Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 39

De mipe
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Powerscourt, le 21 août 1830
Ma chère amie,

J’ai été très contrariée de ne pas vous trouver à Londres lorsque j’y ai passé. J’avais espéré jouir pendant quatre jours de votre société, et je n’ai pu m’empêcher de verser quelques larmes en lisant votre billet. J’ignore si nous nous rencontrerons encore ici-bas. Mme … est mourante. Elle est bien heureuse, mais ma propre expérience m’a appris que le chemin de son pauvre mari sera bien long, bien sombre et bien triste ; ce n’est qu’à la lumière du Seigneur que nous pouvons marcher au milieu des ténèbres. Il nous est bon d’avoir la réalité devant les yeux, afin d’être obligés, même pour les autres, de rechercher les promesses. Nous nous trouvons en Christ tellement en sûreté, qu’il nous semble que l’incrédulité et le doute ne trouveront pas une ouverture pour se glisser au-dedans de nous. Il a pourvu, en effet, à tous nos besoins qu’Il a connus d’avance. J’aime à tirer les promesses hors de Christ, en me rappelant qu’Il les a expérimentées pour notre propre usage, et qu’ainsi Il a thésaurisé en Lui-même d’insondables richesses. Je pense que Sa sympathie dépasse infiniment tout ce que nos cœurs ont jamais pu sentir. Il peut recevoir dans Son sein les sentiments de Ses enfants, et essuyer, pour ainsi dire, leurs larmes. C’est cette sensibilité de Christ qui, jointe à Sa pureté, transperce la conscience du pécheur. David dut dire : « J’ai péché ». « Pierre s’en étant allé, pleura amèrement ».

On a dit que, puisque Jésus n’a pu sentir ce que sont les remords à cause du péché, il est impossible de prouver qu’Il ait été tenté en toutes choses, comme nous le sommes. Je crois qu’Il a pu dire en toute vérité : « Tu connais ma folie, et mes fautes ne te sont point cachées » (Ps. 69, 5). Je crois que, comme homme, Il a senti l’ingratitude de Pierre dans son reniement, et comme Dieu, une profonde horreur pour un tel péché, et que la blessure qu’Il en a reçue a été telle qu’Il a pu dire : « Mes plaies sont pourries et coulent, à cause de ma folie » (Ps. 38, 5). Pareillement, lorsqu’Il répandit des larmes sur Jérusalem, Il éprouvait comme un sentiment de remords en pensant à ceux des siens qui Le crucifieraient, aussi bien que de compassion pour ceux qui demeureraient dans l’incrédulité et dans l’impénitence ; et c’est ce qui Le portait à dire : « Mes iniquités ont surmonté ma tête ; elles se sont appesanties comme un pesant fardeau, au-delà de mes forces » (Ps. 38, 4). Combien Ses souffrances sont mystérieuses ! Chaque jour nous le sentons davantage, surtout quand nous nous rappelons qu’il y a des profondeurs de vérité dans chacune des paroles qu’Il a proférées, telles qu’elles sont exprimées dans les Psaumes.

Vous ne pouvez vous faire aucune idée du plaisir que me font vos lettres et celles de votre chère sœur. Elles sont pour moi des ruisseaux qui découlent de la source des consolations. Elles contribuent à alimenter le fleuve de ma paix, qui coule du côté de l’océan de la gloire. Dieu nous dit qu’Il veut que ses enfants aient une ferme consolation, et, dans Sa bonté, Il fait qu’ils sont les uns pour les autres des moyens de se communiquer cette grâce.

J’aurais besoin de comprendre combien je suis loin de m’approprier cette promesse : « Si quelqu’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement, et ne fait pas de reproches ». Je vois qu’il m’est très ordinaire de croire que, lorsque je demande du pain, il me sera donné une pierre, et que, lorsque je demande un poisson, il me sera donné un serpent. C’est comme si je disais que je ne dois pas considérer comme un enseignement de Dieu, ce que je lis avec prière dans l’Écriture.

Croyez-moi, ma chère amie, votre affectionnée

T.A. Powerscourt