Traité:Soupirer en esclavage et soupirer sous la grâce

De mipe
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Romains 7 et 8J.N. Darby

Rien n’est plus malaisé pour nos cœurs que de demeurer dans le sentiment de la grâce et d’avoir toujours pratiquement la conscience que « nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce ». C’est par elle que le cœur est « affermi », et cependant rien ne nous est plus difficile que d’en comprendre réellement la plénitude, de saisir l’excellence de cette « faveur de Dieu dans laquelle nous sommes », et de marcher dans la puissance et la conscience de cette faveur.

Nous ne pouvons la connaître que dans la présence de Dieu, et c’est notre privilège d’y être. Du moment que nous en sortons, il se fait toujours un certain travail dans nos propres pensées au-dedans de nous, et celles-ci ne peuvent jamais atteindre aux pensées de Dieu à notre égard, c’est-à-dire à la grâce de Dieu.

Il est tout à fait impossible que nous ayons des idées justes sur la grâce avant d’être fermement établis sur le grand fondement qu’elle pose — le don que Dieu nous a fait de Jésus. Aucun raisonnement de notre cœur ne peut jamais s’élever jusqu’à la grâce de Dieu, parce que, pour être telle, elle doit découler directement et librement de Dieu. Si j’avais, au moindre degré possible, le droit d’attendre quelque chose de Dieu, ce ne serait plus la pure et libre grâce ; ce ne serait et ne pourrait être « la grâce de Dieu ».

Mais, même après que nous avons « goûté que le Seigneur est bon », il est tout à fait naturel que nos pensées se mettent à travailler dès que nous quittons la présence de Dieu ; et alors, que nous soyons occupés de nos péchés, de nos bénédictions, ou de toute autre chose, nous perdons le sentiment de la grâce et ne pouvons plus nous appuyer sur elle.

Le fait que nous ne restons pas dans la présence de Dieu, est la source de toute notre faiblesse comme chrétiens, car par Sa force nous pouvons toutes choses : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? ». Le sentiment réel de Sa présence nous rend « plus que vainqueurs ». Que nos pensées aient trait à nous-mêmes ou aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, tout devient alors facile. Mais c’est seulement en étant en communion avec Lui, que nous sommes ainsi capables de mesurer toutes choses selon la grâce.

Pensons-nous à nous-mêmes ? Quand, dans la présence de Dieu, nous nous reposons sur Sa grâce, rien ne peut nous troubler. « Qui intentera accusation contre des élus de Dieu ? » — « Qui est celui qui condamne ? » — « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? ». Mais, dès que nous sortons de la présence de Dieu, nous ne pouvons plus nous reposer sur Sa grâce comme lorsque nous sommes en communion avec Lui.

Nos pensées s’arrêtent-elles sur l’état de choses qui nous entoure ? Nous pouvons bien être attristés en voyant le mal, la misère et la ruine existant partout. Jésus Lui-même « frémit en son esprit et se troubla ». Mais il est impossible, lorsque nous demeurons dans le sentiment de la présence de Dieu, que quoi que ce soit nous ébranle, non, pas même la condition de l’Église, car nous comptons sur Dieu, et alors toutes ces choses ne sont que la sphère et la scène où se déploie et agit Sa grâce.

Le cœur naturel ne compte jamais sur la grâce de Dieu. Il peut prétendre s’appuyer sur la miséricorde d’un Dieu qui passerait par-dessus le péché ; mais c’est seulement en s’imaginant, ou que Dieu est indifférent au mal (Lui attribuant ainsi Sa propre et faible estimation du péché), ou qu’Il n’a pas le droit de le juger. La grâce apparaît, à l’âme qui la comprend, étant tout l’opposé de ces pensées du cœur naturel. L’âme voit cette grâce fondée sur un sentiment juste de l’énormité du péché aux yeux de Dieu. Et lorsque nous avons appris dans notre faible mesure à estimer le péché comme Dieu l’estime, nous sommes remplis d’étonnement devant cette grâce de Dieu, qui peut l’effacer entièrement, et qui a porté Dieu à donner Son propre Fils et à Le livrer à la mort pour ôter le péché. Ce que l’homme naturel entend par miséricorde n’est pas Dieu effaçant le péché par le sang de Jésus ; mais c’est Dieu passant avec indifférence par-dessus le péché. Or cela n’est pas la grâce.

Lorsque la conscience est réveillée et que surgissent des pensées de responsabilité sans que la grâce soit comprise, l’âme cherche tout d’abord à se placer sous la loi ; il ne peut en être autrement. L’homme naturel lui-même agit souvent ainsi. Il ne connaît pas d’autre moyen que l’obéissance à la loi pour se rendre agréable à Dieu, et ignorant comme il l’est de Dieu et de lui-même, il pense pouvoir arriver à cette obéissance.

Mais la vraie source de notre force, comme chrétiens, consiste à avoir des pensées très simples sur ce qu’est la grâce. Demeurer dans le sentiment de la grâce en la présence de Dieu, est tout le secret de la sainteté, de la paix et du repos de cœur.

Deux choses peuvent faire obstacle à la paix de notre âme, et, comme elles sont souvent confondues et mêlées ensemble, il en résulte une difficulté dans l’esprit des saints. C’est, en premier lieu, une conscience troublée à l’égard de notre acceptation et de notre salut ; et secondement, ces soupirs « en nous-mêmes » dont l’apôtre Paul fait mention en Romains 8, 23, causés par la vue des maux qui nous entourent et qui nous affligent et nous éprouvent.

Ces deux choses sont tout à fait distinctes. Le trouble et les exercices de cœur par lesquels les saints peuvent avoir à passer et passent en effet en traversant le monde, à cause de ce qu’ils rencontrent, diffèrent entièrement du trouble de la conscience relativement au pardon des péchés. Dans ce dernier cas, l’amour n’est pas en exercice envers les autres ; on s’occupe de soi, et il ne peut en être autrement. Mais lorsque le trouble a pour cause l’état de choses qui nous entoure, c’est le contraire qui a lieu. Combien a été grand le fardeau qui pesait sur l’âme du Seigneur Jésus, lorsqu’Il traversait ce monde ! Mais l’amour en était la cause, ainsi que le sentiment parfait de ce qu’était la grâce de Dieu.

Lorsque la grâce est pleinement connue, c’est-à-dire reçue avec simplicité ; lorsque nous nous reposons sur Dieu, sachant qu’Il est pour nous et qu’Il est amour, nous saurons toujours faire la différence entre ces deux causes de trouble. Mais si nous ne comprenons pas ce qu’est la grâce, nous serons tout de suite portés à les confondre.

S’il y a dans notre conscience quelque incertitude quant à notre acceptation devant Dieu, nous pouvons être sûrs que nous ne sommes pas entièrement établis dans la grâce. Il est vrai que chez quelqu’un qui est bien fondé en elle, il peut y avoir un sentiment du péché ; mais c’est une chose très différente de celle d’avoir une conscience troublée quant à l’acceptation.

Le manque de paix peut avoir deux caractères — l’incertitude quant au salut provenant de ce qu’on n’a jamais été amené à se confier entièrement en la grâce ; ou bien l’agitation du cœur qui, sans douter du salut, a perdu par négligence le sentiment de la grâce, chose qui arrive si aisément. La « grâce de Dieu » est si illimitée, si pleine, si parfaite, que si nous sortons un seul moment de la présence du Seigneur, nous ne pouvons plus avoir vraiment conscience de cette grâce, nous n’avons plus la force de la saisir ; et si nous cherchons à la connaître en dehors de Sa présence, nous ne réussissons qu’à la tourner en licence.

Si nous considérons le simple fait de ce qu’est la grâce, nous voyons qu’elle n’a ni bornes, ni limites. Quelque mauvais que nous soyons (et pouvons-nous être pires que nous ne sommes ?) malgré tout, ce que Dieu est pour nous, c’est amour, et cela en justice par Christ ! Notre paix ne dépend pas de ce que nous sommes pour Dieu, mais de ce qu’Il est pour nous, et c’est là la grâce. Notre joie présente dépend en revanche, comme règle, de ce que nous sommes pour Dieu.

La grâce suppose tout le péché et tout le mal qui est en nous, mais elle est la précieuse révélation du fait que, par Jésus, tout ce péché et ce mal ont été ôtés. Un seul péché est plus horrible aux yeux de Dieu que ne le sont pour nous mille péchés, et même tous les péchés du monde entier ; et néanmoins, avec la plus parfaite connaissance de ce que nous sommes, il plaît à Dieu de n’être envers nous qu’une seule chose : amour ! Il est inutile de considérer le plus ou moins d’étendue du mal ; quelqu’un peut être, humainement parlant, un grand ou un petit pécheur ; là n’est pas du tout la question. La grâce se rapporte à ce que Dieu est et non à ce que nous sommes, si ce n’est que la grandeur de nos péchés magnifie d’autant plus l’étendue de la grâce de Dieu. En même temps, il faut nous rappeler que le but et l’effet nécessaire de la grâce sont de nous introduire dans la communion de Dieu, de nous sanctifier en amenant notre âme à connaître Dieu et à L’aimer ; de là vient que la connaissance de la grâce est la vraie source de la sanctification.

Si donc la grâce consiste en ce que Dieu est envers moi, et que je n’aie plus rien du tout à faire avec ce que je suis, il est évident que je ne suis plus d’une manière consciente dans la grâce, du moment que je pense à moi comme si Dieu voulait me juger à cause de mes péchés.

Ces pensées sont naturelles au cœur de l’homme et c’est aussi l’un des effets produits dans une âme réveillée, car dans cet état, la conscience commence immédiatement à raisonner sur ce que Dieu pense d’elle ; mais cela n’est pas la grâce. L’âme qui se replie sur elle-même pour savoir quel jugement Dieu porte sur elle et quelles doivent être Ses voies envers elle, ne se repose pas sur ce que Dieu est ; elle n’est pas dans la grâce.

J’ai dit qu’il y a deux choses tout à fait distinctes, et qui, cependant, sont souvent confondues dans l’esprit des saints : une mauvaise conscience et les « soupirs » de l’homme spirituel, causés par la vue du mal qui l’entoure. Dès que nous perdons un peu le sentiment de la grâce, nous sommes en danger de confondre ces choses. Supposons, par exemple, que, comme chrétien, je sente le poids terrible du mal qui est autour de moi et que j’en soupire ; bientôt (à moins que je ne sois sur mes gardes) il s’y mêlera du trouble de conscience ; je perdrai le sentiment de l’amour de Dieu et me placerai sous la loi. Cependant un chrétien peut soupirer ainsi, sans perdre du tout la conscience de l’amour de Dieu ; au contraire, il soupirera par cette raison même qu’il en a le sentiment.

Lorsque le Seigneur Jésus « frémit en son esprit » et pleura au tombeau de Lazare, le profond sentiment qu’Il avait de la douleur et de la misère apportées par le péché dans le monde, n’affectait en rien celui de l’amour de Son Père. « Père, disait-il, je te rends grâces de ce que tu m’as entendu. Or moi je savais que tu m’entends toujours ». Un chrétien peut être affligé de la même manière, mais il ne doit pas, à cause de cela, oublier que Dieu est amour et perdre le sentiment de Sa grâce.

L’amour pour les autres, joint à une perception spirituelle du mal, sera pour nous une source de très grande tristesse. Jésus éprouvait cela bien plus vivement que nous ne le pourrons jamais faire, parce que la puissance d’amour dans Son cœur Le rendait d’autant plus sensible au terrible poids du mal qui accablait les cœurs des autres. Il sentait les misères qui L’entouraient en proportion de la connaissance qu’Il avait de la félicité qui se trouve dans la présence du Père et dans Son amour.

Dans Romains 8, il est parlé de souffrances et de soupirs. Paul soupirait en lui-même, parce qu’il avait conscience de son incapacité, parce qu’il sentait la détresse, les épreuves, etc. ; mais cela ne soulevait jamais en lui de doutes quant à la certitude de la grâce de Dieu, au contraire. Plus nous aurons la conscience que « l’Esprit habite en nous », plus nous « soupirerons ». Plus nous serons assurés de la bénédiction, plus nous réaliserons la grâce, plus nous connaîtrons l’amour de Dieu et ses effets, et plus aussi nous soupirerons à la vue de ce qui nous entoure ; mais non comme si ces choses voilaient du plus léger nuage la faveur divine.

Il est dit de Paul qu’il soupirait en esprit, et pourquoi soupirait-il ? C’est qu’il réalisait le résultat de la « faveur dans laquelle il était ». Ayant conscience, par la puissance de la foi, des bénédictions qui lui appartenaient, il soupirait en lui-même après elles ; mais jamais comme s’il y avait dans son cœur le plus léger doute quant à son salut. Délivré de toute incertitude relativement à la plénitude et à la gratuité de la faveur divine envers lui, et en ayant la conscience, il soupire en lui-même, « attendant l’adoption, la délivrance de son corps ».

La fin du chapitre 7 décrit un soupir d’une tout autre sorte, quoiqu’il soit souvent confondu avec le précédent, comme je l’ai déjà fait remarquer. Cela provient de ce que, le péché demeurant toujours en nous, c’est-à-dire en notre chair, ceux qui ne sont pas réellement établis dans la grâce ne peuvent discerner la différence entre ces deux causes de tristesse.

Ce chapitre 7 est rempli de ce que l’on appelle des expériences, non pas les expériences chrétiennes proprement dites, mais les pensées d’une âme qui se replie sur elle-même. L’état décrit est celui d’un homme qui a la vie, mais dont tous les raisonnements se concentrent sur lui-même. Je ne me hasarderai pas à dire combien de fois nous trouvons les mots je et moi dans ce passage. Il en est plein d’un bout à l’autre.

Remarquez la différence d’expression dans le verset 14 : « Nous savons que la loi est spirituelle » — tous les chrétiens savent cela ; mais plus loin, est-ce que l’apôtre dit : « Nous savons que nous sommes charnels, vendus au péché » ? Non, mais « moi je suis charnel, vendu au péché » ! Il revient immédiatement au moi et au jugement qu’il avait porté sur lui-même d’après sa propre expérience, comme placé sous la loi, bien qu’étant vivifié. Il commence alors à raisonner sur ce qu’il est devant Dieu, et non sur ce que Dieu est pour lui ; aussi doit-il s’écrier : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? ».

Il en est ainsi pour nous. Dès que nous commençons à raisonner sur nous-mêmes, nous ne pouvons que dire : « Misérable homme que je suis ! ». Que dois-je faire ? Je hais le péché ; je désire plaire à Dieu ; je confesse que la loi est bonne ; mais plus je vois cela, plus il en va mal pour moi, plus je suis misérable !

Y a-t-il un mot de la grâce dans tout ceci ? Pas un seul. Lorsqu’à la fin, il introduit Christ, il peut alors remercier Dieu : « Je rends grâces à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ».

Ce chapitre renferme une grande somme de vérité quant à l’expérience de l’individu, qu’il suppose être dans l’état mentionné ; mais c’est la vérité à part de la grâce — à part du simple fait que quel que soit son état, si mauvais qu’il puisse être, « Dieu est amour » et uniquement amour envers lui. Au lieu de regarder à Dieu, il dit toujours je, je ; moi, moi. Dans le verset 15, il parle six fois de lui-même et de ses pensées ; et bien que plusieurs de celles-ci soient spirituelles, c’est néanmoins : « Ce que je hais, je le pratique ». « Pour moi qui veux pratiquer le bien, le mal est avec moi ».

Ces expériences peuvent être très profitables pour porter en nous la conviction que notre état est absolument désespéré. Mais laissons-les à leur vraie place, et souvenons-nous que ce n’est pas là, à proprement parler, l’expérience chrétienne, mais la description des sentiments d’une âme qui n’a pas encore pleinement et expérimentalement connu le simple fait que « Christ, alors que nous étions encore sans force, au temps convenable, est mort pour des impies ».

La foi, ou plus exactement l’esprit du nouvel homme, produit dans le cœur plusieurs effets qui répondent toujours à l’objet dont il s’occupe. Si, par exemple, il regarde à la loi, il en verra la spiritualité bien plus clairement que ne pourrait le faire l’homme naturel. Mais alors, voyant aussi la chair dans toute sa réelle corruption, si l’on ne regarde pas plus loin, mais que l’on se juge soi-même selon cette spiritualité de la loi, l’effet produit sera de nous placer (quant à nos sentiments, j’entends) sous la condamnation de la loi, avec la conscience de notre culpabilité et de notre faiblesse. Nous détesterons le mal et chercherons à nous en séparer, mais ce sera tout. Nous serons laissés avec le cri : « Misérable homme que je suis ! ». Plus la lumière sera grande et plus grande sera la misère.

Mais si la foi regarde à Dieu comme Il s’est révélé en grâce, elle jugera les choses selon cette grâce. Elle ne raisonnera alors jamais sur le fruit produit ; elle se reposera dans la grâce, dans la révélation que Dieu a donnée de Lui-même. Il va sans dire que l’on doit s’attendre à trouver des fruits de la grâce ; car, s’il y a de la vie en nous, le « fruit de l’Esprit » sera manifesté. Le chrétien sait, par exemple, que la paix a été faite par le sang de la croix ; l’amour découlera de cette connaissance. Il sent qu’il est appelé à apporter la bénédiction, aussi ses pieds seront-ils chaussés de la préparation de l’évangile de paix. S’abreuvant dans son âme aux sources de l’amour de Dieu, il devient lui-même un fleuve d’amour coulant vers les autres (Jean 7, 38). Mais, quoique ces fruits soient produits, la foi ne raisonne jamais sur ses propres fruits ; elle se repose entièrement sur la révélation que Dieu a donnée de Lui-même, comme étant le « Dieu de grâce ». C’est la seule sphère qui lui convienne.

La tendance naturelle de notre cœur est de toujours raisonner sur lui-même, et, partant de là, sur ce que Dieu sera envers nous. Chez le chrétien, cette tendance sera toujours de juger d’après les fruits. Cela amène nécessairement le trouble au lieu de la paix. Dans la chair elle-même, nous ne pouvons voir rien d’autre que le péché ; et, quant au fruit que je pourrais avoir été rendu capable de produire, il est tellement mêlé d’imperfection qu’il ne peut être qu’un sujet de jugement. Ce n’est pas là ce qui me donnera la paix. Elle ne peut se trouver que dans l’œuvre du Sauveur, dans « la grâce qui est dans le Christ Jésus ».

Quelle est donc la position décrite dans le chapitre 7 ? En tout premier lieu, l’apôtre établit le grand principe que le croyant « est mort à la loi ». Il décrit ensuite les combats d’une âme vivifiée qui, sachant que « la loi est spirituelle », se sent encore « sous la loi » et par conséquent est forcée de s’écrier : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? ».

À qui pense-t-il en tout cela ? À lui-même. Maintenant, chers amis, laissez-moi vous demander : « L’objet de la foi, est-ce moi, ou serait-ce peut-être mon état ? ». Non, assurément non. La foi ne prend jamais pour son objet ce qui est dans mon cœur ; mais bien la révélation que Dieu a donnée de Lui-même en grâce. Si nous nous arrêtons à mi-chemin et que nous ne voyions que la loi, cette vue nous découvrira seulement notre condamnation et nous prouvera que « nous sommes sans force ». Lorsque Dieu nous a permis d’acquérir de la loi et de l’expérience décrite dans ce chapitre, une connaissance suffisante pour nous convaincre de notre véritable état, c’est là justement que la grâce nous rencontre.

Ce n’est pas que le combat, dont il est parlé ici, doive cesser. Les inconvertis seuls l’ignorent. Mais ce qui ne continue pas, lorsque la grâce est pleinement connue, c’est cette douleur amère de cœur, qu’éprouve durant la lutte l’homme qui se juge, voyant que « la loi est spirituelle », mais que lui est « charnel, vendu au péché ». Il ne réalise pas l’amour de Dieu comme étant pour lui, aussi doit-il s’écrier : « Misérable homme que je suis ! ».

Il est bien clair que, tant que dure cette expérience, la simple foi dans la grâce de Dieu n’existe pas ; il n’y a pas non plus une vue claire de ce que Dieu est pour moi en Christ, car lorsque l’âme a compris ce que Dieu est pour elle, lorsque les facultés du nouvel homme sont tournées vers leur véritable objet, il y a un repos parfait. Et, bien que le combat dure encore, cependant l’âme est en paix. La lutte n’est plus nôtre, mais du Seigneur.

Mais comment puis-je savoir quelle est la pensée de Dieu à mon égard ? Est-ce en la jugeant d’après ce que je trouve en moi ? Certainement, non. Même en supposant que je trouve quelque bien en moi, si je m’attendais à ce que Dieu regarde à moi à cause de ce bien, serait-ce la grâce ? Il peut y avoir une mesure de vérité dans ce genre de raisonnement ; car s’il y a de la vie dans mon âme, le fruit en sera apparent. Mais cela ne me donne pas plus la paix, que le mal qui est en moi ne m’empêche de la posséder. Lorsque l’apôtre dit : « La loi est spirituelle ; mais moi, je suis charnel ». « Misérable homme que je suis » — le raisonnement est juste. Mais où trouver un mot de la grâce en tout cela ?

La certitude de la grâce nous préserve-t-elle donc de trouble ? Non ; je ne nie pas du tout le fait que, tant que nous sommes dans un corps de péché, il y ait et il doive y avoir toujours une lutte entre la chair et l’Esprit. Mais il est bien différent d’avoir à soutenir cette lutte avec la certitude consciente que Dieu est pour moi, parce que je suis « sous la grâce » ; ou de la soutenir dans la crainte qu’Il ne soit contre moi, parce que je suis « sous la loi ».

Si je pense que Dieu est contre moi, à cause du mal que je vois dans mon cœur (et tant que je serai ici-bas j’en verrai la racine, même si les fruits n’en sont pas manifestés), je serai sans force pour le combat. Bien plus, je serai entièrement découragé et je gémirai, doutant de mon acceptation. Mais si je suis certain que Dieu est pour moi, la conscience que j’en aurai me donnera du courage et me fera remporter la victoire ; je pourrai même m’écrier : « Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon cœur ; éprouve-moi, et connais mes pensées. Et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle ». Dans la confiance que j’ai en l’amour et la grâce de Dieu, je puis Lui demander de sonder tout le mal qui est en moi, ce qu’autrement je n’oserais pas faire, de peur d’être accablé par le désespoir. Dieu est mon ami ; Il est pour moi, contre le mal qui habite en moi.

L’apôtre dit, au chapitre 8, que « la pensée de la chair est inimitié contre Dieu ». Mais Dieu dans le don qu’Il a fait de Jésus, a révélé cette précieuse vérité, que lorsque l’homme était inimitié contre Dieu, Dieu était amour envers l’homme. Son amour est venu au-devant de notre inimitié. Le triomphe de la grâce se voit en ceci, que lorsque l’inimitié de l’homme eut chassé Jésus de la terre, l’amour de Dieu a accompli le salut par cet acte même. Il est venu expier les péchés de ceux qui Le rejetaient. En présence du déploiement le plus complet du péché de l’homme, la foi contemple le dévouement le plus parfait de la grâce de Dieu. Où la foi voit-elle la profondeur la plus noire du péché de l’homme et de sa haine contre Dieu ? À la croix. Et du même coup d’œil, elle peut embrasser l’étendue merveilleuse du triomphe de l’amour de Dieu et de Sa miséricorde envers l’homme. La lance du soldat qui perça le côté de Jésus, ne fit que manifester ce qui exprimait l’amour et la miséricorde.

L’apôtre ensuite va plus loin ; il montre que ceux qui autrefois étaient ennemis de Dieu sont maintenant devenus Ses héritiers, et que la connaissance de ce fait est fondée sur celle qu’ils ont de la grâce : « Car vous n’avez pas reçu un esprit de servitude pour être derechef dans la crainte, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! ». La grâce commence par nous faire « enfants de Dieu » ; ensuite, elle nous donne la connaissance de cette relation et celle que nous sommes « héritiers de Dieu ».

Mais quelle est l’étendue de cette grâce envers nous ? Elle nous a donné la part que le Seigneur Jésus possède. Nous sommes « héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ ». Il est certain, non seulement que la grâce nous a visités, nous a trouvés, quand nous étions « dans nos péchés », mais aussi qu’elle nous a placés là où est Christ, nous identifiant avec le Seigneur Jésus en tout, sauf dans la gloire essentielle qu’Il possède comme étant Dieu. L’âme est ainsi placée dans la conscience de l’amour parfait de Dieu, et c’est pourquoi, comme il est dit au chapitre 5, « nous nous glorifions en Dieu ».

Je me suis écarté de la grâce, si j’éprouve le plus léger doute ou la moindre hésitation touchant l’amour de Dieu. Dans ce cas, je dirai : « Je suis malheureux, parce que je ne suis pas ce que je voudrais être ». Mais, chers amis, là n’est pas la question. La vraie question est : Dieu est-Il ce que nous voudrions qu’Il soit ? Jésus est-Il tout ce que nous pouvons désirer ? Si la conscience de ce que nous sommes, de ce que nous trouvons en nous-mêmes, a un autre effet, tout en nous humiliant, que celui d’accroître nos sentiments d’adoration pour ce que Dieu est, nous sommes sortis du terrain de la pure grâce. La conscience de ce que nous sommes doit sûrement avoir pour effet de nous humilier, mais aussi elle doit faire déborder nos cœurs envers Dieu et envers Sa grâce, qui abonde au-dessus de tout.

Mais, si la grâce donne ainsi une paix parfaite à nos âmes, elle ne nous garantit pas de l’affliction et de la tristesse. Le Seigneur Jésus Lui-même, lorsqu’Il était ici-bas, entrait si parfaitement dans la douleur et les peines de ceux qui L’entouraient, qu’Il est nommé « un homme de douleur, et sachant ce que c’est que la langueur ». Ainsi dans sa mesure, le chrétien doit aussi sentir le poids du mal qui est dans ce monde et devenir lui aussi un homme de douleurs. Dans la proportion où nous demeurerons dans la grâce, nous sentirons le poids du mal qui nous environne, et nous soupirerons en sympathie avec une création qui soupire et est en travail. Et non seulement cela, mais étant nous-mêmes dans le corps, « nous soupirerons en nous-mêmes, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps ».

Mais y a-t-il dans ce soupir quelque incertitude quant à notre salut ? Non, tout au contraire ; c’est la certitude même que « toutes choses sont à nous » qui nous fait soupirer. Nous avons la certitude et l’avant-goût de la gloire, et tout ici-bas nous est d’autant plus douloureux par contraste. La part future du chrétien est si différente de tout ce qui l’entoure maintenant, que plus il connaît la joie de demeurer dans la présence de Dieu, mieux il comprend l’amour et la grâce de Dieu, plus il réalise la félicité inhérente à cette gloire à laquelle il est prédestiné, et plus aussi il soupire.

Quelle différence d’avec le soupir d’une conscience mal à l’aise ! Ne nous méprenons pas, chers amis ; ne confondons pas ce soupir d’un homme parfaitement délivré de la condamnation (chap. 8), et le soupir d’une conscience troublée qui s’écrie : « Misérable homme que je suis ! » (chap. 7).

La négligence dans la marche, dont la conséquence est toujours la perte du sentiment de la grâce, peut ramener la détresse d’âme chez celui qui auparavant se tenait d’une manière consciente dans la puissance de la rédemption. Mais jamais il ne doutera de son salut, s’il a vraiment connu la rédemption. Le seul cas où l’assurance du salut puisse se perdre est si on laisse tomber le bouclier de la foi et si alors les dards enflammés du méchant nous atteignent, c’est presque le désespoir ; douter et chercher est un tout autre état. Quand le cœur est rempli des riches bénédictions de Christ, il ne revient pas en arrière pour se repaître de lui-même.

Notre privilège comme chrétiens est de savoir qu’il n’y a « maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus », et que « la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, nous a affranchis de la loi du péché et de la mort ». Mais il ne faut pas en rester là. Nous devons aller en avant et apprendre ce que nous sommes comme « fils de Dieu », les « héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ », l’Esprit nous en rendant témoignage. Dieu nous a « liés à Christ », nous a oints, « nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs ». Sachant ainsi pleinement que Dieu a pensé à nous en amour, qu’Il nous a prédestinés à être conformes à l’image de Jésus et à partager Sa gloire, comprenant comment se manifeste maintenant Son amour dans Ses voies envers nous, n’étant pas encore dans la gloire mais dans le corps et, au milieu du mal et des soupirs qui nous entourent, « nous soupirons ». « Nous-mêmes aussi qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi, nous soupirons en nous-mêmes, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps ». Nous soupirons précisément, parce que nous avons « les prémices de l’Esprit », et nullement parce que nous avons une mauvaise conscience. C’est l’Esprit de Christ qui soupire en nous.

Ce soupir-là est toujours accompagné de la confiance en Dieu. Jésus, lorsqu’Il « frémit en son esprit et se troubla », au tombeau de Lazare, dit : « Je savais que tu m’entends toujours » ; il est donné aux saints d’avoir la même confiance (voyez 1 Jean 5, 14, 15). Et cette confiance ne devrait pas nous faire défaut, même lorsque « nous ne savons pas ce qu’il faut demander comme il convient », car nous lisons plus loin : « Mais nous savons que toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu ». Il se peut que je voie du mal en moi-même, dans un autre saint, ou dans l’Église, et que j’en fasse un sujet de prières, sans avoir cependant l’intelligence nécessaire pour savoir quel remède y apporter ; l’Esprit alors « me sera en aide dans mon infirmité » et soupirera en moi. Dieu ne regarde pas à mon ignorance ; Il me répond selon « la pensée de l’Esprit », qui toujours « intercède pour les saints selon Dieu ».

Je devrais être si assuré du fait que Dieu dirige toutes choses, que je puisse dire : Je suis certain que « toutes choses travailleront ensemble pour mon bien ». Lorsqu’une âme est dans cet état, il peut survenir tout ce que l’on voudra, troubles, chagrins, désappointements, peines, ou quoi que ce soit — tout est paix en elle, car elle se repose sur Dieu et ne regarde pas à elle-même, comme au chapitre 7.

Notre douleur elle-même découle alors de la connaissance de l’amour immense de Dieu et de la conscience que nous avons de tout ce qui nous appartient en Christ. Jésus connaissait pleinement et mieux que personne ce qu’étaient la présence de Dieu et la jouissance de Sa faveur, et Il soupirait, parce que, venant de cette présence, Il trouvait l’homme en dehors d’elle. La vie que je possède maintenant m’identifie, non avec la responsabilité comme étant « sous la loi », mais avec Christ qui a subi à ma place le jugement. Au lieu d’être malheureux et misérable, en me considérant comme étant sous la loi, je jouis en ayant conscience de la rédemption accomplie, je me repose dans la grâce, et « je me glorifie dans l’espérance de la gloire de Dieu ». Mais du moment que nous avons saisi, ne fût-ce qu’une lueur de la gloire de Christ comme étant nôtre, ce monde devient pour nous une scène de misère et d’esclavage.

Ce « soupir » à cause du mal s’associe toujours avec l’amour. Si, par exemple, je vois un saint commettre un péché, cela me conduit tout de suite vers l’amour et la grâce contre lesquels il a péché. C’est la conscience que j’ai de la faveur divine envers ce saint, qui me rend anxieux à son sujet ; et tandis que je suis affligé de son péché, j’ai de la joie en Dieu au milieu de ma douleur.

Eh bien, chers amis, s’il en est ainsi, si telle est la place où la grâce nous a mis, laissez-moi vous demander : « En est-il ainsi pour vous ? ». Si Dieu est pur amour et rien qu’amour pour nous, s’il ne peut y avoir en Lui de sentiments mélangés, et si, de votre côté, vous n’avez pas une joie parfaite, s’il y a quelque hésitation dans vos âmes quant à votre position devant Lui, c’est que vous ne vous reposez pas simplement dans Sa grâce.

Y a-t-il du doute ou de la détresse dans vos cœurs ? Voyez si cela ne vient pas de ce que vous dites encore « je et moi », et qu’ainsi vous perdez de vue la grâce de Dieu.

Vous pouvez avoir la foi, sans doute, mais vous manquez de simplicité de cœur en regardant à la grâce de Dieu.

Il vaut mieux penser à ce que Dieu est qu’à ce que nous sommes. Au fond, cette occupation de nous-mêmes n’est que de l’orgueil ; elle prouve que nous n’avons pas pleinement conscience qu’il n’y a aucun bien en nous. Tant que nous n’aurons pas appris cela, nous ne cesserons jamais complètement de regarder à nous pour regarder uniquement à Dieu. Quelquefois, peut-être la vue du mal qui est en nous pourra servir en partie à nous l’enseigner ; mais même alors, ce n’est pas tout ce qu’il faut. C’est notre privilège de nous oublier nous-mêmes en regardant à Christ. La vraie humilité ne consiste pas tant à penser mal de nous-mêmes, qu’à ne pas penser du tout à nous-mêmes. Je suis trop mauvais pour qu’il vaille la peine que je pense à moi ; ce que je désire, c’est de m’oublier moi-même et de regarder à Dieu qui, Lui, est digne de toutes mes pensées. Est-il nécessaire alors de chercher à nous humilier au sujet de nous-mêmes ? Nous pouvons être tout à fait sûrs que cet effet se produira de lui-même.

Bien-aimés, si nous pouvons dire comme au chapitre 7 : « En moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien, nous nous sommes arrêtés bien assez longtemps sur nous-mêmes. Occupons-nous plutôt de Celui qui eut à notre égard « des pensées de paix et non de mal », longtemps avant que nous ayons pensé le moins du monde à nous-mêmes. Cherchons quelles sont Ses pensées de grâce envers nous et répétons les paroles de la foi : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? ».