Écho du Témoignage:Remarques sur le livre de Daniel/Partie 3

De mipe
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Chapitre 4

Le lecteur est convaincu, j’espère, de l’extrême importance qu’a pour la prophétie le chapitre précédent qui, à première vue, pouvait paraître n’avoir que peu de rapports avec elle, ainsi que des liens étroits qui le rattachent à la vision de la grande statue. Le chapitre 2 ne nous avait présenté que l’histoire générale des puissances gentiles, et non leurs qualités morales. Nous avions vu, sur la scène de la providence de Dieu, s’élever et disparaître tour à tour empire après empire ; mais nous n’avions rien appris sur leur caractère respectif, ni sur l’usage qu’ils faisaient du pouvoir que Dieu avait mis en leurs mains. C’est dans le but de remplir cette lacune que ces incidents historiques furent introduits à dessein entre le grand tableau général que contient le chapitre 2 et les détails donnés ultérieurement depuis le chapitre 7 jusqu’à la fin du livre : ils retracent sous nos yeux la conduite tenue par les divers empires pendant qu’ils sont en possession, de la part de Dieu, de l’autorité suprême dans le monde. La première esquisse de leurs voies morales se trouve dans le chapitre 3. Nous y voyons la puissance gentile rendre obligatoire la religion telle qu’elle se trouvait, sans tenir compte des droits de Dieu, ni de la conscience de l’homme.

Dès lors cette prétention se maintient en principe pendant tout le cours du temps des Gentils. Sans doute il parut nécessaire, à cause de l’immense étendue de l’empire, qu’il y eût une religion dominante qui servît de lien entre les diverses contrées et les diverses nations qui lui étaient assujetties. Hélas ! voilà comment Nebucadnetsar se montrait reconnaissant de la place d’honneur dans laquelle Dieu l’avait établi. Néanmoins, Dieu ne fit qu’en prendre occasion de manifester Sa puissance, même dans ces pauvres Juifs captifs maintenant des Gentils. Le chapitre précédent avait prouvé que la sagesse de Dieu se trouvait parmi eux. Toute la science de l’empire babylonien s’était montrée complètement en défaut : Daniel seul avait été capable d’expliquer les visions. Mais quoique la sagesse divine se trouvât parmi les captifs, la puissance est tout autre chose ; et il plut à Dieu de saisir la circonstance du châtiment terrible, comme il le paraissait, infligé aux trois Hébreux, pour apparaître avec éclat comme le libérateur des fidèles à l’heure de leur extrême nécessité.

Le commencement du gouvernement des Gentils ne fait que préfigurer ce qui en constituera la scène finale. Et comme il y eut alors délivrance par la puissance divine, il en sera de même dans peu ; et ce sera encore une délivrance particulièrement en rapport avec les fidèles d’Israël, le résidu juif. Je ne parle pas des Juifs dans leur état actuel, parce que maintenant un Juif qui demeure tel est ennemi de Dieu. Mais il n’en sera pas toujours ainsi, et le temps approche où la postérité d’Abraham, sans cesser d’être juive, sera convertie à Dieu — recevra le Messie conformément aux prophéties. Je ne veux point dire qu’elle entrera dans la même connaissance bénie et les mêmes privilèges qui forment notre lot maintenant, mais qu’elle sera parmi les fidèles qui doivent se trouver dans le dernier jour, selon qu’il est prédit dans un grand nombre de prophéties. Cela suppose naturellement qu’il s’effectuera dans l’histoire du monde un changement d’une haute importance, ou plutôt que Dieu retirera du monde ce qui n’est pas du monde, afin de reprendre la poursuite de Ses voies à l’égard de la terre.

Dans ces temps-ci, l’œuvre de Dieu n’a pas de rapport immédiat avec les vicissitudes par lesquelles passe le monde. Les périodes alternatives de progrès et de déclin des nations ne sont point l’expression de Sa volonté, quoique dans Sa providence Il ne cesse jamais d’exercer sur elles Son contrôle souverain. Mais il y a eu dans l’histoire du monde un temps où Dieu était directement et immédiatement intéressé dans ce qui se passait parmi les hommes, et où les batailles qu’ils se livraient étaient appelées les batailles de l’Éternel, tandis que les défaites, les famines, etc., étaient nettement reconnues comme dispensées par le Seigneur à cause de quelque mal avec lequel Il avait à faire. Aujourd’hui, quoiqu’il demeure parfaitement vrai qu’il n’y a pas de guerre, pas de calamité, de n’importe quelle espèce, qui arrive sans la volonté de Dieu, et que bien décidément tout est souverainement contrôlé par Lui, ce n’est point cependant selon le même mode de gouvernement direct qu’Il exerçait alors. Aussi, personne ne saurait dire aujourd’hui : Cette guerre se fait par l’ordre de Dieu ; ou bien : Cette famine est un châtiment pour tel ou tel péché. Oser parler ainsi, ne serait que de l’ignorance et de la présomption. Sans doute, il y a des gens qui sont tout prêts à prononcer sur ces matières ; leur erreur vient de ce qu’ils n’apprécient pas le changement immense qui est survenu dans la manière dont Dieu gouverne le monde. Tant qu’Israël a été la nation dans laquelle Dieu manifestait Son caractère à l’égard de la terre, les choses se sont passées comme se faisant directement et immédiatement de la part de Dieu. Mais à partir du moment où Dieu a abandonné Son peuple d’Israël, ce gouvernement a pris fin momentanément, et il n’y a plus eu dès lors simplement que le contrôle indirect que, par Sa providence, Dieu exerce d’une manière générale sur les affaires humaines.

Il s’est produit une autre chose. Lorsque Israël eut rejeté le véritable Christ et eut perdu par là l’occasion d’être rétabli dans sa position de suprématie terrestre, Dieu, pouvons-nous dire, en profita pour introduire une chose nouvelle — la vocation de l’Église. Ce ne fut plus le gouvernement d’une nation par Dieu Lui-même, ainsi que cela avait été le cas d’Israël sous la loi ; ce ne fut pas non plus simplement le gouvernement indirect des Gentils ; mais ce fut la révélation de Dieu comme Père à Ses enfants en Christ, et l’envoi du Saint Esprit, du ciel ici-bas, non pas seulement pour agir dans le cœur des croyants, mais pour habiter au milieu d’eux, et pour les baptiser, Juifs ou Gentils, en un seul corps, le corps de Christ tête dans le ciel. C’est là ce qui continue aujourd’hui. En conséquence, Dieu n’a pas maintenant de relations particulières avec les Juifs. Il n’a pas à faire avec eux plus particulièrement qu’avec les autres peuples, sauf en tant qu’ils sont sous une sentence d’aveuglement judiciel portée contre eux. Ils étaient aveugles auparavant. Ce n’est pas Dieu qui les fit refuser de recevoir Christ. Dieu n’aveugle jamais personne dans ce sens-là : c’est le péché seul qui le fait. Mais lorsque les hommes repoussent la lumière de Dieu et en rejettent obstinément le témoignage, Dieu peut les livrer, et quelquefois Il les livre, à des ténèbres totales qui sont l’effet et ont le caractère d’un jugement, et viennent s’ajouter aux ténèbres naturelles du cœur humain. La nation d’Israël se trouve de nos jours sous un jugement de ce genre.

Mais tandis qu’il en est ainsi de la grande masse de la nation, il n’en est pas de même pour tous. Il doit y avoir toujours un résidu en Israël Cette nation est même la seule dont on puisse dire cela — la seule que Dieu n’a jamais abandonnée d’une manière absolue. Les autres nations peuvent être pour un temps l’objet de la part de Dieu de visitations en grâce bien remarquables ; et tel a été le cas de notre propre pays que Dieu a béni d’une façon merveilleuse en lui donnant libéralement Sa Parole et beaucoup d’autres privilèges. Mais tout en reconnaissant avec gratitude ce fait heureux, il ne faut pas oublier que Dieu ne s’est obligé par rien à maintenir toujours l’Angleterre dans la jouissance de Ses bénédictions. Si ce pays ferme l’oreille aux avertissements et aux exhortations du Seigneur, se détournant de la vérité et préférant l’idolâtrie, ce qui n’est pas absolument impossible, il sera certainement abandonné et tombera sous cette énergie d’erreur que Dieu enverra bientôt sur le monde. Mais à l’égard d’Israël, Dieu s’est lié par des promesses spéciales et Il ne l’abandonnera jamais entièrement : il y aura toujours en ce peuple une semence sainte, même dans les temps les plus ténébreux. Ceci se rattache à une remarque que j’ai faite ci-dessus. Tandis que Dieu s’occupe de l’œuvre du rassemblement de l’Église, il ne peut y avoir lieu pour Lui à une relation particulière quelconque avec Israël en vue de le manifester comme Son peuple et de le délivrer de ses détresses, etc. Mais lorsqu’il aura plu à Dieu de retirer l’Église dans le ciel, Israël viendra de nouveau en scène ; et c’est alors que, les cœurs étant touchés par le Saint Esprit de sentiments de foi véritable et de véritable componction, aura lieu l’accomplissement d’une délivrance dont nous avons vu le type à la fin du chapitre 3.

En cette occasion, je puis précisément le faire observer, le roi reçut une impression telle qu’il commanda, comme par une espèce d’ordonnance de son royaume, qu’on honorât le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, et que quiconque oserait parler contre ce Dieu fût mis en pièces et sa maison réduite en voirie. Mais que trouvons-nous ensuite ? Que tout l’honneur particulier dont il entoura Daniel, au chapitre 2, que l’ordre donné à ses sujets d’honorer le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, au chapitre 3, n’eurent qu’une bien petite durée. Hélas ! ce ne fut simplement qu’une impression passagère qui s’évanouit de l’esprit du roi comme se dissipe la nuée du matin. Il rappelle lui-même dans ce chapitre-ci combien peu les voies de Dieu avaient atteint son cœur, quoiqu’il eût pu dans le moment être frappé du déploiement de Sa sagesse. Accorder des honneurs à un prophète et prescrire aux sujets de son royaume d’honorer le Dieu qui délivrait comme aucun autre ne pouvait le faire, c’est quelque chose sans doute ; mais où Nebucadnetsar en était-il personnellement ? Il nous l’apprend lui-même : « Moi, Nebucadnetsar, dit-il, j’étais tranquille dans ma maison et dans un état florissant au milieu de mon palais ». On le voit : il est évident, d’après son propre récit, que quoiqu’il parle afin de publier la miséricorde dont il a été l’objet, au fond, après tous les événements merveilleux racontés dans les chapitres qui précèdent, Nebucadnetsar était encore juste le même homme ; il n’y avait pas de changement réel dans son âme, son cœur n’avait pas été amené à Dieu. Il était tranquille dans sa maison et dans un état florissant au milieu de son palais : homme de la terre, tout ce que Dieu avait remis dans ses mains ne faisait que nourrir son orgueil et sa satisfaction de lui-même.

Pendant qu’il se trouve dans cette condition, Dieu lui envoie un nouveau témoignage. « Je vis un songe qui m’épouvanta, et les pensées que j’eus dans mon lit et les visions de ma tête me troublèrent ». En conséquence, il rend un décret portant que tous les sages de Babylone soient amenés devant lui, afin de donner l’interprétation du songe. Décret inutile ! Les sages vinrent, et il leur récita le songe. Mais, c’est lui-même qui le déclare : « Ils ne m’en purent point donner l’interprétation. Mais, à la fin, Daniel, qui a nom Belteshatsar, selon le nom de mon Dieu, entra devant moi, etc. ». Nebucadnetsar s’adresse à lui avec confiance : « Belteshatsar, chef des mages, comme je connais que l’esprit des dieux saints est en toi, et que nul secret ne t’est difficile, écoute les visions de mon songe que j’ai vu, et dis son interprétation ». Il emploie, il est vrai, un langage païen, et il attribue à ses propres dieux la sagesse du Dieu souverain qui se trouve en Daniel. Mais il reconnaît néanmoins qu’il y a en lui quelque chose de particulier et d’extraordinaire. Il parle aussi de la vision de la même manière. Lorsque Daniel eut entendu le songe et en eut saisi la signification, il fut troublé et tout étonné environ une heure.

Il faut bien nous garder de limiter la portée du récit que nous étudions à l’histoire de Nebucadnetsar. Dans ce chapitre-ci il était l’arbre, précisément comme nous avons vu qu’il était la tête d’or au chapitre 2. Or, ce n’était pas le roi seul personnellement qui était représenté par la tête d’or : c’était toute sa dynastie. En un sens, ce qui était vrai de Nebucadnetsar devait caractériser l’empire gentil jusqu’à la fin. Il en est de même de la scène qui nous est présentée ici. Daniel avait sous les yeux, spectacle qui le remplissait de peine et d’horreur, ce qui était réservé à Nebucadnetsar ; et cela était aussi, hélas ! une trop claire prédiction de l’issue à laquelle devait aboutir le système nouveau que le Dieu du ciel avait établi.

Mais poursuivons tout simplement l’étude de notre chapitre.

Daniel explique la vision : « Mon seigneur, dit-il, que le songe arrive à ceux qui t’ont en haine et son interprétation à tes ennemis. L’arbre que tu as vu, qui était devenu grand et fort, dont le sommet touchait les cieux, et qui se faisait voir par toute la terre… c’est toi-même, ô roi ! qui es devenu grand et fort ». Chacun sait comment, dans les Psaumes et dans les prophètes, l’arbre sert à exprimer, d’une manière figurée, la position assignée de Dieu à Israël aussi bien qu’aux autres peuples. C’est ainsi que dans le psaume 80, la vigne représente ce qu’Israël devait être, selon le dessein de Dieu ; mais il y eut chute complète, et par suite, comme nous le voyons en Jérémie 2, Ézéchiel 15, etc., il semblait que c’en était fait du dessein de Dieu. Mais Dieu n’abandonne jamais Son dessein. Il peut Lui arriver de se repentir d’avoir créé ; mais s’il s’agit de ce qui n’est pas seulement l’œuvre de Sa main, mais bien le fruit de l’action de Son cœur, et ce qui constitue Son dessein, Dieu ne l’abandonne jamais. Quand il est question d’appeler à l’existence ce qui n’était pas auparavant, il peut survenir un changement ; mais il ne saurait y en avoir quant à l’amour que Dieu fait reposer sur quelqu’un ou quant aux dons positifs qu’Il accorde : « Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir » (Rom. 11, 29). C’est là un point d’une très haute importance pour l’âme. Mettez en doute la fidélité de Dieu sous un rapport quelconque, et vous l’affaiblissez sur tout le reste. S’il était possible que Dieu eût appelé Son peuple d’Israël pour l’abandonner ensuite d’une manière absolue, comment pourrais-je être assuré qu’Il me gardera toujours pour Son enfant ? Car si jamais la fidélité de Dieu a été mise à l’épreuve, ç’a été en Israël. Et si j’y crois pour ce qui me concerne individuellement, pourquoi en douterais-je à l’égard d’Israël ? La question revient toujours à ceci : Dieu est-Il fidèle ? A-t-Il renoncé à Son dessein ou retiré Ses dons ? S’Il ne l’a pas fait, tenez pour sûr que, quelles que puissent être les apparences, à un moment donné, Il fera triompher à la fin Sa vérité et Sa miséricorde.

Pour revenir à ce que nous disions tout à l’heure, la figure du cèdre, en Ézéchiel 31, 3, peut faire encore mieux comprendre ce que nous avons en Daniel. « Voici, le roi d’Assyrie a été tel qu’est un cèdre au Liban, ayant de belles branches et des rameaux qui faisaient une grande ombre et qui étaient d’une grande hauteur ; sa cime a été fort touffue ». Et plus bas : « Les cèdres qui étaient au jardin de Dieu ne lui ôtaient rien de son lustre ». C’étaient là les autres puissances du monde. « Les sapins n’étaient point pareils à ses branches, etc. ». Et plus loin, nous trouvons encore une allusion à Pharaon, roi d’Égypte (v. 18). Mais je ne veux pas insister davantage là-dessus. Mon désir a été de prouver par ces divers passages que c’est une chose ordinaire à l’Écriture de faire usage de la figure de l’arbre comme symbole soit de ce qui porte des fruits, soit d’une position élevée et d’une haute dignité. Dans le Nouveau Testament, la portée de la figure s’étend à l’ordre de choses qui a pris pour un temps la place d’Israël. Le chapitre 13 de Matthieu fait voir que l’économie du royaume des cieux est, dans une de ses phases, comparée à un arbre qui s’élève et croît du sein de commencements fort petits. Le Seigneur y développe l’histoire de la chrétienté professante. Dans le chapitre 12, Il avait prononcé la sentence d’Israël dont Il avait déclaré que le dernier état serait pire que le premier ; et telle sera effectivement, avant que Dieu la juge, la condition de cette méchante génération d’Israël qui mit à mort le Seigneur Jésus. Ensuite, le Seigneur en vient à la chrétienté et signale, avant tout, Sa propre œuvre sur la terre : Il sème de la semence. Dans la parabole suivante, un ennemi apparaît sur la scène, se glisse dans le champ et sème de mauvaise semence. C’est l’irruption du mal dans le champ de la chrétienté professante. L’autre parabole fait connaître que ce qui était petit dans ses commencements, croît jusqu’à devenir une institution qui domine au loin sur la terre. Le petit grain de semence devient un grand arbre.

Or, nous pouvons voir par ces passages que dans chaque cas, qu’il s’agisse d’un individu, en tant qu’exprimant la puissance comme Nebucadnetsar, ou d’une nation qui prend de l’ascendant, ou enfin d’un système religieux comme en Matthieu 13, l’arbre est toujours le symbole de la grandeur sur la terre, à moins qu’il ne soit question de fruit. Telle est la signification constante de cette figure. On comprend assez que je ne parle pas tant ici de ces sortes d’arbres qui étaient destinés seulement à porter du fruit, que de ceux qu’on choisissait pour leur grandeur ou leur nature imposante. En Daniel, l’arbre désigne évidemment le pouvoir sur la terre (v. 21). « Auquel il y avait à manger pour tous, sous lequel demeuraient les bêtes des champs, et aux branches duquel habitaient les oiseaux des cieux. C’est toi-même, ô roi ! qui es devenu grand et fort, tellement que ta grandeur s’est accrue et est parvenue jusqu’aux cieux, et ta domination jusqu’au bout de la terre ». Cet arbre faisait l’admiration de tous. Il y avait en lui tout ce qui est de nature à flatter le cœur : la magnificence de ses proportions, la beauté de ses rameaux et de ses feuilles, l’abondance et la suavité de ses fruits, le doux ombrage sous lequel toutes ces créatures, les bêtes des champs et les oiseaux de l’air, trouvaient tous protection. Voilà, sans compter d’autres sujets d’admiration, ce que l’on trouvait dans cet arbre et ce que les hommes pensaient de lui.

Mais quel jugement Dieu en portait-Il ? « Mais quant à ce que le roi a vu le veillant et le saint qui descendait des cieux et qui disait : Coupez l’arbre et l’ébranchez », remarquez-le : il ne s’agit que d’une destruction temporaire ; il n’est jamais question, dans la pensée de Dieu, de l’anéantissement de quoi que ce soit. « Toutefois, laissez le tronc de ses racines dans la terre ». Dieu a à Sa disposition des moyens pour le maintenir en vie. Laissez-le donc, dit-il, « qu’il soit lié avec des liens de fer et d’airain parmi l’herbe des champs ; qu’il soit arrosé de la rosée des cieux, et qu’il ait sa portion avec les bêtes des champs jusqu’à ce que sept temps soient passés sur lui ». « C’en est ici l’interprétation, ajoute-t-il, ô roi ! et c’est ici le décret du Souverain qui est venu sur le roi, mon seigneur ». Et alors le prophète poursuit en faisant à Nebucadnetsar l’application personnelle du songe. Ici tout était parfaitement simple. Nebucadnetsar était averti de ce qui allait lui arriver. Il devait être chassé d’entre les hommes et son habitation serait avec les bêtes des champs ; mais il y avait davantage encore, il devait lui-même être réduit à leur condition : « On te paîtra d’herbe comme les bœufs, et tu seras arrosé de la rosée des cieux ». Et cela pour un temps déterminé : « Et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu connaisses que le Souverain domine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui il lui plaît ». Nous n’avons pas besoin d’insister sur cette histoire de Nebucadnetsar, et aucun croyant sincère ne saurait être disposé à soulever des difficultés à son égard. Les hommes l’ont fait, expliquant tout cela comme une pure illusion de l’esprit du roi. Mais ce sont là des questions qu’un chrétien ne doit pas même discuter, sauf dans l’intérêt d’autrui. La Parole affirme que le roi Nebucadnetsar fut en apparence réduit par la puissance de Dieu à la condition des bêtes. Or, si nous reconnaissons que Dieu a le pouvoir de mettre de côté les lois de la nature et qu’Il l’a fait en certaines occasions, donnant à quelques-uns de marcher sains et saufs au milieu du feu le plus ardent, et garantissant un autre de toute atteinte dans une fosse de lions, nous devons sentir que dans le fait de Nebucadnetsar réduit à cette dégradation terrible, chassé parmi les bêtes des champs et mangeant l’herbe comme les bœufs, il ne s’agit simplement que de la volonté et de la parole de Dieu. L’homme qui croit les autres faits doit croire celui-ci. La puissance de Dieu peut seule opérer de la sorte, et la Parole de Dieu est notre garant pour toute chose.

Mais pendant que tout cela est fort clair et bien simple, nous avons ici, en outre, une image de la puissance gentile, de son orgueilleuse exaltation d’elle-même et du jugement de Dieu qui doit la frapper. Je pense que Nebucadnetsar, personnellement, ne faisait que montrer quelle serait la tendance générale des Gentils, en tant que possédant un pouvoir qui lui avait été donné de Dieu. Il s’admirerait et s’exalterait lui-même, tournant à sa propre louange, à sa propre gloire, toute la grandeur que Dieu lui avait conférée. Les jugements qui devaient fondre sur lui, lui furent clairement signalés. Mais il ne fit pas attention à l’avertissement. Aussi, toutes ces choses arrivèrent au roi Nebucadnetsar. Au bout de douze mois, il se promenait dans le palais royal de Babylone ; et le roi, prenant la parole, dit « N’est-ce pas ici Babylone la grande, que j’ai bâtie pour être la demeure royale par le pouvoir de ma force et pour la gloire de ma magnificence ? La parole était encore dans la bouche du roi, quand une voix vint des cieux, disant : Roi Nebucadnetsar, on t’annonce que ton royaume te va être ôté ». La sentence fut exécutée.

Les puissances gentiles ont agi exactement de la même manière à l’égard de Dieu. Je n’entends point parler ici des individus qui peuvent surgir de temps à autre. Il se peut que des personnes pieuses se soient trouvées même dans la position occupée par Nebucadnetsar ; mais, comme règle générale, ses successeurs, depuis son époque jusqu’à la nôtre — ceux qui ont eu la suprématie dans le monde et ont possédé la gloire du monde — pour la plupart s’en sont servis pour leur propre compte. En tenant ce langage, je suis aussi éloigné que possible de me permettre, même pour un moment, un sentiment irrespectueux pour ces puissances ; je ne fais qu’énoncer les faits bien connus de la domination gentile. Ces gouvernements furent païens durant bien des siècles avant et après Jésus Christ ; et lorsque le christianisme fut accepté par Constantin et qu’il fut devenu progressivement la religion de l’empire, il n’est pas possible de voir dans cette révolution autre chose que l’adoption d’un système religieux. Mais ce fait ne mit obstacle en rien à la marche générale des choses, et la seule différence fut que le paganisme et le christianisme changèrent de place. Le paganisme qui dominait auparavant fut abaissé, et le christianisme, jusque-là comprimé, s’éleva au rang de culte établi et officiel. Constantin pensa peut-être qu’il était bon d’abaisser les païens et d’honorer les chrétiens ; mais il ne fut jamais question pour lui de prendre la Bible et de se dire : Qu’est-ce que Dieu veut de moi ? De quelle manière manifesterai-je mon obéissance à l’égard de Dieu ? Ces questions, jamais, depuis Nebucadnetsar, aucun de ceux qui ont dirigé les destinées du monde n’a songé à se les poser. Il ne pouvait en être autrement. Je parle ici des grands maîtres du monde, au temps de l’unité de l’empire. Et même, depuis que cette unité a été brisée, quoiqu’il puisse avoir existé exceptionnellement des rois ayant la crainte de Dieu dans leur cœur, cependant même alors il n’était pas en leur pouvoir de changer réellement dans leurs royaumes le cours de la politique. Ceux qui ont essayé de le faire y ont complètement échoué. C’est tout autre chose d’être dépositaire de l’autorité de Dieu dans ce monde, ou de se tenir vis-à-vis de Lui dans une sincère et humble position de dépendance, comme Son serviteur fidèle et obéissant.

Ce chapitre nous fait donc voir comment les hommes changent le pouvoir, l’autorité et la gloire qu’ils tiennent de Dieu en un moyen de satisfaire leur propre orgueil. La conséquence d’une pareille conduite est que toute intelligence de la pensée de Dieu leur serait enlevée. Nebucadnetsar reçut de Dieu des visions et des révélations remarquables : mais à quoi lui servirent-elles ? L’avertissement qui nous occupe maintenant, le plus personnel de tous, lui avait été donné : mais de quel avantage lui fut-il ? Daniel lui avait conseillé de racheter ses péchés par sa justice, et ses iniquités en faisant miséricorde aux pauvres : il ne fit pas attention à ce conseil. Douze mois s’écoulèrent, pendant que, dans l’orgueil de son cœur, il s’attribuait à lui-même et à l’œuvre de ses mains toute la grandeur et tout l’éclat dont il était environné, cette grande Babylone qu’il avait bâtie « pour être la demeure royale par le pouvoir de ma force et pour la gloire de ma magnificence ». Au même instant, la sentence est accomplie sur lui-même. Or, ce qui à ce moment-là était, à la lettre, vrai de Nebucadnetsar individuellement, est moralement vrai de toutes les puissances gentiles considérées comme un tout. Ce qui caractériserait les Gentils dans toute la durée de leur domination, c’est qu’ils seraient sans intelligence de Dieu et sans véritable soumission à Dieu.

« À cette même heure-là, cette parole fut accomplie sur Nebucadnetsar, et il fut chassé d’entre les hommes ; il mangea l’herbe comme les bœufs, et son corps fut arrosé de la rosée des cieux jusqu’à ce que son poil crût comme celui de l’aigle et ses ongles comme ceux des oiseaux ». Il avait été dit au verset 16 : « Que son cœur soit changé pour n’être plus un cœur d’homme, et qu’il lui soit donné un cœur de bête ». Toute pensée de Dieu fut entièrement perdue ; il n’eut pas plus d’idée concernant Dieu qu’une bête des champs ; et même, tandis que l’homme naturel a une conscience au-dedans de lui, Nebucadnetsar perdit absolument toute pensée, et fut réduit à la condition sans intelligence des brutes. L’homme fut formé pour occuper sur la terre la position d’un être qui regardait à Dieu et se tenait dans Sa dépendance. C’est là sa gloire. Une bête jouit, si on peut s’exprimer de la sorte, de ce qui constitue sa sphère propre de jouissance, conformément à la capacité que Dieu a accordée à sa nature ; mais elle n’a aucune idée du Dieu qui l’a faite et qui a fait toutes choses. L’homme, au contraire, a l’idée de Dieu. Cela revient à dire que la capacité de reconnaître Dieu est le grand trait qui marque essentiellement la différence entre un homme et une bête. Maintenant, s’il est permis de traduire d’une manière pratique la vérité que cette histoire est destinée à enseigner, je pense qu’il en ressort, si nous la lisons à un point de vue typique, que les puissances gentiles cesseraient de reconnaître Dieu dans l’exercice de leur gouvernement. Il est possible qu’elles fassent extérieurement usage de Son nom ; mais quant à reconnaître Dieu, dans une mesure quelconque, comme la source de tout ce qu’elles possédaient, ce serait absolument loin de leurs pensées. Et il en a été ainsi effectivement.

Mais, dans le cas de Nebucadnetsar, il s’opéra réellement un changement physique. Réduit à la condition d’une bête, il perdit ce qui caractérise l’homme — toute reconnaissance de Dieu. Ainsi que le dit notre chapitre, il eut un cœur de bête ; il ne posséda plus rien de ce qui fait le caractère et la gloire de l’homme. L’homme est placé ici-bas comme l’image et la gloire de Dieu. Il est placé sous la responsabilité de faire connaître Dieu, et il ne peut le faire que parce qu’il regarde à Dieu. Il y en a qui ont la ressemblance extérieure de l’homme, mais de « l’homme qui est en honneur et n’a point d’intelligence ; il est semblable aux bêtes brutes qui périssent » : déclaration qui reçut sa confirmation la plus remarquable dans le cas de Nebucadnetsar. Mais la même chose est vraie de tout homme qui ne voit que lui, et n’a point Dieu devant ses yeux. Ce fut exactement vrai du monarque babylonien. Il n’eut pas d’intelligence. Il attribua tout à lui-même, et non pas à Dieu ; et en conséquence, par une terrible rétribution, il fut réduit à l’état le plus abject. Jamais Gentil n’avait possédé autant de majesté et de gloire que Nebucadnetsar ; mais dans un instant tout est changé. La sentence de Dieu tombe sur lui au faîte même de son orgueil ; « il fut chassé d’entre les hommes, et mangea l’herbe comme les bœufs ».

Mais des limites furent assignées à la durée de ce châtiment. Ce devait être « jusqu’à ce que sept ans eussent passé sur lui ». L’expression « temps » a été employée plutôt que le mot années, peut-être parce que ce jugement de Nebucadnetsar est le type de la condition à laquelle sont réduites les puissances gentiles pendant tout le cours de leur empire. Cette considération a pu faire préférer un terme symbolique à un mot emprunté au langage de la vie ordinaire. Quoique le pouvoir suprême leur eût été accordé comme un don de Dieu, les Gentils ne reconnaîtraient jamais Dieu dans leur gouvernement d’une manière adéquate et réelle, et ils useraient de leur puissance en vue de leurs intérêts et de leurs propres fins. Pour ce qui est de se soumettre réellement et honnêtement à la volonté de Dieu, qui a jamais entendu parler d’une telle chose comme constituant le but de la politique d’une nation quelconque depuis que les Gentils ont obtenu le pouvoir ? Je ne sache pas qu’on y ait même jamais pensé. Cette figure s’applique donc véritablement à tout le cours des temps des Gentils.

Considérons un peu maintenant l’effet que produisit sur Nebucadnetsar le jugement qui le frappa. Les sept temps passèrent sur le roi. « Mais à la fin de ces jours-là, moi, Nebucadnetsar, je levai mes yeux vers les cieux ». C’était là le premier grand signe du retour de l’intelligence. Une bête regarde en bas, jamais elle ne regarde en haut dans le sens moral de l’expression. L’homme agissant moralement comme homme, reconnaît dans sa conscience un Être duquel il a reçu toute chose, qu’il doit honorer, et auquel il est tenu d’obéir. Lorsque le jugement fut arrivé à son terme, Nebucadnetsar leva les yeux vers les cieux. Il prend alors la véritable place d’un homme. « Mon sens me revint ». Qu’en résulta-t-il ? « Je bénis le Souverain ; je louai et j’honorai Celui qui vit éternellement ». Remarquez bien la différence. Dans les occasions précédentes, il se prosternait devant le prophète et commandait qu’on lui donnât des oblations et des parfums ; il rendait des statuts et des décrets pour que tous ses sujets honorassent le Dieu des Juifs. Mais que fait-il maintenant ? Il laisse là pour le moment tous les autres et se prosterne devant Dieu. Il ne songe pas à contraindre les autres au bien ou au mal ; mais il s’occupe lui-même de bénir, de louer et d’honorer le Souverain. Remarquez aussi cette expression « le Souverain », parce qu’elle a ici une emphase particulière. « Je bénis le Souverain ; je louai et j’honorai Celui qui vit éternellement, duquel la puissance est une puissance éternelle et le règne de génération en génération, et auprès duquel tous les habitants de la terre ne sont rien estimés. Il fait ce qui lui plaît tant dans l’armée des cieux que parmi les habitants de la terre, et il n’y a personne qui empêche sa main et qui lui dise : Qu’as-tu fait ? ».

Lorsque les temps des Gentils prendront fin, le tronc des racines de l’arbre revendiquera sa vitalité qui était restée dans la terre sous la protection de la providence divine, et était réservée pour faire encore obstacle au milieu de l’anarchie qui sans cela aurait couvert entièrement la terre. N’oublions pas que le gouvernement du monde est pour les hommes une miséricorde signalée, comparativement à ce que serait l’absence de tout gouvernement. Néanmoins, tandis que Dieu a exercé un contrôle sur lui et l’a conservé dans Sa providence pour le bien du monde, un temps approche où il germera de nouveau, et où on le verra remplir réellement le but pour lequel Dieu l’avait établi en la terre. Et quand cela arrivera-t-il ? « Lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprennent la justice ».

Quand tout ce qui est sorti de la bouche de Dieu sera réellement accompli conformément à Sa volonté ; quand l’homme sera pleinement béni et ne sera plus semblable aux bêtes brutes qui périssent ; quand on ne verra plus Israël rejeter son Messie, ni les Gentils s’arroger eux-mêmes ce pouvoir que Dieu leur a conféré dans Sa bonté souveraine — ce même jour verra le rayonnement de toutes les gloires que nous venons de signaler. Mais ce ne peut être que lorsque Christ, qui est notre vie, sera apparu et que nous serons apparus avec Lui en gloire. C’est à Lui qu’il est réservé d’être le chef des Gentils, aussi bien que des Juifs. Toutes les nations, les tribus et les langues Le serviront, car Dieu ne peut être connu que là où Christ est connu ; Il ne peut être connu dans Sa bonté et dans Sa gloire que là où on en reconnaît en Christ la substance et l’expression. Et il en sera ainsi à cette brillante époque. Le Seigneur Jésus viendra, et Il établira, en perfection, tout ce qui n’a fait que s’écrouler entre les mains de l’homme, ou n’a produit tout au plus qu’un effet négatif faisant obstacle au mal çà et là, mais restant bien au-dessous des moyens parfaits de bénédiction que Dieu a en vue. Lorsque ce jour sera venu, on verra le gouvernement gentil, non dans son état actuel de corruption, mais purifié du mal, et étendu selon les pensées divines, fleurir en la terre et n’être qu’un canal de bénédictions. S’il en a été autrement jusqu’ici, si la miséricorde de Dieu n’a pas pu se déployer librement en lui, le péché seul en a été la cause. Aussi, quand aura lieu le grand accomplissement de cette histoire typique de Nebucadnetsar, quand sera passé le temps de « son cœur de bête » à l’égard de Dieu, le temps où son cœur n’est occupé que de lui-même, donnant satisfaction à l’orgueil et à la convoitise du pouvoir, Dieu prendra en mains propres les rênes, comme le Dieu souverain, et les Gentils se prosterneront, se répandant en chants de louange et de gratitude pleine de joie.

La première fois que cette expression « le Dieu souverain » se présente dans l’Écriture, c’est au milieu d’une scène bien remarquable. Et souvent c’est au premier emploi qui y est fait d’un terme qu’il nous faut recourir pour en avoir la pleine signification. L’expression « le Dieu souverain » apparaît pour la première fois dans le récit relatif à Melchisédec, quand Abraham revenait de la poursuite des rois qui avaient fait Lot prisonnier. Il en sera de même à la fin de cette dispensation, quand aura lieu, non pas seulement la victoire sur toutes les puissances réunies contre le peuple de Dieu, mais encore ce que représentait la scène bénie qui suivit la victoire du patriarche. Melchisédec vient à la rencontre d’Abraham, et celui-ci lui donne la dîme de tout et reçoit sa bénédiction. Melchisédec est le type de Christ en ceci, savoir, que Christ réunit dans Sa personne la gloire du roi et celle du sacrificateur. Il était le roi de Salem et son nom était roi de justice : le jour de la paix sera fondé alors sur la justice. Mais il était aussi sacrificateur du Dieu souverain. Or, son action n’est point caractérisée ici par l’offrande du sacrifice ou de l’encens, mais par le fait qu’il apporte du pain et du vin pour le rafraîchissement des vainqueurs. Il bénit et prononce la bénédiction du Dieu souverain, possesseur des cieux et de la terre. En ce jour-là, en effet, il n’y aura plus d’abîme moral, mais bien complète union entre le ciel et la terre ; ce ne sera plus une triste confusion, un misérable amalgame de l’un et de l’autre, mais un lien de la plus douce, de la plus intime harmonie ; et le Seigneur Jésus sera Lui-même le lien béni qui les unira. Tête de ceux qui appartiennent au ciel, Il est aussi le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs — l’Arbitre souverain de toute puissance terrestre. Devant Lui se prosterneront toutes les choses qui sont aux cieux, celles qui sont sur la terre et celles aussi qui sont sous la terre. Ce sera l’époque de la parfaite restauration de l’intelligence et de la bénédiction des Gentils.

S’il y en a qui soient appelés à honorer la vérité de Dieu et à marcher dans l’intelligence de Ses voies, ce sont évidemment Ses enfants qui jouissent de la conscience de l’amour de leur Père. Oh ! puissions-nous, comprenant bien que c’est là notre place, être rendus capables de nous rappeler quelle sera la fin de toutes choses pour ce qui concerne l’homme ! Il approche ce jour de jugement qui vient sur le monde, et dont le poids tombera sur le Juif et sur le Gentil trouvés l’un et l’autre dans un état d’apostasie. Nous savons, pourtant, que ce jour verra un double résidu amené à briller de l’éclat d’une bénédiction plus grande que jamais — le résidu juif exalté, le résidu gentil béni, chacun d’eux à sa vraie place. Ce ne sera plus un pauvre tronc mutilé, mais un arbre qui germera de nouveau et s’élèvera sous les rosées des cieux dans ses conditions normales de force et de majesté.

Que le Seigneur nous accorde de pouvoir nous attendre à bien de la part de Dieu, nous souvenant qu’au milieu du jugement il y a une miséricorde qui triomphe au-dessus du jugement dans tous les cas, sauf dans le cas de celui qui rejette Christ absolument — qui vit en méprisant Sa miséricorde — qui meurt en se jugeant lui-même indigne de la vie éternelle. Souvenez-vous qu’aucune âme qui entend l’évangile n’est perdue simplement parce qu’elle est méchante. Il y a un remède assuré pour tout ce que nous sommes. Les hommes ne sont perdus que parce qu’ils rejettent et méprisent la vie éternelle, le pardon, la paix, tout, dans le Fils de Dieu !


Chapitre 5

Les chapitres 5 et 6 de Daniel forment une partie de ce que nous pouvons appeler la série des chapitres moraux. Ils sont historiques, mais ils ne sont pas empreints du caractère qui en feraient des figures de l’avenir, recevant de la lumière des prophéties qui les précèdent et les suivent, et à leur tour en jetant sur elles. De ces récits, qui sont comme des illustrations pratiques des puissances gentiles, nous avons vu déjà les deux qui suivent le songe de Nebucadnetsar. Nous allons aborder le premier de deux autres, avant d’arriver à l’examen des communications plus précises qui furent faites au prophète lui-même au chapitre 7.

Les chapitres 5 et 6 ont ceci de particulier qu’ils ne révèlent pas tant les caractères généraux des Gentils, comme certains traits particuliers qui doivent se trouver en eux à la fin, précurseurs d’une prompte destruction. En un mot, ils typifient des actes mauvais, spéciaux, ou des explosions du mal, plutôt que le mal qui a traversé toute leur position et toute leur histoire. Néanmoins il y a entre ces deux chapitres une différence marquée. Venons-en maintenant à l’examen rapide du premier.

« Le roi Belshatsar fit un grand festin à mille de ses gentilshommes, et il buvait du vin devant ces mille courtisans ». C’était une scène de fêtes somptueuses, splendides, et sans doute extraordinaires. Dans une pensée sacrilège, le roi ayant bu, commanda qu’on apportât les vaisseaux d’or et d’argent que Nebucadnetsar, son père, avait tirés du temple qui était à Jérusalem, afin que le roi et les gentilshommes, ses femmes et ses concubines y bussent. Alors furent apportés les vaisseaux d’or, etc. Ils y burent du vin, et louèrent leurs dieux d’or, d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre. Nous pouvons apprendre de l’histoire ce qu’était une fête où l’on lâchait les rênes à la licence, et comment une armée assiégeante y trouvait une occasion favorable pour tirer parti de ses vastes préparatifs et saisir le moment où les assiégés n’étaient pas sur leurs gardes. C’est dans de telles circonstances, ainsi que l’Écriture nous le fait voir, que, plongé dans cette fausse sécurité qui précède la destruction, le roi lance l’insulte au Dieu d’Israël. Homme téméraire et aveugle ! c’était juste la veille de la ruine de sa dynastie et de sa mort.

Pour Belshatsar, le passé était un blanc inutile. C’était pour lui une leçon qu’il n’avait ni apprise ni écoutée, que Dieu, dans les voies de Sa providence, avait fait de son ancêtre l’instrument de justes mais terribles jugements. La cité, la sainte cité de Dieu, avait été prise, le temple brûlé, et les vaisseaux du sanctuaire, avec presque toute la nation, peuple, sacrificateurs et roi, avaient été transportés dans la terre de l’ennemi. Cette chute d’Israël avait, en tous lieux, rempli les hommes d’étonnement. L’importance qui s’y attacha était tout à fait hors de proportion avec la grandeur numérique de la nation ou de son territoire. Mais tout pauvres que ceux qui la composaient fussent individuellement, ils étaient environnés de l’auréole d’un Dieu qui jadis les avait amenés d’Égypte à travers la mer Rouge — qui les avait nourris du pain des anges pendant de longues années dans l’aride désert — et qui, malgré leurs ingratitudes et mille périls, les avait couverts comme d’un bouclier, durant des siècles, dans le pays de Canaan. N’était-ce donc pas un étrange spectacle pour le monde que Dieu eût livré Son peuple élu et comblé de tant de faveurs, pour être emporté hors de sa terre par un roi chaldéen, le chef de l’idolâtrie de cette époque ? Car Babylone fut toujours fameuse pour la multitude de ses idoles.

Nebucadnetsar, dans tout l’orgueil de son heureuse ambition, n’avait pas été aussi insensé. Il s’était prosterné à l’ouïe de la vérité merveilleuse que le Dieu du ciel, qui avait abandonné Israël à cause de ses péchés, l’avait, dans Sa souveraineté, suscité lui-même pour être la tête d’or de l’empire gentil. Il avait reconnu le Dieu de Daniel comme le Dieu des dieux et le Seigneur des rois ; il avait confessé que le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego était le Dieu souverain — un Dieu qui délivrait et révélait les secrets par-dessus tous les autres. Nebucadnetsar, il est vrai, s’était rendu coupable de beaucoup de péchés — il avait été orgueilleux, et s’était complu en lui-même, en dépit de l’avertissement qui lui avait été donné, et il avait été abaissé comme jamais roi ni homme ne l’ont été pour cela ; mais il avait reconnu son péché dans tout son vaste royaume, ainsi que les grandes merveilles du Roi du ciel dont toutes les œuvres sont véritables, et Ses voies justes. Mais avant cette fin brillante, même aux jours de son indifférence la plus profonde (alors que tout tremblait devant lui, et qu’il faisait mourir et vivre qui il voulait, et qu’il élevait et abaissait qui il voulait), jamais il ne s’était livré à un acte de mépris et de profanation tel que celui que son petit-fils accomplissait maintenant.

Mais, dans le même instant, la sentence du jugement immédiat, inévitable, se faisait entendre, car la coupe d’iniquité était pleine ; et il y avait longtemps que la bouche de l’Éternel avait proclamé le châtiment du roi de Babylone. (És. 13 ; Jér. 25, etc.) Cependant, le coup ne tombe pas sans un signe solennel de la part de Dieu. « À cette même heure-là sortirent des doigts d’une main d’homme, qui écrivaient à l’endroit du chandelier, sur l’enduit de la muraille du palais royal ; et le roi voyait cette partie de main qui écrivait ».

Ce n’était pas un songe de la nuit maintenant. C’était un silencieux moniteur, de redoutable augure, au milieu de leur orgie effrénée et de l’impie défi qu’ils jettent au Dieu vivant. L’heure de l’effusion de la colère avait sonné. Il faut que Bel se prosterne, et que Nebo s’incline devant un Dieu indigné, mais un Dieu d’une extrême patience. Le roi n’eut pas besoin qu’on lui insinuât de quoi il s’agissait. Sa conscience, rongée de dépravation, tremblait devant la main qui traçait sa sentence, quoiqu’il ne connût pas un mot de ce qui était écrit. Il sentit instinctivement que Celui dont personne ne saurait arrêter la main avait affaire avec lui. « Alors, le visage du roi fut changé, et ses pensées le troublèrent, et les jointures de ses reins se desserraient, et ses genoux heurtaient l’un contre l’autre ». Dans son effroi, oublieux de sa dignité, « le roi cria à haute voix qu’on amenât les astrologues, les Chaldéens et les devins ». Mais tout fut inutile. On offrit les récompenses les plus élevées, mais l’esprit d’un profond sommeil fermait tous les yeux. « Ils ne purent point lire l’écriture, ni en donner au roi l’interprétation ».

Au milieu des alarmes du roi, qui vont toujours croissant, et de l’étonnement de ses gentilshommes, la reine (sans aucun doute la reine-mère, si nous comparons les versets 2 et 10) entre dans la salle du festin. Ses sympathies n’étaient point à la fête, et elle rappelle au roi quelqu’un qui était encore plus en dehors et au-dessus de tout cela, un homme dont la personne était entièrement étrangère à ce roi impie. « Il y a dans ton royaume un homme, etc. » (v. 11-14).

Ce fait, que Daniel était étranger à Belshatsar, renferme des volumes. Quels que fussent l’orgueil et l’audace du grand Nebucadnetsar, Daniel était assis à la porte du roi — gouverneur sur toute la province de Babylone, et chef de tous ceux qui avaient la surintendance sur tous les sages. Son descendant avili et dégénéré ne connaissait pas Daniel.

Cela me fait souvenir, en passant, d’un incident bien connu de l’histoire du roi Saül, dont on ne voit pas toujours la portée morale : l’intervention d’un jeune fils d’Isaï, dont il plaisait à Dieu d’employer la musique comme un moyen de calmer l’esprit du roi quand il était troublé par un mauvais esprit. « Il arrivait donc que, quand le mauvais esprit envoyé de Dieu était sur Saül, David prenait le violon, et en jouait de sa main ; et Saül en était soulagé, et s’en trouvait bien, parce que le mauvais esprit se retirait de lui » (1 Sam. 16, 23). Peu de temps après, Saül et tout Israël se trouvèrent dans une grande consternation, lorsque le géant de Gath leur jeta son orgueilleux défi dans la vallée d’Éla. La providence de Dieu conduisit, là, dans l’humble sentier de l’accomplissement d’un pacifique devoir, un jeune homme qui entendit avec des oreilles bien différentes les paroles de vanité et d’orgueil du Philistin. Loin d’en être effrayé, le sentiment qu’il éprouva fut plutôt de l’étonnement que cet incirconcis osât défier les armées du Dieu vivant. À peine l’a-t-il vaincu, que le roi se tourne vers le chef de l’armée, et lui fait cette demande : « De qui est fils ce jeune garçon ? ». Et Abner confesse son ignorance. Certes, voilà une chose étrange. Le même jeune garçon qui l’avait servi dans sa maladie était inconnu du roi Saül ! Certainement il ne s’était pas écoulé un long intervalle ; mais Saül ne connaissait point David. Cette circonstance a jeté les critiques dans une perplexité extrême. Et l’un d’eux, hébraïsant des plus distingués, a essayé d’établir qu’il fallait que d’une manière ou d’autre les chapitres eussent été entremêlés, et que la dernière partie du chapitre 16 devait suivre la fin du chapitre 17, de manière à faire disparaître la difficulté à laquelle donne lieu l’ignorance où se trouve Saül à l’égard de la personne de David, après que celui-ci s’est déjà tenu en sa présence, a gagné son affection et est devenu son écuyer. Mais je suis convaincu que tout cela vient de ce que l’on ne comprend pas la leçon que Dieu veut enseigner précisément dans cette scène. Il se pouvait fort bien que Saül eût aimé David à cause de ses services, mais il n’avait pas éprouvé pour lui la plus légère sympathie ; et lorsqu’il en est ainsi, nous oublions facilement. Si on n’a pas les mêmes affections, on est bientôt réellement éloigné l’un de l’autre quand se présente le service du Seigneur. C’est là justement l’esprit du monde relativement aux enfants de Dieu, selon ce que dit saint Jean : « C’est pourquoi, le monde ne nous connaît pas, parce qu’il ne l’a pas connu ». Il peut savoir bien des choses concernant les chrétiens, mais il ne les connaît jamais. Et quand le chrétien a disparu de la scène, il peut bien rester encore de lui un souvenir fugitif, mais c’est un homme inconnu. Saül avait eu les plus grandes obligations à David. Mais quoique David eût été pour lui l’instrument de la bénédiction, néanmoins toute la connaissance qu’il pouvait en avoir s’effaça complètement avec le service qu’il en avait reçu.

C’est ainsi pareillement que la reine pouvait dire au sujet de Daniel : « Au temps de ton père, l’on trouva en lui une lumière, une intelligence et une sagesse telle qu’est la sagesse des dieux ; et le roi Nebucadnetsar ton père, ton père lui-même, ô roi, l’établit chef des mages, des astrologues, des Chaldéens et des devins ». Malgré cela, personne ne s’occupait de lui maintenant ; il était comparativement inconnu des gens de la fête, et la seule personne qui pensât à lui était la reine qui même ne se trouvait là qu’à cause du trouble dans lequel ils étaient jetés.

En conséquence, Daniel est amené devant le roi qui lui dit : « Es-tu ce Daniel qui es d’entre ceux qui ont été amenés captifs de Juda, que le roi mon père a fait emmener de Juda ? ». Il lui expose alors la difficulté dont il s’agit, et parle des récompenses qu’il est prêt à donner à quiconque lira l’écriture et en fournira l’interprétation. La réponse de Daniel est telle que la circonstance le demandait : « Que tes dons te demeurent, et donne tes présents à un autre ; toutefois je lirai l’écriture au roi, et je lui en donnerai l’interprétation ». Mais il commence par lui faire entendre une douloureuse parole de répréhension. Il lui retrace en quelques mots l’histoire de Nebucadnetsar et des voies de Dieu envers lui ; en même temps, il lui rappelle sa propre indifférence si absolue et ses insultes contre Dieu : « Toi aussi, Belshatsar, son fils, tu n’as point humilié ton cœur, quoique tu susses toutes ces choses ; mais tu t’es élevé contre le Seigneur des cieux…, et tu n’as point glorifié le Dieu dans la main duquel est ton souffle et toutes tes voies ». Il lui déclare nettement ce qu’est cette scène aux yeux de Dieu ; car c’est là ce que le péché, ce que Satan cherche toujours à cacher. Pour la cour de Babylone c’était une fête magnifique, rehaussée par les trophées du succès des armes de la grande ville et de la suprématie de ses dieux. Mais quel était pour l’œil de Dieu le caractère de cette somptueuse orgie ? Que pouvait-Il penser à la vue des vaisseaux consacrés à Son service apportés orgueilleusement pour célébrer le triomphe de Babylone et de ses idoles ? Oh ! combien ce moment dut être pénible au cœur de l’adorateur de Jéhovah, toute sûre et prompte qu’en devait être l’issue !

Il se passe cependant aujourd’hui dans le monde des scènes qui suggèrent des pressentiments d’un caractère pour le moins aussi grave. Toute la question est de savoir si nous sommes dans le secret de Dieu, de manière à pouvoir lire par nous-mêmes le jugement qu’Il porte sur toutes ces choses. Nous pouvons sans hésiter et sans risque prononcer jusqu’à un certain point sur la présomption de Nebucadnetsar, et sur l’impiété manifeste de Belshatsar ; mais voici, pour ce qui nous regarde, le grand critère moral : Savons-nous discerner comme il faut l’apparence du ciel et de la terre aux jours où nous sommes ? Les signes si sombres de notre époque sont-ils perdus pour nous ? Nous identifions-nous en toute simplicité et uniquement avec les intérêts du Seigneur au temps actuel ? Avons-nous l’intelligence de ce qui se passe maintenant dans le monde ? Croyons-nous à ce qui va lui arriver ? Bien évidemment le roi et sa cour n’étaient que les instruments de Satan, et le mépris qu’ils montraient pour le Dieu des cieux n’était pas simplement l’œuvre de leur propre cœur : Satan était leur maître. C’est une parole véritable, que partout où vous voyez la volonté de l’homme, vous trouvez invariablement le service de Satan. Hélas ! l’homme ne sait point que la jouissance d’une liberté sans Dieu, ce n’est et ce ne peut être que faire l’œuvre du diable. Le roi Belshatsar et ses courtisans ne pensaient peut-être qu’à célébrer leurs victoires sur une nation encore abaissée et captive dans Babylone ; mais de fait ils insultaient positivement et personnellement le vrai Dieu, et Il répond à leur défi. Ce n’était plus une discussion entre Daniel et les astrologues : c’était une affaire entre Dieu et Belshatsar. L’ordre, qu’on apportât les vaisseaux de la maison de l’Éternel, pouvait ne paraître qu’un méchant caprice, effet de l’ivresse du roi et de ses convives ; mais le moment de la crise était venu, et il faut que Dieu frappe un coup décisif. Soyez-en bien assurés : les tendances de notre époque, quoique non immédiatement jugées de Dieu, ne tombent pas dans l’oubli ; et il y a un trésor de colère qui s’amasse pour le jour de la colère. Ce temps-ci n’est pas le temps des jugements de Dieu. C’est bien plutôt celui où l’homme élève l’édifice de ses péchés jusqu’au ciel, pour voir le jugement tomber d’une manière d’autant plus terrible, lorsque la main de Dieu sera étendue contre lui.

Mais, même à l’heure suprême, il y a un avertissement solennel, immédiat, et devant tous. Et remarquez en quoi consistait la grande difficulté concernant cette écriture tracée sur la muraille. Elle était en langue chaldéenne, et tous ceux qui contemplaient la main et les caractères étaient chaldéens ; en conséquence, nous aurions pu supposer que les simples caractères devaient être plus familiers aux Chaldéens qu’à Daniel. Ce n’est pas la coutume de Dieu, quand Il fait quelque communication, d’employer une forme obscure ; et ce serait une théorie monstrueuse de prétendre qu’en donnant une révélation, Dieu la présente d’une manière qui la rend impossible à comprendre par ceux à qui elle est destinée. Qu’est-ce donc qui rend toute l’Écriture si difficile ? À coup sûr ce n’est pas son langage, et en voici une preuve frappante. Si quelqu’un me demandait quelle est la portion du Nouveau Testament que je considère comme la plus profonde, je me référerais aux épîtres de saint Jean ; et cependant, s’il y a des portions écrites, plus que d’autres, dans un langage de la simplicité la plus grande, ce sont ces mêmes épîtres. Les expressions n’en sont point celles des scribes de ce monde. Ce ne sont pas non plus des pensées énigmatiques, toutes pleines d’allusions étrangères et abstruses. La difficulté que présente l’Écriture tient à ce qu’elle est la révélation de Christ pour ceux dont le cœur a été ouvert par la grâce pour le recevoir et l’apprécier. Or, Jean avait été admis éminemment à ce privilège. Il était, de tous les disciples, le plus favorisé d’une intimité de communion avec Christ. Ce fut certainement le cas pendant que Christ était sur la terre ; et le Saint Esprit se sert de lui pour nous communiquer les pensées les plus profondes sur l’amour de Christ et sur la gloire de Sa personne.

Les difficultés de l’Écriture tiennent donc réellement à ceci, savoir, que ses pensées sont infiniment au-dessus de nos pensées naturelles. Pour comprendre la Bible, il faut nous débarrasser du moi. Il nous faut avoir un cœur et des yeux pour Christ, sinon, l’Écriture est inintelligible pour nos âmes ; tandis que si l’œil est simple, tout le corps est plein de lumière. De là vient que vous voyez parfois un homme instruit, quoiqu’il soit peut-être chrétien, complètement embarrassé, s’arrêter court aux épîtres de Jean et à l’Apocalypse comme trop profondes pour lui ; tandis que, d’un autre côté, un homme simple, s’il ne peut les comprendre entièrement, ou en expliquer exactement toutes les parties, peut dans tous les cas en jouir : elles présentent à son âme des pensées intelligibles et lui apportent consolations, directions et profit. Même s’il s’agit d’événements à venir, ou bien de Babylone et de la Bête, ce lecteur à l’œil simple trouve les grands principes de Dieu qui ont toujours sur son âme une action pratique, quoiqu’ils se rencontrent dans le livre réputé le plus obscur de l’Écriture. La raison en est qu’il a Christ devant lui, et que Christ est, dans tous les sens, la sagesse de Dieu. Naturellement, ce n’est pas à cause qu’il est ignorant qu’il est capable de comprendre, mais c’est nonobstant son ignorance. Ce n’est pas non plus la science d’un homme qui le rend capable d’entrer dans les pensées de Dieu. Qu’on soit ignorant ou savant, il n’y a pour cela qu’un moyen — l’œil pour voir ce qui concerne Christ. Et partout où cela est fermement fixé devant l’âme, je crois que Christ devient la lumière de l’intelligence spirituelle, comme Il est la lumière du salut. C’est l’Esprit de Dieu qui est la puissance pour saisir cette lumière ; mais Il ne la donne jamais excepté par Christ. Autrement l’homme a devant lui un objet qui n’est pas Christ, et, en conséquence, il est incapable de comprendre l’Écriture qui révèle Christ. Il tâche de faire signifier à l’Écriture ce qu’il a dans ses propres pensées quoi que ce puisse être, et ainsi l’Écriture est faussée. Voilà la clef réelle de toutes les erreurs relatives à l’Écriture. L’homme apporte ses pensées à la Parole de Dieu et édifie un système qui n’a pas de fondement divin.

Pour en revenir à l’inscription tracée sur la muraille, les expressions étaient assez claires. Tout aurait dû être intelligible et l’aurait été, si les âmes des Chaldéens eussent été en communion avec le Seigneur. Je ne veux pas dire que le pouvoir de l’Esprit de Dieu n’était pas nécessaire pour rendre Daniel capable de la comprendre. Mais pour l’intelligence de la Parole de Dieu, c’est une chose immense d’avoir communion avec le Dieu qui nous fait connaître Sa pensée. « C’est pourquoi, disait Paul aux anciens, je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce ».

Daniel était entièrement en dehors des festins et choses semblables. Il était étranger à tous ceux qui se trouvaient là ; et c’est du sein de la présence de Dieu qu’il fut appelé à voir cette scène d’impiété et de ténèbres. Arrivant donc tout frais de la lumière de Dieu, il lit la terrible écriture tracée sur la muraille, et tout brille comme le jour. Rien de plus solennel. « C’est ici l’interprétation de ces paroles » (v. 25-28). Sur le champ il voit Dieu dans l’affaire. Le roi avait insulté Dieu dans ce qui était rattaché à Son culte. « Thekel : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger. Pérès : ton royaume a été divisé, et il a été donné aux Mèdes et aux Perses ». Ce n’est point que quelque chose apparût alors ; on ne voyait rien en ce temps-là qui rendît la chose même probable. Et j’appelle votre attention sur ce point, parce que c’est une preuve de plus combien est entièrement fausse la maxime que pour comprendre la prophétie il nous faut attendre jusqu’à son accomplissement. S’il s’agit d’un incrédule, certainement voir dans le passé l’accomplissement d’une prophétie, c’est un argument dont rien ne peut surmonter la puissance. Mais est-ce là le but pour lequel Dieu a écrit la prophétie ? L’a-t-Il fait pour convaincre les incrédules ? Sans aucun doute, Dieu peut s’en servir à cette fin. Mais y destinait-Il l’écriture tracée sur la muraille cette nuit-là ? Évidemment non. C’était Son dernier avertissement solennel avant que le coup fût frappé ; et l’interprétation fut donnée avant que les Perses eussent fait irruption dans la ville — quand il n’y avait encore aucun symptôme de ruine, et que tout au contraire ne respirait que la gaîté et la joie. En cette même nuit Belshatsar, roi de Chaldée, fut tué, et Darius, le Mède, prit le royaume, étant âgé d’environ soixante-deux ans.

En un mot, Babylone était jugée.


Chapitre 6

Nous arrivons maintenant à un autre et dernier type des puissances gentiles. Mais dans l’étude des types, il ne faut jamais oublier qu’il ne s’agit point du caractère personnel de ceux en qui l’Écriture nous les présente. C’est ainsi qu’Aaron était, dans son office, un type de Christ ; mais nous ne devons pas en conclure que ses voies fussent semblables à celles de notre Sauveur bien-aimé. Sous quelques rapports il fut un homme bien coupable : c’est lui qui fit le veau d’or et qui même chercha à tromper le peuple à son sujet. Mais cette circonstance ne le rend point incapable d’être un type de Christ : il l’était en dépit de toutes ces fautes, et non dans ces fautes. David préfigura Christ, non comme sacrificateur, mais comme roi — comme roi d’abord souffrant et rejeté, et ensuite comme roi dans son règne et fort exalté. La vie de David se compose de deux parties : la première renferme le temps où il était bien revêtu de l’onction royale, mais où la puissance du mal était encore reconnue, et où il était poursuivi et persécuté ; la seconde, c’est le temps où, Saül étant mort, il occupe le trône et soumet ses ennemis. Sous l’un et l’autre de ces aspects, David fut un type de Christ. Toutefois sa chute et le terrible péché qu’il commit forment manifestement aussi un parfait contraste avec la vie de Christ.

Mais si, d’un autre côté, le chapitre que nous avons maintenant sous les yeux nous présente, comme je le crois, un type d’une scène terrible de la fin de la présente dispensation, nous ne devons pas supposer que la chose ne saurait être à cause des bonnes qualités qui se trouvaient dans le roi. La manière dont l’homme voudra se faire Dieu est préfigurée dans la personne de Darius, plutôt qu’en Belshatsar. En principe, c’est l’acte qu’accomplit Darius, ou du moins qu’il autorisa, qui expose et manifeste d’avance cette prétention et cette conduite de l’homme. Tandis que Belshatsar était parmi les plus dégradés de la race humaine, il y avait au contraire dans le caractère et dans les mœurs de Darius quelque chose de très propre à le faire aimer et estimer, si même il ne s’y trouvait pas quelque chose de mieux encore. Mais ce n’est pas de Darius personnellement que je veux parler ici. Nous avons eu dans le précédent chapitre le type de la chute de Babylone et le jugement de Dieu qui doit la frapper pour la méchanceté qu’elle a montrée en insultant et en profanant les vaisseaux consacrés au culte du vrai Dieu, en les apportant au milieu de ses propres idoles, et en célébrant les louanges de ces idoles au mépris des douleurs du peuple de Dieu. Tout cela se vérifiera bien davantage dans les événements que l’histoire aura à enregistrer plus tard. Il y a maintenant sur la terre une grandeur qui occupe la position la plus élevée comme étant l’Église de Dieu ; elle s’enorgueillit de son unité, de sa force et de son antiquité ; elle s’enorgueillit de sa succession non interrompue ; elle se prévaut, dans l’intérêt de son crédit et de son influence, de la sainteté et du sang des martyrs. Mais Dieu n’est pas indifférent à l’égard de ses péchés qui, de génération en génération, n’ont fait que s’accroître et devenir plus profonds, et qui n’attendent que le jour du Seigneur, où le jugement doit être exécuté, pour recevoir la sentence qui leur est due. Dans l’Apocalypse, deux grandes choses sont tour à tour l’objet du jugement — Babylone et la Bête : l’une représente la corruption religieuse, et l’autre la violence : deux formes différentes de la méchanceté humaine. Dans la dernière forme qu’elle revêt, nous voyons un homme incité par Satan élever la prétention de prendre la place de Dieu sur la terre. Or, c’est là précisément ce que Darius permet ici que l’on fasse. Peut-être ne savait-il pas lui-même de quoi il s’agissait, mais il se trouvait autour de lui des gens qui le conduisirent à cet acte terrible.

Voici dans quelles circonstances cela s’accomplit. Les gouverneurs et les satrapes avaient besoin d’une occasion contre Daniel, et ils savaient bien qu’il était impossible d’en trouver une contre lui, à moins que ce ne fût « dans ce qui regardait la loi de son Dieu ». C’est pourquoi ils se concertent, et, profitant de la coutume qui existait chez les Mèdes et les Perses, et par suite de laquelle il appartenait aux nobles de faire la loi et au roi de la promulguer, ils imaginent de décréter qu’il ne sera permis à personne d’adresser aucune requête à quelque dieu ou à quelque homme que ce soit durant trente jours, si ce n’est au roi. Qu’était-ce que cela, sinon mettre un homme à la place de Dieu ? Défendre qu’aucune prière fût offerte au vrai Dieu, et ordonner que toute prière qui serait offerte fût offerte au roi, c’est incontestablement attribuer à l’homme les droits de Dieu. Le roi tomba dans le piège et signa le décret.

Mais nous avons maintenant à considérer la belle conduite de Daniel. Rien ne donne lieu de penser que ces choses fussent un secret pour Daniel. Au contraire, il était parfaitement informé de la loi qu’on avait rendue. D’un autre côté, il ne pouvait pas compromettre les droits de son Dieu. Son chemin était donc tout tracé. Il était vieux déjà, et la foi qui avait brûlé en lui dès les premiers jours, était au moins aussi brillante que jamais. Aussi lorsqu’il eut appris que tout était signé, scellé et établi, pour autant que c’est au pouvoir de l’homme, et que la loi irrévocable des Mèdes et des Perses voulait qu’aucun homme ne fléchît les genoux devant Dieu durant trente jours ; sachant bien tout cela, il va dans sa chambre. Il n’y met pas d’ostentation, mais il ne cache pas sa conduite. Ses fenêtres ouvertes, comme d’habitude, du côté de Jérusalem, il se prosterne devant son Dieu trois fois le jour, il prie et rend grâces comme il l’avait fait précédemment. Il fournit à ses ennemis l’occasion qu’ils cherchaient. Ceux-ci rappellent aussitôt au roi le décret qu’il avait rendu, et se mettent à accuser Daniel devant lui. « Ce Daniel, disent-ils, qui est un de ceux qui ont été amenés captifs de Juda, n’a tenu compte de toi, ô roi, ni du décret que tu as écrit ; mais il prie, faisant requête, trois fois par jour ». Alors Darius le roi, éprouva un grand déplaisir en lui-même ; il s’efforce inutilement jusqu’au coucher du soleil de délivrer celui pour lequel il avait au moins du respect. Cependant, quelque désolé qu’il en soit, à l’appel que lui font ces hommes sur le principe du caractère irrévocable de la loi des Mèdes et des Perses, il pèche de nouveau. Il abandonne le prophète à la fureur de ses ennemis pour être jeté dans la fosse des lions, avec l’espérance, que peut-être il admettait à peine lui-même, que son Dieu le délivrerait. Et Dieu intervient pour Son serviteur. Dieu opère la délivrance, et le sort terrible qu’on avait destiné au prophète retomba sur ceux-là même qui l’avaient accusé auprès du roi. « Les nations ont été enfoncées dans la fosse qu’elles avaient faite ; leur pied a été pris au filet qu’elles avaient caché. L’Éternel s’est fait connaître, il a fait jugement ; le méchant a été enlacé dans l’ouvrage de ses mains » (Ps. 9, 15, 16). Il ne saurait y avoir rien de plus clair que la portée typique de cet événement sur la délivrance du résidu fidèle de la fin par l’effusion de colère et la destruction qui atteindront aux derniers jours les traîtres du dedans et les oppresseurs du dehors. Le résultat en sera comme ici, que les Gentils reconnaîtront que le Dieu vivant est le Dieu d’Israël délivré, et que Son royaume ne sera point dissipé.

Les chapitres 5 et 6 de Daniel nous présentent donc les types combinés des scènes qui terminent la dispensation actuelle. Car si vous regardez plus loin dans ce livre de Daniel, vous rencontrez un autre personnage appelé « le roi » (chap. 11, 36, etc.). Vous pouvez lire là une prophétie directe d’actions semblables : « Le roi fera selon sa volonté, et s’enorgueillira, et s’élèvera par-dessus tout Dieu ; il proférera des choses étranges contre le Dieu des dieux, etc. ». Je ne veux pas dire que Darius personnellement ait fait ces choses ; je signale seulement ce que son acte, ou son décret, signifiait aux yeux de Dieu. Il s’agit de ce que Dieu pensait du péché dans lequel Darius avait été attiré, et cela comme un type de l’avenir.

En outre, il est dit du roi, au chapitre 11 : « Il ne se souciera point du Dieu de ses pères… Car il s’élèvera au-dessus de tout ». Maints passages du Nouveau Testament font allusion à cela. Et si quelqu’un allègue que tout cela est dit des Juifs et ne concerne pas la dispensation sous laquelle nous sommes, je prends ce qui est relatif à cette dispensation et je cite comme preuve 2 Thessaloniciens 2, 3, 4 : « Que personne ne vous séduise en aucune manière : car ce jour-là (le jour du jugement du Seigneur sur ce monde) ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant, et que l’homme de péché ne soit révélé, le fils de perdition, lequel s’oppose et s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est un objet de vénération ; de sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu ». Maintenant il est clair qu’en faisant l’acte qu’il accomplit Darius s’élevait effectivement au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est un objet de vénération. Défendre d’adresser des prières à Dieu, et prescrire que les prières que l’on avait coutume d’offrir à Dieu lui fussent un certain temps adressées à lui-même, ce n’était rien de plus ni rien de moins qu’être le type de celui qui doit un jour prendre cette position d’une manière bien plus terrible, plus grossière et plus littérale. Il ressort avec une parfaite évidence du Nouveau Testament, que ces jours dont il est parlé en Daniel et qui y sont reproduits par anticipation d’une manière typique, sont encore à venir ; et que ce personnage, que la prophétie contemple en perspective, doit se poser comme Dieu, et non pas seulement comme le vicaire de Christ, qui a des gens prêts à se prosterner devant lui et à lui baiser les pieds. Ces actes-ci sont sans doute fort mauvais et superstitieux ; mais ils ne nous présentent pas un homme déclarant qu’il est Dieu, s’établissant dans le temple de Dieu, et disant : Il ne sera adressé de prière à aucun être, si ce n’est à moi-même. Quelque grand que soit le mal qui se trouve dans le papisme et dans l’orgueilleuse prétention du pape, il doit survenir un mal beaucoup plus grand encore ; et la pensée solennelle qu’il faut garder devant soi c’est, que ce ne sera pas seulement là l’issue du papisme, mais celle du papisme et du protestantisme, etc., sans Dieu. Même la diffusion de la vérité ne sera pas un préservatif infaillible contre l’invasion de ce mal. Bien coupables et insensés furent jadis ceux qui s’imaginaient que, parce qu’Israël avait dans le camp l’arche de l’alliance de l’Éternel, ils seraient nécessairement préservés dans la bataille avec les Philistins ! L’arche revint en triomphe, mais eux où étaient-ils ?

Gardez-vous de la pensée si chère que le zèle religieux qui se déploie dans ce pays le met à l’abri du mal. Tenez pour sûr plutôt que plus la lumière abonde dans une contrée, plus la Bible y est répandue, plus il y a de prédications, plus on y trouve tout ce qui est bon, et plus aussi le danger est grand si les hommes ne s’y conforment pas, et ne marchent point en harmonie avec ces privilèges. S’ils les traitent comme chose de peu d’importance et n’en font point de cas ; s’ils n’ont pas conscience de l’importance qu’il y a à s’incliner réellement, dans la pratique, devant la lumière de la Bible, ils seront très certainement entraînés par une séduction ou par une autre. Car qui peut dire ce qui a peu d’importance dans l’Écriture, ou les moyens par lesquels le diable acquiert de la puissance sur l’âme ? Partout où l’âme se laisse aller au refus d’écouter Dieu, se livre à la désobéissance à Dieu en quoi que ce soit, qui peut dire où cela finira ? Il n’y a de sécurité que dans la voie d’une sainte dépendance de Dieu et de l’obéissance à Sa Parole. Nous ne devons pas mettre une portion de l’Écriture au-dessus d’une autre par le motif qu’elle nous est à consolation plus grande : il nous faut prendre toute l’Écriture ; ce n’est que là que nous trouvons sécurité. C’est très doux et très précieux de jouir de la présence du Seigneur ; mais il y a plus que cela : c’est une chose terrible que de se trouver dans un état de désobéissance au Seigneur. La désobéissance est comme le péché de sorcellerie. Il n’y a rien de plus terrible. Désobéir à Dieu, c’est virtuellement détruire Son honneur. Il en fut ainsi en Israël ; et néanmoins il doit surgir, du relâchement, du mauvais état de la chrétienté, un mal bien plus effrayant et plus terrible encore.

La première chose qui se présente est donc l’apostasie. Le christianisme sera abandonné ; et plus il y a de lumière, d’autant plus certainement l’apostasie viendra pour les masses qui la repoussent. Il n’y eut jamais en Israël d’époque qui parût tant promettre comme celle où notre Seigneur était sur la terre. On n’avait jamais vu de temps d’une telle activité religieuse : les scribes et les pharisiens parcouraient la terre et la mer pour faire un prosélyte ; on se montrait zélé, en apparence, pour la lecture des Écritures ; on avait des sacrificateurs et des Lévites ; il n’y avait pas d’idolâtrie, ni rien de grossièrement mauvais. C’était un peuple lecteur de la Bible, et un peuple qui gardait le sabbat ; et on n’hésitait pas à appeler notre Seigneur Lui-même du nom de violateur du sabbat, tant on se montrait extérieurement sévère pour l’observation du saint jour. Ainsi allaient les choses, mais comment cela finit-il ? Que firent ces Juifs si zélés pour la religion ? Ils crucifièrent le Seigneur de gloire et rejetèrent le témoignage du Saint Esprit et l’action qu’Il exerçait en grâce, de telle sorte que le résultat fut que le roi envoya ses armées, fit périr ces meurtriers et brûla leur ville. Ce n’est pas à dire qu’il ne s’accomplit pas de conversions, Dieu déploya Sa puissance, et il y en eut par milliers : « Tu vois, frère, pouvait dire Jacques au bout de quelques années, combien il y a de milliers de Juifs qui croient ». Des milliers et des dizaines de milliers étaient effectivement convertis alors après la croix de Jésus, et on pouvait nourrir l’espérance que tout Israël et le monde allaient se convertir ; mais que se passait-il en effet ? Dieu ne faisait simplement que recueillir ces milliers dans Sa grâce, pour abandonner le reste à la destruction dans le jugement qui tomba sur Jérusalem : faible figure anticipée du jugement qui doit bientôt éclater sur le monde. Et si, en nos jours, Dieu déploie Sa puissance et recueille de toutes parts des âmes qu’Il convertit du monde, combien n’est-il pas important que chacun se demande s’il est converti ou s’il ne l’est pas ! Et pour ceux qui sont convertis, quel appel il y a là à marcher dans le sentier de l’obéissance, à se soumettre en toutes choses à la Parole de Dieu, et à attendre Christ !

L’idée nourrie par quelques-uns qu’il y aura une conversion universelle n’est qu’une vaine illusion. Babylone, ou la Bête : voilà les deux grands pièges des derniers jours. L’une sera la source de la corruption associée avec la religion et la profanation de toutes les choses saintes ; l’autre sera caractérisée par l’orgueil et par la violence dans leur degré le plus élevé. Il semblera que le christianisme a complètement échoué, et les hommes croiront posséder, pour tous les maux et toutes les misères, une panacée nouvelle meilleure que l’évangile. Ils célébreront leurs idoles d’or, d’argent et d’airain, se glorifiant de ce que le christianisme aura disparu de la face de la terre, sauf quant à sa forme extérieure. C’est alors que viendra le jugement.

Le chapitre 17 de l’Apocalypse nous fait voir qu’il en sera de la Babylone du Nouveau Testament, forme corrompue que revêt l’apostasie religieuse, comme il en fut de la Babylone de Daniel. L’homme sera l’instrument de la chute de Babylone, la femme enivrée du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Les hommes assouvissent leur vengeance sur elle. On ne la voit plus montée sur la bête couleur d’écarlate ; désormais elle n’apparaît que foulée aux pieds, haïe et rendue déserte. Et après cela qu’est-ce que la prophétie nous montre ? Elle ne nous montre point le christianisme se répandant de toute part dans le monde : bien au contraire, nous voyons la Bête remplir toute la scène, et prendre la place de Dieu. Au lieu du triste spectacle que nous présentait la femme enivrant les hommes avec la coupe d’un christianisme corrompu, nous voyons maintenant l’homme s’établir lui-même dans un orgueilleux défi contre Dieu. Il prend la place de Dieu sur la terre. Je n’ai pas la prétention de dire quel intervalle s’écoulera entre la destruction de Babylone et la chute de la Bête. Le chapitre 17 de l’Apocalypse prouve que bien loin que la destruction de Babylone amène un progrès, une amélioration dans l’état du monde, il n’y aura que plus de hardiesse dans le mal à la place du mal hypocrite qui régnait avant. La corruption religieuse sera remplacée par une orgueilleuse impiété et par le défi ouvertement jeté à Dieu. « Les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois une heure avec la Bête. Ceux-ci ont une seule pensée, et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la Bête », non pas à Dieu. Tout est donné à la Bête en vue de l’exaltation de l’homme. L’heure sera venue pour l’homme d’occuper la place suprême dans le monde. Mais, contrairement à ce qui fait en général l’objet de l’ambition des hommes, ils feront l’abandon de leur propre volonté à la volonté d’un autre — dans le désir qu’il y ait quelqu’un très haut, et très exalté, devant lequel tous s’inclinent. Lorsque cela sera accompli, « ceux-ci combattront contre l’Agneau, et l’Agneau les vaincra ». Tout ceci, c’est une chose évidente, est postérieur à la destruction de Babylone ; car nous lisons plus bas : « Les dix cornes que tu as vues et la Bête (c’est ainsi qu’il faut lire, et la Bête, et non à la Bête) — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue ». C’est précisément ce qui répond au type de Darius. Darius arrive, détruit Babylone, et se saisit immédiatement du royaume ; et la première chose que nous voyons ensuite, c’est qu’il est entraîné par ses courtisans à prendre la place de Dieu Lui-même. Il rend ou confirme une loi en vertu de laquelle il ne doit être présenté de prière à qui que ce soit, excepté à lui seul durant trente jours. En d’autres termes, il a en effet la prétention d’être l’objet de tout culte ; il s’arroge ce qui est dû exclusivement au vrai Dieu.

Ces deux types sont extrêmement instructifs, comme terminant l’histoire générale des Gentils. Nous y voyons, non ce qui les avait caractérisés dès le commencement et dans tout le cours de leurs empires, mais les traits principaux du mal au moment où ils prennent fin. D’abord Babylone sera détruite à cause de la profanation dont elle s’est rendue coupable dans les choses religieuses de Dieu ; et ensuite l’orgueil blasphématoire parviendra à son comble par l’impie prétention du chef de l’empire à l’honneur et à la gloire qui appartiennent à Dieu seul. J’éprouvais le besoin de trouver le lien qui rattache ces deux choses l’une à l’autre, parce que sans cela il n’est pas possible d’en saisir aussi bien la véritable portée.

Maintenant nous avons terminé ce que je puis appeler le premier volume de Daniel, parce que son livre se partage exactement en deux parties à la fin du chapitre 6. Et c’est là une raison pour laquelle il est dit que Daniel prospéra au temps du règne de Darius et au temps du règne de Cyrus de Perse. On verra que dans le chapitre suivant nous revenons en arrière, au règne de Belshatsar, et que Daniel est de nouveau placé devant nous. Mais je dois m’arrêter. Seulement, je désire que cet exemple de la grande importance qu’il y a à lire l’Écriture avec l’intelligence de sa portée typique, là où elle veut être lue de cette manière, puisse animer les enfants de Dieu de la conviction qu’il y a beaucoup plus d’instruction à recueillir des Écritures qu’il ne peut le sembler à première vue, en regardant à la surface. Ce que Dieu dit est revêtu par là même d’un caractère infini. On n’a pas épuisé Sa Parole pour en avoir tiré quelque peu, par-ci par-là : c’est le puits lui-même, la source toujours jaillissante de la vérité. Plus nous avons crû dans la connaissance de la vérité, et moins nous nous contentons de ce que nous avons atteint, et plus aussi nous sentons combien nous avons encore à apprendre. Et cela n’est point en nous une misérable affectation de paroles d’humilité, mais le résultat du sentiment réel et profond de notre insuffisance parfaite en présence de la grandeur et de la bonté de notre Dieu qui a pris de pauvres vers tels que nous pour nous placer dans Sa propre gloire — car telles sont en effet les merveilleuses voies de Sa grâce.