Livre:Sur le culte/Chapitre 3

De mipe
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C’est une grande bénédiction que de pouvoir dire à un pauvre pécheur dont la conscience est réveillée, qu’en Jésus il trouvera tout ce qui lui est nécessaire pour la rémission de ses péchés, pour sa justification et pour son salut éternel. Et ce n’est pas une moins grande bénédiction que de pouvoir dire à ceux qui sont venus à Jésus, que tout est accompli, pour qu’ils puissent rendre culte dans le saint des saints ; que tout y est ordonné par Jésus, pour qu’ils puissent y entrer, et que Lui-même a consacré le chemin par lequel ils s’approchent.

Le temps viendra où « plusieurs peuples iront et diront : Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, à la maison du Dieu de Jacob, et il nous instruira de ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers, car la loi sortira de Sion, et la parole de l’Éternel sortira de Jérusalem » (És. 2, 3). Mais maintenant, c’est le temps pour les croyants de s’exciter les uns les autres à entrer dans le lieu très saint, c’est-à-dire, dans le ciel même, parce que Jésus est là, et que Son sang est là. « Venez, disent-ils, approchons-nous avec un cœur vrai ».

Sous la loi, une grande portion du ministère des sacrificateurs s’accomplissait en dehors du tabernacle, et par conséquent à la vue de l’adorateur. Si celui-ci offrait un holocauste, il devait l’amener à l’entrée du tabernacle d’assignation, où l’animal était égorgé ; puis les sacrificateurs en répandaient, devant lui, le sang tout autour sur l’autel qui était à l’entrée du tabernacle d’assignation. Cette partie de l’œuvre du sacrificateur était visible pour les adorateurs extérieurs. Mais celui qui pouvait approcher jusque-là n’était jamais satisfait quant à sa conscience. Il venait, il est vrai, jusqu’à ces sacrifices, il les voyait offrir, mais ils étaient complètement inefficaces pour purifier sa conscience. « Car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés ». Mais maintenant toute cette œuvre extérieure a été une fois et pour toujours accomplie, le ministère du sacrificateur est tout intérieur et invisible ; aussi n’est-il connu qu’à la foi, par la révélation de Dieu.

Mettons-nous à la place d’un adorateur hébreu, auquel la grâce de Dieu avait appris à connaître Jésus, comme le seul sacrifice pour le péché, et comme le souverain sacrificateur, toujours vivant dans le saint des saints. Quels combats devaient s’élever souvent dans son esprit, lorsqu’il s’approchait de Dieu, parce qu’il n’avait point de sacrifice à offrir, rien de visible, sur lequel il pût s’appuyer, aucune victime sur la tête de laquelle il pût poser les mains. Quel dévouement il devait avoir pour Jésus pour pouvoir s’approcher, et considérer tout ce à quoi il avait été précédemment habitué, comme remplacé par Jésus, en sorte que tout ce qu’il avait vu autrefois ne pouvait être discerné maintenant que par la foi, comme accompli en Christ ! Et ne sommes-nous pas souvent infidèles à Jésus à cet égard ? Ne nous laissons-nous pas aller souvent à penser qu’il reste encore quelque chose à faire, soit par nous, soit par Lui, afin de nous rapprocher ? Ne nous laissons-nous pas ainsi souvent préoccuper des détails du culte, plutôt que de Jésus qui en est la substance ? Ne Lui sommes-nous pas souvent infidèles, en doutant du droit que nous avons de nous approcher, parce que nous trouvons de l’éloignement dans nos cœurs, comme si c’était l’ardeur de nos affections, au lieu du sang de Jésus, qui nous approchait ?

Mais, ô mes bien-aimés, combien l’Église a été infidèle à Jésus ! Combien d’adorateurs, qui sont encore souvent comme accablés par un fastidieux rituel, et auxquels il n’a jamais été donné de connaître qu’ils ont été une fois et pour toujours purifiés, ni que tout est préparé pour qu’ils puissent entrer dans le sanctuaire ! Ils sont ramenés à ce qui est visible, et doivent supporter tout au long la routine du service, n’allant jamais plus loin que la porte du tabernacle ! Ils sont tenus à la distance des Juifs éloignés, au lieu d’occuper la place de sacrificateurs sanctifiés pour les ministères et le culte célestes !

Et ne nous arrive-t-il pas souvent de voir des âmes en grand nombre amenées à mettre l’acte du culte à la place de Jésus ? Assurément, ce n’est pas là s’approcher avec un cœur vrai. Si vous nourrissez quelque doute sur la pleine suffisance de Son sacrifice, ou sur la parfaite efficace de Sa sacrificature, ou sur Sa sympathie et Ses tendres compassions, vous ne vous approchez pas avec un cœur vrai. Si nous nous retirons à distance après tout ce que Jésus a fait, sommes-nous sincères à Son égard ?

Mais c’est une trahison positive envers Lui que d’ériger une classe d’hommes en individus plus rapprochés de Dieu que les autres, les mettant virtuellement dedans et mettant virtuellement les autres dehors. S’appuyer sur des prêtres, un clergé ou des ministres du culte, comme s’ils étaient nécessaires pour le culte, c’est décidément nier l’efficace de la personne et de l’œuvre de Christ. Cela vient de ce qu’on s’est éloigné de la vérité quant à la justification du pécheur devant Dieu, par le seul sacrifice de Christ. Un culte à distance est la conséquence nécessaire d’une imparfaite justification. Si l’on n’admet pas en plein la justification du pécheur devant Dieu par le sang de Jésus, beaucoup moins admettra-t-on la liberté d’entrer dans le lieu très saint pour le culte, et grâce au même sang, comme le privilège commun de tous les saints. Mais là même où la vérité quant à la justification a été recouvrée et prêchée, nous voyons encore des formes et un rituel de culte tout à fait subversifs de la vérité. L’accès, proclamé dans l’évangile prêché, n’est point permis à ceux qui ont cru à cette prédication. Ainsi les saints sont, de fait, tenus à distance ; ainsi ils sont appris à se défier de Jésus ! Mais supposons que toutes les églises d’un pays soient soudain fermées, que tous les ministres de l’évangile soient soudain jetés en prison, n’est-il pas vrai que l’affection sincère pour Jésus pousserait aussitôt Ses saints à se réunir pour rendre culte, par la foi, dans le saint des saints — sachant bien que là le ministère du grand souverain Sacrificateur ne peut jamais, un seul instant, être suspendu ? « Approchons-nous avec un cœur vrai, dans une pleine assurance de foi » !

Quant à ces mots, « une pleine assurance de foi », elle n’emporte nullement l’idée d’une certaine mesure de foi à laquelle il faut parvenir. Il ne s’agit pas ici de la mesure de la foi, il s’agit qu’elle porte sur son véritable objet. La foi peut être encore des plus faibles, mais, si faible qu’elle soit, qu’elle embrasse pleinement son propre et véritable objet.

Nous trouvons ailleurs, dans le Nouveau Testament, des expressions toutes semblables. Il est dit d’Abraham : « Il ne forma point de doute sur la promesse de Dieu par incrédulité, mais il fut fortifié dans la foi, donnant gloire à Dieu, et pleinement persuadé que ce qu’il a promis, il est puissant aussi pour l’accomplir » (Rom. 4, 20, 21). Et encore : « Que chacun soit pleinement persuadé dans son entendement » (Rom. 14, 5). Dès l’instant que l’âme a saisi Jésus, elle est délivrée d’elle-même, et doit être pleinement persuadée que tout ce qu’il lui faut lui est offert dans l’objet que la foi lui propose, c’est-à-dire dans Jésus. Cet œil simple sur Jésus, voilà ce dont nous avons besoin dans le culte. Les choses mêmes que, dans sa sagesse, l’homme regardait comme des moyens propres à aider à la dévotion, sont réellement de grands obstacles à la dévotion. Il n’est, pour ainsi dire, pas un sens que les hommes ne cherchent à satisfaire dans les détails de leur culte. Or ici le but essentiel de l’apôtre est précisément de détourner les adorateurs des choses qui tombent sous les sens, et auxquelles ils avaient été accoutumés, afin de concentrer leur âme sur un seul objet, dans lequel elle devait trouver tout ce dont elle avait besoin.

Impossible que nous regardions à notre titre pour rendre culte à Dieu sans voir notre salut. De quelle manière bénie Dieu a lié ces choses l’une à l’autre, et quelle perversité chez l’homme qui les sépare, soit en appelant indifféremment croyants et incrédules à rendre culte, soit en imposant aux fidèles une forme qui annule ou nie le sentiment d’une parfaite justification. Tout ce qu’il nous faut pour parvenir à un culte plus heureux et plus saint, c’est une foi plus simple en Jésus. Sommes-nous pleinement persuadés que tout ce qu’il fallait faire pour nous préparer une place où nous pussions nous rencontrer avec Dieu, Jésus l’a fait — alors approchons-nous.

Et avec quelle confiance et quelle sainte liberté nous pouvons le faire — « ayant des cœurs arrosés et purifiés d’une mauvaise conscience ». Le lépreux, pour être nettoyé, afin d’être mis de nouveau en état de participer au privilège du culte, devait recevoir l’aspersion du sang (Lév. 14, 7). L’Israélite, qui avait touché quelque chose qui le rendait souillé, devait recevoir l’aspersion de l’eau de purification (Nomb. 19) ; mais elle ne sanctifiait que quant à la pureté de la chair (Héb. 9, 13). Lors de la consécration des sacrificateurs, le sang était mis sur le mou de leur oreille droite, sur le pouce de leur main droite et sur le gros orteil de leur pied droit, afin qu’ils pussent s’approcher et faire le service devant Dieu (Ex. 29). Qu’est-ce que tout cela en comparaison d’un cœur purifié d’une mauvaise conscience par l’aspersion du sang de Jésus ? Ce n’est plus ici une purification de la chair, mais une purification du cœur par la foi. La chair purifiée pour le culte pouvait exister en même temps qu’une mauvaise conscience, mais cela ne peut pas avoir lieu avec un cœur purifié. Il n’y a que ce qui ne tombe pas sous les yeux, savoir l’efficace purifiante du sang de Jésus, qui puisse parfaitement conserver une bonne conscience.

Avant de pouvoir revêtir les saints vêtements de lin, Aaron devait laver sa chair avec de l’eau (Lév. 16, 4) ; il en est encore ainsi maintenant : « le corps lavé d’eau pure ». Nous ne pouvons revêtir nos robes blanches qu’autant que nous connaissons réellement ce qu’est la communion avec la mort de Jésus. Il faut dépouiller le vieil homme avant de pouvoir revêtir l’homme nouveau. Et cela a été fait pour nous une fois pour toutes, dans la mort et dans la résurrection du Seigneur Jésus. Cependant combien n’est-il pas important pour nous, lorsque nous nous approchons du saint lieu de notre culte, ou du saint des saints, de nous rappeler habituellement que nous sommes morts, et que nous vivons en Jésus ! Nous avons affaire avec le Dieu vivant — lequel est aussi un feu consumant. Tout ce qui est contraire à la vie a été mis de côté par la mort de Jésus. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». Et ce n’est que, comme vivants de morts que nous étions, que nous pouvons nous approcher de Lui.

« Retenons la profession de l’espérance sans varier ». Ceci se rapporte à ce qui est dit dans le chapitre sixième : « afin que nous ayons une puissante consolation, nous qui avons eu notre refuge à saisir l’espérance qui nous est proposée, et que nous tenons comme une ancre de l’âme, ancre sûre, ferme, et qui pénètre au-dedans du voile ». Notre espérance est d’être là, le lieu très saint étant la place qui nous appartient en tant que sacrificateurs à Dieu ; mais, par la foi, nous y adorons actuellement en esprit.

Il est, sans doute, difficile de retenir une profession, qui est en contradiction avec tout ce que nous pouvons voir en nous et autour de nous. Jésus fit, devant Ponce Pilate, « la belle confession » qu’Il était Roi, sans avoir en Lui ou autour de Lui aucune marque de royauté. Sa confession semblait démentie par Son apparence. Timothée avait fait une « belle confession en présence de beaucoup de témoins » (1 Tim. 6, 12), et il avait besoin qu’on le lui rappelât. Il en est ainsi de nous, car nous sommes constamment enclins à oublier que c’est en espérance que nous sommes ce que nous sommes. Impossible à nous de démontrer à d’autres, d’une manière satisfaisante, que nous sommes ce que nous professons être.

Nous pouvons bien donner de bonnes raisons de l’espérance qui est en nous, parce que le précurseur est déjà entré pour nous au-dedans du voile ; mais nous ne pouvons répondre, par des preuves, aux prétentions inquiètes de nos esprits ou des esprits d’autrui. Non, et que Dieu en soit béni ! Il a fait reposer notre espérance sur un fondement plus sûr que toutes les preuves que nous pourrions présenter, savoir sur le fondement de Son immutabilité et de Sa fidélité — « car Celui qui a promis est fidèle ».

Le terme rendu par « retenons » est fort énergique ; il revient à ceci : « Saisissons et tenons avec force ». Et pourquoi cela ? Parce que, s’il y a quelque chose que Satan cherche, par tous les moyens, à nous arracher, c’est notre espérance. Et n’est-ce pas ce qu’il n’a que trop bien réussi à faire dans l’Église en général, en induisant tant de chrétiens à prendre pour leur espérance ce qui, dans le fait, est le fondement de leur espérance, c’est-à-dire leur justification ? La justice actuelle du croyant est le principe de son espérance. Le saint des saints n’est ouvert qu’à ceux qui ont été une fois et pour toujours purifiés. Si notre espérance n’a pas sa source dans ce qui est au-dedans du voile, comment pourrait-elle être ferme ? À l’exception de cela, tout doit être ébranlé. Si donc nous ne connaissons pas une justice accomplie, qui nous met en état d’entrer dans le tabernacle, la paix de nos âmes doit nécessairement être chancelante.

Un Israélite pouvait s’approcher de la porte du tabernacle avec un sacrifice à offrir ; mais ce sacrifice devait encore être déclaré acceptable et être accepté ; tandis que c’était à cause d’un sacrifice déjà offert et accepté que le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint. Il en est de même du droit que nous avons d’entrer au-dedans du voile — le seul sacrifice de Jésus nous a donné pour toujours la liberté d’y entrer. Quelle ruse Satan déploie dans ses machinations contre la vérité ! Quand il n’a plus pu tenir cachée la doctrine de la justification par la foi, il s’est efforcé de la dépouiller de sa réelle efficace, chez ceux qui l’avaient reçue, en cherchant à la leur faire regarder comme l’objet de l’espérance, et non pas comme la portion actuellement possédée par tous ceux qui sont venus à Jésus. Ainsi, en fait, la paix de l’évangile est inconnue, quoique l’évangile soit peut-être fidèlement annoncé. Et quand on fait consister l’espérance en la justification par la foi, cela conduit toujours à un culte à distance. Combien n’est-il pas de vrais croyants chez lesquels la paix de l’évangile est interrompue par les actes mêmes de leur culte !

C’est pourquoi, frères bien-aimés, saisissons et retenons fermement cette confession comme notre plus précieux trésor : Étant actuellement justifiés par la foi, notre espérance n’est rien moins que le saint des saints, et c’est là que nous adorons déjà maintenant en esprit. Notre espérance est indépendante de nous-mêmes — elle est liée à la fidélité immuable de Dieu — elle est assurée par le sang de Jésus, et elle est déjà rendue ferme au-dedans du voile ; car Jésus y est, et y est pour nous. Tenez-vous en garde contre la fausse humilité, qui n’est qu’un manteau mis sur l’incrédulité et la confiance en soi-même. Si vous regardez à vous-mêmes, vous êtes sans espérance ; il n’y a rien devant vous qu’une attente terrible de jugement. Regardez donc à Jésus, et connaissez votre espérance. Où est-Il ? Dans le saint des saints, comme le précurseur ! Que cette pensée dissipe toutes les incertitudes, réponde à tous les doutes et à toutes les difficultés. En dépit de toutes les apparences, retenons fermement la profession de l’espérance sans varier.

« Et prenons garde les uns aux autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres ». Ici le Saint Esprit nous rappelle que nous avons aussi une œuvre de sacrificateurs à accomplir. Dans les cas de lèpre, le sacrificateur devait prendre garde ou examiner — et nous, comme sacrificateurs, nous avons aussi à prendre garde les uns aux autres, non pas pour examiner si nous sommes purifiés ou non, car le grand souverain Sacrificateur Lui-même a prononcé à notre égard et avec autorité cette déclaration : « Vous êtes déjà nets » ; mais nous devons prendre garde les uns aux autres pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres. L’expression est bien remarquable : « prenons garde les uns aux autres ». Un seul, savoir le Seigneur Lui-même, occupe, de droit, la place de sacrificateur pour l’Église ; aussi nous devons prendre garde les uns aux autres. Mais comme cet exercice de nos fonctions sacerdotales, communes et réciproques, est complètement annulé, partout où l’on rétablit un ordre de sacrificature, dominant sur les chrétiens ! Qu’est-ce que le confessionnal ? Qu’est-ce que l’absolution et choses semblables ? — sinon le sacrificateur déclarant de nouveau le lépreux purifié. Et comme ces abus, et tous les abus analogues, doivent être efficaces pour nous détourner et nous empêcher de prendre garde les uns aux autres ! Nous ne pouvons remplir ce devoir qu’autant que nous nous tenons nous-mêmes dans la grâce, et que nous reconnaissons que nos frères sont dans la même grâce et dans la même proximité de Dieu que nous. C’est comme étant ensemble dans le lieu très saint que nous devons prendre garde les uns aux autres. C’est en nous voyant là que nous devons nous aider mutuellement à découvrir tout ce qui est incompatible avec notre position élevée et bénie. Là point de place pour la rivalité — tous sont sacrificateurs ; mais abondamment place pour l’amour ; et la mesure de notre amour mutuel doit être l’amour qui nous a introduits là où nous sommes. Quant aux bonnes œuvres, elles doivent aussi être jugées d’après la même règle. Nulle règle inférieure au sanctuaire lui-même ne peut maintenant être prise pour déterminer ce qui est une bonne œuvre. Cela seul qui convient au saint des saints, peut convenir à ceux qui sont sanctifiés pour y adorer. Ce n’est pas du tout à ce que les hommes appellent bonnes œuvres, mais à ce que Dieu estime tel, que nous devons nous exciter les uns les autres. Le parfum de grand prix répandu sur les pieds de Jésus n’est qu’une vaine prodigalité et une extravagance aux yeux des anciens ou des modernes utilitaires, mais aux yeux de Jésus c’était une bonne œuvre. Les deux pites de la veuve Lui sont plus précieuses que les splendides offrandes du riche. Qu’il est rare que ce que les hommes jugent bon soit réellement tel devant Dieu ; et comme ce que Dieu estime précieux est constamment méprisé parmi les hommes ! C’est pourquoi Christ fut le méprisé et le rejeté des hommes ; c’est pourquoi aussi les œuvres réellement chrétiennes sont toujours exposées au même mépris. Combien n’est-il donc pas nécessaire pour nous de nous tenir en esprit dans le saint des saints, pour y faire l’épreuve de ce qu’est la volonté de Dieu, bonne, agréable et parfaite.

En outre, non seulement il est ici question de cette constante excitation à l’amour et aux bonnes œuvres, mais de plus il est ajouté : « n’abandonnant pas notre réunion (proprement : le rassemblement de nous-mêmes), comme c’est la coutume de quelques-uns ».

Quand les Israélites furent entrés en Canaan, ils ne devaient pas offrir leurs sacrifices ou adorer où ils voulaient, mais seulement au lieu que l’Éternel aurait choisi pour y mettre Son nom. Jérusalem devint le lieu où montaient les tribus. Mettez-vous à la place d’un Hébreu croyant, dans un jour de fête solennelle à Jérusalem ; à la place, par exemple, de l’un des trois mille convertis par la première prédication de Pierre. Des multitudes de Juifs, venant de tous les pays qui sont sous le ciel, sont assemblés autour de lui. Jérusalem est remplie d’adorateurs, pendant que lui doit se tenir à part de tout ce qui les attire. Quels combats dans son âme pour pouvoir se décider à se tenir éloigné de la foule dévote ! En le faisant, ne s’exposait-il pas à paraître un ennemi de son pays et du temple ? Pensez, en outre, au contraste, dont son esprit devait être frappé, entre la chambre haute ou tel autre bien modeste local, et le magnifique temple. Ne fallait-il pas qu’il eût une foi bien simple en Jésus, pour aller se réunir, afin de rompre le pain et de rendre culte, avec un certain nombre de personnes aussi obscures que lui, sans sacrificateur visible pour diriger ce culte, sans sacrifice, sans parfum, sans autel, sans cuve d’airain ? La multitude, observant la fête solennelle, n’était-elle pas là pour accuser, en quelque sorte, le culte auquel il s’était joint de n’être pas un culte du tout ? Assurément il y a une grande force dans ces paroles : « n’abandonnant pas notre réunion, comme c’est la coutume de quelques-uns ».

Oui, quelques-uns, même parmi ceux qui croyaient en Jésus, hésitaient à reconnaître comme un culte ce qui était sans formes extérieures. Il en coûte beaucoup à recevoir Jésus comme tout et, par conséquent, à laisser toutes les ombres. La réunion d’eux ensemble était le grand témoignage contre la religion du monde, et en faveur de cette vérité que Jésus était tout. C’était proclamer que Jésus était la substance du culte, et que le culte doit être maintenant en harmonie avec la place et la puissance de Sa sacrificature. Le petit troupeau méprisé, dans la chambre haute, se nourrissait de la substance, tandis que le monde religieux, dans le somptueux temple, se prosternait encore devant les ombres. Ce troupeau méprisé avait, par la foi, accès au saint des saints ; ceux qui en faisaient partie savaient que Jésus y était entré pour eux et comme le précurseur : et Le connaissant de cette manière, ils pouvaient se réunir en tout temps et en tout lieu, car le nom du Seigneur était pour toujours mis sur le lieu de leur réunion. Ils étaient des adorateurs dans le sanctuaire, quel que pût être le lieu de leur rassemblement sur la terre.

Aussi nous lisons que « le premier jour de la semaine, les disciples s’assemblaient pour rompre le pain » (Act. 20, 7). Ils pouvaient avoir ou n’avoir pas quelqu’un pour leur distribuer la Parole de Dieu — c’était là une chose accessoire ; ils se réunissaient pour un but spécial et positif : pour rompre le pain[1]. À Troas, Paul vint au milieu d’eux, et il s’entretint avec eux et leur fit un long discours, mais c’était parce qu’il devait partir le lendemain. Ils se réunissaient comme disciples. Or empêcher, de quelque manière, les disciples de se réunir ensemble, n’est-ce pas fouler aux pieds le Fils de Dieu, qui non seulement leur en a donné le droit, mais qui encore a fait consister en cela la confession collective de Son nom ? Il est nécessaire de nous exhorter les uns les autres à cet égard, car il y a pour nous un danger imminent de retourner en arrière à l’ancien ordre de culte. Et l’Esprit de Dieu a bien prévu cette tendance et les progrès qu’elle ferait. Il a vu clairement que, à mesure qu’approcherait le jour où le Seigneur Jésus sera révélé, le culte deviendrait de plus en plus mondain — de plus en plus conforme à l’ancien patron juif de culte à distance. Aussi le progrès même des temps et des choses rend toujours plus nécessaire l’exhortation de nous tenir fermement, comme disciples, dans la simplicité de la grâce. Rien de plus miséricordieux que le moyen par lequel le Seigneur a voulu nous prémunir contre les progrès du mal. Précisément à proportion que, dans les esprits des chrétiens, la pensée a prévalu que les bénédictions iraient en croissant au milieu du monde, le culte s’est adapté au monde. Mais quand il a plu à Dieu d’ouvrir les yeux de quelques-uns de Ses saints pour qu’ils vissent les incessants progrès dans le mal, et les grandes prétentions de la chair, Il les a, en même temps, ramenés à plus de simplicité chrétienne. Et le devoir de nous exhorter les uns les autres, d’autant plus que nous voyons approcher le jour, consiste d’abord à éprouver toutes choses à la lumière de ce jour, et à nous convaincre que rien de ce qui n’est pas de Christ ne pourra subsister alors.

Sans doute le Seigneur veut que Ses saints aient le sentiment de tout ce qu’ils ont perdu ; mais Il veut aussi les rendre sensibles à la valeur de ce qui leur reste. S’Il devait dire à Son ancien peuple : « Qui est celui qui est demeuré de reste d’entre vous, qui ait vu cette maison dans sa première gloire, et telle que vous la voyez maintenant ? N’est-elle pas comme un rien devant vos yeux au prix de celle-là ? », Il ne le disait pas pour les décourager mais, au contraire, pour les fortifier. Toute la gloire extérieure s’en était allée, mais l’Éternel était toujours là. C’est pourquoi Il ajoute : « Maintenant donc toi, Zorobabel, fortifie-toi… et travaillez, car je suis avec vous, dit l’Éternel des armées. La parole de l’alliance que je traitai avec vous, quand vous sortîtes d’Égypte, et mon Esprit demeurent au milieu de vous ; ne craignez point ». Dieu demeure constamment le même, et la puissance qu’Il avait déployée jadis pour délivrer Son peuple était la vraie force de ce peuple au milieu de sa faiblesse ; en sorte que leur faiblesse même devenait leur force. — De même, à mesure que nous voyons approcher le jour, en remarquant que tout ce qui nous entoure n’est pas préparé à la rencontre de ce jour, Dieu veut que Ses saints soient consolés et fortifiés en s’exhortant les uns les autres à faire usage de ce qui leur reste ; et tant que Jésus demeure dans le saint des saints, et qu’Il comparaît pour eux devant la face de Dieu, ils peuvent toujours s’approcher. Oui, c’est notre privilège de le faire, maintenant surtout que cette économie s’approche rapidement de la fin de sa carrière, davantage, du moins, que dans les jours de l’apôtre. Il est vrai que l’infidélité des hommes a mis bien des choses entre eux et Dieu, mais ce qui nous rapproche demeure toujours, savoir le sang de Jésus, dans le saint des saints. Approchons-nous donc.

Bien-aimés, oh ! combien cette exhortation est nécessaire de nos jours ! Combien de chrétiens qui méprisent un simple culte, quoique ce soit là leur grand privilège ! Combien de fidèles, auxquels il faut quelque chose de plus que la présence du Seigneur pour les engager à se réunir[2] ! Jésus n’est réellement pas pour eux la grande, la substantielle ordonnance de Dieu. Se réunir ensemble ne suffit pas pour les réjouir. Oh ! n’abandonnons pas notre réunion ; car si nous le faisons, nous risquons d’oublier que nous sommes des adorateurs une fois et pour toujours purifiés, et que notre lieu de culte est le sanctuaire d’or, lui-même aussi une fois et pour toujours purifié. Là nous avons un souverain sacrificateur, qui peut nous amener tout d’un coup jusqu’au trône de la Majesté dans les cieux — lequel est pour nous un trône de grâce, quoique Celui qui l’occupe soit saint, saint, saint.

Bien-aimés, c’est donc aussi une partie de notre profession, que de protester, en nous approchant, contre toutes prétentions à la sacrificature, toute répétition de sacrifice, et toutes les absolutions réitérées. Notre culte doit être caractérisé non moins par une liberté pleine de confiance à nous approcher de Dieu, que par le respect pour Son nom. Le jour approche. Ce qui l’indique, entre autres, c’est le retour aux ordonnances. Tenez ferme votre profession ; que ce soit Jésus en opposition à toutes les prétentions de la chair. Soyez assurés que tout ce qui n’est pas de Lui n’est absolument rien autre qu’une ordonnance charnelle, qui ne sera, en aucune manière, reconnue par le Seigneur, quand Il apparaîtra dans Sa gloire.

Si nous regardons en avant, que voyons-nous par rapport au culte ? Toutes les ombres passées pour toujours, la substance seule qui demeure : « Je n’y vis point de temple ; car le Seigneur Dieu tout-puissant en est le temple, ainsi que l’Agneau ». Et encore : « Le trône de Dieu et de l’Agneau y sera ; et ses esclaves lui rendront leur culte ; et ils verront sa face ; et son nom sera sur leurs fronts. Et il n’y aura point là de nuit. Et ils n’ont pas besoin de flambeau, ni de la lumière du soleil ; parce que le Seigneur Dieu les illumine. Et ils régneront aux siècles des siècles ». Ils rendront culte et ils régneront à la fois. Ils seront alors manifestés comme sacrificateurs et rois. Mais maintenant, sachant que la grâce les a déjà rendus tels, c’est leur privilège d’approcher par la foi de ce lieu glorieux, où ils seront en réalité, quand le temps sera venu. C’est surtout en regardant en avant que nous serons enseignés sur ce sujet. C’est la réalité qui doit être notre modèle. Ce ne sont pas les choses de la terre qui peuvent être les patrons des célestes ; il nous faut la substance même (que la foi connaît), mettant son empreinte sur ce qui est présent et actuel. Approchons-nous donc de Celui qui nous a aimés, et nous a lavés de nos péchés dans Son sang, et qui nous a faits rois et sacrificateurs à Son Dieu et Père, et auquel soit gloire et pouvoir au siècles des siècles. Amen !



  1. Maintenant, au lieu d’aller rompre le pain, l’on va au sermon. Ces deux locutions indiquent d’où l’on est tombé, et jusqu’où l’on est tombé quant au culte.
  2. Combien d’assemblées qui sont plus nombreuses, lorsqu’elles sont présidées par tel ou tel orateur ! On se dit : Allons entendre un tel, et non réunissons-nous, Jésus sera avec nous.