Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 14

De mipe
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Glenart, octobre 1827
Ma bien chère sœur dans le Seigneur,

N’est-il pas vrai que, fréquemment, nous sommes pour nous-mêmes un sujet d’étonnement ? Quand je pense que j’ai une amie dans ce monde, à laquelle une lettre de moi ne serait sûrement pas désagréable, et que je puis pendant un ou deux mois en rester au seul projet de lui écrire, lors même que je pourrais espérer une réponse en retour ! J’ai confiance que vous parlez à beaucoup de personnes de Celui qui a dit : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé », et que vous-même vous pouvez entrer, sortir et trouver de la pâture. Oh ! si nos cœurs étaient toujours brûlants au-dedans de nous, semblables à du vin en fermentation, prêt à faire éclater le vase qui le contient ! Si nous étions sans cesse comme forcés de parler de notre roi ! S’Il habitait tellement dans nos cœurs par le moyen de la foi, que nos discours sortant de cette abondance fussent comme l’aspic qui rend son agréable odeur, comme le parfum de Son glorieux nom, et que cette mine inépuisable de richesses célestes pût continuellement se répandre en consolations et en grâces, pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent ! Mais qui donc est ce roi, que nous puissions laisser de côté tout autre sujet pour ne parler que de Lui ? C’est l’Éternel fort et puissant, l’Éternel puissant dans nos batailles, l’Éternel des armées, le roi de gloire ! C’est mon Seigneur qui s’assied à la droite de l’Éternel, jusqu’à ce que tout ce qu’il y a de mal dans mon cœur devienne le marchepied de Ses pieds ! C’est le roi qui sera sacré sur Sion, la montagne de Sa sainteté, quoique les nations se mutinent et que les rois et les princes de la terre consultent ensemble contre Lui ! C’est un roi qui est venu au milieu de Son peuple, avec un cœur rempli d’amour. C’est un roi sur la tête duquel sont plusieurs couronnes ; mais celle qui Lui sied le mieux, et qui est en même temps la plus éclatante, c’est celle dont Il fut couronné le jour de Ses épousailles (Cant. 3, 11). C’est un roi dont l’épouse est la plus grande gloire, quoiqu’elle ne se compose que de pécheurs qu’Il a domptés, qu’Il a créés de nouveau, et auxquels Il s’est uni comme tel à jamais. C’est un roi qui, dans le jour de l’allégresse de Son cœur, étendra Sa main sur vous et sur moi, et dira en présence des hommes, des anges et des démons : « Venez, les bénis de mon Père, etc. ». C’est un roi qui, par les témoignages d’amour que chaque jour Il répand sur nos pas, nous prouve qu’Il sait ce que nous sommes, et qu’il nous faut pour être satisfaits la joie même de notre Seigneur, et qui, après nous avoir préparé un royaume, nous prépare maintenant pour que nous puissions y entrer. C’est un roi qui a enrichi Son Église par Sa pauvreté, et qui l’a nourrie de Ses richesses. En un mot, c’est Jésus de Nazareth, le roi des Juifs.

Que de choses n’aurions-nous pas à dire au sujet d’un tel roi ? Pourquoi donc, lorsque nous nous trouvons dans la société des enfants de notre Père, passons-nous si souvent nos moments à parler de sujets que nous ne regardons que comme des vanités ? Cela ne vient-il pas de ce que de l’abondance du cœur la bouche parle ? Hélas ! combien j’ai sujet de m’accuser moi-même à cet égard ! Rien ne me fait autant sentir que je dois vivre sous la dépendance du Seigneur. Combien fréquemment je recherche le moi au lieu de Jésus, et je ne le prouve que trop par mon silence devant ceux qui n’aiment pas la piété ! Combien de fois j’ai eu honte de Lui ; que de fois je me suis irritée lorsqu’on me résistait ; comme je suis encore légère, et combien peu je sens ce que je dis ! Oh ! que vous seriez étonnés si vous me connaissiez ! Tout l’amour des anges et des saints réunis ne pourrait me supporter… « Lui seul peut se taire à cause de son amour ». Assurément, Il n’est pas bien exigeant, puisqu’Il ne nous demande que de l’amour. Et combien il y a de grâce dans cette demande ! Ce n’est pas un ami inconnu qu’Il nous invite à aimer, c’est Celui dont Il nous a, de Son propre pinceau, dessiné les traits. Deux questions se présentent naturellement à notre pensée, lorsque nous sommes invités à aimer une personne : 1° quelle est cette personne ? 2° quelles sont ses dispositions envers nous ? Écoutons les réponses que Dieu Lui-même nous a données.

Quelle est cette personne que nous sommes invités à aimer ?

« Il est le premier entre dix mille » ; « Il est plus beau qu’aucun des fils des hommes » ; « tout en lui est aimable » ; « Il est tel que le pommier entre les arbres d’une forêt » ; Il est, non seulement « le premier-né d’entre les créatures », mais encore « l’image du Dieu invisible » ; « la splendeur de sa gloire, l’empreinte de sa personne », Dieu Lui-même qui a créé et qui soutient toutes choses dans les cieux et sur la terre. Écoutons ce que dit Pierre lorsqu’il fut témoin de Sa majesté ; écoutons ce que dit Jean quand il Le vit au milieu des sept chandeliers d’or. Au nom de Jésus, tout genou se ploie et toute langue confessera qu’Il est le Seigneur, car Il est saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs. — C’est là ce qu’est notre roi. Mais quelles sont Ses dispositions envers nous ?

« Il est plein de grâce et de vérité ». Il répand sans cesse de Sa plénitude grâce pour grâce. Ses paroles sont puissantes par l’amour pour nous surmonter ; elles sont plus tranchantes qu’aucune épée à deux tranchants ; quoiqu’elles soient comme le bruit des grosses eaux, elles sont cependant « plus douces que le miel », et, comme les lis, elles laissent échapper de doux parfums. « Jamais homme ne parla comme cet homme », affirmèrent même ses ennemis, car tous « s’étonnaient des paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche ».

C’est là votre bien-aimé et votre ami aussi bien que votre roi ; la grâce est répandue sur Ses lèvres, afin qu’Il puisse assaisonner la Parole à celui qui est accablé de maux. Et toutes nos douleurs ne sont-elles pas des bénédictions, puisque chacune d’elles fait venir une parole de grâce de Lui jusqu’à nous ? Nous sommes si heureux d’entendre notre bien-aimé, notre roi, et de Lui répondre : Mon Jésus, règne ! de pouvoir en toute confiance nous jeter dans Ses bras en lui disant : « Sois mon garant » ; d’être un même esprit avec Celui que Dieu a béni éternellement ; de savoir que notre salut et Sa gloire sont liés dans le même faisceau, et qu’Il a passé par toutes les classes de l’école que nous devons suivre dans le désert ! Êtes-vous contente de ce roi ? car Il est votre roi à jamais ; oh ! puisse notre confiance en Lui répondre à cette question ! Êtes-vous heureuse de Le posséder et de laisser toutes les autres choses pour ne vous attacher qu’à Lui ? Car ce bien-aimé est à vous, et vous êtes à Lui. Oh ! que par notre dévouement, nos affections, notre vie et nos paroles, nous répondions : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime », et que jamais nous n’agissions comme si nous avions honte de notre choix !

J’ai beaucoup souffert de mes yeux pendant la dernière quinzaine ; une tache a paru sur le bon œil, mais j’espère qu’elle s’en ira et que je ne serai pas entièrement aveugle. Dans tous les cas j’ai une lumière qui brille dans les ténèbres, dont rien ne peut me priver ; à sa clarté je verrai clair et même je verrai Celui qui est invisible.

Croyez-moi, ma bien chère amie, et à présent et pour toujours, votre tendrement affectionnée sœur dans le lien éternel.

T.A. Powerscourt