Écho du Témoignage:La grâce
Lorsque nous sommes occupés de la grâce, c’est des intérêts que nous avons en Christ que nous sommes occupés ; quand c’est la gloire qui nous occupe, c’est des intérêts que nous avons avec Christ que nous nous occupons. De ces deux sujets le premier est réellement le plus profond, celui dans lequel la personne et les affections sont le plus en jeu : il nous place en présence du cœur du Seigneur ; le second nous place en présence de Ses circonstances.
Et toutefois, ce peut être un symptôme de faiblesse, si nous nous en tenons trop tendrement et trop exclusivement au sujet de la grâce. Et c’est au contraire un symptôme de force et de simplicité, si la pensée de la gloire nous attire et si nous nous sentons à l’aise avec elle : car, si nous pouvons considérer dans un esprit pareil le sujet de la gloire et l’envisager d’un cœur à l’aise et heureux, c’est une preuve que nos âmes ont fait déjà ample connaissance avec la grâce et sont établies en elle.
Ce sont là, à mon avis, de sûrs indices de l’état de l’âme. Néanmoins, comme je l’ai dit, la grâce est réellement un sujet plus profond, plus merveilleux que la gloire.
Quand nous aurons atteint la gloire, ce sera la grâce qui sera pour nous la chose idéale, le thème toujours nouveau, toujours entraînant, des cantiques et des souvenirs éternels. Et il en est ainsi même à présent. L’âme qui prend toujours la gloire pour sujet sans y joindre des aperçus pleins de cœur sur la grâce ne fera que nous fatiguer ; tandis que celui qui peut célébrer la grâce, triompher en elle avec de profondes affections, et qui en fait son sujet habituel, incapable peut-être d’aller au-delà, sera pourtant agréable au cœur. Les pensées de la grâce peuvent occuper l’âme par elles-mêmes, toutes seules, mais les pensées de la gloire ne le peuvent pas[1].
L’état d’âme le plus fort, le plus riche, le plus heureux, c’est quand on peut faire usage de toutes les ressources, de tous les motifs, de toutes les attractions que fournissent pareillement la grâce et la gloire. C’est là l’état de Paul, d’une manière caractéristique, puis-je dire, dans la seconde épître à Timothée. Il presse son cher fils d’être « fortifié dans la grâce des richesses », de laquelle il révèle quelques-unes, et il lui tend aussi « la couronne de justice ». Or, cette seconde à Timothée a été la dernière parole de Paul, son « chant du cygne ».
Les histoires de l’Ancien Testament, qui étaient comme des illustrations de la grâce, font plus constamment nos délices que telle autre qui présente la gloire, quoique ceci, dans sa mesure, dépende de l’état de l’âme, et puisse, dans quelques cas, comme je l’ai dit, trahir notre faiblesse.
On est trop disposé à s’accompagner dans sa marche, de l’esprit de vigilance anxieuse, de l’esprit par suite duquel on n’est occupé que de se juger, de cet esprit qui est plein de souci quant à conserver une bonne conscience. Mais nous devrions nous accompagner aussi du souvenir de la grâce illimitée de Dieu. Cela élèverait le cœur et le tiendrait dans la joie d’une manière permanente. Notre voyage vers la gloire devrait être entrepris et se poursuivre à la sereine et radieuse lumière qui jaillit pour le pèlerin de la conscience qu’il a de la grâce de Dieu.
C’est alors que nous honorons Dieu, et que nous répondons à l’attente de Son cœur et au propos arrêté de Ses plans et de Ses conseils. Car Il ne saurait rien estimer comme Sa grâce. Pourquoi fait-Il la promesse que Ses yeux et Son cœur seront perpétuellement sur le temple (voir 2 Chron. 7) ? N’est-ce pas parce qu’il y avait dans le temple le témoignage de Sa grâce ? Le lieu où demeurent les anges ne présentait pas cet objet à Ses regards. Et cependant les anges, comme créatures, étaient plus beaux que les sacrificateurs, et le ciel, comme lieu, était plus magnifique que le temple de Jérusalem. Mais ni les anges, ni le ciel ne Lui parlaient de Sa grâce comme le temple en parlait. Et c’est en cela que gît l’attrait. Voilà le secret pourquoi Ses yeux et Son cœur prenaient à ce lieu un intérêt si profond.
La révélation de cette grâce de Dieu, la manière dont la révélation en est faite, est aussi merveilleuse et aussi différente de tout le reste, que la grâce l’est elle-même.
L’amour de Dieu que l’évangile révèle est un amour qui surpasse toute connaissance. Et toutefois l’histoire en est racontée sans aucune expression ardente destinée à le faire ressortir, ou à l’aider, comme avec le secours du langage et des descriptions, à le faire pénétrer au cœur.
C’est là une chose merveilleuse. L’Écriture ne cherche pas à produire dans l’âme le sentiment de cet amour autrement que par le simple récit qu’elle en fait. Elle le raconte, mais le raconte simplement. Tel est le genre, la manière générale, ou si vous voulez, la méthode du livre de Dieu.
Voyez-en un exemple dans la description de la maison de Dieu à laquelle j’ai déjà fait allusion. Prenez Exode 28, relatif aux vêtements des serviteurs de cette maison. Ces vêtements du souverain sacrificateur, qui était le Christ mystique, le Fils de Dieu servant dans le sanctuaire, sont pleins de profonds et précieux mystères. Ils expriment pour l’intelligence de la foi un amour qui surpasse toute connaissance. Et pourtant vous ne sauriez trouver dans tout le chapitre le moindre effort pour produire une impression correspondant à cela — absolument pas un. Les vêtements d’Aaron sont simplement suspendus devant nos regards sans qu’il soit rien dit pour attirer sur eux l’attention ou entraîner le cœur.
Est-ce là la manière de l’homme ? Certainement non. Cette manière de révéler la grâce est autant au-dessus de la méthode de l’homme, que la grâce qu’elle révèle.
Et cette grâce que nous voyons dans le sanctuaire de jadis, c’est la manière même dont Christ en a agi au jour de Son ministère personnel. Il ne se servit jamais du langage, si je puis parler ainsi : jamais Il n’employa de véhémentes paroles pour faire connaître l’amour qui remplissait Son cœur ; jamais Il n’eut recours à l’ardeur des manières ni à la véhémence des expressions pour convaincre Ses disciples de l’affection qu’Il avait pour eux. Mais le cœur trouvait dans les faits ample matière pour être certain de cette vérité précieuse. Toute Sa vie (qui se passait dans le calme, et autant que la chose était possible, dans le silence) était, pour quelqu’un capable de l’apprécier, la démonstration d’un amour infiniment au-dessus de toute description. Merveilleuse méthode du Dieu de toute grâce et de toutes perfections ! C’est l’office du Saint Esprit, l’affaire qui Lui est échue, d’interpréter tout ce mystérieux amour. C’est à Lui de prendre Jésus et de nous Le montrer. Christ n’a pas fait d’effort pour nous persuader de Son amour. Ce n’était pas là Sa voie. Le Seigneur du vieux sanctuaire, ainsi que nous l’avons vu, ne faisait rien de pareil. Chacune de ces choses passait tranquillement, et pour ainsi dire, silencieusement devant l’œil de la foi, mais l’Esprit et le cœur renouvelé trouvent ample matière pour découvrir cet amour qui surpasse toute connaissance et en faire leur riche nourriture.
Et combien c’est heureux et profitable d’être profondément pénétré dans son âme que c’est dans la compagnie du Dieu de grâce que nous poursuivons notre voyage jour après jour, ou que nous faisons successivement l’expérience de ses scènes changeantes ! Le psaume 23 nous dit cela. Là le saint se met en présence de son voyage, ne sachant point ce qui peut lui arriver, mais bien assuré de ceci, que, quoique ce puisse être — besoin, souffrance, manquement dans la justice, ou combat, même des circonstances pareilles à celles de la mort — toutefois Dieu est toujours près de lui en grâce pour le fortifier, le consoler, ou le restaurer.
Nous retrouvons ceci enseigné comme doctrine par l’apôtre. Étant justifiés par la mort de Christ, nous serons sauvés par Sa vie (Rom. 5). Ce n’est pas simplement que nous devons nous souvenir de la grâce de Dieu comme elle apparaît à la croix, mais qu’il nous faut user et jouir tous les jours de la grâce de Dieu comme elle apparaît dans la vie de Christ dans le ciel. La vie de Christ dans le ciel pour nous est la mesure et la compagnie de la vie d’un saint pauvre et souillé sur la terre[2].
Pareillement en Hébreux 4. Si l’épée à deux tranchants sonde et révèle la corruption qui est en nous, la souveraine sacrificature de Jésus est toujours là pour répondre : ainsi que, sous la loi, les cendres de la génisse étaient mises en un lieu net, hors du camp, à la disposition constante de celui qui avait été souillé par un contact quelconque avec la mort. Le remède était toujours là, remède auquel avait pourvu la grâce. Qu’un juge ou un accusateur quelconque ouvre sa bouche pour condamner, il lui est toujours répondu par l’intercession de Celui qui est assis à la droite de Dieu (Rom. 8). La voix de l’accusateur se fait entendre comparativement à distance, mais l’intercesseur est assis à la place de l’intimité la plus chère et de la dignité la plus élevée. Et c’est ainsi, que, sous une autre forme, la grâce se déploie et nous accompagne tout le long du chemin.
Ici, cependant, je m’écarterai un peu. Je viens de dire que la voix de l’accusateur ou du juge se fait entendre comparativement à distance, et non de cette place de proximité et de dignité d’où s’élève la voix de l’intercesseur. Mais, en parlant ainsi, je n’oublie point que l’accusateur des frères se trouve dans le ciel. Je sais cela ; mais je n’en dis pas moins qu’il est comparativement loin. La vision du Messie en 1 Rois 22, les premières scènes du livre de Job, la parole du Seigneur en Luc 10, 18, l’enseignement de l’apôtre en Éphésiens 6, et l’événement raconté en Apocalypse 12, nous disent tous que notre adversaire, notre accusateur, est dans les lieux célestes ; mais ces cieux sont des cieux qui se trouvent plus bas que la maison du Père, ou que le lieu de la gloire magnifique. Il est une région à laquelle le prince de la puissance de l’air a droit et libre accès maintenant comme jadis il avait droit d’accès dans le jardin d’Éden, pour y porter ses accusations comme autrefois il ourdissait ses tentations dans le jardin. Cette région est appelée le ciel, ou les lieux célestes, où les malices spirituelles se trouvent (Éph. 6).
C’est là cependant un ciel inférieur. Ce n’est pas la maison du Père. Ce n’est pas la résidence de la gloire magnifique. Il est possible que ce soit le siège de la puissance ou du gouvernement, mais ce n’est pas la sphère de la gloire magnifique.
Et je pense que c’est la place où la sainte Jérusalem descend pour prendre sa relation avec la terre milléniale et la gouverner (voir Apoc. 21).
Elle était, cependant, descendue avant d’atteindre ce lieu, preuve qu’elle appartenait à une région plus élevée, comme c’est en effet le cas. Elle est plus proprement ou personnellement une habitante de la maison du Père, qui se trouve dans des régions plus hautes, car la sphère de la famille est plus haute que celle du gouvernement.
Les noces de l’Agneau ont lieu dans la maison du Père (Apoc. 19). Des noces sont un événement domestique et conviennent à la résidence de la famille. Mais après que les noces ont été célébrées là, l’Épouse est introduite dans la sphère de la domination, qui est un lieu inférieur, parce qu’on la voit y descendre.
Or, c’est cette place inférieure, cette place inférieure de gouvernement, ou de relation avec la terre, cette région occupée par la femme de l’Agneau au jour de sa gloire manifestée, qui constitue le ciel ou les lieux célestes des principautés et des puissances de ténèbres au temps actuel. Un jour elles seront précipitées de ce ciel ; et alors, au temps convenable enfin, cette place sera occupée par les rachetés et l’Église glorifiée, la femme de l’Agneau qui doit avoir le gouvernement du « monde à venir ».
Et je puis ajouter que la scène contemplée par Pierre, Jacques et Jean sur la sainte montagne se passait plutôt dans cette sphère de la puissance ou du gouvernement que dans la maison du Père. J’ai deux raisons pour parler ainsi. D’abord, la gloire magnifique ou la demeure du Père était distincte de cette montagne (voir 2 Pier. 1, 17) ; secondement, le lieu de cette scène était en dedans de la portée de la vue du peuple terrestre, et telle sera la place qu’occupera la sainte Jérusalem ou l’Église dans le gouvernement, tandis qu’il n’en sera pas de même de la maison du Père, ou « de la gloire magnifique ».
Tout cela est précieux pour nous. Nous y apprenons que la sphère de la famille est au-dessus de la sphère de la royauté, que la scène de l’affection est plus élevée que la scène de la puissance. Mais tout est grâce.
La grâce, comme tout ce qui est libre, se plaît à user de sa liberté. Nous pouvons voir cela dans une scène telle que celle de l’eunuque en Actes 8. La grâce se plaît aussi à déployer toute la diversité de ses voies : ceci nous pouvons le voir dans une histoire comme celle de David. L’âme qui est établie dans la grâce, selon qu’un autre l’a dit autrefois, sera trouvée raisonnant plutôt d’après ce que Dieu est, que d’après ce que nous sommes nous-mêmes. Oh ! la précieuse occupation pour le cœur, que d’aller sans cesse de la grâce à la gloire, et de la gloire à la grâce que nous recevons de Lui !
- ↑ Moïse et la congrégation d’Israël triomphent dans leur cantique, dans la grâce et dans la gloire à la fois. Marie et ses femmes ne redisent que la pensée de la grâce. Et pourtant le chant de Marie avec son ton plus marqué de douceur est très bien venu à l’oreille. Voir Exode 15.
- ↑ La chose cachée est aussi réelle que la chose manifestée ; les actes de la discipline du Seigneur à notre égard sont visibles ; Ses plaidoyers en notre faveur sont secrets : les uns ont lieu sur la terre, les autres dans le ciel — mais les uns et les autres également réels.