Traité:Expériences chrétiennes
Les voies du Seigneur envers les siens
Traduit de l’anglaisC.H. Mackintosh
1917
Préface
Les jours que nous traversons nous paraissent tout indiqués pour rendre actuelles ces pages de notre bien-aimé frère C.H.M.
Nous les publions en français, dans l’espoir qu’elles serviront à faire apprécier, dans ce temps de trouble et de calamités, les immenses ressources de grâce que Dieu a mises à la disposition de celui qui désire l’honorer en ajoutant foi aux affirmations de Sa Parole, n’oubliant pas qu’il y a des promesses spéciales pour les croyants de tous les temps (Apoc. 2 et 3).
L’éditeur
Christ dans la barque (Marc 4, 35-41)
Il y a un proverbe anglais qui dit : « Un extrême besoin chez l’homme est une opportunité pour Dieu ». Nous aimons à le répéter, car nous le croyons ; et pourtant, lorsque nous nous trouvons réduits à l’extrémité, nous sommes très souvent peu préparés à compter sur l’opportunité de Dieu. C’est une chose d’affirmer ou d’écouter une vérité, et une autre chose de réaliser la puissance de cette vérité ; une chose, en naviguant sur une mer calme, de parler de la puissance de Dieu pour nous garder dans la tempête, et une autre chose de mettre cette puissance à l’épreuve lorsque la tempête sévit autour de nous. Et cependant, Dieu est toujours le même. Dans la tempête comme dans le calme, dans la maladie comme dans la santé, dans l’épreuve comme dans la prospérité, dans la pauvreté comme dans l’abondance, « le même hier, et aujourd’hui, et éternellement » — la même précieuse vérité, à laquelle la foi peut s’attacher pour en faire usage, en tous temps et en toutes circonstances.
Mais, hélas, nous sommes incrédules ! Et cette incrédulité est la source de faiblesses et de chutes. Nous sommes perplexes et agités, lorsque nous devrions être calmes et confiants ; nous travaillons toute la nuit à jeter le filet de côté et d’autre, lorsque nous devrions demander la direction d’en haut ; nous cherchons du secours autour de nous, lorsque nous devrions regarder à Jésus. Et de cette manière, nous faisons une grande perte et nous déshonorons le Seigneur dans nos voies. Il y a, sans doute, peu de manquements pour lesquels nous avons à nous humilier plus que pour notre tendance à manquer de confiance dans le Seigneur quand les difficultés et les épreuves se présentent ; et certainement nous affligeons le cœur de Jésus en manquant de confiance en Lui, car la méfiance blesse toujours un cœur qui aime. Considérez, regardez par exemple, la scène entre Joseph et ses frères, en Genèse 50 : « Et les frères de Joseph virent que leur père était mort, et ils dirent : Peut-être Joseph nous haïra-t-il, et ne manquera-t-il pas de nous rendre tout le mal que nous lui avons fait. Et ils mandèrent à Joseph, disant : Ton père a commandé, avant sa mort, disant : Vous direz ainsi à Joseph : Pardonne, je te prie, la transgression de tes frères, et leur péché ; car ils t’ont fait du mal. Et maintenant, pardonne, nous te prions, la transgression des serviteurs du Dieu de ton père. Et Joseph pleura quand ils lui parlèrent » (Gen. 50, 15-18).
C’était bien peu en retour de tout l’amour et des soins que Joseph avait témoignés à ses frères. Comment pouvaient-ils supposer que lui, que les avait si librement et si pleinement pardonnés, et qui avait sauvé leurs vies quand elles étaient entièrement en son pouvoir, voudrait, après tant d’années de bonté, tourner contre eux sa colère et sa vengeance ? C’était un tort grave, et il n’y a pas à s’étonner si « Joseph pleura quand ils lui parlèrent ». Quelle fut la réponse à leur indigne crainte et leur noir soupçon ? Un torrent de larmes ! Tel est l’amour ! « Et Joseph leur dit : Ne craignez point ; car suis-je à la place de Dieu ? Vous aviez pensé du mal contre moi ; Dieu l’a pensé en bien, pour faire comme il en est aujourd’hui, afin de conserver la vie à un grand peuple. Et maintenant, ne craignez point ; moi, je vous entretiendrai, vous et vos petits enfants. Et il les consola, et parla à leur cœur » (Gen. 50, 19-21).
Il en fut de même pour les disciples dans la circonstance qui fait le sujet de cette étude. Méditons un peu les passages.
« En ce jour-là, le soir étant venu, il leur dit : Passons à l’autre rive. Et ayant renvoyé la foule, ils le prennent dans la nacelle comme il était ; et d’autres nacelles aussi étaient avec lui. Et il se lève un grand tourbillon de vent, et les vagues se jetaient dans la nacelle, de sorte qu’elle s’emplissait déjà. Et il était, lui, à la poupe, dormant sur un oreiller ».
Nous avons ici une scène intéressante et instructive. Les pauvres disciples sont réduits à l’extrémité : ils sont à bout de ressources. Une violente tempête — la nacelle remplie d’eau — le Maître endormi. C’était vraiment un moment d’épreuve, et certainement, si nous nous considérons nous-mêmes, nous ne nous étonnerons pas de la crainte et de l’agitation des disciples. Il est bien probable que nous n’eussions pas agi autrement qu’eux si nous avions été à leur place. Néanmoins, le récit ayant été écrit pour notre enseignement, nous sommes tenus de l’étudier et de chercher à apprendre la leçon qu’il contient pour nous.
Si, en dehors de toute agitation, nous considérons les faits, rien ne nous paraît plus absurde et plus irrationnel que l’incrédulité. Dans la scène placée devant nous, l’incrédulité des disciples semble déraisonnable. En effet, était-il possible que la barque pût être submergée puisqu’elle portait le Fils de Dieu Lui-même ? Et pourtant, c’était ce qu’ils craignaient. Sans doute qu’en ce moment-là, ils ne pensaient pas qu’Il était le Fils de Dieu. Leur cœur était rempli d’effroi : les vagues menaçaient d’engloutir la frêle embarcation. Au point de vue humain, ils étaient perdus ; c’était un cas désespéré. Un cœur incrédule raisonne toujours ainsi. Il regarde aux circonstances en laissant Dieu de côté. La foi, au contraire, regarde à Dieu en considérant les circonstances à la lumière de la Parole.
Quelle différence ! La foi trouve sa jouissance dans l’extrémité de l’homme, simplement parce qu’elle est une opportunité pour Dieu. La foi se plaît à se concentrer en Dieu — à se trouver, pour ainsi dire, sur ce terrain vide de la créature, pour laisser Dieu déployer Sa gloire ; et c’est alors le moment de multiplier les « vases vides » afin que Dieu les remplisse. Telle est la foi. Nous pouvons affirmer qu’elle aurait permis aux disciples de s’endormir à côté de leur divin Maître au milieu de la tempête. C’était, d’autre part, l’incrédulité qui les tenait en émoi ; ils ne pouvaient eux-mêmes trouver du repos, et ils troublèrent effectivement le sommeil du Seigneur à cause de leurs appréhensions incrédules, lorsque, fatigué par un travail accablant, Il aurait voulu profiter de cette traversée pour se reposer quelques instants. Il savait ce qu’était la fatigue. En entrant dans nos circonstances, Il eut occasion de prendre connaissance de nos sentiments et de nos infirmités, ayant été tenté en toute chose, à part le péché.
Il a été trouvé comme un homme sous tous les rapports, et comme tel Il dormait sur un oreiller, bercé par les vagues de la mer. Les vents et les flots heurtaient la nacelle, quoique le Créateur fut à bord dans la personne de ce serviteur accablé et endormi.
Mystère profond ! Celui qui avait fait la mer, et qui pouvait tenir les vents dans Sa main puissante, dormait là, au fond de la barque, et permettait au vent de Le traiter sans plus d’égards que s’Il eût été un homme quelconque. Telle était réellement la nature humaine de notre précieux Seigneur. Il était fatigué, Il dormait, Il se laissait ballotter au sein de cette mer que Ses mains avaient faites. Ô lecteur, arrête-toi, et médite sur cette scène merveilleuse. Considère-la et penses-y. Nous ne pouvons pas nous y attarder davantage, mais nous l’admirons en adorant.
Comme nous l’avons dit, ce fut l’incrédulité qui fit sortir notre Seigneur béni de Son sommeil. « Ils le réveillèrent et lui dirent : Maître, ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Quelle question ! « Ne te mets-tu pas en peine ? ». Comme elle doit avoir blessé le cœur sensible du Seigneur ! Pouvaient-ils penser qu’Il fût indifférent à leur angoisse dans le danger ? Ils devaient avoir perdu complètement de vue Son amour, pour ne rien dire de Sa puissance, puisqu’ils osaient Lui adresser ces paroles : « Ne te mets-tu pas en peine ? ».
Et cependant, cher lecteur chrétien, n’avons-nous pas ici un miroir qui reflète notre propre misère ? Certainement. Combien souvent, dans des moments d’épreuve et de détresse, nos cœurs conçoivent, si nos lèvres ne l’expriment pas, la question : « Ne te soucies-tu pas ? ». Il se peut que nous soyons sur un lit de maladie et de souffrance ; nous savons qu’une seule parole du Dieu de toute puissance pourrait chasser le mal et nous relever ; et cependant, cette parole, Il la retient. Ou bien nous sommes dans des difficultés pécuniaires ; nous savons que l’or, l’argent et le bétail sur mille collines, appartiennent à Dieu — que les trésors mêmes de tout l’univers sont sous Sa main : — cependant, un jour succède à l’autre jour, et nos soucis ne sont pas allégés. En un mot, nous passons par des eaux profondes, d’une façon ou de l’autre ; la tempête se déchaîne, vague sur vague menace notre frêle esquif, nous sommes amenés à l’extrémité, nous sommes à bout de ressources, et nos cœurs sont prêts à s’écrier : « Ne te soucies-tu pas ? ». Hélas ! en y songeant, on se sent profondément humilié. La pensée d’attrister le cœur plein d’amour de Jésus par notre incrédulité et notre manque de confiance devrait nous remplir d’une profonde contrition.
Et encore, quelle folie, celle de l’incrédulité ! Comment peut-Il, Celui qui a donné Sa vie pour nous — qui laissa Sa gloire et descendit dans ce monde de labeur et de misère et mourut d’une mort ignominieuse pour nous délivrer d’une mort éternelle — comment peut-Il ne pas avoir soin de nous ? Nous sommes cependant prêts à douter, ou bien nous devenons impatients sous l’épreuve de notre foi, oubliant que cette épreuve même que nous appréhendons et que nous voudrions éviter est plus précieuse que celle de l’or, qui est sujet à se consumer par l’usure, tandis que l’autre demeure pour Dieu une impérissable réalité. La foi vraie, plus elle est éprouvée, plus elle devient brillante ; de là le pourquoi de l’épreuve ; plus elle est pénible, plus sûrement elle donnera louange, honneur et gloire à Celui qui, non seulement a implanté la foi dans le cœur, mais qui sait l’épurer par le feu de l’épreuve avec soin et persévérance.
Mais les pauvres disciples faillirent à l’heure de l’épreuve. La confiance leur fit défaut ; ils tirèrent leur Maître de Son sommeil par cette indigne question : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Hélas ! quelles créatures nous sommes ! Nous sommes prêts à oublier dix mille bontés en présence d’une seule difficulté. David put dire : « Maintenant, je périrai un jour par la main de Saül » ; et quelle fut l’issue pour lui ? Saül tomba sur la montagne de Guilboa, et David fut établi sur le trône d’Israël. Élie s’enfuit pour sa vie à la menace de Jézabel, et qu’arriva-t-il ? Jézabel fut jetée par la fenêtre de sa chambre et les chiens léchèrent son sang, et Élie fut enlevé par un chariot de feu et porté au ciel. Il en fut de même avec les disciples : ils pensaient qu’ils étaient perdus, tout en ayant à bord le Fils de Dieu ; et quel fut le résultat ? La tempête fut réduite au silence, la mer redevint calme au son de la voix qui, anciennement, appela les mondes à l’existence. « Et s’étant réveillé, il reprit le vent, et dit à la mer : Fais silence, tais-toi ! Et le vent tomba, et il se fit un grand calme ».
Quelle combinaison de grâce et de majesté y a-t-il ici ! Au lieu de reprocher aux disciples d’avoir troublé Son repos, Il tance les éléments qui les avaient terrifiés. Ce fut ainsi qu’Il répondit à leur question : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Maître béni ! qui ne se confierait pas en toi ? Qui ne t’adorerait pas pour ta grâce patiente et pour ton infatigable amour ?
Il y a quelque chose de parfaitement beau dans la manière dont notre précieux Seigneur se lève, sans aucun effort, du repos de Sa parfaite humanité, pour entrer dans l’activité de Sa vie divine. Comme homme, fatigué de Son travail, Il dormait sur un oreiller ; comme Dieu, Il se lève et, de Sa voix puissante, fait taire le vent impétueux et calme la mer.
Tel était Jésus — vrai Dieu et vrai homme — et tel Il est maintenant, toujours prêt à répondre au besoin des siens, à leur faire taire leurs anxiétés et éloigner leurs craintes. Oh ! puissions-nous nous confier davantage en Lui ! Nous n’avons qu’une faible idée de ce que nous perdons en ne nous appuyant pas davantage sur les bras de Jésus jour après jour. Nous sommes si facilement terrifiés. Chaque bouffée de vent, chaque vague, chaque nuage nous agite et nous déprime. Au lieu de demeurer calmes et en repos auprès de notre Seigneur, nous sommes remplis de perplexité et de terreur. Au lieu de nous servir de la tempête pour nous confier en Lui, nous en faisons une occasion pour douter de Lui. Aussitôt que le moindre trouble surgit, nous pensons que nous allons succomber, quoiqu’Il nous assure que pour Lui les cheveux même de notre tête sont comptés. Il pourrait bien nous dire comme Il disait à Ses disciples : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas de foi ? ». Il semblerait en effet que nous « n’ayons point de foi ». Mais Son tendre amour est toujours prêt à nous secourir et à nous protéger, lors même que nos cœurs incrédules sont si souvent disposés à douter de Sa parole. Il n’agit pas envers nous selon nos pauvres pensées à Son égard, mais selon Son parfait amour envers nous. C’est sur cet amour que nos âmes trouvent à s’appuyer pour être réconfortées au travers d’une mer agitée, en route vers le repos éternel. Christ est dans la barque, que cela nous suffise. Soyons calmes et comptons sur Lui ! Que nos cœurs puissent être constamment dominés par ce sentiment de repos qui découle d’une réelle confiance en Jésus ! Alors, quoique la tempête fasse rage et que la mer se soulève, nous ne serons pas poussés à dire : « Ne te mets-tu pas en peine que nous périssions ? ». Est-il possible que nous périssions avec le Maître à bord ? Pouvons-nous penser ainsi si nous avons Christ dans nos cœurs ? Que le Saint Esprit nous enseigne à faire plus librement et plus entièrement usage de Christ ! Nous en avons besoin maintenant même, et nous en aurons toujours besoin davantage. Il faut que ce soit Christ Lui-même que notre foi saisisse et en Lui seul que notre cœur trouve son bonheur. Et que cela soit à Sa gloire et pour notre paix et notre joie constantes !
Nous pouvons remarquer encore, en concluant, la manière dont les disciples furent affectés par la scène qui nous a occupés. Au lieu de manifester l’adoration qui est le résultat de la réponse à la foi, ils montrèrent la surprise de quelqu’un à qui la crainte a été reprochée. « Et ils furent saisis d’une grande peur, et ils dirent entre eux : Qui donc est celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent ? ».
Béthanie (Jean 11 et 12)
(NdE : Ce chapitre est la reprise d’un traité publié à part par ailleurs, et auquel le lecteur se reportera ; il n’est donc pas reproduit ici.)
Restauration (Gen. 35)
Les paroles : « Lève-toi, monte à Béthel », contiennent une grande vérité pratique sur laquelle nous désirons attirer l’attention du lecteur.
Quelqu’un a fait la remarque que Dieu, dans ses voies à notre égard, nous fait toujours revenir à notre premier état devant Lui. Ceci est vrai quoiqu’on ait peut-être un peu de peine à le comprendre et qu’on puisse l’attribuer au légalisme. Parler de Dieu comme confinant les siens dans certaines conditions, cela semble être opposé à la libre grâce sous laquelle nous sommes placés, et qui règne par la justice en Jésus Christ notre Seigneur. Certains chrétiens, nous le savons, ont une sorte d’horreur pour tout ce qui tient, même de loin, au système légal ; et nous pouvons sympathiser avec eux. Mais en même temps, nous devons faire attention de ne pas pousser ce sentiment au point de mépriser ce qui est de nature à agir d’une manière divine sur le cœur et la conscience du croyant. Ce qu’il nous faut, c’est une vérité pratique. Il y a au milieu de nous une grande abondance de ce qu’on peut appeler des vérités abstraites, et nous les apprécions à leur juste valeur. Nous aimons à voir la vérité exposée sous toutes ses faces. Mais nous devons néanmoins nous rappeler que la vérité est destinée à agir sur les cœurs et les consciences, et qu’il y a des cœurs et des consciences sur lesquels elle agira certainement. Nous ne devons pas nous écrier : « Légalisme ! Légalisme ! » lorsque quelque grande vérité pratique atteint notre oreille, même si cette vérité se présentait à nous sous une apparence étrange à première vue. Nous sommes appelés à « supporter la parole d’exhortation » — à appliquer diligemment nos cœurs à tout ce qui tend à la piété pratique et à la sainteté personnelle. Nous savons que les pures et précieuses doctrines de la grâce — ces doctrines qui trouvent leur centre vivant dans la personne de Christ — sont le moyen que le Saint Esprit emploie pour amener le chrétien à la sanctification ; mais nous savons aussi que ces doctrines peuvent n’être qu’une théorie et professées des lèvres seulement, tandis que le cœur n’en a jamais ressenti la puissance, et que la vie pratique n’a rien démontré de son influence éducatrice. En effet, ce cri poussé contre tout ce qui peut paraître du légalisme vient souvent de ceux qui, tout en professant des doctrines de grâce, n’en réalisent pas l’influence sanctifiante dans leur vie, tandis que ceux qui comprennent vraiment la signification de la grâce, qui connaissent sa puissance pour former et façonner, pour purifier et élever, sont toujours prêts à faire bon accueil aux appels, même les plus poignants, adressés au cœur et à la conscience.
Le lecteur sérieux a sans doute le désir de savoir ce que signifie l’expression citée plus haut : « Dieu, dans Ses voies envers nous, nous fait toujours revenir à notre premier état devant Lui ». Cela signifie que, lorsque Dieu nous appelle à une position ou à une marche spéciale, et que nous y faisons défaut, ou que, nous y étant engagés, nous nous en écartons, Il nous y rappellera à plusieurs reprises. En outre, quand nous nous engageons dans quelque sphère spéciale d’action, et que nous l’abandonnons pour nous contenter d’une règle de vie plus personnelle, Dieu nous rappelle d’où nous sommes tombés et travaille à nous ramener au point de départ. Il use de support et de patience avec nous, il est vrai, et Il agit sur le pied de la grâce à notre égard, mais « Il nous ramène à notre condition première ».
Et n’avons-nous pas à Le louer pour cela ? Certainement. Pourrions-nous nous ranger à la pensée que Dieu permette que nous méprisions Son saint appel pour errer ci et là, sans qu’Il prononce un seul mot pour nous stimuler à regagner la position perdue ? Nous ne le pensons pas. Or donc, s’Il nous parle, que nous dira-t-Il ? Il nous ramènera simplement au point d’où nous sommes partis. Il en est et il en a toujours été ainsi. Quand Pierre fut converti, près du lac de Génésareth, il abandonna tout et suivit Jésus, et les derniers mots qu’il entendit tombant des lèvres de son Seigneur ressuscité furent : « Suis-moi ». Ceci était simplement pour Pierre le moyen de le ramener aux premières choses. Le cœur de Jésus ne pouvait se contenter de moins, et celui de Son serviteur non plus. Sur le bord de ce lac de Génésareth, Pierre entreprit de suivre Jésus. Et qu’arriva-t-il ? Des années s’écoulèrent ; Pierre tomba ; après avoir renié le Seigneur, il retourna à ses bateaux et à ses filets. Et après ? Après la résurrection du Seigneur, Pierre, restauré dans son âme, comme il se trouvait aux côtés de son bien-aimé Seigneur, au lac de Tibériade, fut appelé à entendre de nouveau ces mots : « Suis-moi » — mots qui embrassent, dans leur vaste portée, tous les détails d’une vie de service et de patience dans la souffrance. En un mot, Pierre fut ramené à ce qui avait été le point de départ de sa vie chrétienne. Il fut amené à apprendre que le cœur de Jésus n’avait subi aucun changement à son égard — que l’amour de ce cœur était inaltérable ; et que, parce qu’il en était ainsi, Jésus ne pouvait tolérer aucun changement dans le cœur de Pierre — ni aucun déclin, ni l’abandon de ce qu’il avait confessé au commencement. Or nous voyons exactement la même chose dans l’histoire du patriarche Jacob. Arrêtons-nous-y quelques instants. À la fin de Genèse 28, nous avons les termes originaux de l’accord entre Dieu et Jacob. Nous le citerons en entier : « Et Jacob sortit de Beër-Shéba, et s’en alla à Charan ; et il se rencontra sur un lieu où il passa la nuit, car le soleil était couché ; et il prit des pierres du lieu, et s’en fit un chevet, et se coucha sur ce lieu-là. Et il songea ; et voici une échelle dressée sur la terre, et son sommet touchait aux cieux ; et voici les anges de Dieu montaient et descendaient sur elle. Et voici l’Éternel se tenait sur elle, et Il dit : Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac ; la terre, sur laquelle tu es couché, je te la donnerai, et à ta semence ; et ta semence sera comme la poussière de la terre ; et tu t’étendras à l’occident et à l’orient, et au nord et au midi ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta semence. Et voici, je suis avec toi ; et je garderai partout où tu iras, et je te ramènerai dans cette terre-ci, car je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie fait ce que j’ai dit ».
Nous avons donc ici la déclaration bénie de ce que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob entreprit de faire pour Jacob et sa semence — une déclaration couronnée par ces paroles mémorables : « Je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie fait ce que je t’ai dit ». Tels sont les termes par lesquels Dieu se lie à Jacob, lesquels, béni soit Son nom, ont été et seront accomplis à la lettre, même si la terre et l’enfer s’interposaient pour y mettre obstacle. La semence de Jacob possédera en entier le pays de Canaan comme un héritage éternel, car qui pourra empêcher Jéhovah Élohim, le Seigneur Dieu Tout-puissant, d’accomplir Sa promesse ? Écoutons maintenant Jacob : « Et Jacob se réveilla de son sommeil, et il dit : Certainement l’Éternel est dans ce lieu, et moi je ne le savais pas. Et il eut peur, et dit : Que ce lieu-ci est terrible ! Ce n’est autre chose que la maison de Dieu, et c’est ici la porte des cieux ! Et Jacob se leva de bon matin, et prit la pierre dont il avait fait son chevet, et la dressa en stèle, et versa de l’huile sur son sommet. Et il appela le nom de ce lieu-là Béthel… Et Jacob fit un vœu, en disant : Si Dieu est avec moi et me garde dans ce chemin où je marche, et qu’il me donne du pain à manger et un vêtement pour me vêtir, et que je retourne en paix à la maison de mon père, l’Éternel sera mon Dieu ; et cette pierre que j’ai dressée en stèle sera la maison de Dieu ; et de tout ce que tu me donneras, je t’en donnerai la dîme ».
Ainsi quant à Béthel et aux vœux qui y furent exprimés, Dieu s’engagea avec Jacob ; et même si les cieux et la terre viennent à passer, cet engagement sera maintenu dans toute son intégrité. Il se révéla à ce pauvre jeune homme dormant sur un chevet de pierre ; et plus encore, Il se lia à lui d’un lien que ni la terre, ni le ciel ne peuvent dissoudre ; qu’en fut-il de Jacob ? C’est qu’il se consacre à Dieu, et fit un vœu afin que le lieu, où il avait reçu une telle révélation et entendu des promesses si grandes et si précieuses, soit appelé la maison de Dieu. Tout ceci fut spontanément prononcé devant le Seigneur et plus tard solennellement rappelé ; et alors Jacob continua son chemin. Des années s’écoulèrent — vingt années longues et remplies d’événements — années d’épreuves et d’exercices, durant lesquelles Jacob éprouva des désappointements et des afflictions variées ; mais le Dieu de Béthel veillait sur Son pauvre serviteur, et au milieu même de la détresse, Il lui apparut et lui dit : « Je suis le Dieu de Béthel, où tu oignis une stèle, et où tu me fis un vœu. Maintenant, lève-toi, sors de ce pays, et retourne au pays de ta parenté ». Dieu n’avait pas oublié les vœux que Son serviteur avait faits, ni ne voulait que celui-ci les oubliât. Est-ce du légalisme ? Non, c’est une preuve d’amour et de fidélité. Dieu aimait Jacob, et ne pouvait permettre qu’il n’arrivât pas au but fixé d’avance. Il veillait jalousement sur l’état de cœur de Son serviteur ; et, de peur qu’il ne perde de vue l’accord fait à Béthel, Il le lui rappelle avec bonté par ces paroles touchantes et pleines de signification : « Je suis le Dieu de Béthel, où tu oignis une stèle, où tu me fis un vœu ». Ceci était la douce expression de l’amour immuable de Dieu, et du fait qu’Il comptait sur la mémoire de Jacob touchant la scène de Béthel.
Combien il est merveilleux que le Haut et le Puissant qui est de toute éternité estime l’amour et le souvenir d’un pauvre ver de terre ! Et cependant, il en est ainsi, et nous devrions nous en souvenir davantage. Hélas ! nous l’oublions facilement ! Nous sommes toujours prêts à recevoir des grâces et des bénédictions de la main de Dieu, et Lui est certainement prêt à nous les dispenser. Mais nous devrions nous rappeler qu’Il s’attend à trouver aussi un élan spontané de nos cœurs vers Lui ; et si, dans la fraîcheur et l’ardeur des jours d’autrefois, nous nous sommes lancés sur un chemin de consécration à Christ, pouvons-nous supposer qu’Il puisse avec indifférence oublier les droits qu’Il possède sur les affections de nos cœurs ? Voudrions-nous qu’il en fût ainsi ? Pouvons-nous tolérer la pensée que ce soit pour Lui indifférent que nous L’aimions ou que nous ne L’aimions pas ? À Dieu ne plaise ! Au contraire, quelle joie cela devrait être pour nous de penser que le Seigneur apprécie et recherche le dévouement des siens pour Lui ! Il ne peut être satisfait autrement ; et lorsque nous errons ci et là, Il nous rappelle à Lui avec une bonté et une grâce touchantes.
Oui, Sa bannière flotte toujours, portant l’inscription apte à gagner nos cœurs errants et à nous rappeler le premier élan de nos âmes vers Lui. D’une façon ou de l’autre, Il nous dit, comme Il dit autrefois à Jacob : « Je suis le Dieu de Béthel, où tu oignis une stèle, où tu me fis un vœu ». C’est ainsi qu’Il agit envers nous ; au milieu de nos égarements et de nos chutes, Il veut que nous sachions que de même que nous ne pouvons nous passer de Son amour, Lui non plus ne peut se passer du nôtre. C’est vraiment merveilleux ; et il en est partout ainsi. Il tient à garder nos âmes au niveau spirituel de notre premier amour. Écoutons ces touchants appels de l’esprit de Christ à Ses saints d’autrefois : « Tu as abandonné ton premier amour » ; « Souviens-toi d’où tu es déchu, repens-toi, et fais tes premières œuvres » (Apoc. 2). « Rappelez dans votre mémoire les jours précédents » (Héb. 10, 32). « Quel était donc votre bonheur ? » (Gal. 4, 15).
Qu’est-ce que tout cela, sinon un avertissement pour les enfants de Dieu de revenir à leur point de départ, c’est-à-dire au premier mouvement de leur cœur vers Dieu ? Quelqu’un pourrait dire que l’amour éprouvé est bien au-dessus d’un premier amour. Admettons-le ; mais ne trouvons-nous pas dans notre propre histoire spirituelle que, lorsque nous avons commencé à suivre Jésus, il y avait en nous une simplicité, un zèle, une fraîcheur, une ferveur de dévouement que malheureusement, nous ne possédons plus ? Nous sommes devenus indifférents et quelque peu sceptiques : le monde nous gagne peu à peu et dévore notre spiritualité ; le vieil homme prend aisément le dessus, d’une façon ou de l’autre, et tue la sensibilité spirituelle, suffoque notre ardeur et offusque notre vision.
Est-ce peut-être le cas pour l’un de nos lecteurs ? Si oui, ce serait une grâce pour lui d’être ramené d’où il est parti. Sans doute, vous pouvez être assuré que le Seigneur use de patience à votre égard, que Son amour est immuable ; mais rappelez-vous qu’Il attend une réponse de votre part. C’est pourquoi, cher ami, si pour un moment vous vous êtes laissé séduire par le monde, que votre cœur retourne aussitôt à Lui. N’hésitez pas, ne retardez pas, jetez-vous aux pieds du Seigneur qui vous aime — dites-Lui tout — faites que votre cœur se tourne vers Lui et qu’il soit pour Lui seul. Ceci est le ressort secret de tout vrai service. Si Christ n’a pas l’affection de votre cœur, Il n’a pas besoin du travail de vos mains. Il ne dit pas : « Mon fils, donne-moi ton argent, ton temps, tes talents, tes énergies, ta plume, ta langue, ta tête ». Toutes ces choses n’arrivent pas à satisfaire Son cœur. Ce qu’Il vous dit, c’est : « Mon fils, donne-moi ton cœur ». Quand le cœur est donné à Jésus, tout est en règle. Hors du cœur sont les issues de la vie ; et si Christ a Sa place légitime dans le cœur, la marche dans ce monde sera comme elle doit être pour Lui.
Mais revenons à Jacob, et voyons de quelle manière le sujet est illustré. À la fin de Genèse 33, nous trouvons Jacob s’installant à Sichem, où il est plongé dans toutes sortes de soucis et de désordres. Sa maison est déshonorée et ses fils, en vengeant le déshonneur, mettent sa vie en danger. Tout ceci, Jacob le sent vivement, et il dit à ses fils Siméon et Lévi : « Vous m’avez troublé, en me mettant en mauvaise odeur auprès des habitants du pays, les Cananéens et les Phéréziens ; et moi, je n’ai qu’un nombre d’hommes ; et ils s’assembleront contre moi, et me frapperont, et je serai détruit, moi et ma maison » (chap. 34, 30).
Tout cela était fort déplorable ; mais il ne semble pas que Jacob se fût aperçu qu’il était dans une fausse situation. La souillure et la confusion de Sichem ne servirent pas à lui ouvrir les yeux sur le fait qu’il avait oublié le vœu fait à l’Éternel. Ce cas se présente souvent pour nous. Nous perdons de vue le but divin dans nos voies pratiques, et nous restons bien au-dessous du niveau de la divine révélation ; et quoique les divers résultats de notre chute se produisent de tous côtés, notre vision est néanmoins si obscurcie par l’atmosphère ambiante, et nos sensibilités spirituelles si émoussées par nos associations, que nous ne nous apercevons plus de combien nous sommes descendus au-dessous de ce que devrait être notre place aux yeux de Dieu.
Dans le cas de Jacob, nous voyons ce principe divin illustré à plusieurs reprises. « Et Dieu dit à Jacob : Lève-toi, monte à Béthel, et habite là, et fais-y un autel au Dieu qui t’est apparu comme tu t’enfuyais de devant la face d’Ésaü, ton frère ».
Lecteur, remarque ceci. Nous avons ici un trait des plus exquis de la méthode suivant laquelle Dieu agit avec les âmes. Il n’y a pas un seul mot concernant Sichem, ses souillures et ses désordres. Il n’y a aucun reproche pour s’y être établi. Telle est la méthode de Dieu. Il a une manière d’agir tout à fait à Lui. Si nous avions eu à nous occuper de Jacob, nous serions tombés sur lui d’une main lourde, et lui aurions fait une sévère réprimande sur la folie de s’être établi à Sichem, sur ses habitudes personnelles et domestiques, et sur son état spirituel. Oh ! combien il est bon que les pensées de Dieu ne soient pas nos pensées, ni ses voies comme nos voies ! Au lieu de dire à Jacob : « Pourquoi t’es-tu établi à Sichem ? », Il lui dit simplement : « Lève-toi, monte à Béthel » ; et voilà que ce seul mot jette un rayon de lumière dans l’âme de Jacob, et alors il est rendu capable de se juger lui-même avec tout ce qui l’entoure. « Et Jacob dit à sa maison et à tous ceux qui étaient avec lui : Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et purifiez-vous et changez de vêtements, et nous nous lèverons et monterons à Béthel, et je ferai là un autel à Dieu qui m’a répondu au jour de ma détresse, et qui a été avec moi dans le chemin où j’ai marché ».
Ceci était assurément « être ramené à son point de départ », c’est-à-dire au vœu fait à l’Éternel. C’était la restauration d’une âme, la conduisant dans les sentiers de la justice. Jacob sentit bien qu’il ne pouvait apporter de faux dieux et des vêtements souillés à Béthel ; ces choses pouvaient encore se trouver à Sichem, mais pas à Béthel. « Et ils donnèrent à Jacob tous les dieux étrangers qui étaient en leurs mains et les anneaux qui étaient à leurs oreilles, et Jacob les cacha sous le térébinthe qui était près de Sichem… Et Jacob vint à Luz (c’est Béthel), qui est dans le pays de Canaan, lui et tout le peuple qui était avec lui ; et il bâtit là un autel, et il appela le lieu El-Béthel ; car c’est là que Dieu s’était révélé à lui comme il s’enfuyait de devant la face de son frère ».
« El-beth-el ». Précieux titre, qui a Dieu pour commencement et pour fin, pour alpha et pour oméga ! À Sichem, Jacob appela son autel « El-Elohé-Israël », c’est-à-dire Dieu, le Dieu d’Israël ; mais à Béthel, son vrai point de départ, il appela son autel El-beth-el, c’est-à-dire « Dieu, la maison de Dieu ». Voilà une vraie restauration. Jacob fut ramené, après tous ses égarements, au point même d’où il était parti pour son chemin avec Dieu. Rien moins que cela ne pouvait satisfaire Dieu quant à Son serviteur. Il pouvait attendre patiemment, ayant du support à son égard, prendre soin de lui, avoir Son œil sur lui ; mais Il ne pouvait se contenter de quoi que ce soit autre que ceci : « Lève-toi, et monte à Béthel ».
Lecteur chrétien, arrête-toi ici. Nous désirons te poser une question. Es-tu conscient de t’être égaré loin de Jésus ? Ton cœur s’est-il refroidi à Son égard ? As-tu permis que le monde prenne le dessus en toi ? Es-tu, quant à l’état moral de ton âme, établi à Sichem ? Ton cœur a-t-il des idoles, et tes vêtements sont-ils souillés ? S’il en est ainsi, permets-nous de te rappeler que le Seigneur veut te faire revenir à Lui. Oui, cher ami, c’est ce qu’Il veut ; et Il le veut maintenant. Il te dit dans ce moment même : « Lève-toi, monte à Béthel ». Tu ne seras jamais heureux, tu ne seras jamais en bon état, tant que tu n’auras pas répondu à cet appel d’amour qui est bien propre à secouer l’âme de sa torpeur. Oh, rends-toi ! nous t’en suppliions. Lève-toi et jette par-dessus bord tous les poids et les obstacles ; éloigne les idoles, change tes vêtements et retourne aux pieds du Seigneur, qui t’aime d’un parfait amour et ne peut être satisfait jusqu’à ce qu’Il t’ait ramené à Lui-même selon les vœux que tu as prononcés lorsque tu es venu à Lui. Ne dis pas : C’est du légalisme. Non, c’est l’amour de Jésus, Son amour profond — un amour qui est jaloux de toute affection rivale — un amour qui est tout entier pour toi et qui exige un cœur entier en retour.
Puisse le Saint Esprit ramener tout cœur égaré à un état vrai devant Dieu. Puisse-t-Il, avec une nouvelle puissance, visiter toute âme qui est descendue à Sichem, et ne pas lui donner de repos jusqu’à ce qu’elle ait répondu à cet appel : « Lève-toi, monte à Béthel ! ».
(Jean 21, 1-19)
Une étude attentive de ces versets nous y fera découvrir trois caractères distincts de restauration, savoir, la restauration de la conscience, la restauration du cœur, et la restauration de la marche.
La restauration de la conscience est de toute importance. On ne pourrait jamais attribuer trop de valeur à une conscience saine, pure et qui ne se reproche rien. Un chrétien ne peut avancer quand il garde une impureté sur sa conscience, ne fût-ce qu’une seule. Il doit marcher devant Dieu avec une conscience pure — une conscience irréprochable. Précieux trésor ! Puisse mon lecteur la posséder toujours !
Pierre possédait sans aucun doute cette restauration lors de la scène touchante « à la mer de Tibériade ». Et il avait cependant commis une faute grave et honteuse. S’il avait renié son Seigneur, même avec serment, il était maintenant restauré. Un seul regard de Jésus avait brisé son cœur et fait jaillir des torrents de larmes amères. Et pourtant, le motif de sa restauration n’était pas ses larmes, mais l’amour qui les avait fait couler. La restauration pleine et entière de sa conscience était le fruit de l’amour éternel et immuable de Jésus — de l’efficacité du sang de Jésus — et de la toute-puissante intercession de Jésus ; tout cela avait produit la confiance et la liberté qui ressortent d’une façon si remarquable de l’acte de Pierre dans la mémorable occasion qui nous occupe.
Le Sauveur ressuscité, dans ces derniers chapitres de Jean, nous est présenté s’occupant de Ses pauvres disciples — se tenant sur leur chemin — leur apparaissant de diverses manières — prenant occasion de leurs nécessités mêmes pour se faire connaître en parfaite grâce à leurs cœurs. Y avait-il une larme à essuyer, une difficulté à résoudre, une crainte à dissiper, un cœur brisé à soulager, un esprit d’incrédulité à redresser ? Jésus était là dans toute la plénitude et la variété de Ses grâces, pour répondre à tous ces besoins. De même lorsque les disciples, sous la direction de Pierre, avaient passé la nuit à un travail infructueux, Jésus avait l’œil sur eux. Il savait tout ce qui se passait en eux dans cette nuit sombre et laborieuse, Il savait que les filets étaient vides ; et sur le rivage, Il s’occupait à leur préparer un dîner. Oui, c’était ce même Jésus qui était mort sur la croix pour ôter leurs péchés, qui se tenait là pour les servir dans leurs besoins et pour les restaurer, spirituellement aussi, en les rassemblant autour de Lui-même pour les faire jouir de la communion avec Lui. Cette parole : « Enfants, avez-vous quelque chose à manger ? », montrait la connaissance qu’Il avait de l’inutilité de leur nuit de fatigue. Les mots : « Venez, dînez », c’étaient l’expression de l’amour tendre, plein de sollicitude du Sauveur ressuscité.
Remarquons maintenant dans le cas de Simon Pierre ce qui met en évidence une conscience restaurée. « Ce disciple donc que Jésus aimait dit à Pierre : C’est le Seigneur. Simon Pierre donc, ayant entendu que c’était le Seigneur, ceignit sa robe de dessus, car il était nu, et se jeta dans la mer ». Il ne pouvait attendre que les nacelles et les disciples s’approchassent, tellement il était impatient de se jeter aux pieds de son Seigneur ressuscité. Au lieu de dire à Jean et aux autres : « Vous savez combien j’ai manqué ; et quoique j’aie revu le Seigneur et que je l’aie entendu parler de paix à nos âmes, je crois cependant plus convenable pour moi qui ai péché de me tenir en arrière ; allez donc, vous autres, à sa rencontre, et moi je viendrai après vous ». Rien de cela ! Pierre se jette résolument à la mer, comme pour dire : « Je dois être moi le premier à rejoindre mon Seigneur ; nul autre que le pauvre Pierre n’a un tel droit auprès de Lui ! ».
Il s’agit ici d’une conscience parfaitement restaurée — d’une conscience qui se sent à l’aise dans la lumière de l’amour invariable de Dieu. La confiance de Pierre en Christ était sans nuages, et en cela, nous pouvons l’affirmer hautement, il était agréable à Jésus. L’amour appelle la confiance. Souvenons-nous de cela. Personne ne doit s’imaginer qu’il honore Jésus en se tenant à une certaine distance de Lui sous prétexte de son indignité, bien qu’il soit très difficile pour celui qui est tombé ou qui s’est égaré, de retrouver sa confiance dans l’amour de Christ. Tel chrétien peut avoir une idée très nette de l’accueil que Christ fait à un pécheur, que ses fautes aient été grandes et nombreuses, et penser que le cas d’un chrétien qui est tombé ou qui s’est égaré, est différent. Si ces lignes tombent sous les yeux d’un chrétien égaré ou tombé, nous voudrions lui faire considérer l’importance qu’il y a pour lui de revenir immédiatement à Jésus. « Revenez, fils infidèles : je guérirai vos infidélités ». Et quelle est la réponse à cet appel pressant ? « Nous voici, nous venons à toi, car tu es l’Éternel, notre Dieu ». « Si tu reviens, ô Israël, dit l’Éternel, reviens à moi » (Jér. 3, 22 ; 4, 1).
L’amour du cœur de Jésus ne connaît aucun changement. Nous changeons ; mais Il est « le même hier, aujourd’hui, éternellement » ; et Il veut qu’on se confie en Lui. La confiance du cœur de Pierre était précieuse au cœur de Christ. Il est sans doute pénible d’être tombé, ou de s’être égaré, mais il est encore plus triste de nous méfier ensuite de l’amour de Jésus, ou de Sa promptitude à nous recevoir de nouveau dans Son sein.
Cher lecteur, es-tu tombé ? T’es-tu égaré ? As-tu apostasié ? As-tu perdu le sentiment de la faveur divine, l’heureuse conscience de l’acceptation de Dieu ? S’il en est ainsi, qu’as-tu à faire ? Reviens tout simplement. C’est le message de Dieu pour un apostat. Reviens avec une confession sincère, en te jugeant toi-même et en ayant pleine confiance dans l’amour immuable et sans borne de l’amour de Christ. Ne demeure pas, nous te supplions, dans l’éloignement de ta propre incrédulité ! Ne mesure pas le cœur de Christ à tes propres pensées. Laisse-Le te dire ce qu’il y a dans Son cœur à ton égard ! Tu as manqué, tu as péché, tu t’es éloigné, et tu es peut-être honteux ou trop craintif pour tourner tes yeux vers Celui que tu as attristé ou déshonoré ! Satan, lui aussi, te suggère les pensées les plus sombres, car il voudrait bien te tenir à distance de ton précieux Sauveur, Celui qui t’aime d’un amour éternel ! Mais tu n’as qu’à fixer ton regard sur le sang, prêter l’oreille à l’intercession de notre souverain Sacrificateur, pour donner une réponse triomphante aux terribles suggestions de l’ennemi, et à tous les raisonnements d’incrédulité de ton propre cœur. Ne renvoie donc pas d’une heure de régler pleinement la question entre ton âme et Christ. Souviens-toi que Son amour ne change pas, qu’il est fidèle, fort comme la mort. Rappelle-toi aussi ces propres paroles : « Revenez, fils infidèles », « Reviens à moi ». Et finalement, souviens-toi que Jésus tient à ce qu’on se confie en Lui.
Le cœur comme la conscience a besoin d’une restauration. Ne l’oublions pas. Il peut arriver pour une âme, que la conscience soit purifiée à l’égard de certains actes commis, mais que les racines, desquelles ces actes proviennent, soient néanmoins demeurées. Les actions paraissent pour ainsi dire à la surface de la vie de tous les jours, mais les racines sont cachées dans les profondeurs du cœur, inconnues souvent d’autrui et même de nous, entièrement exposées au regard de Celui à qui nous avons à faire.
Or ces racines doivent être atteintes, mises à jour et jugées, si le cœur veut être en règle devant Dieu. Regardez Abraham. Il commença son chemin avec Dieu gardant une certaine racine d’incrédulité à l’égard de Sara. Ceci fut pour lui une cause d’égarement lorsqu’il descendit en Égypte ; et quoique sa conscience eût été restaurée, retrouvant son autel à Béthel, cette racine ne fut cependant point atteinte pendant plusieurs années, ainsi qu’il le paraît dans l’affaire d’Abimélec, roi de Guérar.
Cet enseignement est profondément pratique et solennel. Cela trouve son illustration en Pierre aussi bien qu’en Abraham. Remarquez la façon exquise dont notre Seigneur s’y prend pour atteindre les racines du cœur de Son cher serviteur. « Lors donc qu’ils eurent dîné ». Il ne fit auparavant aucune allusion au passé, rien qui pût causer un refroidissement douloureux ou offusquer l’esprit, pendant que Pierre, avec une conscience restaurée, jouissait avec les autres disciples de l’amour qui ne connaît point de changement. Ceci est un trait moral exquis. Il caractérise la manière d’agir de Dieu envers tous Ses saints. La conscience est mise en repos en présence d’un amour infini et éternel. Lorsque Simon Pierre se jeta aux pieds de son Seigneur ressuscité, il fut accueilli par ces paroles : « Venez et dînez ». Mais « lorsqu’ils eurent dîné », Jésus prend Pierre à part afin de placer son âme en face de la vérité, et de lui faire pour ainsi dire toucher du doigt la racine du mal en son cœur. Cette racine, c’était la confiance en lui-même, qui l’avait amené à se placer en avant pour dire : « Si tous étaient scandalisés en toi, moi je ne serai jamais scandalisé ».
Cette racine devait être mise en lumière aux yeux de Pierre, c’est pourquoi, « lorsqu’ils eurent dîné, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? ». C’était une question incisive, et elle atteint le fond même du cœur de Pierre. Trois fois Pierre avait renié le Seigneur et trois fois le Seigneur porte un défi au cœur de Pierre en face de la vérité — car les racines doivent être atteintes afin qu’un bien permanent puisse en résulter. Il ne suffit pas d’avoir une conscience purifiée des conséquences de fautes dans la vie pratique ; un jugement moral doit être porté sur ce qui les a produits. Ceci n’est pas souvent compris et l’on n’y porte que peu d’attention ; il en résulte que les racines continuent à pousser et à produire des fruits avec une force croissante, nous préparant ainsi des jours d’amertume et de peine, ce qui aurait pu être évité, en grande partie, si ces racines avaient été mises à jour, jugées et maintenues sous le jugement.
Lecteur chrétien, le sujet de cet écrit est essentiellement pratique. Exhortons-nous donc l’un l’autre à juger les racines du mal en nous, quelles qu’elles soient. Connaissons-nous ces racines ? Sans doute il n’est pas facile, il est même très difficile de les découvrir. Elles sont profondes et multiples : orgueil, vanité, convoitise, irritabilité, ambition — telles quelques-unes des racines du caractère personnel, les mobiles des actions sur lesquels une censure rigide doit constamment être exercée. Nous devons maintenir la nature sous l’œil vigilant et scrutateur du jugement de nous-mêmes. C’est un combat que nous devons poursuivre sans relâche. Nous pouvons avoir des chutes occasionnelles à déplorer, mais la lutte contre les mauvaises racines doit être poursuivie — la lutte, c’est un signe de vitalité.
Que Dieu, par Son Saint Esprit, nous fortifie pour exercer cette vigilance sur la chair.
Nous clôturerons ces lignes par une courte référence sur la restauration de l’âme, quant à ses rapports avec la marche individuelle. La conscience étant pleinement purifiée, et le cœur jugé, il y a une préparation morale pour une marche convenable. L’amour parfait de Jésus a chassé toute crainte de la conscience de Pierre ; et Sa triple question lui a fait découvrir les racines du mal en son cœur ; maintenant Il lui dit : « Quand tu étais jeune, tu te ceignais, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te conduira où tu ne veux pas. Or Il dit cela pour indiquer de quelle mort il glorifierait Dieu. Et quand Il eut dit cela, Il lui dit : Suis-moi ». C’étaient les mêmes paroles que le Seigneur avait adressées à Pierre lors de son appel : Et toi, « suis-moi ».
Nous avons dans ces deux mots le sentier d’un fidèle serviteur de Christ — « Suis-moi ». Le Seigneur venait de donner à Pierre les plus touchantes preuves de Son amour et de Sa confiance. Il lui avait confié, malgré toutes ses fautes passées, le soin de tout ce qu’Il avait de plus cher dans ce monde, c’est-à-dire, les agneaux et les brebis de Son troupeau. Il lui avait dit : « Si tu m’aimes, pais mes agneaux, sois berger de mes brebis » ; et maintenant, dans une courte mais expressive exhortation, Il lui désigne sa voie — « Suis-moi ». C’est suffisant. Tout est compris dans ces deux mots. — Si nous désirons suivre Jésus, nous avons à tenir nos yeux continuellement sur Lui ; nous devons suivre les empreintes de Ses pas et ne pas en dévier ; et quand nous sommes tentés de nous retourner pour nous occuper de ce que fait celui-ci ou celui-là, nous pouvons à notre tour prendre pour nous ces paroles de répréhension : « Que t’importe ? Toi, suis-moi ». Telle doit être notre unique préoccupation, arrivera ce qu’il voudra. Mille choses peuvent surgir pour nous distraire et nous empêcher. Le diable nous incitera à regarder à droite et à gauche. Il cherche à nous persuader que nous pourrions mieux faire ailleurs ; il nous poussera à nous occuper de l’œuvre d’un autre serviteur pour la critiquer ou pour l’imiter. Tout est alors remis au point si nous écoutons ces paroles : « Que t’importe ? Toi, suis-moi ».
Il y a toujours danger en cherchant à suivre les traces d’autrui, ou à faire certaines choses parce que d’autres chrétiens les font, ou à les faire comme d’autres les font. Nous avons besoin d’être gardés de ces choses. Tout cela se manifestera bientôt comme n’étant d’aucune utilité. Ce qu’il nous faut réellement, c’est une volonté brisée — le vrai esprit d’un serviteur qui a l’œil sur son Maître pour connaître Sa pensée. Le service ne consiste pas en faisant ceci ou cela, ni en courant ici et là ; c’est simplement faire la volonté du Maître, quelle qu’elle soit.
C’est ainsi un service le moins brillant peut-être,
Que de veiller la nuit en attendant le Maître.
Il est plus facile d’être affairé que de se tenir tranquille. Quand Pierre était jeune, il allait où il voulait ; mais quand il fut vieux, il allait où il ne voulait pas. Quel contraste entre le jeune, inquiet, ardent et énergique Pierre, allant où il voulait, et le vieux Pierre mûr, soumis et expérimenté, allant où il ne voulait pas ! Quelle grâce d’avoir une volonté brisée ! d’être capable de dire du fond du cœur : « Ce que tu veux — comme tu veux — où tu veux — quand tu veux » — non pas ma volonté, mais la tienne, ô Seigneur !
« Suis-moi » ! Précieuses paroles ! Puissent-elles se graver sur nos cœurs, chers lecteurs ! Alors nous serons fermes dans notre course et efficaces dans notre service. Nous ne serons pas distraits ou troublés par les pensées et les opinions des hommes. Il se peut que nous trouvions très peu de personnes qui nous comprennent ou qui sympathisent avec nous — peu qui approuvent et qui apprécient notre œuvre. Peu importe. Notre Maître le sait. Si un maître quelconque fait connaître distinctement sa volonté à l’un de ses serviteurs pour qu’il fasse une certaine chose ou qu’il aille dans un certain endroit, l’affaire de ce serviteur est d’agir selon la volonté de son maître, sans se soucier de ce que ses compagnons de service peuvent en penser ou dire. Un bon serviteur n’écoutera rien : il connaît la pensée du maître, et il fera selon ce qui lui a été commandé.
Plût à Dieu qu’il en fût ainsi de tous les serviteurs du Seigneur ! Plût à Dieu que nous connussions davantage la volonté de notre Maître !
Pierre avait son sentier tracé devant lui, et Jean avait le sien. Ainsi il en était déjà d’ancienneté. Le Guershonite avait son travail à faire, et le Merarite avait le sien ; et si l’un avait voulu changer son service avec celui d’un autre, l’œuvre commune en aurait souffert. Le tabernacle était porté ou établi par tout homme selon l’ordre qu’il avait reçu de Dieu. Ainsi il en est de nos jours. Dieu a des ouvriers différents dans Sa maison et dans Sa vigne ; et les termes du service sont établis par Lui et assignés par le Saint Esprit à chacun selon qu’il Lui plaît. Il a des ouvriers carriers, des tailleurs de pierres, des maçons, des charpentiers. Sont-ils tous carriers ? Non ! Chacun a sa charge à remplir, à faire, et l’édifice se construit par le travail de tous réunis. Le carrier mépriserait-il le maçon, ou le maçon le carrier ? Certainement non ! Le Maître a besoin de tous les deux ; s’ils venaient à prendre la place l’un de l’autre, alors se ferait entendre la parole de répréhension : « Que t’importe ? Toi, suis-moi ».