Livre:La doctrine du Nouveau Testament sur le Saint Esprit (W.K.)/Méditation 9
Le Saint Esprit, dans cette épître, envisage l’Église non seulement comme le corps de Christ (chap. 1, 23) mais comme l’habitation de Dieu (chap. 2, 22). Le corps de Christ implique notre communion avec Lui-même comme Tête dans le ciel. L’habitation de Dieu se lie à la position actuelle de l’Église sur la terre. L’Église n’a pu être formée, sous ce double caractère, que sur la base de la rédemption, donc après la croix, et par le Saint Esprit envoyé du ciel.
Hélas ! beaucoup d’enfants de Dieu n’acceptent pas ces vérités et n’en jouissent pas. C’est une grande perte pour eux, mais ils n’en participent pas moins à la bénédiction, car notre ignorance n’affecte pas notre relation mais seulement la jouissance de cette relation. Et c’est une grande miséricorde de la part de Dieu ! Il en est de ce privilège comme de tous les autres que confère Sa grâce. Bien des personnes regardent simplement à Christ et par cela ont la vie éternelle ; mais si vous leur demandez : « Avez-vous la vie éternelle ? », peut-être hésiteront-elles à répondre. Ce n’est pas qu’elles mettent en doute les paroles de l’Écriture, mais elles connaissent fort peu le caractère, la nature ainsi que les conséquences (actuelles et futures) de la vie éternelle. Il en est de même pour la vérité de l’Église de Dieu sous ses deux aspects — son union avec Christ en haut, ou l’habitation de Dieu par l’Esprit ici-bas. Dans notre dernière méditation, nous avons traité rapidement la première de ces vérités ; aujourd’hui nous nous occuperons de la deuxième en engageant les lecteurs à méditer les portions de la Parole qui développent l’une ou l’autre de ces grandes vérités. Je mentionnerai en passant quelques-unes des conséquences pratiques, car une vérité quelconque n’est vraiment bénie pour nos âmes que si nous la traduisons dans notre expérience, dans nos voies, dans notre culte, par les fruits de ce que Dieu nous a fait connaître.
Il est clair qu’avec ce chapitre 2 de l’épître aux Éphésiens, le Saint Esprit a mis de côté le système juif et introduit un état de choses entièrement nouveau. Dieu agit d’une manière sans précédent : Il introduit des Gentils, appelés l’incirconcision dans la chair, gens qui, avant de recevoir l’évangile, étaient éloignés et étrangers, sans espérance et sans Dieu dans le monde. Et Il les place, avec les croyants d’Israël, ensemble dans une position nouvelle devant Lui. Comment est-ce possible ? Parce que la rédemption est maintenant accomplie.
Toute notre épître, du commencement à la fin, a donc en vue des chrétiens, et des chrétiens seulement, indépendamment de leur origine juive ou gentile. Certains ont cru pouvoir appliquer aussi cette portion de l’Écriture aux saints de l’Ancien Testament, mais ceux-ci ne pouvaient être appelés « saints et fidèles » en Christ. C’est méconnaître tout à fait la portée de l’épître et atténuer la profondeur et la nature spéciale des privilèges présents, aussi bien que leur force et leur caractère céleste. Dieu a révélé ces vérités distinctement et uniquement à des âmes amenées à la connaissance de Sa grâce, depuis qu’Il s’est manifesté en Christ et que l’œuvre de la rédemption a été opérée. Répétons par conséquent que notre épître, dans chacune des pensées qu’elle exprime, envisage exclusivement les saints qui ont été appelés entre l’apparition de Christ dans le monde pour mourir comme victime de propitiation et Son retour pour les prendre à Lui.
Il est utile à cette occasion de remarquer que, d’une manière générale, toute tentative d’atténuer les diversités dans la Parole et dans les voies de Dieu a pour effet d’affaiblir notre appréciation des privilèges accordés par Dieu à Ses enfants et d’effacer la précision de la révélation de Dieu. On croit par exemple que c’est l’Église qui a été de tout temps l’objet des voies de Dieu dans ce monde ; que de nos jours elle a un peu plus de lumière, un peu plus de bénédiction (car on ne peut pas nier les différences). Mais c’est là une profonde erreur. Que chaque lecteur soumette ses propres pensées et les suggestions des autres sur cette grande question à la seule pierre de touche que Dieu reconnaisse, à la seule source de lumière et de vérité possible, Sa divine Parole. Il apprendra d’abord que l’œuvre de la rédemption est appliquée aux âmes d’une manière complète et sans distinction. C’est-à-dire que maintenant il ne s’agit pas de savoir si un homme est Juif ou Gentil.
Que l’Église soit envisagée sous son aspect de corps de Christ ou d’habitation de Dieu, dans les deux cas il est supposé, pour cette nouvelle œuvre, le renversement complet de ce que Dieu avait institué et sanctionné dans les premiers temps : « Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui étiez autrefois loin, vous avez été approchés par le sang du Christ. Car c’est lui qui est notre paix, qui des deux en a fait un et a détruit le mur mitoyen de clôture, ayant aboli dans sa chair l’inimitié ». Ainsi s’évanouit la clôture qui par ordre de Dieu subsistait dans les temps de l’Ancien Testament, « savoir la loi des commandements qui consiste en ordonnances, afin qu’il créât les deux en lui-même pour être un seul homme nouveau ». Autrement dit, non seulement nos péchés sont effacés, et le ciel assuré pour nous plus tard ; mais une création entièrement nouvelle est formée ici-bas. C’est la communication de privilèges inconnus et impossibles tant que Dieu avait des relations avec Son ancien peuple, agissait au milieu d’eux et les gouvernait par une loi. Il fallait que Christ « les réconciliât tous les deux en un seul corps à Dieu par la croix, ayant tué par elle l’inimitié. Et il est venu, et a annoncé la bonne nouvelle de la paix à vous qui étiez loin, et la bonne nouvelle de la paix à ceux qui étaient près ; car par lui nous avons, les uns et les autres, accès auprès du Père par un seul Esprit » (chap. 2, 17, 18).
Nous arrivons ici au point qui constitue plus particulièrement notre sujet. « Ainsi donc, est-il déclaré, vous n’êtes plus étrangers ni forains, mais vous êtes concitoyens des saints et gens de la maison de Dieu, ayant été édifiés sur le fondement des apôtres et prophètes, Jésus Christ lui-même étant la maîtresse pierre du coin ». Remarquez qu’il n’est pas question ici des prophètes de l’Ancien Testament. L’ordre même dans lequel le Saint Esprit fait Son énumération exclut une telle pensée : « les apôtres » sont placés avant « les prophètes ». Plus encore, la construction de la phrase implique une classe commune de personnes qui forment un fondement pour cet édifice que Dieu allait construire. Et à quelle époque ce fondement fut-il posé ? Ce ne fut pas aussitôt après le péché de l’homme, ni aux temps des patriarches que Dieu commença à exécuter cette grande œuvre sur la terre. C’est seulement quatre mille ans plus tard, après la venue et la mort de Christ, que le fondement fut posé par les apôtres et les prophètes. La classe commune déterminée par l’article grec nous empêche de songer aux prophètes de l’Ancien Testament. Les prophètes dont il s’agit étaient présents alors et associés avec les apôtres dans cette œuvre. Et les apôtres et les prophètes, savoir ceux du Nouveau Testament, sont ceux qui posèrent ce nouveau fondement[1] « en qui tout l’édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur ». Tel est le résultat final. Ce saint temple sera vu plus tard ; mais remarquez la fin du chapitre : « en qui aussi vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit ». La conclusion est évidente : dès maintenant, avant que le saint temple ait atteint ses pleines proportions, cette œuvre existe sur la terre, mettant de côté le système d’Israël, une toute nouvelle construction qui est véritablement l’habitation de Dieu en vertu de la présence de l’Esprit.
Ainsi aujourd’hui les croyants, ceux des nations comme les croyants juifs, constituent cette habitation de Dieu, « en qui vous aussi — déclare Paul aux Éphésiens — êtes édifiés ensemble une habitation de Dieu ». De quelle manière ? « Par » ou « dans l’Esprit ». Autrement dit, l’Esprit est aussi nécessaire pour l’habitation de Dieu que pour le corps de Christ dont nous nous sommes occupés au chapitre précédent. Toutefois, l’habitation de Dieu, à un certain point de vue, n’est pas une pensée aussi exclusivement nouvelle que le corps de Christ. Nous trouvons dans l’Ancien Testament des types distincts de la grande vérité de l’habitation de Dieu au milieu des hommes sur la terre, alors que rien n’était révélé de la réunion du Juif et du Gentil en un seul corps — encore moins qu’ensemble ils composeraient le corps de Christ. Nous en avons bien un type dans l’union d’Adam avec Ève, mais qui ne révèle évidemment rien du Juif et du Gentil réunis en un. On ne peut faire valoir que le fait, et nous savons que l’Esprit de Dieu s’en est servi lorsque l’Église vint à la lumière, mais rien de plus.
Quant à l’habitation de Dieu, nous n’en avons, comme chacun le sait, aucune mention dans la Genèse, pas même sous forme de promesse. Constatation d’autant plus frappante que, s’il y a dans l’Ancien Testament un livre qui contienne plus qu’aucun autre les éléments ou types de la vérité divine, c’est bien le livre de la Genèse ! Tous les autres livres ensemble ne présentent peut-être pas autant de vues variées des voies à venir de Dieu. Cette exception n’en est que plus remarquable : nous n’y trouvons pas la moindre allusion au dessein de Dieu d’avoir une demeure sur la terre. La raison en est claire. Quoique la Genèse mentionne de nombreux sacrifices et holocaustes, quoique des relations d’alliance soient souvent placées devant nous, il n’y est pourtant pas encore question de rédemption, et cette omission est aussi remarquable que l’absence de toute allusion à la demeure de Dieu dans ce livre merveilleux.
Puis vient le second livre de Moïse qui ne présente pas comme le premier un ensemble des révélations des voies de Dieu et de Ses conseils qui devaient plus tard s’accomplir en Christ. Par contre ce livre de l’Exode nous présente en types les vérités que nous cherchons : la rédemption d’abord, la demeure de Dieu avec les hommes ensuite. Nous pouvons ajouter en passant que, quoique la loi s’y trouve aussi, celle-ci contient l’assurance renouvelée de ces mêmes vérités (chap. 20, 2 et 24). Ces pensées de Dieu, présentées en figure dans le livre de l’Exode, font partie des choses révélées en Éphésiens 2 et sont exposées dans le même ordre.
La première partie de l’Exode dépeint la condition misérable et désespérée du peuple de Dieu. Du fond de sa détresse, celui-ci crie à l’Éternel qui l’entend et s’occupe de sa délivrance. Il ne se contente pas de lui adresser des messages de miséricorde : au temps convenable, Il se met à l’œuvre non pas d’abord pour juger, quoiqu’Il le fasse, mais pour réclamer Son peuple pour Lui-même. Il envoie Moïse et Aaron, et, comme signes accompagnant leur mission, des plaies par lesquelles Il châtie l’orgueil du monde qui tenait Son peuple en esclavage. Et c’est pour en arriver au type le plus remarquable de la rédemption dans l’Ancien Testament, en ses deux parties : la Pâque et la mer Rouge. Un seul de ces types eût été insuffisant pour présenter la rédemption, qui ne peut être bien comprise que lorsque ses deux côtés sont considérés ensemble. À la Pâque, en effet, Dieu juge encore ; et il faut qu’il en soit ainsi : Dieu est armé de puissance, Il agit en vengeance contre le péché. Mais, en même temps, dans Son admirable sagesse, Il procure à Son peuple un juste et parfait refuge.
Ainsi la vérité la plus marquante dans la Pâque, c’est Dieu en jugement quoique pourvoyant au salut des siens. Ceci constitue, ne l’oublions pas, un des aspects de l’évangile. Une des pensées centrales de ce dernier, c’est la parfaite justice de Dieu (Rom. 1, 17). Nous pensons plus volontiers à Sa miséricorde. Toute précieuse qu’elle est, celle-ci est toute différente de la justice divine, bien que sans la miséricorde la justice eût manqué et de base et d’occasion de se déployer. Mais la gloire de l’évangile, c’est que Dieu s’y montre juste en justifiant. Lorsque le pécheur est reconnu juste, ce n’est pas simplement que Dieu pardonne et montre de la miséricorde, mais qu’Il est juste en justifiant. Il en est ainsi à la Pâque. Dieu, cette nuit-là, descendit en jugement à la fois sur l’homme et sur les dieux de l’Égypte. Il manifesta Sa haine pour le péché comme Il ne l’avait jamais fait précédemment et cela d’une manière tout aussi évidente dans Ses rapports avec Israël que dans Ses rapports avec les Égyptiens. La mort passa ; elle est le salaire du péché. Cette nuit-là, dans toutes les maisons d’Égypte, le premier-né était étendu sans vie, et les lamentations annonçaient à tout le pays ce que c’était que mépriser les avertissements du Seigneur. Au même moment à la porte de chaque maison israélite les poteaux aspergés de sans déclaraient non moins clairement que Dieu est juste et en même temps celui qui justifie ; ils parlaient d’un substitut, du sang d’un autre : images de l’Agneau de Dieu et de l’effusion de Son sang.
Toutefois ce n’était pas là toute la bénédiction. L’agneau pascal tenait simplement Dieu dehors, empêchait seulement Son jugement de tomber sur les Israélites. Est-ce là toute la rédemption ? C’est l’opinion de beaucoup, mais combien elle méconnaît la rédemption selon Dieu ! Pour nous faire comprendre celle-ci, Dieu ajoute un autre type comme complément du premier, savoir la mer Rouge. L’élite de l’Égypte y trouva son tombeau alors que Dieu faisait passer Israël à travers ce qui semblait devoir être une mort certaine, mais qui en réalité devint un type de la vie éternelle et leur pleine sécurité. C’est l’aspect que prennent pour le chrétien la mort et la résurrection de Christ. Maintenant pour la première fois Dieu daigne parler de salut en rapport avec Son peuple (Ex. 14, 13, 30 ; 15, 2), alors que rien de ce qui avait été opéré antérieurement n’a pu être appelé le salut.
Remarquons à cette occasion combien il est inexact et dangereux pour les âmes de parler comme étant le salut d’une connaissance non mûrie, incomplète, de Dieu. On entend par exemple dire quelquefois : « Il est vrai, cet homme n’est pas encore heureux, il n’a aucune liberté d’âme ; mais en tout cas, il est sauvé ». L’Écriture ne sanctionne jamais un pareil langage. Ce qu’elle désigne comme le salut n’est pas simplement la vie nouvelle, l’état d’une âme ayant reçu de Christ, ce qui lui permet de se juger et de crier vers Dieu. L’Écriture réserve généralement le nom de « salut » au fait d’être amené par l’évangile dans une liberté dont on a conscience, en réalisant la délivrance actuelle de tous les ennemis, par la puissance de Dieu en Christ.
Aussi n’entendons-nous parler de salut que lorsque Israël parvient à la mer Rouge, au moment où s’opère la pleine et entière délivrance du pays d’Égypte et la destruction totale de ses fiers ennemis. « Tenez-vous là, dit Moïse, et voyez la délivrance de l’Éternel qu’il opérera pour vous aujourd’hui » (v. 13). Ce n’était pas la nuit de la fête pascale ; c’était le jour où ils purent regarder derrière eux la mer Rouge traversée pour toujours. D’où l’importance de nous en tenir strictement au langage des Écritures et de ne reconnaître rien de moins comme salut. Sinon comment aider les enfants de Dieu à s’emparer par la foi de la puissante victoire de Christ, à défaut de quoi ils demeurent dans l’anxiété et le trouble, au lieu de jouir de la paix ? Il est capital, en effet, pour une âme, d’être travaillée profondément par l’Esprit et de découvrir ce qu’elle est devant Dieu ; mais jusqu’à ce qu’elle puisse se reposer avec simplicité et confiance sur l’œuvre achevée de Christ, elle ne possède pas ce que Dieu appelle salut dans son sens complet.
Après que cette œuvre puissante est opérée — pour autant qu’il s’agit du type — alors, pour la première fois, nous entendons chanter Israël. Le cantique est entonné sur l’autre bord de la mer Rouge. « Je chanterai à l’Éternel, car il s’est hautement élevé ; il a précipité dans la mer le cheval et celui qui le montait. Jah est ma force et mon cantique, et il a été mon salut. Il est mon Dieu, et je lui préparerai une habitation ». La vérité ressort ici d’une manière remarquable ! Le type tout entier de la résurrection aussi bien que de la mort est placé devant nous ; et alors pour la première fois, nous entendons parler du salut, et immédiatement le cœur désire que Dieu ait une habitation. Devons-nous supposer que ceux qui chantèrent ainsi dans le désert aient été plus agréables à Dieu que leurs pères ou que les patriarches du livre de la Genèse ? Au contraire ! Parmi ces derniers, il s’en trouvait plusieurs que Dieu avait honorés de façon exceptionnelle et choisis pour être les dépositaires de Ses secrets : un Noé exempté du jugement infligé au monde entier, un Hénoc élevé au ciel sans passer par la mort, un Abraham, ami de Dieu qui lui avait fait l’honneur de souper avec lui. Est-il nécessaire de rappeler comment ce dernier fut fait l’objet des promesses divines — promesses qui poursuivront leur cours en bénédiction jusqu’à ce que tous les âges soient achevés dans l’éternel repos de Dieu ?
Il est donc impossible de supposer que Dieu ait révélé la rédemption aux fils d’Israël plutôt qu’aux patriarches par préférence pour les premiers. Mais c’est justement ce qui met en relief les merveilles de la rédemption. Elle ne doit rien à l’homme. Et seule la mort de Christ et la rédemption elle-même pourront l’expliquer. Pensons, en effet, à ce que mérite la rédemption, par qui et comment elle a été acquise. Elle réclamait l’intervention personnelle du Fils de Dieu, Sa venue dans ce monde comme un homme comportant non seulement l’abandon pour un temps de la jouissance de Sa gloire propre, mais aussi l’entrée en grâce dans les circonstances de Sa créature avec leur lot de honte et de souffrances. Puis, au lieu d’entrer dans une place de bénédiction et de gloire, Il est descendu au contraire dans un abîme plus profond, après que l’homme eut fait contre Lui tout ce qu’il pouvait, après que Satan eut épuisé ses efforts ; oui, c’est alors seulement que fut résolue la question suprême qui devait se régler entre Dieu et ce Bien-aimé. Question qui devait entre toutes être la plus terrible, la plus éprouvante et pour Dieu et pour Christ. Car que peut-on comparer à cette heure extraordinaire où le péché dut être jugé par Dieu, et puni de la plus étrange manière que l’homme puisse concevoir — imputé à Celui qui y était le plus étranger : le saint Fils de Dieu, et cela par Dieu Lui-même ?
Dès lors peut-on s’étonner que Dieu voie dans la rédemption une valeur aussi infinie ? Il peut trouver là Son repos, en sorte que les cieux des cieux cessent, pour ainsi dire, de Le contenir. C’est comme s’Il disait : « Mon Esprit ne peut davantage demeurer en haut. Il faut qu’Il descende et habite où se trouve ce sang précieux ». Ce lieu a beau avoir été le plus souillé de toute la création, le témoin de la rébellion la plus insensée ; ni l’état de la terre, ni la révolte de la créature contre Dieu et contre Son Oint, ne pouvait retenir Dieu dans le ciel plus longtemps. Son estimation des souffrances de Christ Le contraignait en quelque sorte à venir demeurer sur cette même terre et parmi les membres de cette même race qui l’ont toujours traité d’une manière outrageuse. Cela seulement explique pourquoi Dieu peut avoir Sa demeure parmi nous sur la terre. La rédemption explique le fait et le Saint Esprit l’effectue dès que la rédemption est accomplie. Aussi est-ce lorsque le type de la rédemption est accompli que l’habitation typique de Dieu devient immédiatement l’objet du désir des siens sur la terre. Et quand la vraie rédemption, la rédemption éternelle, fut un fait accompli, Dieu descendit réellement pour habiter ici-bas, demeurant pour toujours dans les rachetés par le Saint Esprit. En vérité rien ne peut être plus harmonieux que les faits typiques d’un côté, ou leur accomplissement réel de l’autre, dans la rédemption éternelle que Christ a acquise pour le chrétien.
Mais un autre point encore mérite d’être souligné. Ce chapitre qui exprime le désir du peuple de préparer une habitation pour Dieu est aussi le premier chapitre de la Bible dans lequel la sainteté de Dieu soit présentée. Comment comprendre que Dieu ait attendu tant de temps avant de donner une révélation de Lui-même, dans Son caractère de sainteté et dans Ses voies avec les hommes ici-bas ? Sans doute trouvons-nous une allusion à la sainteté quand Dieu sépara et sanctifia le septième jour (Gen. 2, 3), seul passage qui puisse paraître faire une exception. Ainsi, avant qu’il fût question de péché, Dieu trouva bon de donner en instituant le sabbat un gage de « ce repos qui reste pour le peuple de Dieu ». Mais lorsqu’il s’agit des rapports de Dieu avec l’homme, pas un mot n’est prononcé sur la sainteté divine dont, avant la rédemption, l’homme ne pouvait avoir aucune vraie notion et qu’il n’aurait pu supporter.
Un peu plus bas, verset 11, nous lisons : « Qui est comme toi parmi les dieux, ô Éternel ? Qui est comme toi, magnifique en sainteté, terrible en louanges, opérant des merveilles ? ». Cette louange, nous le verrons, se lie avec l’habitation de Dieu selon le Nouveau Testament. Ici les deux faits sont pour la première fois présentés ensemble comme conséquence de l’accomplissement de la rédemption typique. Car ce n’est que lorsque la rédemption est accomplie que l’homme peut supporter la pleine révélation de la sainteté de Dieu. Mais, dès l’instant où l’Éternel accomplit la délivrance, type de la rédemption, les Israélites peuvent parler sans anxiété et, dans leur mesure, se réjouir et louer Son nom. Il ne s’agit encore que d’une délivrance terrestre, néanmoins ils chantent la sainteté de Dieu.
À présent, si nous nous tournons vers le Nouveau Testament, nous y voyons la réalité qui répond à ces figures (Éph. 2). La pleine rédemption est opérée. Le Fils de l’homme a donné Sa vie en rançon pour plusieurs, avec pour effet d’amener les âmes près de Dieu, même les plus éloignées, et cela dans une parfaite paix dont Christ Lui-même est l’expression. « C’est lui qui est notre paix » (v. 14), bénédiction à laquelle rien ne peut être comparé et dont rien n’approche. Mais c’est alors que nous commençons à entendre parler de l’habitation de Dieu.
Et cette vérité n’est pas confinée à une seule épître. Prenez par exemple, 1 Corinthiens 3. « Nous sommes collaborateurs de Dieu, proclame l’apôtre, vous êtes le labourage de Dieu : l’édifice de Dieu ». L’apôtre parle de sa propre responsabilité : « Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, comme un sage architecte j’ai posé le fondement », déclare-t-il. Celui-ci est bâti sur le fondement des apôtres et des prophètes. À ce titre, Paul en appelle à eux : « Ne savez-vous pas, dit-il, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? ». Et c’est le point de départ d’un ardent appel à la sainteté : « Si quelqu’un corrompt le temple de Dieu, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint, et tels vous êtes ». Ce verset n’est pas une simple révélation de ce que doit être l’Église dans la suite, mais il parle de faits actuels. Il est de la plus grande importance que les chrétiens sachent et comprennent que le christianisme ne se compose pas seulement de doctrines, mais de faits, lesquels sont le fondement de la doctrine. Ces faits concernent une personne, un homme réellement vivant, qui est né dans ce monde ; qui a vécu, est mort puis a été ressuscité ici-bas, quoiqu’Il soit maintenant allé au ciel. Et cette personne, Christ, n’est pas seulement l’intermédiaire par lequel nous apprenons à connaître la vérité, Il est Lui-même la substance de la vérité qu’Il fait connaître. Ôtez Christ du christianisme et que reste-t-il ? Et maintenant qu’Il est parti, Dieu réalise le christianisme par une autre personne, savoir le Saint Esprit descendu sur la terre, qui, au lieu de supplanter Christ, est aujourd’hui la puissance pour nous Le faire connaître. Je ne puis réellement connaître Celui qui est parti, sinon par Celui qui est venu. C’est Sa présence qui constitue le temple de Dieu. Le Saint Esprit habite dans les saints sur la terre, selon qu’il est déclaré : « Vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l’Esprit ».
Mesurons-nous, chers frères et sœurs, l’immense importance d’un fait tel que celui-là ? Est-ce la pensée qui remplit nos cœurs lorsque nous nous rassemblons, soit pour adorer, soit pour nous édifier mutuellement ? La foi en la présence du Saint Esprit nous console-t-elle ? Comptons-nous sur le Seigneur, comme étant vraiment au milieu de nous ? Ou bien ne sommes-nous occupés que de ceux qui composent cette assemblée ou qui ouvrent la bouche pour l’adoration, ou pour l’édification des saints ? Que penserait-on de l’invité d’un roi qui ne s’intéresserait qu’à de menus détails de l’organisation du palais ? Il est évident que le but même de la visite serait perdu pour lui. À plus forte raison si nous réfléchissons qu’il se trouve une personne vivante et divine, présente dans l’assemblée ici-bas, et dont seule la présence fait que l’assemblée est celle de Dieu. La foi de ceux qui sont réunis ne suffit pas à leur donner collectivement ce caractère d’assemblée de Dieu, pas plus que leur foi ne donnait aux saints de l’Ancien Testament le droit de faire partie de l’Église. Ce n’est pas davantage la vie nouvelle qui donne ce droit. Tous les saints depuis le commencement étaient nés de nouveau, et pourtant l’Assemblée de Dieu n’a existé qu’à partir de la Pentecôte. Le seul fait qui pouvait donner à un rassemblement de croyants le titre d’assemblée de Dieu, c’est la présence de Dieu Lui-même ; et Il est là par le Saint Esprit.
Je dirai plus : Cela est si capital que le fait que quelques personnes non nées de Dieu ont pu se glisser furtivement parmi les saints ne détruit pas Son Assemblée. Une telle situation est pénible et humiliante ; mais je n’ai pas à m’en alarmer, ni à en être trop abattu. Nous devons être affligés d’avoir eu assez peu de discernement pour permettre à des âmes, non nées de Dieu, de pénétrer dans l’Assemblée de Dieu. Mais ne nous étonnons pas que Satan mette tout en œuvre pour souiller et détruire celle-ci. Elle est ce qui est le plus près du cœur de Dieu sur la terre, la plus grande gloire présente de Christ. C’est à elle que Dieu a confié Sa vérité, d’elle qu’Il attend une réponse à Sa gloire morale et à Son caractère ici-bas. Il a envoyé Son Esprit pour demeurer dans l’Église, celle-ci devenant Sa propre habitation par l’Esprit. Cette présence du Saint Esprit est la raison même (et la seule) de nos riches et multiples bénédictions.
Il est donc possible, si triste que ce soit, que quelques personnes, après avoir été amenées sans posséder la vie dans leur âme, sortent ensuite de l’Église. On constate alors que ces faux chrétiens sont capables de devenir les plus ardents adversaires, non seulement de l’Assemblée, mais de Christ Lui-même, haïssant Son nom, et reniant Sa gloire. Le chapitre 6 des Hébreux parle de personnes de ce genre. Elles avaient eu part à d’étonnants pouvoirs, jusqu’à être devenues participantes du Saint Esprit, chose que certains ont peine à comprendre mais qui s’accorde parfaitement avec la vérité et nous donne la clef des faits qui, hélas, peuvent arriver en tout temps. Il s’est trouvé dès le commencement des hommes qui se sont glissés parmi les saints. Et ces hommes quand ils se détournent ensuite sont d’autant plus mauvais — deux fois morts, comme les qualifie l’apôtre Jude — parce qu’ayant assumé la place de témoins du Seigneur Jésus, ils se sont éloignés de Lui, ont abandonné la vérité, l’ont traitée avec le plus grand mépris, et sont devenus des fanatiques infiniment plus violents contre la vérité de Dieu qu’ils n’ont été jadis zélés pour la défendre. Ces hommes peuvent avoir possédé un grand nombre de privilèges extérieurs, car il en existe et non de médiocre valeur, mais ils y ont eu part entièrement en dehors de la vie éternelle. Aucun de tels professants n’a jamais été vivifié de Dieu.
La vie éternelle n’est nullement un privilège extérieur, et il n’est jamais question dans la Parole d’un homme qui, ayant été rendu une fois participant de la vie éternelle, ait ensuite perdu cette vie. Ceux qui ont reçu la vie divine ne peuvent pas la perdre. Par contre il est très possible qu’un homme, touché seulement dans ses sentiments et persuadé dans son intelligence, renie le Christ qu’il professait, et cesse de marcher avec Lui. Tel fut le cas de certains disciples scandalisés par l’enseignement du Sauveur si impitoyable pour la chair et le monde. Le chrétien de pure profession, mort par nature, était désormais deux fois mort, comme dit Jude, ayant renoncé à ce qu’il semblait avoir, et étant retourné aux ordonnances terrestres, ou même au péché flagrant avec plus de plaisir qu’auparavant et une haine accrue contre ce qu’il abandonnait ainsi ouvertement. Telles sont les personnes décrites en Hébreux 6 et 10, et de telles désertions, annoncées par l’Écriture, se présentent de temps en temps devant les yeux des chrétiens attristés.
Ainsi la chair peut aller fort loin dans la profession de la vérité et la possession de tous les privilèges et pouvoirs extérieurs dont il soit permis de jouir, et cela plus encore sous l’économie chrétienne que dans les temps anciens. Nous savons que, par exemple, dans l’Ancien Testament, Saül s’insinua parmi les prophètes ; d’autres furent doués de grands pouvoirs par le Saint Esprit qui, alors comme à présent, était le seul agent d’énergie divine pouvant opérer par qui Il voulait pour la gloire de Dieu. Maintenant la grâce divine, lorsque l’homme ose s’en prévaloir, fournit occasion à plus d’abus encore. Il est tout à fait possible aux inconvertis de tromper à la fois eux-mêmes et l’Église de Dieu, et de s’introduire dans celle-ci, faisant profession du nom de Jésus d’autant plus facilement qu’ils ont moins de conscience. Dieu scelle maintenant du Saint Esprit celui qui a la véritable foi et la vie éternelle.
Mais le fait que l’Esprit soit donné comme sceau ne doit pas nous faire oublier les pouvoirs extérieurs qu’Il confère. Hébreux 6 ne parle pas plus de Son sceau que de la vivification des âmes, ni du gage que le chrétien possède en Lui de l’héritage prochain de la gloire. Les termes employés dans ce passage sont parfaitement pesés et ne laissent place à aucune équivoque. Il s’agit là de faux chrétiens qui ont pu participer au pouvoir du Saint Esprit mais dont on ne peut s’étonner qu’ils abandonnent ensuite le nom du Seigneur, en vertu duquel de tels pouvoirs leur avaient été conférés.
Cela explique aussi l’état présent de la chrétienté — l’extension de l’habitation de Dieu aux incrédules et aux profanes, qui extérieurement portent le nom du Seigneur Jésus, et s’aventurent indûment là où la présence de Dieu est réalisée par le Saint Esprit. Par négligence, on en est venu à disposer légèrement des privilèges extérieurs, comme, par exemple, du baptême au nom du Seigneur Jésus, et à permettre par l’appropriation irrégulière de ces avantages que des multitudes de professants inconvertis envahissent l’Église. Ainsi la maison de Dieu, quoique l’Esprit y habitât, a été progressivement corrompue de toutes manières ; et, à mesure qu’une ambition profane rechercha un accroissement d’influence en dehors des intentions de Dieu, l’homme, comme toujours, perdit de vue sa responsabilité solennelle et tourna la grâce de Dieu en dissolution.
Une remarque importante s’impose ici. Nous avons, dans l’Écriture, non seulement la maison de Dieu, selon la pensée divine, décrite à la fin d’Éphésiens 2, mais aussi sa connexion avec le travail de l’homme et sous sa responsabilité, dans le chapitre 3 de la première épître aux Corinthiens. Enfin la seconde épître à Timothée nous fournit une esquisse à la fois morale et prophétique, de ce qui était déjà à l’œuvre au temps de l’apôtre. Celui-ci exhorte Timothée à se montrer approuvé de Dieu et à éviter les vains babils. Il parle de personnes qui s’étaient égarées de la vérité, mais en même temps il réconforte son fidèle compagnon de service, accablé par les difficultés et les dangers du moment, en lui adressant ces consolantes paroles : « Toutefois le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et : Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur. Or, dans une grande maison, il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi de bois et de terre ; et les uns à honneur, les autres à déshonneur. Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, préparé pour toute bonne œuvre ». Nous avons évidemment ici une description très exacte d’un état de choses en voie de progrès rapides. Cette condition de « grande maison » est pleinement réalisée de nos jours où la chrétienté a atteint sa pleine croissance. Elle se présente comme un vaste édifice, où se trouvent des vases à honneur aussi bien que des vases à déshonneur.
Que doit donc faire le chrétien qui veut être fidèle ? Abandonner la grande maison ? Certainement non. En sortir serait cesser d’être chrétien. Ce que nous avons à faire, c’est de nous séparer de tout ce qui est contraire à la volonté du Seigneur, de ne jamais abandonner la profession de Son nom. Cette profession de Christ est en elle-même la seule position révélée qui soit bonne et complète ici-bas. Les rachetés la Lui doivent et c’est une bénédiction pour eux au même titre que leur salut. Car qui peut être sauvé, sinon celui qui invoque le nom du Seigneur ? De sorte que pour le croyant sur la terre depuis qu’il est arrivé à la connaissance du Seigneur, confesser Son nom est évidemment une joie autant qu’un devoir. Il n’est jamais autorisé à abandonner la maison caractérisée par la profession du nom du Sauveur. Mais, dans cette grande maison, il existe des vases à honneur et des vases à déshonneur. Que doit faire l’enfant de Dieu ? Il lui est enjoint de se purifier des vases à déshonneur. Telle est la signification du texte, telle est l’intention manifeste du Saint Esprit. « Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci… », est-il écrit en parlant des vases à déshonneur. En pratique, c’est cesser d’avoir communion avec ce que l’on sait être condamné par la Parole de Dieu, abandonner tout ce que l’Écriture démontre opposé à Sa volonté.
Si donc un homme se trouve rattaché et soumis à un ministère établi contrairement à la Parole ou bien encore qui falsifie une institution du Seigneur (la cène, par exemple), qu’il l’abandonne aussitôt ! Le Seigneur ne veut pas que Son serviteur sanctionne ce qui est contraire à la vérité et à la sainteté. Comment, par ma présence, m’associerais-je à la profanation de la cène du Seigneur transformée en un sacrement, devenue moyen de grâce pour n’importe qui ? Celui qui possède tant soit peu de connaissance de la Parole de Dieu sait parfaitement que la volonté du Seigneur est méconnue dans ces graves questions. Dois-je donc abandonner la cène du Seigneur ou me passer du ministère de la Parole ? Certainement non. Ce qu’il me faut abandonner, c’est l’abus qu’en ont fait les hommes. Je dois en avoir fini avec ce qui, n’étant pas selon les Écritures, est manifestement au déshonneur de Dieu. Je ne renonce donc ni au ministère chrétien, ni à la cène du Seigneur ; mais je juge, selon la Parole de Dieu, autant que j’en suis rendu capable par Sa grâce, quelle est Sa volonté à cet égard. Le même principe s’applique à tous les autres points. Prenez le culte, par exemple ; je dois sonder les Écritures pour juger ce qu’est aujourd’hui le culte chrétien selon la Parole de Dieu. Ne suis-je pas tenu d’agir ainsi, de suivre la volonté de Dieu ?
Ce n’est donc pas assez pour moi et ce ne devrait satisfaire aucun chrétien de savoir que ceux qui composent la congrégation à laquelle je me rattache sont tous des enfants de Dieu. Encore moins s’agit-il d’organiser des chrétiens en diverses classes de doctrines en fonction de leurs préférences. Quelle présomption ! Qui vous a chargé de régler l’ordre de la maison de Dieu ? Qui vous a donné le droit d’établir ceux-là ici et ceux-ci là ? Le caractère et le témoignage de l’Église de Dieu sont détruits par tout arrangement pareil. À supposer que tous ceux qui sont en communion professent exactement mes vues ou les vôtres sur tous les points, je regarderais cela comme une grande calamité pour l’Église de Dieu. Ce serait donner de l’état des saints une appréciation tout à fait fausse que de les voir ainsi ligués ensemble avec des vues identiques ; tous absolument remplis des mêmes pensées ; satisfaits les uns des autres, et méprisant ceux du dehors qui n’ont pas les mêmes sentiments. Même en admettant que toutes les vues professées soient justes et que les choses faites soient conformes à la pensée de Dieu, à mon avis, un pareil tableau ne répond ni à l’Écriture ni à l’amour de Christ.
Disons-le sans détour : l’Église de Dieu n’est pas une citadelle pour les forts, les sages et les intelligents seulement. Ce n’est pas une belle résidence pour ceux qui sont arrivés à un certain degré de sainteté, encore moins de connaissance. Le Seigneur veut que je considère toujours tous les saints (excepté ceux qui sont dans le péché ou la fausse doctrine). L’Assemblée constitue le corps de Christ, dans lequel les divers membres occupent chacun leur place : l’œil, la main, le pied. Le faible a sa fonction aussi bien que le fort, selon qu’il plaît à Dieu de distribuer et d’ordonner. Comme l’enseigne l’apôtre au cœur large, les membres les moins honorables, loin d’être laissés en dehors, sont traités avec plus d’honneur parce qu’ils sont en danger d’être méprisés. Serions-nous plus sages que l’Écriture ? Les forts sont appelés à porter les infirmités des faibles au lieu de se plaire à eux-mêmes. Les rationalistes religieux ne prennent guère en considération que les forts, c’est-à-dire ceux qui ont la même pensée, ou qui ont atteint un certain degré de connaissance. Mais est-ce là Christ ? L’Église de Dieu devrait être devant nos cœurs telle qu’elle est dans Sa Parole. Souhaiter établir autre chose que ce qu’Il nous a donné est une preuve d’insoumission et engendrera la confusion partout où on aura cherché à appliquer ces théories.
Soyons convaincus que c’est la volonté de Dieu à notre égard, particulièrement dans l’état actuel de ruine de l’Église, que celui qui est le plus affermi dans la sagesse divine veille affectueusement sur les ignorants et les faibles ; qu’il cherche à marcher envers tous les saints selon l’amour de Christ pour l’Église. Assurément Christ chérit, non seulement les membres de Son corps les plus dignes et les plus honorables, mais l’Église comme un tout. Et s’il peut exister des différences, ce sont précisément ceux qui ont le plus besoin de Son amour qu’Il chérit le plus. Ne devons-nous pas avoir communion avec Lui et Lui ressembler en cela ? De la même manière Dieu considère Son Église tout entière comme étant Son habitation par l’Esprit. Il reconnaît tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur. Ici naturellement, en Éphésiens 2, seuls ceux qui portent vraiment Son nom y ont part, mais en est-il de même pour ceux qui le font indûment ? Pas le moins du monde assurément si ce n’est pour le jugement. Dans l’état présent de la chrétienté, nombreux sont les vases à déshonneur. Dois-je m’unir à eux ? L’Esprit Saint ne me le permet pas et m’invite au contraire à m’en purifier. La communion avec des vases à déshonneur est un mal. Je suis appelé à m’en séparer si eux refusent de se séparer de ce qui porte le nom du Seigneur. Sans quoi je fais partie du mystère d’iniquité, car si un chrétien continue à être en communion avec un mal reconnu, c’est reconnaître implicitement qu’il y a accord de Christ avec Bélial, et il en est ainsi soit dans le support d’une fausse doctrine ou d’un péché moral, soit dans l’indifférence qui ignore la présence du Saint Esprit neutralisé par des interventions humaines.
Mais quelles que soient les formes particulières du mal toléré, lorsqu’il n’est pas possible de le juger, le devoir clair et positif consiste à s’en purifier. Agir ainsi n’est pas de la présomption, c’est la simple obéissance à Dieu. Il est formellement requis de tout homme qui invoque le nom du Seigneur de se retirer de l’iniquité ; il doit se purifier des vases à déshonneur quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Si des personnes portant le nom du Seigneur s’adonnent au péché, ce sont des vases à déshonneur, et le chrétien est tenu de s’en éloigner et de se maintenir pur. C’est la ligne de conduite invariable, prescrite en un état de corruption de la chrétienté, aussi sûrement que d’autres passages traitent des cas individuels dans lesquels l’assemblée doit agir en discipline. Jamais le désir de paix ou d’unité n’autorise la moindre attention au caractère de Christ qui ne doit être compromis à aucun égard. Le premier devoir chrétien est de rendre au nom de Christ ce que nous lui devons. Nous ne pouvons jamais sanctionner le mal ou fermer les yeux à Son sujet.
Soulignons qu’il ne s’agit pas seulement de mal grossier ou de torts flagrants. L’Église, étant l’habitation de Dieu, doit être intolérante pour tout ce qui ne convient pas à Sa présence, quoique nous ayons aussi besoin de patience ; et qui est aussi patient que Dieu ? Mais Il veut être sanctifié dans tous ceux qui L’approchent, et au milieu desquels Il habite. Tout ce qui est contraire à Sa Parole doit être jugé. À supposer qu’il n’y ait, comme disent les hommes, qu’un peu de mal, dois-je lier le nom et la présence du Seigneur, pour ne pas parler de moi-même, même avec un « petit » mal ? Loin de nous une telle pensée ! Non que nous soyons appelés à nous séparer pour toute faute, mais nous ne devons jamais participer à ce qui est contraire à la Parole et, par la grâce de Dieu, nous en tenir toujours purs. En même temps, la manière dont cela doit être fait doit être déterminée par la Parole de Dieu. Par exemple il peut être nécessaire de blâmer un frère sans pour cela l’éloigner de l’assemblée, ce qui, par contre, doit être fait pour « le méchant » (1 Cor. 5). En aucun cas, un chrétien n’est tenu de cheminer avec ce qu’il sait être offensant pour Dieu. De plus, nous avons à nous juger, de peur d’être trop prompts à imputer le mal. Dieu veut que Ses enfants soient lents à soupçonner, à parler, à agir en de telles circonstances. Hélas ! combien nous sommes prompts à imputer aux autres le mal que nos consciences nous reprochent à nous-mêmes !
D’un autre côté, notre encouragement et notre consolation, aussi bien que la source de notre responsabilité, c’est que Dieu habite dans l’Assemblée. Nous pouvons et devons compter sur ce fait béni, assurés qu’Il nous aidera, nous entendra, se montrera pour nous. Oui, quels que soient la difficulté, le chagrin, la honte, ayons cette confiance : Dieu habite dans l’Assemblée qui est Son temple. Elle peut n’avoir qu’une humble apparence, elle peut n’être représentée dans tel ou tel endroit que par deux ou trois individus seulement. Il peut arriver qu’un enfant de Dieu soit obligé de se tenir tout seul à l’écart ; il peut même ne pas y avoir de sentiment suffisant de la vérité pour produire ce résultat ; quoi qu’il en soit, il n’existe pas de circonstance possible où un membre de Christ soit obligé d’avoir communion avec ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Il peut avoir à faire de sages et fermes remontrances, à attendre patiemment, mais tolérer le mal connu, jamais ! Ce n’est pas le mal en lui-même ni son importance qui détruisent la qualité de temple de Dieu, mais l’acceptation d’un mal connu, le fait de le supporter consciemment, même par simple indifférence. Lorsque ce qui porte le nom de maison de Dieu se rend coupable d’associer ce nom avec un mal toléré, Dieu se doit à Lui-même de renier toute relation avec elle. La question est alors simple, quoique douloureuse : il faut abandonner ce qui a cessé d’être un témoignage au Dieu de vérité. Quel droit un tel groupement pourrait-il avoir encore sur la foi du croyant pour le retenir ? En même temps son départ constituera un puissant appel à la conscience de ceux qui restent.
En fait le caractère d’Église selon la Parole est déterminé par la présence de Dieu et nullement par la profession, le préjugé, la tradition ou la volonté humaine. N’est-ce pas alors chose extrêmement sérieuse de reconnaître ou de méconnaître un rassemblement comme assemblée de Dieu ? Celui qui le fait à tort ou à la légère fait bon marché du nom de Dieu et le méprise. Il ne s’agit donc pas de simples divergences de vues fondées sur l’opinion et les sentiments des hommes, mais de savoir si oui ou non Dieu est là. Sa Parole est la pierre de touche et Son Esprit la puissance ! Et chaque fois qu’Il rencontre une foi simple, Dieu se manifeste, entend le cri et vient en aide. Rien ne peut être plus simple et en même temps plus certain : l’Esprit rendra évident le sentier d’un croyant qui est exercé et qui s’attend au Seigneur.
Ce n’est pas, observons-le, à son infaillibilité que se reconnaît l’Église. Elle peut, hélas, cela va sans dire, commettre bien des erreurs. Les mesures prises dans la discipline sont parfois trop promptes, trop lentes, parfois même arbitraires ou erronées. De fait, il en est de même de l’Assemblée comme du chrétien individuellement. Et nous le comprenons. Si les saints collectivement sont le temple de Dieu, chacun l’est aussi individuellement. Or, qui oserait soutenir qu’un chrétien est exempt de mal ou de méprises parce que le Saint Esprit habite en lui ? Le principe est le même pour l’Assemblée de Dieu, elle aussi est toujours faillible. Elle peut être gardée dans la pratique, compte tenu des hommes de Dieu qui s’y trouvent. Un individu peut facilement se tromper, mais il est difficile de supposer qu’au milieu d’une assemblée fidèle, il ne s’en trouve pas un seul qui regarde au Seigneur de manière à comprendre Sa pensée. Cela pourtant peut hélas arriver ; et particulièrement lorsque l’influence dominatrice d’un ou de plusieurs frères affaiblit le sentiment que doit avoir l’assemblée de sa dépendance de Dieu. Il est évident qu’un faux principe, une fausse position ou même une simple précipitation peut exposer une assemblée de Dieu à mal agir. Aussi est-il capital, quels que soient les serviteurs de Dieu à l’œuvre, de se rappeler que la seule sauvegarde est celle-ci : Dieu est là. Il peut trouver bon de corriger le plus sage de Ses serviteurs, sur la terre, par un faible enfant dans la foi.
Répétons-le avec force : l’Église n’est pas l’assemblée d’un homme, même d’un Paul, c’est l’Assemblée de Dieu. Ce qui signifie par exemple que dans un cas de discipline ce serait la destruction de cette assemblée si les mesures prises devaient l’être pour elle par un ou plusieurs frères agissant indépendamment du reste de l’Assemblée. Certes l’Église doit savoir apprécier les dons et les charges que le Seigneur a donnés pour la guider. L’Église abandonnerait ses propres grâces si elle méprisait le secours de l’un ou de l’autre. Incontestablement certains frères ont de la sagesse, du discernement, l’expérience des âmes, et sont plus que d’autres capables de juger justement sur ces sujets pratiques. Mais l’autorité appartient à Dieu, et Il entend l’exercer Lui-même dans Sa propre Assemblée jusqu’au dernier moment. C’est pourquoi lorsque dans un rassemblement il n’est pas laissé de place pour réviser ce que des individus ont pu juger, lorsque l’Esprit n’a plus la liberté de récuser par le plus faible membre présent du corps de Christ, le jugement du plus sage des conducteurs, un tel rassemblement n’a pas plus le caractère d’assemblée de Dieu qu’aucune autre société de croyants sous le soleil.
Ainsi, l’Assemblée ne résulte pas simplement d’une doctrine pure, de grands dons, ou de précieuse communion fraternelle. Toutes ces choses y ont leur place, mais la vérité fondamentale à saisir et à maintenir toujours c’est que l’Église, même aujourd’hui, est la propre Église de Dieu. Et Dieu, parce qu’Il y habite, exercera Son action souveraine, répandra de nouvelles lumières, corrigera par qui il Lui plaira les frères les plus expérimentés et sur lesquels on s’appuie trop. Cette possibilité doit toujours exister, car Dieu ne permettra pas que nous nous glorifiions dans la chair, à plus forte raison par le moyen des dons qu’Il a accordés. Soyons reconnaissants pour tous les fruits de Sa bonté, bénissons-Le pour tout ce qu’Il nous a donné, mais souvenons-nous que l’Église est à Dieu, qu’Il aime à y être reconnu, et qu’Il fera sentir Sa présence dans l’Assemblée qui a foi en Lui.
La foi aime à savoir et à voir Christ au milieu des siens ; et cela dans les temps les plus sombres quand même deux ou trois seulement seraient réunis en Son nom. Et si nous regardons ainsi à Lui, l’Esprit ne manquera pas de nous guider. Mais la trop grande confiance dans un conducteur, la présomption de celui-ci, la hâte de l’incrédulité, le relâchement, la propre justice ou tout autre triste fruit de la chair peut pratiquement séparer l’assemblée de la pensée de Christ dans un cas particulier. Ainsi l’assemblée, aussi bien que l’individu, doit toujours être accessible à la correction de l’Esprit par les Écritures. Et s’il y a manquement de sa part, l’humiliation lui convient devant le Seigneur qu’elle a déshonoré.
Veuille le Seigneur nous pénétrer de cette vérité que nous sommes l’habitation de Dieu, par l’Esprit. Qu’Il nous donne d’en déduire les conséquences pratiques : à la fois la bénédiction et la responsabilité qu’elle entraîne pour nous.