Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 61

De mipe
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Lough-Bray, septembre 1834
Ma bien chère amie,

Ce n’est pas un manque d’affection qui m’a empêchée pendant longtemps de vous écrire, mais mon Père, à la volonté duquel je désire de me conformer, ne m’a pas dit de le faire jusqu’à maintenant, et vous ne voudriez pas que je le fisse autrement que comme de Sa part. Mon Dieu, accorde-moi tes paroles et tes pensées, afin que ces lignes puissent nous être à l’une et à l’autre en bénédiction. J’éprouve une vive sollicitude à l’égard de nos chers jeunes amis, et je sens combien il est bon qu’il nous faille passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu. Ils ont le malheur d’avoir des parents et des amis dont le christianisme est tel, qu’ils ne peuvent eux-mêmes en faire une profession suffisamment claire. Combien notre conduite est différente de ce que nous voudrions leur présenter comme l’appel du chrétien ! Autant sommes-nous dans notre vie au-dessous de nos principes, autant pouvons-nous craindre que dans quelques années leur christianisme ne soit au-dessous du nôtre. Il faut que nous prenions notre parti de diminuer, afin que le Seigneur devienne de plus en plus « le tout ». Souvent nous pensons que, pour leur propre bien et pour la gloire de Dieu, il faut que nous entrions dans leurs pensées relativement à l’évangile ; mais lorsque nous sommes désappointés à cet égard, nous voyons bien qu’il y avait en nous un secret désir d’obtenir pour nous-mêmes le culte qui n’appartient qu’à Dieu seul. J’aimerais pouvoir consentir volontairement à ce qu’ils fussent capables de discerner ce qui est de la nature et ce qui est de la grâce en moi, afin que mes inconséquences ne portassent aucune atteinte à la gloire de Jésus ; je voudrais aussi, maintenant qu’ils sont en âge de raison et que le Seigneur les a pris à Lui, pouvoir abandonner mon autorité et ma trop grande sollicitude à leur égard, et leur prouver ainsi que ce n’est pas pour moi, mais pour Lui, que j’ai veillé sur eux. Combien il est nous est difficile de ne vivre que pour Lui, particulièrement dans notre service à l’égard de ceux que nous appelons les nôtres ! Nous voulons bien nous intéresser à l’œuvre du Seigneur, mais c’est plus à cause des jouissances que nous y trouvons, qu’en vue de Sa gloire. Toujours, toujours le moi ; il nous faudrait un cœur assez vaste pour embrasser l’univers, et en même temps assez rétréci pour pouvoir concentrer sur chaque cas particulier toutes ses forces et toutes ses sympathies.

Vous pensez peut-être que j’ai beaucoup de loisir ici, mais c’est tout le contraire ; jamais dans ma vie je n’ai eu aussi peu de moments à consacrer à la communion avec Dieu ; vous savez que toute position nouvelle amène avec elle de nouveaux devoirs et de nouvelles épreuves. Cependant je n’ai pas regretté un seul instant la décision que j’ai prise, et je puis dire que dans chaque changement je trouve de nouvelles miséricordes que je n’avais point encore aperçues. Dans la position que j’occupais précédemment, j’avais de grandes épreuves et de grandes tentations qui nécessitaient de grands secours de la grâce ; mon œuvre, qui m’était donnée plus directement de Dieu, était plus spirituelle et moins à la portée des petits renards qui gâtent les vignes ; mes rapports avec les hommes étaient moins fréquents, mais plus spirituels. Je sens qu’alors il n’y avait en moi qu’une esquisse de l’image de Christ, et que maintenant Il voudrait compléter cette esquisse avec les grâces de Son Esprit, dont je suis encore bien dépourvue. Béni soit Son nom de ce qu’Il me place dans des circonstances si propres à les développer ! Il a vu que je désirais devenir petite, et Il me rendra telle, car Son œuvre particulière consiste à humilier. Nous n’avons pas besoin pour entretenir notre communion avec Lui de plus de temps qu’Il ne nous en accorde ; Il peut nous instruire au milieu des œuvres les plus serviles et des circonstances les plus ordinaires, aussi bien que par Sa Parole, si nous avons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des cœurs pour sentir. Ce n’est pas Sa Parole qui est le guide et le docteur du cœur, c’est Sa bénédiction, et notre bonheur n’est pas en raison de notre mesure de connaissance, il est bien plutôt en raison de notre mesure de soumission. Vivre en Sa présence « dans les lieux célestes », est d’une grande importance ; mais trouver Sa présence dans chacun de nos devoirs, et nous en acquitter en vivant de Lui, est une leçon plus difficile. Nous soupirons avec un cœur altéré après une communion vivante avec Dieu, comme si le temps de la retraite était toujours celui de la communion, et nous oublions que c’est en marchant avec Dieu que nous demeurons dans Sa communion et que nous reposons notre âme sur Lui. J’ai fait l’expérience que le sentiment habituel de notre faiblesse sert à nous garder plus encore que la force d’en haut ; nous faisons bien des chutes avant d’avoir ce sentiment de notre faiblesse, et cependant nous avons besoin de l’Esprit de puissance pour repousser les traits enflammés du malin. Nous aurons la victoire sur Dieu, mais c’est en luttant avec Lui. Pauvre Jacob ! ses épreuves commencèrent dès l’instant où il reçut la bénédiction. En vérité je serais la plus inexcusable de toutes les créatures si je n’étais pas reconnaissante et satisfaite.

J’espère que vous jouissez chaque jour davantage des promesses qui nous sont présentées par les expériences de Christ dans les psaumes. Il semble qu’Il nous y ouvre Son cœur rempli de tous nos besoins, afin que nous allions puiser à Sa plénitude, pressés par Ses propres expériences. Les promesses qui nous sont faites, étant déposées sur Sa tête, descendent sur le bord de Ses vêtements ; ainsi nous avons non seulement la Parole, mais aussi l’exemple de Sa propre fidélité dans toutes les circonstances dans lesquelles nous pouvons nous trouver. Le Seigneur parle en quelque sorte dans l’Église, au moyen des psaumes ; au psaume 3 par exemple, le croyant s’écrie : « Combien sont multipliés ceux qui me pressent, beaucoup de gens s’élèvent contre moi ! ». Et Jésus répond : « J’ai crié de ma voix à l’Éternel, et Il m’a répondu de la montagne de sa sainteté. Lève-toi, Éternel mon Dieu ! délivre-moi ! Certainement tu as frappé en la joue tous mes ennemis ». Si nos corps sont étendus dans un lit pour y trouver le repos, Jésus dit : « Je me suis réveillé, car l’Éternel me soutient ». Combien il est précieux pour nous de savoir qu’un milieu de tous les alléluias des cieux, nos cris et nos moindres soupirs sont entendus de la montagne de sa sainteté ! Il y avait en Jésus un mélange si merveilleux de condescendance, d’humilité et d’autorité, que le peuple était comme forcé d’aller après Lui pour L’entendre ; et tandis que les pharisiens hypocrites s’éloignaient de Lui, les aveugles et les boiteux sentaient qu’Il avait compassion d’eux, et que Sa puissance était là pour les guérir. Comment se faisait-il qu’on pût L’entendre appeler avec autorité le temple : « Sa maison » ? N’aurait-on pas pu se soulever contre cet homme pauvre et seul ? Pourquoi toute la ville fut-elle émue, quand Jésus entra dans Jérusalem ? Était-ce quelque chose de si extraordinaire que de voir un pauvre homme monté sur un âne emprunté, sans même une selle ? La sagesse de ce monde offrait alors un contraste frappant avec la sagesse d’en haut. Les principaux sacrificateurs et les scribes voyaient les choses merveilleuses que Jésus faisait, et entendaient les miraculeux hosannas des enfants, et ils en étaient indignés, tandis que les petits enfants et ceux qui étaient à la mamelle reconnaissaient le grand mystère de piété.

Quelquefois je tremble en voyant la ressemblance qu’il y a entre l’Église de maintenant et celle d’alors. La masse de ceux qui retiennent les doctrines évangéliques n’est que trop semblable aux pharisiens. À l’égard de la connaissance des Écritures ils ont beaucoup de la même sagesse ; ils sont indignés si l’on va au-delà d’une certaine mesure, ou si l’on croit autrement que les docteurs établis. Je désire que ma connaissance ne se rattache pas uniquement au travail de l’intelligence ; je demande la sagesse des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle, sagesse dont la source ne se trouve que dans les communications du Saint Esprit. Combien peu nous trouvons Dieu par nos recherches ! Son œuvre s’opère dans le cœur et non dans la tête. Lorsqu’Il nous aura abaissés, et qu’Il nous aura amenés à nous attendre tranquillement à Lui, Il nous instruira alors Lui-même. Il ne fait pas de reproches, et si une seule fois Il dit à deux de Ses disciples : « Ô gens dépourvus de sens, et tardifs de cœur à croire ! » il est dit aussitôt que, « ayant commencé par Moïse et par tous les prophètes, Il leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le concerne », jusqu’à ce que « leurs yeux furent ouverts ». C’est dans le temps convenable qu’Il nous rend participants de Sa sagesse. Nous sommes trop impatients. Lui qui nous a donné Son Fils, ne nous fera-t-Il pas connaître les vérités de Sa Parole, à mesure que nous serons en état de les recevoir ? La sagesse dont parle Jacques est la réunion d’un grand nombre de grâces, qui toutes sont en Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse pour nous. Non seulement Il ne fait pas de reproches, mais encore Il nous invite à recevoir, en nous commandant de demander ; et afin que nous ne doutions nullement de Sa bonne volonté à notre égard, l’Esprit nous rappelle qu’en Celui qui nous a tant aimés il n’y a ni variation, ni ombre de changement. Demandons sans aucune hésitation, et nous recevrons ; car cette sagesse qui est en Lui pour nous, est pleine de miséricorde, et elle est sans partialité. Ce n’est que par la foi qu’on la reçoit et qu’elle peut agir. Je crois qu’il y a une immense différence entre la foi qui reçoit le salut et cette foi de tous les jours qui se porte sur les petits détails de la vie ; et cependant pour cette dernière, je crois que nous n’avons besoin que d’un œil simple et du sentiment de notre petitesse. Il nous faut beaucoup de sagesse dans ces temps difficiles. Christ a dit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Oh ! si nous pouvions être comme Lui dans ce monde mauvais ! Si nos âmes purifiées n’y contractaient plus de souillures ! Son seul but, en y séjournant, était de bénir, son seul désir était d’achever l’œuvre qui Lui avait été donnée à faire. C’était là Sa nourriture et Son breuvage, parce que c’était l’œuvre de Son Père, et Il l’accomplissait en toute hâte, afin de retourner auprès du Père. « Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais au Père ». L’œuvre doit nous être chère, parce qu’elle est l’œuvre du Père, mais elle ne peut nous être plus chère que la présence du Père. Nous devons nous acquitter de notre tâche, qui est l’œuvre de la foi, le travail de l’amour et la patience de l’espérance, comme un homme qui travaillerait par un temps de pluie. Nos mains, devenues instruments de justice, ne doivent toucher à aucune des choses souillées d’ici-bas, qui sont maudites en Satan. Sous la dispensation actuelle, nous sommes appelés, non pas à sanctifier le mal, mais à l’abandonner ; nous devons, au milieu des choses terrestres, manifester que nos vrais biens sont dans les lieux célestes. …