Livre:Jonas, fils d’Amitthaï (E.G.)/La tempête
« Mais l’Éternel excita sur la mer un vent impétueux et une violente tempête, en sorte que le navire était en danger de se briser. La peur s’empara des nautoniers, et chacun invoqua son dieu à grands cris ; et ils jetèrent dans la mer la charge du navire pour l’alléger. Or, Jonas, couché au fond du vaisseau où il était descendu, dormait profondément. Alors le pilote s’approcha de lui et lui dit : Que fais-tu là, dormeur ? Lève-toi, invoque ton Dieu ; peut-être qu’il pensera à nous et empêchera que nous ne périssions ».
L’homme est enclin de sa nature à s’éloigner de Celui qui l’a fait ; et l’enfant de Dieu, comme l’enfant du monde, abandonné un seul instant à lui-même, tombe et L’offense grièvement. David, livré à son propre cœur, se rend coupable d’adultère et de meurtre ; Salomon se prosterne dans le temple des idoles ; Pierre renie son Maître avec serment, et Jonas devient un prévaricateur et un apostat.
Dieu le laissera-t-il périr dans sa révolte ? Non, mais Il enverra après lui Son messager pour le rappeler à Lui. Ce ne sera pas un ange, ce ne sera pas « un son doux et subtil » ; ce sera la grosse voix de l’orage, ce sera la tempête, ce rapide exécuteur des jugements du Dieu « qui fait des vents ses anges, et des flammes de feu ses ministres ». Jonas a pris les chevaux légers pour s’enfuir de devant l’Éternel ; eh bien ! celle qui le poursuit sera plus légère encore (És. 30). Va, lui dit le Seigneur, jette-toi sur le vaisseau qui porte Jonas, et, le battant de tous tes flots, réveille, effraie le lâche et méchant serviteur, et ramène le pécheur à son Dieu.
L’histoire de Jonas nous donne de grandes leçons. Elle nous dit que refuser de nous rendre où Dieu nous envoie, et aller où Il ne nous envoie pas, c’est nous faire à nous-mêmes un double tort : c’est manquer une bénédiction et courir au-devant d’un châtiment. Elle nous montre aussi comment, par l’épreuve, Dieu nous force à quitter le sentier de notre volonté propre, ce sentier qui mène à la perdition, pour rentrer dans le chemin du Seigneur, qui est celui du ciel. Qu’Il est bon jusque dans les châtiments qu’Il nous inflige, et que de charité se cache sous l’apparente sévérité de Ses dispensations ! Il frappe « ceux qu’il aime », et les châtie « pour leur profit ». La faim ramène l’enfant prodigue dans les bras de son père, et la tourmente va rendre Jonas à son Dieu.
« Mais l’Éternel excita sur la mer un vent impétueux et une violente tempête ». Remarquons d’abord une différence notable qui existe entre les écrivains profanes et les auteurs sacrés ; tandis que, pour l’ordinaire, ceux-là n’arrêtent nos regards que sur les causes secondes, ceux-ci, tout au contraire, élèvent habituellement nos pensées vers la cause première, vers l’intelligence suprême et ordonnatrice. « Il souffla sur la mer un vent impétueux, et il y eut une affreuse tourmente », se fussent bornés à dire les historiens ordinaires. « L’Éternel excita sur la mer un vent impétueux et une violente tempête », disent les historiens inspirés. Dans tout ce qui se passe ici-bas, ils nous montrent constamment le doigt, l’intervention suprême du gouverneur moral du monde, du « Juge de la terre ». La maison de Job s’écroule, le sol tremble, des navires s’abîment dans la profondeur des mers : « simple accident ou pur effet du hasard ! » dit ou pense l’homme naturel. — « Châtiment de Dieu ! » s’écrie l’homme formé à l’école du Saint Esprit. Et que sont, après tout, les vents déchaînés, les flots soulevés ou les tremblements de terre, sinon des ministres qui accomplissent à l’envi les décrets du Souverain ? Rien n’arrive qu’Il ne l’ait ordonné. « Y a-t-il dans la ville quelque mal que l’Éternel n’ait fait » (Amos 3) ? « Qui est-ce qui dit que cela est arrivé et que le Seigneur ne l’avait point commandé ? Les maux et les biens ne procèdent-ils pas également de l’ordre du Très-haut » (Lam. 3) ?
Remarquons ensuite que l’orage qui éclata sur Jonas, éclata soudain, proclamant cette vérité que l’homme qui marche résolument dans ses voies, décidé à ne prendre conseil que de son propre cœur, s’avance infailliblement au-devant de l’orage ; la tempête éclatera sur lui tout à coup, selon cette parole de l’Écriture : « Celui qui ayant été souvent repris, endurcit son cou, sera subitement retranché sans retour ».
Au reste, la souffrance est le juste châtiment de la transgression, en même temps qu’elle en est l’inévitable conséquence. La douleur naît tout aussi naturellement du péché que la chaleur procède du feu. « Qui sème le vent, recueillera le tourbillon » (Os. 8). Le péché appelle toujours après lui la tempête : la tempête de « nos pensées qui s’accusent entre elles », et celle aussi de l’appréhension « de la colère à venir ». Et ce n’est pas seulement au-dedans de nous qu’il soulève ainsi l’orage, c’est en même temps au-dehors ; c’est dans la famille, et, selon notre position religieuse ou sociale, c’est dans l’église, ou dans la nation dont nous faisons partie ; toute la création fait la guerre à qui la fait à Dieu : « Nulle paix », a dit le Seigneur, « pour celui qui marche dans la méchanceté ».
Telle était la violence de l’ouragan, que « le navire était en danger de se briser ». Alors tous les passagers « chancellent comme des gens ivres ; ils montent aux cieux, ils descendent aux abîmes ; toute leur sagesse leur manque, et leur âme se fond d’angoisse » (Ps. 107, 25-27). S’il est vrai que, plus d’une fois, des méchants ont été bénis à cause des justes, quand ceux-ci marchaient dans le sentier de la droiture ; que, pour l’amour de Paul, par exemple, tout un équipage ait été sauvé, et que Sodome et Gomorrhe elles-mêmes eussent échappé au feu du ciel, si seulement elles eussent compté jusqu’à dix justes, il n’est pas moins avéré, d’autre part, que plus d’une fois des enfants du présent siècle ont eu beaucoup à souffrir à cause de la désobéissance des enfants de Dieu ; qu’ainsi la duplicité d’Abraham appela les châtiments du ciel sur la maison de Pharaon, et que la révolte de Jonas exposa les mariniers de Joppé à toutes les horreurs du naufrage. Nous ferons bien de nous en ressouvenir, si nous ne voulons pas, par nos péchés, compromettre la paix et le bonheur de ce qui nous entoure.
Mais remarquez l’attitude des nautoniers dans la tourmente. « La peur s’empare d’eux ». Le cœur manque à ces gens de mer, accoutumés néanmoins à voir de près le péril et à braver les tempêtes. Quand tout sourit extérieurement au pécheur, ou que toutes choses vont leur train ordinaire, il est à l’aise et semble plein de résolution ; mais, que l’orage vienne à gronder autour de lui, aussitôt son faux courage l’abandonne et la frayeur le saisit. Le prince impie de Babylone défiait le Dieu du ciel et de la terre et profanait les vases sacrés de son temple ; mais, à l’instant même où il découvre sur la muraille la main qui trace les caractères mystérieux, son visage change, son esprit se trouble au-dedans de lui, les jointures de ses reins se relâchent, ses genoux heurtent violemment l’un contre l’autre, et la multitude de ses seigneurs et de ses concubines, loin de le rassurer, pâlit avec lui et ajoute à ses terreurs. Ah ! si déjà sur la terre les pécheurs les plus audacieux tremblent ainsi devant le souverain Juge, que sera-ce au jour de la colère à venir, et quand éclatera la tourmente de Son indignation ! Alors « les méchants diront aux montagnes et rochers : Tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de Celui qui est assis sur le trône et de devant la colère de l’Agneau » (Apoc. 6).
Les nautoniers, dans leur terreur, « invoquaient chacun son dieu » ; chacun, dans la détresse générale, implorait à grands cris le dieu, le patron qu’il supposait présider aux destinées particulières de sa ville ou de son pays ; car alors, comme encore aujourd’hui, chaque cité, chaque contrée avait sa divinité tutélaire. Pendant que l’un peut-être appelait à son aide Jupiter ou Neptune, l’autre criait à Moloch ou à Baal. Mais Baal dort, ou il est en voyage, ou tout préoccupé de ses propres affaires ; pauvre marinier en détresse, crie donc plus fort, car il ne t’entend pas. Dans quelques moments, tous les passagers invoqueront le vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre, et Il les entendra, Lui.
La plupart des hommes ne prient point, aussi longtemps que tout est calme autour d’eux ; mais que le danger vienne à paraître, alors tous implorent la divinité comme ils la conçoivent ; vous ne voyez plus ceux-ci se moquer, tandis que ceux-là sont à genoux ; tous invoquent le ciel, chacun à sa manière ; mais, ne vous y trompez pas, ce qu’ils en attendent, c’est uniquement la délivrance du danger qui les menace ; sitôt le péril éloigné, vous les verrez revoler à leurs vanités avec tout l’élan du cheval qui se jette au milieu de la bataille, et les retrouverez toujours les mêmes, Achaz toujours Achaz. Il n’appartient qu’à la grâce de Dieu de changer véritablement le cœur de l’homme.
Au reste, l’exemple des nautoniers de Joppé nous montre tout ce qu’il y a de folie à se fier à ce qui n’est pas Dieu. Que feront maintenant, pour ces pauvres idolâtres, les divinités protectrices, les patrons qu’ils implorent ? Ils n’ont pas soulevé la tempête, l’apaiseraient-ils ? Les idoles que le mondain sert ne sont peut-être ni d’or, ni d’argent, ni de bois, ni de pierre, comme celles du païen ou celles du romaniste ; mais, pour être d’une autre sorte, en sont-elles moins des idoles ? Et que feront pour vous, au jour de l’épreuve et du péril, que feront, à l’heure de la mort, vos biens, vos parents, vos amis, tous vos bras de chair ? Que feront vos confesseurs, vos guides spirituels, et tous les appuis trompeurs que vous vous donnez ? Auront-ils alors pour vous sauver plus de pouvoir que n’en possédait Baal ? Mais, heureux le fidèle dans l’épreuve et dans le danger ! Il connaît Celui qui « garde Israël, et qui ne sommeille point et ne s’endort point » (Ps. 121) ; « Celui qui commande à la tempête et la change en calme » (Ps. 107). Heureux surtout le fidèle au jour de la mort ! pendant qu’alors, mais trop tard, le mondain reconnaît la triste vanité de ses idoles, de ses faux appuis, « il sait », lui, « en qui il a cru », et que le Seigneur Jésus est « puissant pour garder son dépôt jusqu’à cette journée-là » (2 Tim. 1).
Et les nautoniers « jetèrent dans la mer la charge du navire pour l’alléger ». Comme on le voit, ces païens ne se bornaient pas à prier : en même temps, ils faisaient ce qui était en leur pouvoir pour sortir de détresse. Pécheur, va et fais de même. Dans le péril, prie Dieu, mais le vrai Dieu, Dieu en Christ, pour qu’Il vienne à ton secours ; mais pendant que tu Le pries, agis, agis dans le sens de la prière que tu Lui adresses par Jésus Christ ; rejette loin de toi tout ce qui peut Lui déplaire et t’exposer au naufrage, au naufrage éternel. Et toi qui connais Jésus, toi, chrétien, dans le danger et la détresse appelle également le Sauveur à ton aide ; mais en même temps que tu L’invoques, agis, agis aussi dans le sens de la supplication que tu Lui présentes. Au reste, si la prière est sincère, une sainte activité l’accompagnera toujours.
Ces nautoniers « jetèrent » donc aux flots « la charge du navire pour l’alléger ». Invincible puissance de l’amour inné de la vie ! L’homme affrontera parfois les plus grands périls pour amasser des richesses ; mais voit-il ses jours menacés, « tout ce qu’il a », il le donne aussitôt « pour son âme ». Que sont, en effet, des monceaux d’or auprès de la vie ! Ainsi raisonne l’homme naturel, et il raisonne juste. Ah ! que n’attache-t-il le même prix à cette âme immortelle dont le gain du monde entier ne compenserait point la perte !
Mais voyez ces pauvres Gentils, jetant, de leurs propres mains, à la mer, tous leurs biens, tous leurs trésors, fruit de tant de travaux peut-être et de tant de navigations lointaines, accomplies au milieu de si nombreux hasards et de si grands périls. C’est que les biens de ce monde disparaissent comme une ombre, et quand ils ne se séparent pas de nous, c’est nous qui, tôt ou tard, devons nécessairement nous séparer d’eux. « Jetterais-tu les yeux sur ce qui bientôt ne sera plus ? » s’écrie l’auteur des Proverbes ; « certainement il se fera des ailes et s’envolera » (Prov. 23). De quoi servent maintenant à l’avare de la parabole, de quoi servent au riche, tous les trésors qu’ils avaient si laborieusement amassés durant leur vie ! Avec quel empressement, s’ils les possédaient encore, ne les échangeraient-ils pas contre une seule goutte d’eau pour « en mouiller le bout de leur langue » ? Et s’ils avaient à recommencer la vie, avec quelle sainte ardeur ne poursuivraient-ils pas, à l’exemple de Lazare, les biens impérissables du siècle à venir.
Cet avertissement est aussi pour toi, chrétien. « L’amour des richesses est la source de tous les maux ; quelques-uns en étant possédés, se sont égarés de la foi et transpercés eux-mêmes de beaucoup de douleurs. Mais toi, homme de Dieu, fuis ces choses » ; prends garde que les soucis de la terre et l’amour des biens du monde, de ces biens sur lesquels repose l’anathème de Dieu, n’appesantissant ton âme, ne retardent ta marche vers Sion ; tremble de trop charger le navire qui te porte, et s’il est des biens que tu ne puisses garder sans t’exposer au naufrage éternel, hâte-toi de t’en défaire : il vaut mieux pour toi que tes biens périssent que si ta personne était jetée dans la géhenne du feu.
Mais que fait Jonas au milieu de la tourmente ? Prêche-t-il à ces gens de mer ? Leur parle-t-il du Dieu vivant et vrai ; ou du moins Le prie-t-il, ce Dieu qu’il a, lui, l’inappréciable bonheur de connaître ? — Jonas ? — Il dort ! « Or, Jonas couché au fond du vaisseau où il était descendu dormait profondément ». Tandis que le ciel s’irrite et que l’orage gronde, lorsqu’une seule planche le sépare de l’abîme, et à l’heure où tout l’équipage innocent crie et agit, il dort, lui, coupable ! « Or, Jonas dormait ». Ah ! ce n’était pas du sommeil de la bonne conscience, mais bien de celui d’une sécurité trompeuse. Ou plutôt, la tristesse, la fatigue, le remords, les émotions profondes qui venaient de labourer son âme, avaient accablé les sens du prophète, et comme il arrivera plus tard aux disciples de Jésus à Gethsémané, il avait enfin succombé au sommeil. « Or, Jonas dormait profondément » ! Image frappante du pécheur qui dort dans ses offenses au milieu des menaces du ciel et des flots de la colère divine qui, d’une heure à l’autre, peuvent l’engloutir à toujours. C’est l’insensé qui sommeille au haut du mât, pendant qu’autour de lui rugit la tempête (Prov. 23). Que de gens qui dorment ainsi pendant qu’un seul pas, une seule planche, pour ainsi dire, les sépare peut-être de l’éternel abîme. Mais il faudra bien pourtant sortir enfin de ce fatal sommeil, ou dans ce monde, ou dans l’enfer. Réveille-toi donc, pécheur, pendant que luit encore le jour de la miséricorde ; au nom du salut de ton âme immortelle, réveille-toi pendant que Jésus est encore pour toi l’« Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », et avant qu’Il ne soit devenu le Juge.
Alors le pilote s’approchant de Jonas, lui dit : « Que fais-tu là, dormeur ? Lève-toi, invoque ton Dieu, peut-être qu’il pensera à nous, et empêchera que nous ne périssions ». Nouveau châtiment de Dieu sur Jonas, devenu l’objet du mépris de l’équipage, et condamné à manger jusqu’au bout les figues amères (Jér. 24). Prophète de l’Éternel, honoré de la plus grande mission qui eût jamais été confiée à fils d’homme, il fût allé, docile à la voix de son Maître, menacer et faire trembler, en Son nom, le premier potentat de l’époque ; mais, rebelle à la vision céleste, le voyez-vous maintenant exposé, lui, Israélite et adorateur du vrai Dieu, lui, ambassadeur de Jéhovah, à l’ironique et amère censure d’un pilote païen. À quel point le péché nous abaisse et nous dégrade !
« Que fais-tu là, dormeur ? » lui crie le marin phénicien. Quand les fils de Dieu « reposent sur leurs lies », et « sont à leur aise en Sion », il faut bien que Dieu se serve des méchants eux-mêmes pour les réveiller.
« Que fais-tu là, dormeur » ? Voix du pilote et voix de Dieu ! Elle est pour le fils d’Amitthaï ce que le chant du coq sera plus tard pour le fils de Jonas. — « Seul insensible aux menaces du ciel, tu dors et nous allons périr ! ». — Déjà peut-être, dans ses songes, Jonas touchait aux rives lointaines de Tarsis ; d’agréables images flattaient son esprit, caressaient ses sens ; qu’on se figure sa terreur, quand, réveillé brusquement à la voix des nautoniers, il entend soudain le mugissement de l’orage et la voix de Dieu dans la tempête, et voit tout à coup le navire suspendu sur l’abîme ! C’est sa sentence de mort qui retentit à ses oreilles ; il est l’Acan que le ciel poursuit ; c’est à lui qu’en veut le Dieu souverain ; il le sait, il le sent, sa conscience le lui crie.
Un enfant de Dieu qui marche dans la fidélité peut, comme Job, se trouver momentanément exposé à de grandes tribulations sans que pour cela il doive supposer que Dieu le poursuive dans Sa colère ; ce sont plutôt de paternelles corrections que le Seigneur lui dispense pour lui faire sentir plus vivement sa faiblesse, pour humilier son cœur, éprouver sa foi, le mettre en position de toujours mieux connaître tout ce qu’il y a pour lui de trésors d’amour et de fidélité dans le cœur de son Dieu. Peut-être alors, par un surcroît de maux, cet enfant du Seigneur se verra-t-il, comme Job, en butte aux jugements de ceux qui, méchants eux-mêmes, « cherchent curieusement » chez autrui « des méchancetés et sondent tout ce qui se peut sonder, même ce qui peut être au cœur le plus profond » (Ps. 64). Mais une chose au moins le soutient au milieu de ses tribulations, c’est la jouissance de la paix de Dieu ; et bientôt vous le verrez sortir de cette épreuve, riche de nouvelles grâces, comme l’or sort épuré du creuset. Mais il en est tout autrement du rebelle que Dieu châtie ; tandis que, pour le chrétien fidèle l’orage ne gronde qu’extérieurement, pour lui la tempête sévit au-dedans comme au-dehors. Telle est à cette heure la situation de Jonas. C’est un vrai jugement de Dieu qui l’atteint, et néanmoins c’est encore le jugement d’un père ; car, après tout, répétons-le, qu’est la tempête, si ce n’est un messager que Dieu charge de ramener à Lui Son enfant qui s’égare ?
Tout ceci encore est écrit pour ton instruction, chrétien, que Dieu châtie dans ta conscience et dans ton cœur, en te privant du sentiment de Sa paix, en même temps qu’Il te visite extérieurement par la maladie qui menace de briser la frêle nacelle de ton corps, ou par des séparations déchirantes, ou par les traits cruels de la malice humaine auxquels Il te laisse exposé, ou par les privations de la pauvreté, ou de toute autre manière. Ne perds point courage, c’est dans Sa charité qu’Il te frappe, et, le fît-Il encore plus sévèrement, sans douter de Sa miséricorde, rebrousse à l’instant chemin vers Ses témoignages ; cours te jeter dans Ses bras, et délaissant à Ses pieds tes folies, ne L’oblige plus désormais à envoyer sur tes pas de pareils messagers pour te ramener au sentier du devoir ; car lorsqu’Il châtie, Il fait « son œuvre étrange ».
« Que fais-tu là, dormeur ? Lève-toi, invoque ton Dieu… » dit le pilote au prophète. Voilà bien aussi ce qu’il faut crier au pécheur qui sommeille au bord de l’abîme, comme s’il ne lui importait que médiocrement de savoir s’il passera son éternité dans le ciel ou dans l’enfer. Tu dors, et déjà les flammes de l’enfer t’environnent ! « Réveille-toi », réveille-toi, « relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’éclairera ». Tel est aussi le solennel avertissement que le frère doit répéter à son frère qui se relâche dans la vigilance et dans l’amour. Quand un voyageur accablé de lassitude s’arrête au milieu des neiges et s’endort, ses compagnons de route, sachant le sort qui l’attend, recourent aux supplications, et, s’il le faut, aux coups et à la violence, pour l’arracher à une mort inévitable. Ah ! ce qu’on fait pour ce pauvre corps qui s’en va périr, ne le ferait-on pas pour cette âme qui doit vivre éternellement !
La Parole de Dieu, personnifiant le péché, le compare à un rusé séducteur qui travaille sans relâche à replonger le chrétien dans le sommeil de la mort et à le perdre, et elle nous exhorte à ne point nous laisser prendre aux artifices de cet infatigable ennemi. Pour nous mieux assoupir, il n’est pas d’illusions qu’il ne mette en œuvre ; puis, sitôt que nous venons à nous apercevoir que notre foi, notre zèle et notre amour pâlissent ; qu’en nous la conscience a perdu de sa délicatesse et la pensée du ciel de son attrait ; à concevoir enfin quelque alarme sur notre état moral — le perfide, alors de nous souffler tout doucement à l’oreille que nous aurons toujours assez de temps pour nous réveiller, pour prendre et arranger notre lampe, et nous en aller à la rencontre de l’Époux, comme s’il n’était pas écrit : « Que fais-tu là, dormeur ? — Réveille-toi pour vivre saintement » !
C’est principalement dans ces jours-ci, jours particulièrement sérieux, jours tout prophétiques, qu’il convient aux fils de Dieu de s’adresser l’un à l’autre le solennel avis. Le Seigneur est à la porte ; déjà le cri se fait entendre : « Voici l’Époux qui vient » ! Malheur aux vierges folles ! Malheur à ceux que le Seigneur trouvera endormis au jour de Son avènement ! Jésus, après avoir offert sur la terre le sacrifice qui nous sauve de la malédiction, est maintenant encore dans le vrai tabernacle, où le sang précieux qu’Il présente à Dieu « prononce » en notre faveur de « meilleures choses que » celui « d’Abel ». Mais bientôt Il se manifestera « sans péché » pour bénir « ceux qui l’attendent » et les mettre en possession du salut qu’Il leur a mérité, en même temps que pour « jeter aux ténèbres de dehors l’hypocrite et le serviteur inutile » (Héb. 9 ; Matt. 24 ; 25). Que les regards de notre espérance soient donc arrêtés sur le sanctuaire qui va s’ouvrir pour laisser paraître, dans tout l’éclat de Sa gloire, le « souverain Sacrificateur de notre profession » ; que toutes nos pensées, tous nos désirs volent au-devant de Jésus, et qu’à cet avertissement trois fois répété par lequel Il clôt toutes les révélations : « Voici, je viens bientôt ! » nos cœurs s’empressent de répondre : « Amen ! Seigneur, viens ! ». Plus que jamais c’est l’heure de prier, de veiller, de résister au sommeil où tout concourt à nous replonger, intérêts matériels, débats religieux, questions politiques ; plus que jamais c’est l’heure de regarder au cadran des siècles et d’écouter Celui qui nous crie : « La nuit est avancée, le jour s’est approché » ; « préparez-vous à la rencontre de Dieu » (Rom. 13 ; Amos 4). Nous le savons, nous le répétons journellement, et néanmoins nous sommeillons et laissons tranquillement dormir tout ce qui nous entoure. Réveille-nous donc, Seigneur Jésus ! Oui, divin pilote de l’arche sainte, réveille tout ce que tu as à ton bord ; de cette voix puissante qui ressuscite les morts, crie à chacun de nous : « Que fais-tu là, dormeur ? Lève-toi ! ».
Après avoir inutilement imploré leurs fausses divinités, les nautoniers invitent Jonas à prier son Dieu. « Invoque ton Dieu », le Dieu de ton pays (car ces païens-là ne savaient pas encore que Jéhovah est le Dieu de toute la terre) ; crie au Dieu que tu sers ; plus puissant que les nôtres, « peut-être pensera-t-il à nous, et empêchera-t-il que nous ne périssions ». Ils se tournent donc enfin vers Celui qui a dit : « Je suis le Dieu fort et Sauveur, il n’y en a point d’autre que moi ». Encore ici, nous ferons bien d’imiter ces païens, nous qui, trop souvent, dans l’angoisse ou dans le péril, cherchons le salut partout avant de le demander à Celui qui le donne ! Mais, prenons-y garde : c’est, en effet, le Dieu de Jonas qu’il faut invoquer. « Invoque ton Dieu » ! C’est le Dieu d’Israël et des prophètes, le Dieu de l’Église et des apôtres, et quiconque L’implorera du fond de son cœur sera, non peut-être, comme disaient ces païens, mais sûrement, mais infailliblement sauvé. Le Dieu dont on s’approche sans le ministère du Médiateur, le Dieu des philosophes, des déistes et des unitaires, n’est, au fait, que l’ouvrage de l’homme, le produit de son intelligence déchue, une création de la créature de Dieu, et pour être d’une nature plus spirituelle, il n’en est pas moins une idole de jalousie, une vanité des nations, un Baal enfin, qui, pas plus que les autres Baal, n’a d’oreilles pour entendre ou de bras pour délivrer.