme Père) en Christ, d’avec le judaïsme.
Mais ici, dès les premiers mots, les grands principes du christianisme sont mis en avant. La foi des élus, la vérité qui est selon la piété, la promesse de la vie éternelle avant les temps des siècles et la manifestation de la Parole de Dieu par la prédication, forment le sujet de l’introduction de l’épître. Comme dans les épîtres à Timothée, le titre de « Sauveur » est ajouté à celui de Dieu (ainsi qu’à celui de Christ).
Cette introduction n’est pas sans importance. Ce qu’elle renferme est présenté par l’apôtre à Tite, comme caractérisant son apostolat, et comme le sujet spécial de son ministère. Ce ministère n’était pas un développement du judaïsme, mais la révélation d’une vie et d’une promesse de vie qui subsistait (savoir dans le Christ, objet des conseils divins) avant les temps des siècles ; aussi la foi se trouvait-elle, non dans la confession des Juifs, mais dans les élus, amenés à la connaissance de la vérité par la grâce. La vraie foi chrétienne était la foi des élus : vérité importante et qui caractérise la foi dans le monde. D’autres peuvent bien adopter cette foi comme système, mais la foi est, en soi, « la foi des élus ».
Au milieu des Juifs, il n’en était pas ainsi : la confession publique de leur doctrine et la confiance dans les promesses de Dieu appartenaient à tout homme, Israélite de naissance. D’autres que les élus peuvent prétendre à la foi chrétienne, mais elle est « la foi des élus » : elle est, de sa nature, telle que la nature humaine ne l’embrasse point, ne la conçoit pas ; elle est une pierre d’achoppement pour cette nature ; elle décèle une relation avec Dieu qui, pour la nature, est inconcevable et en même temps présomptueuse et insupportable. Pour l’élu, cette relation est la joie de son âme, la lumière de son intelligence et l’appui de son cœur. La foi le place avec Dieu dans une relation qui est tout ce que le cœur de l’élu peut désirer, mais qui dépend entièrement de ce que Dieu est ; et c’est là ce que le croyant veut. C’est une relation personnelle avec Dieu Lui-même ; c’est pourquoi c’est la foi des élus de Dieu. Par conséquent, elle est pour tous les Gentils, aussi bien que pour les Juifs.
Cette foi des élus de Dieu a un caractère intime, en relation avec Dieu Lui-même : elle repose sur Lui, elle connaît le secret de Son conseil éternel, de cet amour qui a fait des élus l’objet des conseils divins. Mais un autre caractère se rattache à cette foi, savoir, la confession devant les hommes. Il y a la vérité révélée, par laquelle Dieu se fait connaître et réclame la soumission de l’esprit de l’homme et l’hommage du cœur de l’homme. Cette vérité place l’âme dans une relation vraie avec Dieu ; elle est la vérité selon la piété.
La confession de la vérité est donc un caractère important du christianisme et du chrétien. Il y a dans le cœur la foi des élus, la foi personnelle en Dieu et dans le secret de Son amour, et puis la confession de la vérité.
Or ce qui faisait l’espérance de cette foi, ce n’étaient pas les biens de la terre, une postérité nombreuse, la bénédiction terrestre d’un peuple reconnu de Dieu comme sien ; c’était la vie éternelle, promise de Dieu en Christ avant les temps des siècles, une vie en dehors du monde, du gouvernement divin du monde et du développement du caractère de l’Éternel dans ce gouvernement.
C’était la vie éternelle. Cette vie est en rapport avec la nature et avec le caractère de Dieu Lui-même ; c’est une vie qui, ayant sa source en Lui, venant de Lui, était la pensée de Sa grâce et avait été déclarée telle en Christ, avant qu’il y eût un monde, dans lequel le premier homme fut introduit sous une responsabilité[1], et qui formât la sphère du déploiement du gouvernement de Dieu sur ce qui Lui était assujetti, chose bien différente de la communion d’une vie par laquelle on participe à Sa nature et qui est le reflet de cette nature. C’est là l’espérance de l’évangile (car nous ne parlons pas ici de l’Assemblée), le secret trésor de la foi des élus, ce dont la vérité révélée nous assure.
L’expression : « promise avant les temps des siècles » est une expression remarquable et importante : on est admis aux pensées de Dieu avant que cette scène changeante et mélangée ait existé — cette scène, témoin de la faiblesse et du péché de la créature, de la patience et des voies de Dieu en grâce et en gouvernement. La vie éternelle se rapporte à la nature immuable de Dieu, à des conseils qui restent fermes comme Sa nature, à Ses promesses dans lesquelles Il ne saurait nous tromper, auxquelles Il ne saurait manquer. Notre part dans la vie existait avant la fondation du monde, non seulement dans la personne du Fils, mais dans les promesses faites au Fils comme notre part en Lui. Cette vie, et la part que nous devions y avoir, était le sujet de ces communications du Père au Fils, dont nous étions les objets, le Fils en étant le dépositaire[2] : merveilleuse connaissance qui nous a été donnée des communications célestes dont le Fils était l’objet, afin que nous comprenions la part que nous avons dans les pensées de Dieu dont nous étions l’objet en Christ avant tous les siècles !
Par ce passage nous comprenons aussi plus clairement ce que c’est que la Parole. La Parole est la communication, dans le temps, des pensées éternelles de Dieu Lui-même en Christ. Elle trouve l’homme sous la puissance du péché, révèle la paix et la délivrance, et montre comment il peut avoir part aux fruits des pensées de Dieu ; mais ces pensées mêmes ne sont autre chose que le dessein, le propos éternel de Sa grâce en Christ, de nous donner la vie éternelle en Christ, une vie qui existait par devers Dieu avant les temps des siècles. La Parole est prêchée, manifestée, c’est-à-dire la révélation des pensées de Dieu en Christ. Or ces pensées nous donnent la vie éternelle en Christ, et la promesse en a été faite avant les siècles. Les élus, en croyant, savent cela et possèdent la vie elle-même ; ils ont le témoignage en eux-mêmes : mais la Parole est la révélation publique sur laquelle la foi est fondée et qui a une autorité universelle sur les consciences des hommes, qu’ils la reçoivent, ou qu’ils ne la reçoivent pas. Exactement comme dans 2 Timothée 1, 9, 10, elle est présentée comme étant le salut, mais ayant été alors manifestée.
On remarquera que, ici, « la foi » est la foi personnelle dans une vérité connue, la foi que peuvent seuls avoir les élus qui possèdent la vérité comme Dieu l’enseigne. L’expression de « la foi » est employée aussi dans la Parole pour le christianisme comme système, en contraste avec le judaïsme ; ici, « la foi » est le secret de Dieu en contraste avec une loi promulguée à un peuple extérieur. Cette promesse qui datait dès avant les siècles révélés, et qui était souveraine dans son application, était particulièrement confiée à l’apôtre Paul pour qu’il l’annonçât par la prédication (v. 3).
L’évangile confié à Pierre est davantage la proclamation de l’accomplissement des promesses faites aux pères, lesquelles Paul reconnaît aussi, avec les faits évangéliques qui confirmaient ces promesses et les développaient par la puissance de Dieu manifestée dans la résurrection de Jésus, témoin de la puissance de cette vie.
Jean nous présente davantage la vie dans la personne de Christ, et ensuite communiquée à nous, une vie dont il nous montre les traits caractéristiques.
On trouvera qu’il n’y a pas chez l’apôtre la même intimité de confiance à l’égard de Tite qu’à l’égard de Timothée : Paul n’ouvre pas son cœur à Tite de la même manière. Tite est un bien-aimé et fidèle serviteur de Dieu, l’enfant aussi de l’apôtre, dans la foi ; mais Paul ne lui ouvre pas son cœur de la même manière ; il ne lui communique pas ses plaintes, son inquiétude, il n’épanche pas son cœur dans le sien, comme il le fait avec Timothée. Dire à une personne tout ce qu’on voit de brisant, d’inquiétant dans l’œuvre à laquelle on travaille, voilà la preuve de la confiance ; on a de la confiance à l’égard de l’œuvre, mais l’on parle aussi de l’œuvre à l’égard de soi, à l’égard de tous ; on se laisse aller sans réserve et en toute liberté à parler de soi, de ce qu’on sent, de tout. C’est ce que l’apôtre fait avec Timothée, et ce dont le Saint Esprit a voulu nous donner le tableau. La doctrine préoccupait l’apôtre par-dessus tout, dans ses communications à Timothée. C’était par là que l’Ennemi travaillait et s’efforçait de ruiner l’Assemblée. Les surveillants ne viennent dans la pensée de Paul que comme chose accessoire quand il parle à Timothée ; ici, ils sont en première ligne. L’apôtre avait laissé Tite en Crète pour mettre en bon ordre les choses qui restaient à régler, et pour établir des anciens dans chaque ville suivant qu’il le lui avait déjà ordonné. Il ne s’agit pas ici du désir que quelqu’un pourrait avoir de devenir surveillant ; il ne s’agit pas non plus de décrire le caractère qui convenait à cette charge ; mais il s’agit d’établir des surveillants, tâche pour l’accomplissement de laquelle Tite était muni d’autorité de la part de l’apôtre. Les qualités nécessaires lui sont communiquées afin qu’il puisse décider, selon la sagesse apostolique ; de sorte que, d’un côté, il était revêtu d’autorité par l’apôtre pour les établir, et que, d’un autre, il était instruit de sa part à l’égard des qualités requises. L’autorité et la sagesse apostoliques concouraient ensemble pour rendre Tite capable d’accomplir cette œuvre importante et sérieuse.
On voit aussi que ce délégué apostolique était autorisé à mettre en ordre ce qui était nécessaire pour le bien-être des assemblées en Crète ; ces assemblées, fondées déjà, manquaient encore de direction sur bien des détails de leur marche ; et les soins apostoliques étaient nécessaires pour leur donner des directions, ainsi que pour l’établissement de fonctionnaires dans les assemblées. L’apôtre avait confié cette tâche à la fidélité approuvée de Tite, muni par parole et, ici, par écrit, de l’autorité de l’apôtre lui-même, de sorte que rejeter Tite, c’est rejeter l’apôtre et, par conséquent, le Seigneur qui l’avait envoyé. C’est une chose sérieuse que l’autorité dans l’Assemblée de Dieu, une chose qui vient de Dieu Lui-même. Elle peut s’exercer comme influence par le don de Dieu, par des fonctionnaires, lorsque Dieu les établit par des instruments qu’Il a choisis et envoyés dans ce but.
Il est inutile d’entrer ici dans le détail des qualités qui sont nécessaires pour remplir convenablement la charge de surveillant ; elles sont au fond les mêmes que celles mentionnées dans l’épître à Timothée. Ce sont des qualités, non pas des dons — des qualités extérieures, morales, et de circonstance, qui démontrent l’aptitude de l’individu à la charge de surveiller les autres. On peut s’étonner peut-être que l’absence de fautes grossières trouve une place dans la liste de ces qualités ; mais les assemblées étaient plus simples qu’on ne le pense ; les personnes qui les composaient étaient sorties récemment des habitudes les plus fâcheuses. Une conduite précédente qui commandait le respect des autres était, par conséquent, nécessaire pour donner du poids à l’exercice des soins de surveillance. Ceux qui étaient revêtus de cette charge devaient aussi pouvoir réfuter les contredisants : car ils en rencontreraient, et en particulier parmi les Juifs, qui étaient toujours et partout actifs pour s’opposer à la vérité, et subtils pour pervertir les esprits.
Le caractère des Crétois occasionnait d’autres difficultés et exigeait l’exercice d’une autorité péremptoire ; le judaïsme se mêlait chez eux avec l’effet du caractère national. Il fallait être ferme et agir avec autorité pour que les Crétois chrétiens demeurassent sains en la foi.
Au reste il s’agissait encore d’ordonnances et de traditions, ces interdits dans l’Assemblée de Dieu, qui Le provoquent à la jalousie et s’opposent à Sa grâce en exaltant l’homme. Ceci, disait-on, n’est pas pur, et cela est défendu par une ordonnance : mais Dieu veut le cœur. Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs ; celui qui a le cœur souillé n’a pas besoin de sortir de lui-même pour trouver ce qui est impur, mais il est commode pour lui de le faire afin de pouvoir oublier son impureté. Les pensées et la conscience sont déjà corrompues. On parle de la connaissance de Dieu, on Le renie dans ses œuvres ; on est inutile et, à l’égard de toute œuvre vraiment bonne, réprouvé.
Chapitre 2. — Tite, qui devait non seulement établir d’autres personnes pour surveiller la marche des fidèles, mais qui, étant là revêtu d’autorité, devait lui-même veiller sur l’ordre et la marche morale des chrétiens, était chargé (ce qui du reste se retrouve dans les trois épîtres) de veiller à ce que chacun, dans sa position, marchât selon les convenances morales et selon les relations reconnues de Dieu — chose importante et qui met à l’abri des attaques de Satan, et à l’abri de la confusion dans l’Assemblée. La vraie liberté règne dans l’Assemblée ; l’ordre moral est la garantie de cette liberté, et l’Ennemi ne trouve pas de meilleure occasion pour déshonorer le Seigneur, ou pour ruiner le témoignage et jeter tout dans le désordre, en donnant aussi occasion au monde de blasphémer, que l’oubli de la grâce et de l’ordre grave et saint parmi les chrétiens. Qu’on ne se trompe pas ! Si ces convenances ne sont pas gardées (et elles sont belles et précieuses), la liberté (et elle est belle et précieuse, inconnue du monde qui ne sait pas ce que c’est que la grâce), l’excellente liberté de la vie chrétienne, prête au désordre qui déshonore le Seigneur, et jette la confusion morale partout.
Souvent, voyant que la faiblesse de l’homme a donné lieu à du désordre là où la liberté chrétienne régnait, au lieu de chercher le vrai remède, on a détruit la liberté, banni la force, l’opération de l’Esprit — car là où est l’Esprit, là est la liberté dans tous les sens — et la joie des relations nouvelles dans lesquelles tous sont un. Mais tout en rompant tout lien pour l’amour du Seigneur, quand il le faut, l’Esprit reconnaît toutes les relations que Dieu a formées, lors même qu’Il les rompt (comme le ferait la mort) quand l’appel du Christ, supérieur à toutes ces relations, l’exige. Mais aussi longtemps qu’on est placé dans ces relations (en dehors de l’appel du Christ), on doit y agir convenablement ; l’âge, la jeunesse, l’homme, la femme, l’enfant, les parents, l’esclave, le maître, tous ont des égards vis-à-vis les uns des autres, une conduite à tenir selon la position dans laquelle ils se trouvent.
« La saine doctrine » tient compte de ces diverses relations et maintient dans ses avertissements et dans ses exhortations toutes les convenances de la vie ; c’est ce que l’apôtre dit ici à Tite, à l’égard des hommes âgés, des femmes âgées, à l’égard des jeunes femmes (vis-à-vis de leurs maris et de leurs enfants, et quant à leur vie tout entière, qui doit être domestique et modeste) ; à l’égard des jeunes hommes auxquels Tite doit être en exemple continuel ; à l’égard des esclaves vis-à-vis de leurs maîtres ; ensuite à l’égard de tous vis-à-vis des magistrats, et même envers tous les hommes. Mais avant de parler de ce dernier point, Paul pose le grand principe qui constitue le fondement de la conduite des saints entre eux dans ce monde, car leur conduite envers les magistrats et le monde a un autre mobile.
La conduite des chrétiens, comme tels, au-dedans de l’Assemblée, a les doctrines spéciales du christianisme pour base et pour motif. Ces doctrines et ces motifs se trouvent dans les versets 11-15 de notre chapitre, qui parle précisément de cette conduite.
Le motif particulier pour le caractère de leur marche vis-à-vis du monde se trouve dans les versets 2 et suivants, du chapitre 3.
Les versets 11-15 du chapitre 2 contiennent un sommaire remarquable du christianisme, non pas précisément de ses doctrines, mais du christianisme, présenté plutôt comme réalité pratique pour les hommes. La grâce est apparue, non limitée à un peuple particulier, mais elle est apparue à tous les hommes ; non chargée de promesses et de bénédictions temporelles, mais apportant le salut : elle vient de Dieu vers les hommes en leur apportant le salut ; elle n’attend pas la justice de leur part, elle apporte le salut à ceux qui en ont besoin. Précieuse et simple vérité, qui nous fait connaître Dieu, nous met à notre place, mais nous y met selon la grâce qui a renversé toute barrière pour s’adresser à tout homme sur la terre, selon la bonté souveraine de Dieu.
Ayant apporté le salut, cette grâce nous enseigne parfaitement à l’égard de notre marche dans ce monde, et cela par rapport à nous-mêmes, par rapport aux autres hommes et par rapport à Dieu. Reniant toute impiété, et toute convoitise qui trouve sa satisfaction dans ce monde, on doit mettre un frein à la volonté de la chair à tous égards, et vivre sobrement ; on doit reconnaître les droits des autres, et se conduire justement ; on doit avoir le sentiment des droits de Dieu sur les cœurs des siens, et exercer la piété.
Mais notre avenir aussi est éclairé par la grâce : celle-ci nous enseigne à attendre la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ.
La grâce est apparue ; elle nous enseigne à marcher ici-bas et à attendre l’apparition de la gloire dans la personne de Jésus Christ Lui-même. Or notre espérance est bien fondée ; Christ nous est justement précieux ; on peut avoir dans le cœur toute confiance en pensant à Son apparition en gloire, et on a le motif le plus puissant pour une vie consacrée à Sa gloire : Il s’est donné pour nous, pour nous racheter de toute iniquité et purifier pour Lui-même un peuple qui Lui appartienne en propre, zélé pour les bonnes œuvres, selon la volonté et la nature de Christ.
C’est là le christianisme : la grâce a pourvu à tout : passé, présent et avenir selon Dieu ; elle nous délivre de ce monde en faisant de nous un peuple mis à part pour Christ, selon l’amour dans lequel Il s’est donné pour nous. Le christianisme est la purification par la grâce, mais une purification qui nous consacre à Christ. Nous sommes à Lui comme Sa part particulière, Sa possession dans le monde, animés de l’amour qui est en Lui, pour faire du bien aux autres et rendre témoignage à Sa grâce. Ce passage est un précieux témoignage à ce qu’est le christianisme dans sa réalité pratique, comme œuvre de la grâce de Dieu.
Chapitre 3 — À l’égard de la conduite des chrétiens vis-à-vis du monde, la grâce a fait disparaître la violence et l’esprit de rébellion et de résistance qui agite le cœur de celui qui ne croit pas, et qui a sa source dans la volonté de maintenir ses droits vis-à-vis des autres.
Le chrétien a sa portion, son héritage ailleurs que dans ce monde ; il est tranquille et soumis ici-bas, prêt à faire du bien. Lors même que les hommes sont injustes et violents à son égard, il le supporte, se souvenant que, dans le temps, il n’était pas autrement lui-même. Leçon difficile à apprendre, car la violence et l’injustice font bouillonner le cœur ; mais la pensée que l’injustice dont on souffre est le péché et qu’on était soi-même aussi auparavant son esclave, produit la patience et la piété. C’est la grâce seule qui a fait la différence ; et selon cette grâce on doit agir envers les autres.
L’apôtre donne ici le triste résumé des traits caractéristiques de l’homme selon la chair — de ce que nous étions : le péché, c’était la folie, c’était la désobéissance ; on était trompé, esclave des convoitises, rempli de malice, plein d’envie, haïssable et haïssant les autres. Tel est l’homme caractérisé par le péché. Or la bonté d’un Dieu sauveur, Sa bienveillance et Son amour envers les hommes (doux et précieux caractère de Dieu)[3] sont apparus (v. 4). Il a revêtu ce caractère de Sauveur, nom qui Lui est particulièrement donné dans ces trois épîtres, afin que dans notre marche nous portions l’empreinte de ce caractère, que notre esprit en soit pénétré. Notre marche dans le monde et notre conduite envers les autres hommes dépendent des principes de nos relations avec Dieu ; ce qui nous a rendus différents d’avec les autres n’est pas quelque mérite en nous, quelque supériorité personnelle : nous étions nous-mêmes comme eux — c’est le tendre amour, la tendre grâce du Dieu de miséricorde. Il a été bon et miséricordieux envers nous ; quand on a appris cette miséricorde, on est miséricordieux dans ses relations avec les autres. Il est vrai que cette miséricorde a agi en nous purifiant et nous renouvelant par un principe et dans une sphère de vie, tout nouveaux : nous ne pouvons marcher avec le monde comme nous le faisions auparavant ; mais nous agissons envers les autres qui sont encore dans la fange de ce monde, comme Dieu a agi envers nous pour nous en tirer, et pour nous faire jouir des choses dont nous désirons, selon le même principe de grâce, que les autres jouissent aussi. Le sentiment de ce que nous étions, et le sentiment de la manière dont Dieu a agi envers nous, se réunissent pour gouverner notre conduite envers les autres.
Or, lorsque cette bonté d’un Dieu sauveur est apparue, elle n’était pas quelque chose de vague et d’incertain : Il nous sauva, non par des œuvres de justice que nous, nous eussions faites, mais selon Sa propre miséricorde en nous lavant et nous renouvelant. Ces derniers mots expriment le double caractère de l’œuvre en nous : ce sont les deux mêmes points qui se trouvent dans l’entretien du Sauveur avec Nicodème (Jean 3). Il est toutefois ajouté ici ce qui a maintenant sa place à cause de l’œuvre de Christ, savoir que le Saint Esprit est aussi répandu richement sur nous pour être la force de la nouvelle vie dont Il est la source. L’homme est lavé, purifié. Il est lavé de ses anciennes habitudes, de ses anciennes pensées, de ses anciens désirs, dans le sens pratique. On lave ce qui existe. L’homme était naturellement mauvais et souillé dans sa vie intérieure et extérieure. Dieu nous a sauvés, en nous purifiant ; Il ne pouvait le faire autrement : pour être en relation avec Lui, il faut la pureté pratique.
Mais cette purification est foncièrement faite : ce n’est pas le dehors du vaisseau ; c’est la purification par la régénération, autrement dit, et sans nul doute, la communication d’une nouvelle vie, source de nouvelles pensées en rapport avec la nouvelle création de Dieu, et capable de jouir de Sa présence et de la lumière de Sa face ; mais cette nouvelle vie en elle-même est un passage de l’état où nous étions à un autre entièrement différent — de la chair par la mort, à l’état d’un Christ ressuscité.
Mais il y a une puissance qui agit dans cette nouvelle vie et qui l’accompagne dans le chrétien. Ce n’est pas seulement un changement subjectif, comme on dit ; mais il y a un agent actif, divin, qui communique quelque chose de nouveau, dont Il est Lui-même la source, savoir le Saint Esprit Lui-même, Dieu agissant dans la créature (car c’est toujours par l’Esprit que Dieu agit immédiatement sur la créature) ; et c’est sous le caractère du Saint Esprit qu’Il agit dans cette œuvre de renouvellement. Il y a une nouvelle source de pensée en relation avec Dieu : non seulement une capacité vitale, mais une énergie qui produit ce qui est nouveau en nous.
On s’est demandé quand a lieu ce renouvellement par le Saint Esprit ? Est-ce au commencement, ou bien après la régénération[4] dont l’apôtre parle. Je crois que l’apôtre en parle selon le caractère de l’œuvre, et qu’il ajoute : « répandu sur nous » (ce qui caractérise la grâce de ce temps-ci) pour faire voir qu’il y a encore une autre vérité, savoir que le Saint Esprit, étant « répandu sur nous », continue Son action, pour maintenir par Sa puissance la jouissance de la relation dans laquelle Il nous a placés. L’homme est purifié en rapport avec ce nouvel ordre de choses, mais le Saint Esprit est une source d’une toute nouvelle vie, de toutes nouvelles pensées — non seulement d’un être moral, mais de la communication de tout ce en quoi ce nouvel être se développe. On ne peut séparer une nature des objets à l’égard desquels elle se développe, et qui forment la sphère de son existence et la caractérisent.
C’est le Saint Esprit qui donne les pensées, qui crée et forme l’être moral tout entier du nouvel homme : la pensée et le pensant ne sauraient se séparer moralement là où le cœur s’occupe de la pensée. Le Saint Esprit est la source de tout, dans l’homme sauvé ; c’est parce qu’il en est ainsi que l’homme en définitive est sauvé.
Le Saint Esprit ne donne pas seulement une nouvelle nature : Il nous la donne en relation avec un ordre de choses tout nouveau (« une nouvelle création ») et nous remplit, quant à nos pensées, des choses qui s’y trouvent. C’est pourquoi, quoique nous soyons placés dans cette nouvelle création, une fois pour toutes, l’œuvre, quant à l’opération du Saint Esprit, se continue, parce qu’Il nous communique toujours davantage des choses de ce monde nouveau dans lequel Il nous a introduits : Il prend les choses de Christ et Il nous les montre ; et tout ce que le Père a est à Christ. Je crois que « le renouvellement de l’Esprit Saint » comprend tout cela, puisque l’apôtre dit que Dieu L’a « répandu richement sur nous » ; en sorte que ce n’est pas seulement que nous sommes nés de Lui, mais Il opère en nous, nous communiquant tout ce qui est nôtre en Christ.
Le Saint Esprit est répandu richement sur nous par Jésus Christ, notre Sauveur, afin qu’ayant été justifiés par la grâce de ce Sauveur, nous soyons héritiers selon l’espérance de la vie éternelle. Je crois que l’antécédent d’« afin que » est « le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint », et que la phrase « qu’il a répandu richement sur nous par Jésus Christ, notre Sauveur », est une parenthèse accessoire qui doit montrer que nous avons la plénitude de la jouissance de ces choses par la force du Saint Esprit.
Ainsi Il nous a sauvés par ce renouvellement pour être héritiers selon l’espérance de la vie éternelle. Ce n’est rien d’extérieur, de terrestre, de tangible. La grâce nous a donné la vie éternelle. C’est afin que nous la possédions que nous avons été justifiés par la grâce de Christ[5]. Ainsi il y a énergie, force, espérance par le riche don du Saint Esprit. Pour que nous puissions en être participants, nous avons été justifiés par Sa grâce, et notre héritage est dans la joie incorruptible de la vie éternelle.
Dieu nous a sauvés, non par des œuvres, ni par le moyen[6] de ce que nous sommes, mais par Sa miséricorde ; mais alors Il a agi envers nous selon les richesses de Sa propre grâce, selon les pensées de Son propre cœur.
C’est de ces choses que l’apôtre veut que Tite s’occupe — de ce qui nous met, avec des actions de grâces, en relation pratique avec Dieu Lui-même, et nous fait sentir ce que c’est que notre part, notre part éternelle devant Lui. Cela agit sur notre conscience, nous remplit d’amour et de bonnes œuvres, nous fait respecter toutes les relations dont Dieu Lui-même est le centre. Nous sommes en relation avec Dieu selon Ses droits à Lui ; nous sommes devant Dieu qui fait respecter par la conscience tout ce qu’Il a Lui-même établi.
Les questions oiseuses, les disputes sur la loi, Tite devait les éviter, ainsi que tout ce qui pouvait détruire la simplicité des relations des fidèles avec Dieu, selon la révélation immédiate de Lui-même et de Sa volonté en Jésus Christ. C’est toujours le judaïsme gnostique qui s’élève contre la simplicité de l’évangile : la loi et la justice de l’homme sont ce qui détruit, par l’introduction des êtres intermédiaires, la simplicité et le caractère immédiat de nos relations avec le Dieu de la grâce.
Lorsqu’un homme voulait faire prévaloir sa propre opinion et par ce moyen faisait des partis dans l’assemblée, après l’avoir admonesté une et deux fois, on devait le rejeter ; la foi d’un tel homme est renversée ; il pèche, il est condamné par lui-même ; il ne se contente pas de l’Assemblée de Dieu, de la vérité de Dieu ; il veut faire de la vérité à lui. Pourquoi est-il chrétien, si le christianisme tel que Dieu l’a donné ne lui suffit pas ? En faisant un parti pour ses propres opinions, un tel homme se condamne lui-même.
Nous trouvons, à la fin de l’épître qui vient de nous occuper, un petit aperçu de l’activité chrétienne que produit l’amour de Dieu, et des soins qu’on prend pour que les troupeaux jouissent de tous les secours que Dieu fournit à l’Assemblée. Paul désirait que Tite vînt auprès de lui ; mais les Crétois avaient besoin de ses soins, et l’apôtre met l’arrivée d’Artémas ou de Tychique (ce dernier bien connu par les services qu’il a rendus à l’apôtre) comme condition du départ de Tite du champ où il travaillait. Nous trouvons ici aussi Zénas, docteur de la loi, et Apollos qui avait aussi déployé son activité à Éphèse et à Corinthe, disposés tous deux à venir s’occuper en Crète de l’œuvre du Seigneur.
Remarquez que nous trouvons aussi les deux genres d’ouvriers, savoir ceux qui étaient en relation personnelle avec l’apôtre comme compagnons d’œuvre, qui l’accompagnaient et qu’il envoyait ailleurs pour continuer l’œuvre qu’il avait commencée, quand il ne pouvait plus s’en occuper lui-même ; et puis ceux qui travaillaient de leur propre mouvement et sans avoir été envoyés par l’apôtre. Or cette double activité n’entraînait avec elle aucune jalousie. Paul ne négligeait pas les troupeaux qui lui étaient chers ; il se réjouissait de ce que, qui que ce fût, sain dans la foi, arrosât les plantes qu’il avait plantées lui-même. L’apôtre encourage Tite à témoigner à ces ouvriers toute affection et à pourvoir à tous leurs besoins pour leur voyage. Cette pensée lui suggère l’exhortation qui suit, savoir que les chrétiens feraient bien d’apprendre à faire des choses utiles pour subvenir aux besoins des autres, comme aux leurs propres.
L’apôtre termine son épître par les salutations que l’amour chrétien produit toujours ; mais comme nous l’avons vu déjà au commencement de cette épître, il n’y a pas ici l’effusion qui se trouve dans les communications de Paul à Timothée. La grâce est la même partout ; mais il y a des affections et des relations spéciales dans l’Assemblée de Dieu.
- ↑ L’histoire du premier homme, c’est son manquement à cette responsabilité jusqu’à Christ, le second homme, et la croix sur laquelle Christ a porté pour nous les conséquences de ce manquement et nous a obtenu auprès de Lui la vie éternelle, dans toute la gloire de cette vie.
- ↑ Comparez Proverbes 8, 30, 31 ; Luc 2, 14 et Psaumes 40, 6-8, « tu m’as creusé des oreilles », c’est-à-dire « formé un corps », la place d’obéissance, ou d’un esclave (Phil. 2), ainsi traduit par les Septante et accepté comme correct dans l’épître aux Hébreux.
- ↑ C’est, en grec, le mot philanthropie qui, dans les Écritures, n’est appliqué qu’à Dieu seul, et qui, du reste, a une force beaucoup plus grande que le mot français, car philos est une affection particulière pour un certain objet, une amitié.
- ↑ παλιγγενεσία, le mot employé ici, n’est pas naître de nouveau (άναγεννάω). Sauf ici, on le trouve seulement à la fin de Matthieu 19 pour le millénium. Le renouvellement du Saint Esprit est une chose distincte de la régénération. Cette dernière est le passage d’un état de choses à un autre.
- ↑ C’est parce que « Christ » se trouve dans la parenthèse et non dans la phrase principale, que nous lisons ἐϰείνου.
- ↑ Ici, comme ailleurs, la responsabilité de l’homme est clairement distinguée d’avec la grâce qui sauve, par laquelle aussi Dieu accomplit Ses desseins.