Écho du Témoignage:Remarques sur le livre de Daniel/Partie 2

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Chapitre 2

Avant d’entrer dans le sujet que j’ai devant moi, je désire signaler une preuve manifeste que le chapitre 1 est un chapitre préliminaire. Le dernier verset nous apprend que Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus. Il résulte de ces paroles que le chapitre n’a pas simplement pour but de donner un récit de certaines circonstances, avant que nous soyons introduits dans la connaissance des révélations, ou des faits divers, dont la succession se déroule dans ce livre, mais bien de nous montrer comment avait été préparée la place que Daniel devait occuper ; après quoi nous sommes, pour ainsi dire, conduits à la fin. En d’autres termes, c’est la déclaration de la présence continue de Daniel pendant toute la durée de la monarchie babylonienne et même au commencement de celle des Perses. Cela ne veut point dire que Daniel vécut seulement la première année du roi Cyrus, car la dernière partie du livre contient une vision postérieure à cette date ; c’est simplement la constatation du fait qu’il était en vie lorsque commença une dynastie nouvelle. On verra aussi que la fin du dernier chapitre forme une conclusion également convenable du livre, et fait, à ce titre, le pendant du chapitre premier envisagé comme préface.

Mais avant d’aller plus loin je présenterai une remarque générale. Le livre se divise en deux parties à peu près égales. La première est relative aux grandes puissances gentiles, et aux traits qui caractérisent leur conduite extérieure ; et enfin, au jugement de tout cet état de choses. Elle va jusqu’à la fin du chapitre 6. La seconde partie commence au chapitre 7, et s’étend jusqu’à la conclusion du livre. Elle ne nous donne pas l’histoire extérieure des quatre empires gentils, mais ce qui, dans leur histoire, intéresse plus particulièrement le peuple de Dieu. Cela était indiqué, avec assez d’évidence, par la circonstance que la première partie ne se compose pas des visions contemplées par Daniel ; car la seule vision, proprement dite, qui s’y trouve, fut contemplée par Nebucadnetsar. Il y en a une dans le chapitre 2, et ensuite une autre, d’un caractère différent, au chapitre 4 : les chapitres 3, 5 et 6 contenant le récit de faits en rapport avec la condition morale des deux premières monarchies ; mais rien de tout cela ne fut premièrement révélé à Daniel, et les visions ne furent pas non plus contemplées par lui. Tandis que, au contraire, la seconde partie du livre se compose exclusivement de communications accordées au prophète lui-même. Et c’est là que nous trouvons, non pas simplement des choses propres à frapper l’esprit naturel, mais les secrets de Dieu qui concernent et intéressent particulièrement Son peuple, et par conséquent aussi des détails. La preuve externe de cette différence de but et de portée entre ces deux grandes sections de Daniel, c’est que le chapitre 6 qui termine la première nous mène de nouveau jusqu’à la fin : « Ainsi, Daniel prospéra au temps du règne de Darius et au temps du règne de Cyrus, de Perse ». Or, cela est à remarquer, parce que le chapitre suivant revient de nouveau en arrière à Belshatsar : « La première année de Belshatsar, roi de Babylone, Daniel vit un songe ; et étant dans son lit, etc. ». Cela se passait longtemps avant Cyrus, de Perse. — Ensuite nous lisons au chapitre 8 : « La troisième année du roi Belshatsar » ; et au chapitre 9 : « La première année de Darius, fils d’Assuérus ». Jusque-là tout se suit régulièrement, et nous arrivons ainsi au chapitre 10[1] : « La troisième année de Cyrus, roi de Perse, une parole fut révélée à Daniel, etc. ». La première partie (chap. 1-6) nous mène jusqu’à la fin, d’une manière générale ; et la deuxième (chap. 7-12) de même, dans un ordre égal ; se distinguant l’une de l’autre, non pas seulement par cet arrangement extérieur, mais surtout par la différence morale que j’ai déjà signalée entre elles : l’une s’occupant de l’aspect extérieur de l’état de choses, et l’autre de son caractère intérieur, moral. Quiconque a lu avec intelligence Matthieu 13, sait que cette manière de traiter un sujet n’est pas sans précédent dans la Parole de Dieu. En effet, ce chapitre présente un exposé régulier du royaume des cieux, dans une suite de quelques paraboles dont la première est une parabole préliminaire, qui sert d’introduction au sujet. Or, si vous prenez les six autres paraboles (car il y en a juste sept en tout) vous verrez qu’elles se divisent en deux sections dont chacune en renferme trois, et dont la première a trait à l’aspect intérieur du royaume, et la dernière à ses relations plus intimes et plus cachées.

C’est exactement ce que nous avons en Daniel. D’abord, l’histoire extérieure qui se poursuit jusqu’à la fin ; et ensuite vient l’histoire intérieure, ou ce qui était d’un intérêt particulier pour ceux qui avaient l’intelligence des voies de Dieu. Cette remarque suffira pour montrer que le livre que nous étudions est caractérisé par la méthode divine que nous devons nous attendre à trouver dans la Parole de Dieu. Toutes les œuvres de Dieu, et plus particulièrement Sa Parole, portent l’empreinte d’un dessein profond. Certes, le doigt de Dieu Lui-même se révèle avec évidence sur ce qu’Il a fait ; cependant la mort est entrée, et la créature a été assujettie à la vanité. De là proviennent les gémissements de la création inférieure ; et à mesure que l’on s’élève sur l’échelle de la vie animale, la misère devient plus intense. L’homme a davantage conscience de la misère que son péché a amenée sur le monde et sur la création dont il a été fait le seigneur, et il est aussi plus capable de la sentir. Mais quant à la Parole, quoiqu’il puisse s’y trouver des fautes et des erreurs de copistes, pour la plus grande partie ce ne sont que des taches légères. Elles peuvent bien obscurcir un peu sa pleine lumière, mais elles sont insignifiantes auprès de l’éclat manifeste de ce que Dieu donne, même au moyen de la version la plus imparfaite. Selon qu’elle passe par les mains des hommes, nous pouvons découvrir plus ou moins de cette faiblesse inhérente au vase de terre ; mais, par la grande miséricorde de Dieu, il y a toujours en elle une riche lumière pour toute âme honnête.

Mais abordons la première grande scène du livre. Elle nous montre comment la sagesse du monde fait entièrement défaut. À la cour de Babylone, on prenait soin, d’une façon peu ordinaire, d’avoir des hommes instruits en toute sorte de sagesse et de connaissance. Le temps était venu maintenant de mettre cette sagesse à l’épreuve. Pendant que le grand roi gentil se livrait sur son lit à ses méditations, il plut à Dieu de dérouler devant lui, dans une vision, l’histoire future du monde : d’un côté, dans le but de satisfaire le désir qu’il éprouvait de contempler sans voile le cours ultérieur des âges ; et en même temps, pour lui faire sentir la parfaite impuissance de toutes les ressources humaines. C’était l’occasion, pour Dieu, de manifester Sa propre puissance, ainsi que la parfaite sagesse dont un pauvre captif pouvait devenir le canal. C’est là un exemple éclatant des voies de Dieu. Ces Juifs étaient là : et l’orgueilleux monarque pouvait avoir eu la pensée que si Dieu était pour eux, ils n’auraient pu tomber sous son pouvoir. Mais quand les serviteurs de Dieu sont coupables, il n’est personne dont Dieu mette en évidence les fautes avec autant de soin. Voyez-le en Abraham, ou en David. C’est Dieu seulement qui nous a appris les péchés qu’ils commirent. Il aime trop les siens pour cacher leurs fautes. C’est de l’essence de Son gouvernement moral qu’Il soit le dernier à mettre ou à laisser un voile sur ce qui Lui déplaît, en ceux-là mêmes qu’Il aime le mieux. Prenez une famille bien gouvernée. L’amour d’un père intelligent le conduit-il à dissimuler les fautes de son enfant, quand son enfant doit les sentir ? — et il faut qu’il les sente pour être heureux. Il en est de même de ceux qui appartiennent à Dieu. Israël L’avait abandonné, il avait renié ses relations avec Lui, et Dieu fait voir qu’Il sent leur péché et qu’il faut qu’ils le sentent aussi. Il cessa pour un temps de le reconnaître pour Son peuple, et le rejeta hors du pays dans lequel Il l’avait planté ; et maintenant les enfants d’Israël étaient les esclaves des Gentils.

Mais le moment est aussi venu où leur vainqueur doit apprendre qu’après tout, la pensée, le cœur de Dieu, étaient avec les pauvres captifs. La puissance de Dieu pouvait se trouver, pour un certain temps, avec le Gentil ; mais les affections et les secrets de Dieu étaient avec les siens, même à l’heure de leur extrême abaissement.

Les circonstances au moyen desquelles cela fut manifesté illustrent les voies de Dieu d’une manière frappante. Le roi fait un songe : la chose part de lui. Il convoque ses sages et les invite à faire connaître le songe et à en donner l’interprétation. Mais c’est en vain. Ils sont tellement frappés eux-mêmes de ce qu’il y a de déraisonnable dans la demande, qu’ils disent qu’« il n’y a que les dieux, lesquels n’ont aucune fréquentation avec la chair, qui puissent déclarer la chose au roi ». Il était impossible de satisfaire le désir du roi. Tout se montrait dans sa réalité, et l’inutilité de leur sagesse, en vue du besoin qui se faisait sentir, était parfaitement manifestée. La nouvelle du décret ordonnant que les sages de Babylone fussent mis à mort, arrive à Daniel. Il va trouver Arioc et prie qu’on lui donne du temps. Mais remarquez-le, car c’est là ce qui caractérise la foi : il a confiance en Dieu. Il n’attend pas que Dieu lui ait répondu, avant de dire qu’il donnerait l’interprétation du songe. Il le déclare sur-le-champ. Il se confie en Dieu, et c’est là la foi — une conviction fondée sur le caractère connu de Dieu. Le secret de l’Éternel est avec ceux qui Le craignent, et Daniel craignait l’Éternel. C’est pourquoi aussi il n’eut point peur du décret. Il connaissait le Dieu qui lui donna de pouvoir rappeler le songe. En même temps il n’a pas la plus petite prétention de fournir lui-même la réponse. Ainsi, deux grandes choses se trouvent manifestées ici en Daniel : d’abord, sa confiance que Dieu révélerait la chose au roi ; et secondement, sa confession qu’il ne pouvait pas, lui, la révéler. Il va en sa maison, et fait connaître à ses compagnons ce dont il s’agit. Il désire qu’ils « implorent aussi la miséricorde du Dieu des cieux, sur ce secret ». Il attache un grand prix aux prières de ses frères, les témoins avec lui-même du vrai Dieu au milieu de Babylone. Il a la joie de les voir en effet fléchir les genoux devant Dieu, en même temps qu’il se prosterne lui-même. Mais comme c’était lui qui avait foi d’une manière spéciale, c’est lui, Daniel, que Dieu honore de la révélation qu’il attendait de Lui : « et le secret fut révélé à Daniel dans une vision de nuit ».

Et maintenant il n’a pas hâte de se rendre immédiatement vers le roi, ni même auprès de ses compagnons pour leur dire que Dieu lui avait fait connaître le songe. La première chose qu’il fait c’est d’aller vers Dieu. Le Dieu qui a révélé le secret est Celui que Daniel confesse aussitôt : il prend l’attitude d’un adorateur. Et qu’il me soit permis de le dire, c’est là la grande fin de toutes les révélations de Dieu. Supposez qu’il s’agisse de me faire connaître mon état de péché, et un Sauveur qui satisfait à tous les besoins de mon âme : le résultat que Dieu veut atteindre par l’opération de Son Esprit dans Ses saints, n’est pas cependant, tout simplement, qu’ils sachent qu’ils sont délivrés de l’enfer, ou qu’ils doivent marcher comme Ses enfants. Il y a une chose plus élevée encore : Dieu fait des siens Ses adorateurs. Et s’il existe un point à l’égard duquel les enfants de Dieu manquent plus encore que dans les autres, c’est bien, hélas ! celui de la réalisation de leur position d’adorateurs.

Or, Daniel avait compris cela. Tout jeune qu’il était relativement, il était bien instruit des voies de Dieu, et c’est ici que nous trouvons ce beau trait de caractère. Il célèbre, dans son effusion de louange, les voies de Dieu, mais les voies de Dieu non pas tant en connexion avec Sa puissance, quoiqu’il soit vrai que c’est « Lui qui change les temps et les saisons, qui ôte et qui établit les rois, etc. ». Mais le point sur lequel son cœur insiste tout particulièrement est celui-ci : « Il donne la sagesse aux sages, et la connaissance à ceux qui ont de l’intelligence ». J’appelle votre attention là-dessus. Il est parfaitement vrai que le Seigneur regarde avec compassion les ignorants, et qu’Il manifeste Sa bonté à ceux qui n’ont point d’intelligence. Mais Daniel parle de Ses voies envers ceux dont le cœur est tourné vers Lui ; et quant à ceux-là le principe du Seigneur est qu’« il sera donné à celui qui a, mais quant à celui qui n’a pas, cela même qu’il a, lui sera ôté ». Dans les choses de Dieu, rien de plus dangereux que de s’arrêter court dans l’étude et l’acquisition de l’intelligence de Ses voies. Ce qui porte les âmes à s’arrêter sur ce chemin béni, c’est la conscience que la vérité a des conséquences trop pratiques ; et elles redoutent ces conséquences. Car la vérité de Dieu ne consiste pas simplement en une théorie, elle entraîne surtout une pratique ; avec elle, il ne s’agit pas simplement de savoir, mais bien de vivre : et instinctivement l’âme reste en arrière, à cause des sérieux résultats actuels qu’elle sent que la vérité entraîne. En Daniel l’œil était simple, et, en conséquence, tout le corps était lumineux ; c’est là le secret réel des progrès. Que seulement vos désirs soient vers Dieu, et vos progrès seront sûrs et solides.

Daniel va alors trouver Arioc et lui parle en ces termes : « Ne fais point mettre à mort les sages de Babylone ; mais fais-moi entrer devant le roi, et je donnerai au roi l’interprétation ». Le roi lui demande s’il est vrai qu’il puisse faire connaître le songe et son interprétation. La réponse de Daniel est de toute beauté. L’humilité accompagne toujours une connaissance réelle, profonde, des voies de Dieu. Il n’y a pas d’erreur plus grande, ni qui, de fait, ait moins de fondement, que de supposer que l’intelligence spirituelle enfle. La connaissance peut le faire, la simple connaissance. Mais je parle de cette intelligence spirituelle dans la Parole, qui découle du sentiment de l’amour de Dieu, et qui cherche à s’épancher, si je puis parler ainsi, précisément parce qu’elle est amour divin. Daniel commence alors par faire voir combien il était impossible « aux sages, aux astrologues, aux magiciens et aux devins » de découvrir le songe au roi. « Mais, ajoute-t-il, il y a un Dieu aux cieux qui révèle les secrets, et qui a fait connaître (il ne dit même pas, à Daniel, mais) au roi Nebucadnetsar ce qui doit arriver aux derniers temps ». Il désirait que Nebucadnetsar connût l’intérêt que Dieu lui portait. « Quant à toi, ô roi, tes pensées te sont montées dans ton lit, touchant ce qui arriverait ci-après : et celui qui révèle les secrets t’a déclaré ce qui doit arriver ». Mais ces paroles ne lui suffisent point ; il continue : « Pour moi, ce secret ne m’a point été révélé pour quelque sagesse qui soit en moi, plus qu’en aucun des vivants, mais afin de donner l’interprétation au roi, et afin que tu connaisses les pensées de ton cœur ».

Ensuite il en vient au songe : « Tu contemplais, ô roi ! Et voici une grande statue ; et cette grande statue, dont la splendeur était excellente, était debout devant toi, et elle était terrible à voir ». Il avait contemplé l’empire, non pas simplement par fragment, et par périodes successives, mais comme un tout, et dans son ensemble imposant. La dernière partie du livre nous présente d’une manière plus marquée et plus détaillée la succession des différents pouvoirs ainsi que leur conduite envers le peuple de Daniel : mais ici c’est l’histoire générale de l’empire gentil que le prophète nous donne.

« La tête de cette statue était d’un or très fin, sa poitrine et ses bras étaient d’argent, son ventre et ses hanches, d’airain ». C’est-à-dire qu’il y avait détérioration, à mesure que les empires s’éloignaient de la source du pouvoir. C’était Dieu qui avait donné à Nebucadnetsar la puissance impériale. Aussi ce qui est le plus rapproché de la source, est vu comme « tête d’or ». Dans une certaine mesure, il y a davantage de l’homme dans l’empire perse, « la poitrine et les bras d’argent », métal inférieur ; et ainsi de suite jusqu’aux jambes, qui étaient de fer, et aux pieds, en partie de fer et en partie d’argile. Il est tout à fait évident d’après cela, qu’il y a avilissement graduel à mesure que nous nous éloignons du moment où le pouvoir a été primitivement octroyé.

Mais il sera bon de poser ici un ou deux principes que je crois importants dans l’étude des parties prophétiques de l’Écriture. Ce sont des maximes très généralement répandues, même parmi les chrétiens, que la prophétie doit être expliquée par l’événement — que l’histoire est le vrai commentaire de la prophétie — que, lorsque les visions prophétiques ont été réalisées sur la terre, les faits expliquent les visions. C’est là un principe entièrement faux ; il ne renferme pas un atome de vérité. On confond l’interprétation de la prophétie avec la confirmation de sa vérité. Quand une prophétie est accomplie, naturellement son accomplissement en confirme la vérité. Mais c’est là une chose bien différente de son explication. La vraie intelligence d’une prophétie est précisément aussi difficile après qu’avant l’événement. Prenez, par exemple, les soixante-dix semaines de Daniel. Ce chapitre a donné lieu à une controverse et à des disputes infinies, parmi les croyants eux-mêmes. Ils prétendent généralement que cette prophétie est accomplie tout entière (ce qui n’est pas exact), et néanmoins il n’y a pas le moindre accord entre eux sur sa signification.

La prophétie d’Ézéchiel nous montre que les difficultés de la prophétie proviennent d’une source entièrement différente. La première partie d’Ézéchiel se trouvait accomplie dans les voies de Dieu avec Israël dans ce temps-là ; elle s’étendait sur le temps où Daniel vivait ; mais cela ne l’explique point : de fait, cette portion est plus obscure que les derniers chapitres qui se rapportent à l’avenir.

Qu’est-ce donc qui explique la prophétie ? Cela seul qui explique toute l’Écriture : l’Esprit de Dieu. Sa puissance est capable de faire comprendre toutes les parties de la Parole. Et si l’on demande si j’entends dire par là qu’il n’est d’aucune importance de connaître les langues, de savoir l’histoire, et ainsi de suite ? Je réponds que ma pensée n’est pas de soulever de question relativement à la science, qui, à mon avis, a son emploi. Mais je nie que l’histoire soit l’interprète de la prophétie ou de quelque portion que ce soit de l’Écriture. S’il se trouve des chrétiens qui possèdent l’histoire, ou les langues originales de l’Écriture, c’est avec Christ et non point avec leurs connaissances, ou leur science, qu’a à faire leur intelligence spirituelle. D’ailleurs, même si l’on est chrétien, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’on comprend l’Écriture. On connaît Christ, sans quoi on ne serait pas chrétien. Mais quant à être entré réellement dans la pensée de Dieu, dans la vraie intelligence de l’Écriture, cela suppose qu’on veille contre le moi, qu’on désire la gloire de Dieu, qu’on a pleine confiance dans Sa Parole, et qu’on se tient dans la dépendance du Saint Esprit. L’intelligence de l’Écriture n’est pas une simple affaire intellectuelle. Si un homme n’avait pas du tout d’intelligence, il ne pourrait comprendre quoi que ce soit ; mais l’intelligence n’est que le vase, l’instrument, elle n’est pas la puissance. La puissance c’est le Saint Esprit agissant sur et par l’instrument. Mais il faut que ce soit le Saint Esprit qui remplisse Lui-même l’âme ; comme il est dit : « Ils seront tous enseignés de Dieu ».

Il y a une grande différence dans la mesure de l’enseignement, parce qu’il y en a beaucoup dans la mesure de la dépendance dans laquelle on se tient vis-à-vis de Dieu. Une chose dont il importe de se bien pénétrer, c’est que l’intelligence de l’Écriture dépend beaucoup plus de l’état moral — de l’œil simple attaché sur Christ — que de ce qui tient à l’aptitude et aux facultés intellectuelles. Le Saint Esprit ne peut jamais nous communiquer quelque chose en vue de nous dispenser de la nécessité de dépendre de Dieu et de nous attendre à Lui.

Comment donc devons-nous interpréter la prophétie ? Elle est entièrement indépendante de l’histoire ; elle fut donnée pour être comprise avant qu’elle devînt de l’histoire. On doit voir la vérité de cela. La plus grande partie de la prophétie a trait à des jugements terribles, qui doivent tomber à la fin de ce siècle. Que peuvent devenir ceux qui n’en tirent pas de profit jusqu’à ce que les faits qu’elle annonce aient eu lieu ? C’est une chose sérieuse que de la mépriser. Le croyant qui possède l’intelligence de la prophétie, possède un secours spécial, dont est privé celui qui la néglige.

C’est pourquoi, partant de ce grand principe que c’est le Saint Esprit qui nous rend capables de lire la prophétie, comme intéressant la gloire de Dieu et étant rattachée à Christ qui doit être encore exalté, et dont la gloire remplira les cieux et la terre, tous les usurpateurs et tous les prétendants étant renversés, considérons la scène que nous offre ce chapitre comme déroulant devant nous le cours du monde jusqu’au temps de la révélation de la gloire de Christ. Voyons d’abord la position des diverses parties. Ici se trouvait le plus orgueilleux monarque du monde. Il était sorti à la tête d’armées victorieuses, avant la mort de son père, avant d’être entré proprement en possession sans partage de l’empire de Babylone. Et voilà que maintenant il lui est ouvert une sphère de domination qui dépasse peut-être ses aspirations les plus ambitieuses. Il apprend avec certitude que c’est Dieu Lui-même, dans Sa providence, qui lui a donné cette position élevée. Mais il y a davantage encore : il contemple, déroulée devant lui et dessinée en quelques traits, toute la carte du monde gentil, les traits principaux de son histoire depuis ce jour jusqu’au jour de gloire et de jugement qui vient. Il voit s’élever une autre puissance voisine à laquelle la prophétie avait fait déjà allusion ; de sorte qu’il n’y avait par conséquent aucune difficulté à comprendre ce qui était signifié par elle. Le prophète Ésaïe, qui vivait cent cinquante ans avant la naissance de Cyrus, n’avait pas seulement parlé, sous la direction du Saint Esprit, de la nation et du roi des Mèdes et des Perses, mais il avait nommé Cyrus par son nom.

Venait ensuite la prédiction d’un autre empire, qui n’en était alors comparativement qu’à son enfance, ou ne consistait qu’en nombreuses tribus distinctes, sans aucun lien stable entre elles — je veux dire les Grecs. Mais plus remarquable encore était le royaume sur lequel l’Esprit de Dieu s’arrête le plus, qui n’existait alors simplement qu’en germe, et probablement n’était pas même connu de nom au roi de Babylone. Car, quoique destiné à jouer le rôle le plus considérable qui soit jamais échu à un royaume dans l’histoire du monde, c’était alors un royaume entièrement obscur. Il était engagé soit au-dedans, soit avec ses voisins, dans des querelles de la plus mesquine espèce, sans aucune pensée d’étendre sa domination. Il est donc d’autant plus merveilleux de considérer ce grand roi, et le serviteur de Dieu qui se tient devant lui, révélant l’histoire du monde.

« Toi, ô roi ! tu es le roi des rois : parce que le Dieu des cieux t’a donné le royaume, la puissance, la force et la gloire ». Il ne s’agissait pas de sa puissance, ni de la sagesse particulière qu’il possédait. S’il avait été permis à Nebucadnetsar d’emmener ces captifs, de triompher de la puissance de l’Égypte qui avait voulu lui disputer la suprématie du monde, c’était le Dieu du ciel qui le lui avait donné. « Et en quelque lieu qu’habitent les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, Il les a donnés en ta main, et t’a fait dominer sur eux tous. Tu es la tête d’or ». C’est évidemment la monarchie babylonienne qui est là désignée. Dieu y avait fait allusion par Ésaïe ; et Jérémie, qui était contemporain de Daniel, avait placé devant lui non seulement l’étendue de la période que durerait la monarchie babylonienne, mais aussi la succession de ses rois. Il devait y avoir Nebucadnetsar, et son fils, et le fils de son fils : ce qui eut un remarquable accomplissement. Ainsi, pour comprendre la prophétie, nous n’avons pas besoin de recourir ailleurs que l’Écriture. C’est le juste emploi spirituel de ce que renferme la Parole de Dieu qui nous y donne accès ; et je bénis Dieu de ce qu’il en est ainsi. Si l’homme étudie seulement la Bible avec soin dans sa langue maternelle, et s’il est dirigé par l’Esprit de Dieu, il possède les éléments et la puissance d’une vraie interprétation. Mais il est aussi certain que tant qu’un homme essaie de trouver une explication çà et là, à l’aide de l’histoire, des antiquités, des journaux et de quoi encore ? il ne fait que se séduire et séduire ses auditeurs. Telle est la sentence morale, universelle, de Dieu sur l’âme qui demande à ce qui est de l’homme la clé des secrets de Dieu. Il faut que je la trouve en Dieu Lui-même, par un usage convenable de ce que Sa Parole renferme.

J’ai eu la curiosité d’examiner Josèphe, ancien écrivain juif, dont l’histoire est lue et estimée partout ; et trouvant, dans la version ordinaire, des particularités étranges, j’ai consulté l’original grec ; j’y ai trouvé le même sens extraordinaire. Il établit que la tête d’or signifie Nebucadnetsar et les rois qui ont été avant lui ! Il y a donc là un manque absolu d’intelligence de ce qu’enseigne la Parole de Dieu. On s’égare toujours lorsqu’on s’écarte de l’Écriture et qu’on se laisse aller à ses propres pensées. Il n’est question, pour la première fois, de l’existence d’un empire de Babylone que dans la personne de Nebucadnetsar, qui naturellement comprend ceux qui devaient lui succéder. « Tu es la tête d’or ». Aucune allusion n’est faite aux rois qui avaient été avant lui. Jusqu’au temps de Nebucadnetsar, il n’avait pas été accordé à Babylone de posséder l’empire du monde. C’était donc lui, et nullement ses ancêtres, qui constituait la tête d’or. C’est en lui que la position impériale de Babylone trouve son commencement.

Nous ne trouvons pas seulement la déclaration de l’époque des soixante-dix ans de captivité en Jérémie 25 ; mais un peu plus loin, chapitre 27, il est fait mention de la suite des rois. « Toutes les nations lui seront asservies, et à son fils, et au fils de son fils, jusqu’à ce que le temps de son pays lui-même vienne aussi ». Or, il arriva qu’après que son fils Évil-Mérodac eut été retranché, le peuple babylonien appela à lui succéder, non pas dans l’ordre de succession, mais pourtant avec quelque espèce de raison, le mari de la fille de Nebucadnetsar. Cet homme régna un certain temps, et après lui régna son fils, qui, par conséquent, était le fils de la fille de Nebucadnetsar, et non le fils de son fils. Jusque-là il pouvait sembler que la prophétie avait donc failli : mais pas du tout. Quelques mois après, le petit-fils de Nebucadnetsar fut appelé au trône. « L’Écriture ne peut être anéantie ». Elle avait dit : « Nebucadnetsar, son fils, et le fils de son fils », et il en fut ainsi. Toute la chose prit fin en Belshatsar, petit-fils de Nebucadnetsar. Pour ce qui concerne ce sujet, l’Écriture fournit donc toutes les parties principales. De sorte que, de fait, la prophétie explique l’histoire, mais l’histoire n’interprète jamais la prophétie. Celui qui comprend la prophétie peut ouvrir l’histoire ; mais la connaissance de l’histoire ne rendra jamais capable d’expliquer la prophétie. Elle peut confirmer la vérité d’une prédiction à quelqu’un qui doute, pour autant qu’elle est claire. C’est ainsi, par exemple, que si l’histoire de la prise de Jérusalem, telle qu’elle se trouve dans les guerres de Josèphe, est véritable, elle coïncide naturellement avec la description inspirée que nous en donne saint Luc. Mais il est de toute évidence que si j’ai foi à la Parole de Dieu, je trouve beaucoup plus de certitude dans ce qu’elle me dit sur cet événement. En un mot, la circonstance que la prophétie est prononcée avant l’événement ne fait rien à la chose. L’œil de Dieu contemplait tout, dans toute la suite et à travers le cours de l’empire gentil ; et le langage est aussi clair dans les prophéties de Daniel que dans les écrits des historiens grecs et latins[2]. Et cela est tellement vrai que des hommes qui n’ont aucune sympathie pour les choses de Dieu, même les incrédules, sont obligés de reconnaître que tout ce qu’il y a de clair sur ce sujet est en harmonie avec ce que Daniel avait dit, des centaines d’années avant les événements.

« Mais après toi, il s’élèvera un autre royaume moindre que le tien ». Non pas moindre par le territoire, mais moindre par l’éclat, la magnificence, et surtout par l’introduction d’un contrôle en dehors du souverain. Au lieu d’agir comme un homme profondément convaincu qu’il tient son autorité directement de Dieu, Darius (chap. 6) prit l’avis de sujets sans scrupules, et il en résulta d’amères souffrances pour lui ; tandis que s’il avait eu le sentiment de sa responsabilité immédiate vis-à-vis de Dieu, il aurait évité le piège. On repousse naturellement un pouvoir absolu, principalement par la raison que c’est un pouvoir sans contrôle entre les mains d’un homme faible et capable de se tromper. Mais supposez que le dépositaire d’une telle autorité réunît en sa personne toute sagesse et toute bonté, et rien ne saurait être plus heureux qu’un pouvoir semblable. C’est là précisément ce qui existera sous le règne du Seigneur Jésus Christ, où toute l’autorité sera remise en Ses mains, tout sera béni et conforme à la volonté de Dieu, et où la volonté contraire de l'homme ne serait que rébellion.

Ce qui semble confirmer cette idée, c’est que, lorsque nous arrivons au troisième empire, l’empire macédonien, dont Alexandre-le-Grand fut le fondateur, nous y trouvons un homme qui n’agissait pas simplement d’après l’avis de ses sages, mais qui était contrôlé par ses généraux dans l’exercice de son pouvoir. De fait, ce royaume devint une espèce de gouvernement militaire — chose moins respectable que l’intervention aristocratique des Mèdes et des Perses, et leurs lois immuables.

Nous descendons ensuite beaucoup plus bas encore, et nous trouvons un quatrième royaume représenté par le fer. « Puis il y aura un quatrième royaume fort comme du fer, parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car, comme le fer met en pièces toutes choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Ici, la force constitue le grand trait caractéristique du royaume, et la qualité du métal est en harmonie avec l’idée. Mais c’est un métal de l’espèce la plus commune, il ne compte pas parmi les métaux précieux. Peut-être en est-il ainsi à cause que ce qui distinguait l’empire romain, c’est que c’était le peuple qui gouvernait, au moins de nom. Quelque despotique que fût son pouvoir, l’empereur prétendait toujours, dans la théorie du moins, consulter le peuple et le sénat. Même sous l’empire, les Romains conservaient encore le simulacre de leur vieille constitution républicaine ; tandis qu’en fait le gouvernement ne consistait qu’en un individu qui avait pris à lui toute la réalité du pouvoir.

Tout le cours de l’empire est donc esquissé devant nous dans le chapitre que nous étudions. Mais on me dira peut-être : Comment le savez-vous ? Il n’est pas dit que le second empire représente la Médie et la Perse, le troisième la Macédoine, ni le quatrième Rome. Oui, je pense que cela est dit. Il est possible que cela ne soit pas dit ici, mais l’Écriture n’attache pas toujours exactement la clé à la porte. Il n’arrive pas fréquemment que nous trouvions l’explication d’un passage juste dans le passage qui suit. Dieu veut que je connaisse Sa Parole pour que je sois familiarisé avec tout ce qu’Il a écrit, et que je sois assuré que tout est très bon. Instruire dans l’Écriture même un enfant inconverti, est une chose toujours extrêmement précieuse. Il en est alors comme d’un feu bien arrangé : une seule étincelle suffit pour le mettre en flamme. Les chrétiens ne sauraient mettre assez de soin, assez de persévérance et de zèle à élever leurs enfants dans une parfaite connaissance de la Parole de Dieu.

Mais pour en revenir à la lumière que fournit l’Écriture, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin que ce livre de Daniel pour trouver les noms de ces empires. Au chapitre 5, 28 nous lisons : « Pérès, ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses ». Il y a là immédiatement la réponse. Nous voyons l’empire babylonien chanceler, et sur le point d’être détruit ; et nous apprenons que celui des Mèdes et des Perses lui succède. Rien de plus simple et de plus certain. Les seules personnes qui, à ma connaissance, aient jamais trouvé quelques difficultés sur ce point, se réduisent à quelques savants qui s’efforçaient de prouver que l’empire de Babylone comprend aussi la Perse, de manière à faire de la Grèce le second, de Rome le troisième, et le quatrième d’une puissance antichrétienne distincte et absolument future. D’autres savants ont prétendu que le royaume d’Alexandre et celui de ses successeurs forment deux royaumes tout à fait différents, et constituent, de fait, l’un le troisième empire, et l’autre le quatrième ; de manière qu’ils font même de la cinquième monarchie (celle de « la petite pierre ») quelque chose de passé ou qui existerait présentement. De semblables méprises n’auraient jamais été commises si on avait lu et pesé l’Écriture sans système préconçu. Quant au croyant, au lieu de faire dans l’histoire des recherches propres à embarrasser son esprit, il prend sa Bible, et trouve toute la solution avant de quitter la prophétie elle-même. Car il est évident d’après Daniel 8, 20, 21, que l’empire des Mèdes et des Perses unis cède la place à l’empire grec, avec sa division en quatre parties à la mort d’Alexandre. À celui-ci succède à son tour le quatrième, ou l’empire romain dont le trait particulier est sa division en dix royaumes distincts dans sa dernière période (chap. 7). En a-t-il jamais été ainsi avec les successeurs d’Alexandre ? Son royaume fut divisé en quatre, jamais en dix. La prophétie explique donc l’histoire, tandis qu’en général l’usage que la simple science fait de l’histoire n’a pour résultat que d’obscurcir l’éclat de la Parole de Dieu. Mais commençons d’abord par bien comprendre cette Parole, et alors, si nous en venons à l’histoire, nous trouverons qu’elle intervient comme un témoignage humain et qu’elle confirme de sa faible voix le témoignage divin. Elle doit agir de cette manière. Par conséquent, celui qui n’a aucune connaissance de l’histoire se trouve sur un fondement pour le moins aussi bon que ceux qui la connaissent, mais qui trouvent des difficultés : il n’est pas embarrassé comme le sont les autres qui regardent à travers le brouillard de leurs propres spéculations.

Le troisième royaume possède un trait qui n’appartient pas au second. Il devait « dominer sur toute la terre ». De quelle manière remarquable cela fut accompli dans l’empire macédonien, ou empire grec ! Quoique Cyrus fût un grand conquérant, toutes ses conquêtes se firent dans la région qu’il habitait ; il en soumit toutes les parties, tant au nord de la Médie et de la Perse qu’au sud et à l’occident. Tout cela est vrai ; mais jamais, que je sache, Cyrus ne dépassa les bornes de l’Asie.

Mais ici nous voyons un royaume caractérisé par la rapidité extraordinaire de ses conquêtes. On peut défier tout l’univers d’en produire un qui accomplisse cette prophétie comme l’a fait l’empire d’Alexandre. Dans l’espace de quelques années, cet homme extraordinaire inonda comme un fleuve et subjugua presque tout le monde connu alors. Il se plaignit même, comme chacun le sait, de n’avoir pas un autre monde à conquérir. C’est là un commentaire frappant de ce que nous avons ici. Avons-nous besoin de recourir à l’histoire pour cela ? Non, ce livre même nous fournit toute l’explication. Au chapitre 8, 20, 21, nous apprenons que le troisième empire est l’empire grec. « Le bélier que tu as vu, qui avait deux cornes, ce sont les rois des Mèdes et des Perses ». Ce passage est aussi une confirmation de ce que j’ai dit plus haut relativement au second royaume. Mais pendant que ce bélier était là, arrive tout à coup un bouc plein de fureur ayant entre ses yeux une corne qui paraissait beaucoup. Avec cette seule corne qu’il portait en sa tête, il heurte contre le bélier qui représentait ces rois de Médie et de Perse. Nous avons là le troisième royaume qui devait « dominer sur toute la terre ». Comment se nomme-t-il ? Voyez la réponse au verset 21. « Le bouc velu c’est le roi de Javan (Grèce) ; et la grande corne qui est entre ses yeux c’est le premier roi ». Non, nous n’avons pas besoin de l’histoire pour expliquer la prophétie. Nous trouvons ici la réponse claire, positive, tirée de la Parole de Dieu relativement à ce qui est le troisième royaume, et toutes les recherches véritables que vous pouvez faire dans l’histoire ne feront que la confirmer ; mais vous n’en avez aucun besoin. Si vous vous fondez sur la Parole de Dieu, vous êtes sur une base à laquelle l’histoire ne saurait porter atteinte, pas même pour un instant. Dieu, qui fournit la seule relation qui soit sûre, fait voir Lui-même que l’empire médo-perse est suivi de l’empire grec. L’unique grande corne de ce dernier est rompue, et « en sa place il en crût quatre, fort apparentes, vers les quatre vents des cieux ». À la mort d’Alexandre, son royaume fut divisé en quatre grandes parties, pour lesquelles ses généraux se firent la guerre. Leur petitesse relative ressort en présence d’Alexandre. C’est lui qui était la grande corne, le premier roi et le représentant de la troisième monarchie.

Maintenant la première question qui se présente est celle-ci : qu’est-ce qui devait la suivre ? Quel autre grand empire devait succéder, et qui devait être le dernier avant que Dieu établit Son royaume ? L’histoire de l’Ancien Testament se clôt avant le commencement du troisième empire. Les derniers faits constatés historiquement se trouvent dans le livre de Néhémie, pendant que le monarque perse était encore le grand roi : c’est-à-dire, pendant que le second empire conservait encore la suprématie. Mais voilà l’histoire du Nouveau Testament qui commence ; et qu’est-ce que je trouve à son début ? Je n’ai qu’à lire le commencement de saint Luc, et j’y vois la mention d’un autre grand empire qui domine à cette époque. « Or, il arriva en ces jours-là qu’un décret fut rendu de la part de César Auguste, portant que tout le monde fût enregistré ». J’ai là tout d’un coup le quatrième royaume sans nul besoin d’interroger l’histoire à son sujet. Il y a un quatrième royaume, et la Parole de Dieu me montre qu’il est universel : il enjoint aux hommes, par tout le monde, de se faire inscrire dans ses registres ; et par là Dieu pourvoit à ce qu’il soit constaté légalement que Son Fils était né alors.

Le quatrième empire annoncé par la prophétie était donc l’empire romain. Après avoir appris cela par l’Écriture[3], je puis recourir à l’histoire qui m’apprend que ce furent les Romains qui ruinèrent la puissance de la Grèce. Ils obtinrent que les Grecs se joignissent à eux pour battre les Macédoniens, et ils se tournèrent ensuite contre les Grecs et les eurent bientôt soumis.

Dans la suite, les Romains étendirent leurs conquêtes sur toute l’Asie. Qu’est-ce que Dieu en dit ? « Le quatrième royaume sera fort comme du fer, parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car comme le fer met en pièces toutes ces choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Et si on en appelle à l’histoire, pourra-t-on voir les choses avec plus de clarté ? Et où trouvera-t-on une description de cet empire plus exacte que celle que Dieu nous donne ici ? Un historien bien connu traitant des quatre empires, les décrit sous les images les plus vives empruntées à ces symboles mêmes du prophète Daniel. Il ne pouvait pas trouver des figures aussi convenables que celles que l’Esprit de Dieu avait déjà consacrées à leur usage, quoique ce ne fût point, comme chacun le sait, par défaut d’imagination, pas plus que dans le désir d’accréditer l’Écriture.

Cependant cela ne constitue point tout ce que Dieu nous fournit sur ce sujet. « Parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car comme le fer met en pièces toutes ces choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Jamais description ne fut plus exacte. Je pourrais citer des passages des anciens écrivains romains qui montrent qu’ils parlaient eux-mêmes de leur propre empire et de sa politique en termes littéralement semblables.

Mais il y avait un trait dont ils ne pouvaient rien dire et qui dépassait toute la prévision de l’homme. Ce pouvoir qui était distingué au-dessus de tous les autres par sa force à renverser quiconque s’élevait contre lui, quelle que fût sa bonté pour ceux qui se soumettaient au vainqueur, ce même pouvoir est ici décrit de cette manière : « Et quant à ce que tu as vu que les pieds et les orteils étaient en partie de terre de potier et en partie de fer, c’est que le royaume sera divisé ». Les Romains ne nous font point connaître ce trait. Le témoignage de l’histoire n’est pas toujours fidèle. Ceux qui décrivent la politique de leur propre pays ne sont pas en général très dignes de confiance. Ils sont aussi empressés de dissimuler les causes et les symptômes de décadence, que prompts à mettre en relief tout ce qui prouve leur audace, leur force, et leur gloire. Mais Dieu énumère tout ; et Sa Parole nous enseigne que le même empire qui devait être si célèbre par sa force devait montrer qu’il renfermait aussi en lui la plus grande faiblesse. « Et il y aura en lui la force du fer selon que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier. Et ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie de terre, c’est que le royaume sera en partie fort et en partie frêle. Mais ce que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier, c’est qu’ils se mêleront par semence humaine, mais ils ne se joindront point l’un avec l’autre ; ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre ». Le fer était l’élément original ; la terre fut ajoutée postérieurement, et n’appartenait pas proprement à la grande statue métallique : elle était un élément étranger. Quand l’y incorpora-t-on et d’où venait-elle ? Je crois qu’en se servant de cette figure, la terre, l’Esprit de Dieu n’a pas en vue l’élément romain primitif qui avait la force du fer, mais fait plutôt allusion aux hordes barbares qui firent irruption à une période plus postérieure, affaiblirent la puissance romaine et formèrent peu à peu des royaumes distincts. Je ne puis cependant présenter cette pensée que comme mon sentiment propre fondé sur l’usage général du langage et des idées de l’Écriture. Nous avons donc ici ce qui n’était pas proprement et primitivement romain, mais fut introduit d’ailleurs ; et c’est le mélange des deux éléments qui produit la faiblesse, et finalement la division. Ces hordes de barbares qui s’introduisirent de force tout d’abord, ne prétendaient pas être vainqueurs des Romains, mais plutôt leurs hôtes ; et à la fin ils s’établirent en dedans des limites de l’empire. C’est là ce qui postérieurement conduisit à la division de l’empire en un certain nombre de royaumes distincts et indépendants, lorsque furent brisés la puissance et l’orgueil de Rome impériale. Plus tard, Charlemagne nourrit le désir de l’empire universel et travailla fortement à le réaliser ; mais son entreprise échoua, et toutes les acquisitions qu’il fit durant sa vie furent partagées à sa mort. De notre temps un autre a conçu le même dessein : je parle, on le comprend, du captif de Sainte-Hélène. Il avait à cœur la même monarchie universelle. Quel résultat obtint-il ? Ses succès durèrent encore moins que ceux de Charlemagne ; avant qu’il eût rendu le dernier soupir, tout son dessein fut dissipé dans ses premiers éléments. Et, en général, il continuera d’en être ainsi jusqu’au moment dont parle ce chapitre, mais dont il est traité plus à fond dans le livre de l’Apocalypse. Voici, je crois, ce que l’Écriture enseigne là-dessus. Avant que ce siècle prenne fin, il s’opérera la plus remarquable union entre les deux éléments évidemment contradictoires — un chef universel de l’empire, et des royaumes distincts, indépendants d’ailleurs, chacun desquels aura son propre roi ; mais il y aura au-dessus de tous ces rois un homme qui sera l’empereur. Jusqu’à ce que ce temps vienne, tous les efforts faits en vue de réunir ensemble les divers royaumes, échoueront complètement. Et à cette époque-là, ce ne sera point en les fondant ensemble en un seul royaume, qu’on opérera leur réunion ; cette réunion s’accomplira chaque royaume indépendant ayant son roi, quoique tous étant soumis à une tête. Dieu a dit qu’ils seront divisés. C’est donc cela qui nous est signalé. « Ils ne se joindront point l’un avec l’autre, ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre ». Et si jamais partie du monde a représenté ce système incohérent de royaumes, c’est assurément l’Europe moderne. Tant que le fer a prédominé il a existé un empire ; mais ensuite est entrée l’argile, cet élément étranger. En vertu du fer, il y aura une monarchie universelle ; tandis qu’en vertu de l’argile il y aura des royaumes distincts.

« Et au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais dissipé, et ce royaume ne sera point laissé à un autre peuple ; mais il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement ». Remarquez ces mots : « Au temps de ces rois ». C’est une réponse catégorique à ceux qui ont voulu voir dans cette portion de la prophétie, la naissance du Christ et l’introduction de ce qu’ils appellent le royaume de grâce. Au temps dont il est question ici, l’empire est dissous et divisé. Était-ce le cas quand le Seigneur naquit ? Aurait-il pu être dit de cette époque : « Au temps de ces rois » ? Rien de semblable. Rome était alors dans la plénitude de sa puissance : on ne pouvait apercevoir la plus petite brèche dans tout l’empire. Il n’y avait qu’un souverain et qu’une volonté prédominante. Ce n’était donc pas « au temps de ces rois ». À quoi ce verset fait-il donc allusion ? Je crois qu’il a trait à la dernière scène de l’empire romain : non pas au temps où Christ naquit, mais à celui où Dieu « introduira de nouveau le Premier-né dans le monde » — quand Christ sera introduit, non plus comme le Nazaréen pour souffrir et mourir, mais qu’Il viendra avec la puissance divine afin d’exercer le jugement. La « pierre coupée sans mains », quoique Lui étant applicable en un sens à quelque temps que ce soit, trouve alors son application réelle et parfaite. Nous en trouvons ici l’explication. Elle ne se rapporte pas tant à la personne de Christ qu’au royaume que le Dieu des cieux établira en Lui et par Lui. Sans doute que Christ est la pierre ; mais c’est une pierre de destruction qui abolit les royaumes de la terre. Quelqu’un peut-il le nier ? La pierre fut « coupée de la montagne, sans mains, et brisa le fer, l’airain, la terre, l’argent et l’or ». Il en résulta le brisement de toute la statue. Est-ce que ça été le cas à la naissance de Christ ? Christ attaqua-t-Il l’empire romain ? Le détruisit-Il ? Bien au contraire, Christ a été mis à mort, et ce fut le gouverneur romain qui fut l’instrument officiel de Sa crucifixion. Loin qu’Il ait frappé la statue, nous pouvons dire que la statue L’a frappé. Une interprétation semblable n’est pas digne d’une sérieuse attention.

La pierre tombe sur les pieds de la statue dont les orteils étaient en partie de fer et en partie de terre : c’est-à-dire, dans la dernière condition de l’empire romain. La pierre le frappe quand toute la division a eu lieu. Son action n’est donc pas grâce, mais jugement. Ce n’est point un semeur qui sème de la semence pour produire la vie ; et moins encore est-ce du levain qui s’étend par-delà certaines limites. Son coup tombe sur la statue de façon à la détruire, et la fracasse complètement. Il est évident que la première venue de Christ n’est pas ce dont il s’agit ici. Sa naissance est entièrement omise. Elle eut lieu pendant le cours de l’empire romain, et elle ne le détruisit en aucune manière. Tandis que l’événement avec lequel l’empire romain aura à faire encore, c’est la venue du Seigneur Jésus Christ en un temps qui est encore à venir.

Mais quelques-uns diront peut-être : Comment cela peut-il arriver ? Il n’existe pas d’empire romain maintenant. Mais permettez-moi de demander comment cela prouve qu’il ne doit pas y avoir un empire romain. Pouvez-vous prouver que l’empire romain ne doit pas revivre ? Ce que je trouve dans ce passage c’est que le fer, la terre, l’airain, l’argent et l’or sont réduits en pièces ensemble, et devinrent comme la paille de l’aire d’été.

En outre, je lis dans l’Apocalypse, que la bête qui représente la puissance impériale de Rome, est remarquablement caractérisée comme « la bête qui était, qui n’est pas, et qui sera présente »[4] (Apoc. 17, 8). Il suit de ce passage que la bête, ou l’empire, qui existait du temps de saint Jean devait passer par un état de non-existence, et ensuite apparaître de nouveau, montant du puits de l’abîme. En d’autres termes, ce sera la puissance de Satan qui opérera la réunion des fragments qui reconstituent l’empire romain. Et c’est une chose remarquable, que lorsque la bête apparaît de nouveau, ce chapitre fait voir qu’il y aura dix rois qui s’accorderont pour donner leur pouvoir à la bête, ou à la personne suscitée par Satan pour organiser et gouverner l’empire. Ce personnage se servira de son vaste pouvoir contre Dieu et contre l’Agneau ; toute apparence de christianisme sera détruite, l’idolâtrie sera restaurée, et l’Antichrist établi. Alors, naturellement, Dieu dira : Je ne veux plus supporter cela ; l’heure est venue. Le Seigneur Jésus se lèvera de Sa place à la main droite de Dieu, et exécutera le jugement sur ces vils prétendants.

« Au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume… Il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement ». La première action de cette pierre est de détruire. Il n’est pas question de sauver des âmes : il s’agit de jugement et de destruction ; il s’agit de renverser des royaumes et tout ce qui s’élève contre le vrai Dieu. Mais une difficulté peut se présenter ici, quant à comprendre comment il se fait que, lorsque ce coup destructeur est frappé, l’or, l’argent et l’airain, soient tous confondus ensemble avec le fer et la terre — comme si ces empires successifs existaient ensemble à la fin. La vérité est que, quoique Babylone, par exemple, eût perdu sa position impériale, elle n’en existait pas moins d’une existence subordonnée, sous les pouvoirs qui lui avaient succédé. Il en est ainsi pour tous les empires suivants jusqu’à celui de Rome (comp. Dan. 7, 11, 12). De sorte que lorsque s’accomplira le jugement final du quatrième empire, il y aura encore, distincts de lui, les représentants de ses trois prédécesseurs : ce qui rend manifeste que par le dernier empire il ne faut entendre exclusivement que l’Occident, et non les contrées qui avaient appartenu aux autres empires.

Ainsi c’est la partie du monde qui constitue le grand siège de la civilisation moderne (c’est-à-dire les dix royaumes de la bête) qui sera le théâtre de cette effroyable apostasie. Et Dieu permettra cela dans Ses voies de sagesse et de justice parce que les hommes n’auront point reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, « afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice ». Je ne doute point que c’est là l'histoire future du monde, sur l’autorité de la Parole de Dieu. Cette remarquable prophétie nous fait assister aux tout premiers commencements de la puissance impériale, et nous mène ainsi jusqu’au moment où finalement elle nous montre, dans les derniers jours, avant que Dieu établisse Son royaume, le jugement du monde tel qu’il se trouve, lorsque Dieu en agira avec les vivants, et non pas simplement avec les morts.


Chapitre 3

Les chapitres compris entre le chapitre 2 et le 7 sont consacrés au récit de faits historiques, et en conséquence peuvent sembler à première vue n’avoir pas un caractère prophétique. Mais il faut nous rappeler qu’en général l’Écriture a un but infiniment plus élevé que de présenter le simple récit de circonstances, quelque instructif qu’il puisse jamais être et quelle que soit l’importance morale qu’il peut avoir. Cela est vrai de toute la Bible. Prenez-en un livre quelconque, la Genèse par exemple. Quoique ce soit évidemment un livre historique, et l’un de tous ceux que renferme la Bible dans lequel les narrations soient du genre le plus simple, on aurait tort cependant de le dépouiller d’une vue décidée et portée de haut dans l’avenir le plus lointain. Dans le Nouveau Testament, l’Esprit de Dieu fait allusion fréquemment aux faits les plus marquants qui y sont racontés. C’est ainsi que pour l’incident relatif à Melchisédec, nous voyons quelle portée il lui est donné par le Saint Esprit dans l’épître aux Hébreux ; et d’autres portions de l’Écriture y font aussi allusion. Un sacrificateur et roi, deux caractères qui se trouvaient souvent réunis en ces temps, rencontre Abraham comme il venait de la défaite des rois, il apporte aux vainqueurs des rafraîchissements convenables, prononce une bénédiction au nom de Celui dont il était sacrificateur, et reçoit les dîmes même de la part d’Abraham. Toutefois, il faut se souvenir que la Parole de Dieu parle de ce fait comme figurant un vaste changement qui s’est déjà accompli, et en annonçant un plus grand encore, le jour de Christ étant, comme je le crois, le véritable objet de sa portée. L’épître aux Hébreux, où se trouve discuté le sujet de la sacrificature de Christ, telle qu’elle s’exerce maintenant dans le ciel, fait simplement allusion, sans les appliquer, à quelques traits importants de ce type. Là, le principal but du Saint Esprit est de signaler une sacrificature d’un caractère plus élevé que celle d’Aaron, une sacrificature qui n’était ni reçue d’un prédécesseur ni transmise à un successeur. Je ne parle de cela que pour montrer que l’Écriture attribue une valeur typique (et qu’est-ce, sinon, en d’autres mots, prophétique ?) à ce qui peut sembler n’être que le récit exact d’un simple événement d’histoire. Tel est le caractère que je réclame pour les faits que renferme le livre de Daniel. Car il est évident que si, dans les livres le plus simplement écrits de l’histoire inspirée, tels que la Genèse ou l’Exode, dont la prophétie n’est ni l’objet direct, ni le trait particulier, nous rencontrons incidents sur incidents dont le Nouveau Testament se sert comme préfigurant les biens à venir, nous avons encore plus lieu de penser que, lorsqu’il s’agit d’une prophétie telle que celle de Daniel, nous devons attribuer le caractère prophétique, non pas aux visions seulement, mais aussi aux faits que l’auteur leur rattache comme empreints d’un même esprit. Il serait facile de trouver ailleurs des exemples analogues. Arrêtons-nous un moment à la prophétie d’Ésaïe. Là, après une longue série d’accords prophétiques, la harpe du prophète s’interrompt tout à coup. Ce qui leur succède c’est le récit d’événements historiques très connus, l’invasion et la destruction des Assyriens, et pour ce qui concerne Ézéchias, sa maladie et son rétablissement, la merveille opérée dans le pays et la visite des ambassadeurs du roi de Babylone. Puis la prophétie recommence et continue sa carrière. Il serait facile de prouver que les faits racontés de Sankhérib et d’Ézéchias ont un rapport précis et riche d’instruction avec les prophéties au milieu desquelles ils sont enclavés. De sorte que, les considérer simplement comme des faits placés dans une connexion semblable à cause des exigences du récit historique et séparant, sans d’autres et de plus profondes raisons, les deux moitiés du livre l’une de l’autre, ce serait les dépouiller de la plus grande partie de leur valeur. Y a-t-il donc trop de hardiesse à poser comme une vérité applicable à l’ensemble de la Parole de Dieu, que l’Écriture ne doit pas être rabaissée au niveau d’un simple narré des faits qu’elle rapporte, mais que ces faits furent expressément choisis dans la sagesse de Dieu et furent rédigés avec ordre, dans le dessein de représenter les terribles voies de l’homme et de Satan, ainsi que les scènes glorieuses aux yeux de Dieu Lui-même qui doivent se passer de nouveau dans le dernier jour ? Et s’il en est ainsi de la portion de la Parole de Dieu qui est historique, à combien plus forte raison cela doit-il être vrai d’un livre prophétique tel que celui-ci.

Cependant l’évidence de la vérité de cette manière de voir ressortira avec beaucoup plus de force de la considération des faits tels qu’ils sont rapportés ici. Nous verrons alors quelle est la connexion, quelle est la portée spéciale des chapitres eux-mêmes, beaucoup mieux que par les présomptions plus élaborées que je pourrais déduire d’autres parties de la Parole de Dieu. Car c’est là ce qui constitue et doit constituer le plus puissant témoignage au sens réel de l’Écriture. Il en est de la vérité révélée comme de la lumière. Elle n’a pas besoin d’être éclairée du dehors pour nous faire connaître ce qu’elle signifie, mais elle s’explique elle-même. Il n’est nullement nécessaire qu’on vous munisse d’une torche ou d’un flambeau pour que vous puissiez découvrir la lumière du jour. Le soleil qui n’a besoin d’aucun aide pour éclairer, éclipse entièrement toutes ces lumières artificielles ; il brille par lui-même et domine sur le jour. Il en est ainsi partout où se rencontre un homme capable de voir ; la vérité se recommande à lui d’elle-même. Il possède ce que l’évangéliste Luc appelle « un cœur honnête », et ce que d’autres passages nomment « un œil simple ». Partout où la vérité est réellement amenée à agir sur un homme dont le cœur est ouvert pour la recevoir comme la précieuse lumière de Dieu en Christ, ils se répondent mutuellement l’un à l’autre. Le cœur est préparé pour elle, la désire, et quand la vérité se fait entendre, il se prosterne, la reçoit et en jouit. Mais quand, au contraire, le cœur est occupé de lui-même ou du monde, il n’y a pas de vérité qui puisse se le soumettre. La volonté de l’homme est à l’œuvre, et elle est constamment l’invariable ennemie de Dieu. Aussi est-il dit (Jean 3) qu’aucun homme ne peut voir le royaume de Dieu, ne peut y entrer, s’il n’est né de nouveau — né d’eau et de l’Esprit ; c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait une œuvre directe, positive du Saint Esprit s’occupant de l’âme, la jugeant, lui communiquant une nouvelle nature qui soit douée pour les choses de Dieu d’une affinité aussi décidée que celle que la vieille vie a pour les choses du monde. L’Esprit agit sur la nouvelle créature et lui donne l’intelligence ; et la vérité, nous pouvons le dire, constitue sa nourriture naturelle.

C’est pourquoi je n’ai aucun doute que, dans ce troisième chapitre de Daniel, ainsi que dans les trois chapitres suivants, nous trouvions que chacun d’eux a ses traits distinctifs ; et que ces traits n’avaient pas simplement pour but de présenter ce qui se passait dans les jours de Daniel, mais qu’ils étaient enregistrés par le prophète, afin de signaler le cours maintenant écoulé, ainsi que la destinée future, des grandes puissances gentiles. Nous devons les considérer à la lumière des prophéties qui les entourent — et non les prendre, ainsi que quelqu’un pourrait le faire, comme des faits notés par hasard. En un mot, Dieu les a donnés ainsi, et les a rattachés de la façon la plus intime à la prophétie dans laquelle nous les rencontrons.

Au chapitre second nous voyons Dieu en agir, dans Sa souveraineté, avec un homme suscité d’entre les Gentils pour être le ministre de Son autorité. Ceci prend une forme nouvelle, en conséquence de ce que le peuple et les rois d’Israël se sont montrés définitivement indignes du dessein et de la vocation de Dieu à leur égard. Là-dessus, Dieu introduit dans le monde comme gouvernement, le système impérial. Il ne s’agissait pas simplement d’une nation à laquelle il serait accordé de grandir en puissance et d’être la terreur de ses voisins, ou de présenter ainsi en elle un exemple béni des voies de Dieu. Il est permis à un chef de devenir le maître du monde, un grand souverain, non pas seulement un puissant roi, mais un dominateur des rois qui n’étaient que ses subordonnés ou ses satellites. Cet état de choses commença avec Nebucadnetsar, et caractérise l’empire gentil. On pourrait objecter que nous ne voyons pas qu’il existe aujourd’hui de puissance semblable. Cela est vrai. Un pareil pouvoir impérial n’existe pas dans le monde, et il n’y en a pas eu depuis la chute de Rome, quoique plusieurs y aient aspiré ; mais leur entreprise a failli.

Le livre de l’Apocalypse nous signale cette interruption. Autrefois, durant les jours de Rome impériale, il existait un semblable souverain dont les rois étaient les serviteurs. Mais aujourd’hui nous nous trouvons dans l’intervalle pendant lequel tout cela a cessé. Néanmoins ce système doit être un jour rétabli ; et c’est, je le crois, un grand événement qui est réservé au monde dans le temps actuel. Il prendra les hommes par surprise, et quand il sera accompli, il sera le moyen de concentrer la puissance de Satan, et de faire réussir ses plans relativement à la terre. Tout cela est pour nous d’un intérêt bien sérieux. Nous touchons à la crise de l’histoire du monde ; et ceux-là même qui attendent des signes, reconnaissent que nous approchons de la fin du siècle et des temps des Gentils. La réorganisation de l’empire n’est pas fort éloignée : et c’est une chose bien solennelle de se souvenir que lorsqu’il sera rétabli, ce ne sera pas une simple répétition de ce qui a été fait auparavant, mais qu’il y aura une énergie, une opération de la puissance de Satan dans une mesure qu’on n’a encore jamais vue. « Et Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, parce qu’ils n’ont pas cru à la vérité, mais ont pris plaisir à l’injustice ». Il est possible qu’un grand nombre de mes frères chrétiens s’écrient que je ne parle pas charitablement. La Parole de Dieu, néanmoins, est plus sage que les hommes. La pensée que j’ai exprimée n’est pas de moi, ni d’un homme quelconque. Nul n’aurait pu tirer de son esprit une perspective semblable ; mais Dieu l’a révélée avec la plus grande clarté. On peut alléguer les œuvres merveilleuses de Dieu opérées, dans ces derniers temps, dans un pays éloigné et dans une autre contrée, ainsi que la réponse de bénédiction qui, pour ainsi dire, leur fait écho dans des quartiers plus rapprochés de nous. Mais tout cela ne contredit en aucune manière ce que j’ai avancé. Lorsque les hommes approchent du moment où va s’accomplir un changement profond, nous pouvons toujours remarquer que ces deux choses-ci vont ensemble : d’un côté, la puissance générale du mal s’accroît, et l’orgueil de l’homme s’élève à une hauteur jusque-là sans exemple ; et d’un autre côté, l’Esprit de Dieu travaille avec énergie afin de gagner des âmes à Christ, et de séparer ceux qui doivent être préservés de la destruction qui doit frapper nécessairement le péché et l’orgueil. De sorte que je crois que lorsque approche quelque crise du mal, ce que nous devons attendre c’est précisément cet accroissement de bénédiction de la part de Dieu, dans l’intervalle immédiat qui précède le jugement.

Mais arrivons à ce qui forme le sujet direct du chapitre. La puissance impériale se trouve entre les mains des Gentils ; et la première chose qu’il nous est dit de ce pouvoir, c’est qu’on l’emploie pour établir l’idolâtrie, ou plutôt qu’on en abuse pour environner l’idolâtrie d’une splendeur sans exemple dans l’ancien monde ; et une considération bien humiliante, c’est le rapport manifeste qui existe entre la statue d’or que Nebucadnetsar fit dresser dans la plaine de Dura, et cette statue qu’il avait contemplée dans ses visions de nuit. Il est vrai que la statue qu’il avait faite n’était pas une représentation exacte de cette dernière. Cependant n’est-ce pas une chose grave de trouver que la première chose que fait Nebucadnetsar, autant que nous l’apprenons de l’Écriture, soit de donner ordre qu’on dresse une statue d’or, afin que tous les peuples, les nations et les langues, se prosternent et l’adorent ? Une chose au moins est manifeste : c’est que, soit que la tête d’or de la grande statue eût suggéré ou non cette pensée, dans tous les cas elle ne l’avait pas empêchée. Au contraire, nous voyons ici Nebucadnetsar employer à cet effroyable usage l’autorité que Dieu avait mise en ses mains. En voici, je pense, la raison. Nebucadnetsar était un homme qui avait autant de sagesse selon la chair, que de volonté propre. Il occupait bien évidemment une position qu’auparavant jamais homme n’avait occupée, étant non pas seulement le souverain d’un vaste royaume, mais le maître absolu de beaucoup de royaumes qui parlaient différentes langues, et qui avaient toutes sortes d’habitudes et de politiques contraires. Comment fallait-il se comporter avec toutes ces nations diverses ? Par quel moyen pourrait-on les maintenir et les bien gouverner sous un seul chef ? Il existe une influence dont l’action est plus puissante et plus efficace que celle de quelque autre chose que ce soit ; une influence qui, si elle est commune à tous, unit étroitement les hommes ; mais qui, si elle est discordante, range au contraire avec plus de force que toute autre, peuple contre peuple, maison contre maison, enfants contre parents et parents contre enfants, et même maris contre femmes et femmes contre maris. Il n’existe pas de dislocation sociale qu’on puisse comparer à celle que produit la différence de religion. En conséquence, dans la vue de détourner un si grand péril, l’union dans la religion fut la mesure que le diable insinua à l’esprit du politique Chaldéen, comme le lien le plus sûr de son empire. Il fallait qu’il exerçât une influence religieuse commune à tous, afin de relier ensemble les cœurs de tous ses sujets. Selon toutes les probabilités, c’était, à son avis, une nécessité politique. Que tous les sujets de l’empire soient unis dans le culte, que tous les cœurs s’unissent dans un même acte d’adoration en se prosternant devant un seul et même objet, et l’on posséderait quelque chose qui entretiendrait l’espérance et fournirait l’occasion de former un tout de tous ces fragments épars. Conformément à cette pensée, il conçoit le projet d’une magnifique statue d’or, dans la plaine de Dura, près de la capitale de l’empire ; et c’est là qu’il invite tous les principaux, les satrapes, les lieutenants, les ducs, les baillis, les receveurs, les conseillers, les prévôts et tous les gouverneurs des provinces, tous ceux qui étaient revêtus de quelque autorité, à venir assister à la dédicace de la statue. Il l’environne aussi de tout ce qui était attrayant pour la nature, et propre à agir sur les sens. Toutes les sortes de musique doivent contribuer à la scène. Quand on entendrait le son du cor, du clairon, de la harpe, de la saquebute, du psaltérion, de la symphonie, etc., ce serait le signal auquel il fallait que les représentants de cet immense royaume « se jetassent à terre et se prosternassent devant la statue d’or que le roi Nebucadnetsar avait dressée ». Tout ce que peut l’homme, c’est de faire une idole ; il ne peut même découvrir le vrai Dieu. S’il s’agit d’obtenir l’hommage du monde, la seule chose capable d’entraîner les hommes sur une vaste échelle, doit être quelque chose de cette création, quelque chose adapté à la nature de l’homme tel qu’il est. Vous ne sauriez unir les cœurs qui sont véritables avec ceux qui sont faux. Mais si le vrai bien est exclu, Satan est là pour trouver quelque chose qui, si l’autorité de l’homme l’introduit, commandera l’acquiescement de tous. Tel fut le cas ici. En conséquence l’autorité de l’empire fut mise en avant, et tous reçurent ordre d’adorer la statue sous peine de la mort. « Quiconque ne se jettera pas à terre et ne se prosternera point, sera jeté, à cette même heure-là, au milieu de la fournaise de feu ardent ».

« C’est pourquoi, au même instant, et sitôt que les peuples entendirent le son du cor, du clairon, de la harpe, de la saquebute, du psaltérion et de toute sorte de musique, tous les peuples, les nations et les langues se jetèrent à terre, et se prosternèrent devant la statue d’or que le roi avait dressée ».

Mais il y en eut quelques-uns qui se tinrent à l’écart de cette foule idolâtre ; bien peu hélas ! quoique sans doute il s’en trouva d’autres qui restèrent ignorés. Nous osons dire qu’il y en eut un qui n’est point mentionné ici — Daniel lui-même. Quoi qu’il en soit, ses trois compagnons n’assistaient point à cette fête idolâtre, et leur absence les signala aux autres, surtout comme leur position élevée comme elle l’était dans la province de Babylone, les exposait davantage à l’attention publique. Naturellement ils furent signalés au déplaisir du roi. « Sur quoi certains Chaldéens s’approchèrent en même temps et accusèrent les Juifs ». Ensuite ils rappellent au roi le décret qu’il a rendu, et ajoutent : « Il y a de certains Juifs que tu as établis sur les affaires de la province de Babylone, Shadrac, Méshac, et Abed-Nego. Ces hommes-là, ô roi, n’ont point tenu compte de toi, ils ne servent point tes dieux, et ne se prosternent point devant la statue d’or que tu as dressée. Alors le roi Nebucadnetsar, saisi de colère et de fureur, commanda qu’on amenât Shadrac, Méshac, et Abed-Nego » etc.

Or, ceci m’apparaît comme un fait d’une très grande importance. Le Gentil se sert de son pouvoir pour établir une religion qui se rattache à la politique de son gouvernement, une religion en vue de desseins terrestres actuels. Là ou il en est ainsi, il n’est pas possible qu’on laisse la religion entre Dieu et la conscience. Il ne peut plus être question d’avoir une conviction réelle sur Dieu et sur Sa vérité, ni de juger librement l’imposture. Le culte imaginé par le roi gentil est imposé à ses sujets sous peine de la mort.

Certaines circonstances peuvent pour un temps mettre obstacle à ce que la volonté du monde ait son résultat naturel envers ceux qui condamnent sa religion ; et tel a été le cas pendant quelque temps. Chacun sait que durant les dernières cinquante années et plus, il s’est produit un système d’opinions et de sentiments généralement connu sous le nom de libéralisme. Ce système s’est emparé de l’esprit des hommes ; il ne respecte en aucune façon Dieu et Sa Parole comme tels : son thème perpétuel, ce sont les droits de l’homme ; sa vertu cardinale, c’est la liberté pour tous de penser, d’agir, et d’adorer selon qu’il leur plaît. Aussi longtemps qu’il est permis à cette idée des droits de l’homme d’avoir le dessus, la miséricorde de Dieu la change pour les chrétiens qui ont de la conscience pour Lui, en une occasion de suivre tranquillement leur chemin et d’adorer Dieu conformément à Sa volonté. Et comme il n’a jamais été contesté que Dieu avait des droits sur Son peuple, comme Sa volonté révélée seule peut le bien gouverner, ainsi, en tant que Père, Il cherche maintenant Ses enfants, afin qu’ils Le servent en esprit et en vérité. Le cœur renouvelé et la conscience prennent leurs délices dans Sa volonté, et c’est à L’exalter qu’ils trouvent ici leur principale bénédiction. Pour le croyant, cette volonté est aussi péremptoire que l’absolutisme du roi païen. Le libéralisme blâme réellement ce droit exclusif sur la conscience ; cependant il a conduit à une sorte de calme dans le monde ; mais le plein exercice de son autorité relativement à la religion, est en jachères pour le moment. Car, réserve faite de circonstances temporaires, on ne peut nier que partout où une religion est introduite par le monarque, pour la conduite de son royaume, elle ne peut admettre nécessairement, ni différence, ni contradiction, ni compromis : sinon, le but pour lequel on l’impose serait manqué. Mais agir ainsi c’est combattre contre Dieu. Le monarque lui-même peut avoir une conscience, et, naturellement, il est tenu d’adorer Dieu suivant Sa volonté. Mais se servir de l’autorité du royaume pour contraindre les autres, c’est, de fait, nier le contrôle direct de Dieu sur la conscience individuelle.

Ce que nous apprenons ici, c’est donc que dans le tout premier usage que fit le Gentil de l’autorité que Dieu lui avait donnée, il eut pour but d’établir sa religion à lui, et de l’imposer à tous ses sujets. En d’autres termes, toute son autorité, autorité qui procédait de Dieu, fut employée à nier Dieu et à obtenir pour sa propre idole l’obéissance de tous, avec la perspective d’une effroyable mort comme le salaire immédiat de la désobéissance. C’est là le grand trait qui donna son caractère au premier des empires gentils.

Mais l’iniquité de l'homme et toute la ruse de Satan n’aboutissent qu’à mettre en vue les fidèles. Le roi commande qu’ils soient jetés dans la fournaise de feu ardent. Il commence sans doute, par leur adresser une remontrance, et leur fournir l’occasion de céder : « Est-il vrai, Shadrac, Méshac et Abed-Nego, que vous ne servez point mes dieux, et que vous ne vous prosternez point devant la statue d’or que j’ai dressée ? Maintenant n’êtes-vous pas prêts au temps que vous entendrez le son du cor, du clairon, de la harpe, etc. à vous jeter à terre et à vous prosterner devant la statue que j’ai faite ? Que si vous ne vous prosternez, vous serez jetés à cette même heure au milieu de la fournaise de feu ardent, et quel est le Dieu qui vous délivrera de mes mains ? ». Il est bien solennel de voir comment fut passagère l’impression produite sur l’esprit du roi. Le dernier fait mentionné, avant qu’il fit dresser cette statue, c’est qu’il tomba sur sa face devant Daniel, lui rendant presque des honneurs divins. Il était même allé jusqu'à dire : « Certainement votre Dieu est le Dieu des dieux, et le Seigneur des rois, et c’est lui qui révèle les secrets puisque tu as pu déclarer ce secret ». Mais ce fut tout autre chose quand il vit son pouvoir contesté et sa statue méprisée, malgré la fournaise de feu ardent.

C’était très bien de reconnaître Dieu un moment lorsqu’Il lui révélait un secret. Cela fut clairement décidé au chapitre 2, et Daniel représente là ceux qui ont la pensée de Dieu, et qui marchent dans Sa crainte. « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent ».

Mais Dieu avait délégué la puissance au chef des Gentils, Nebucadnetsar. Et maintenant que ces hommes ont l’audace de braver les conséquences de leur refus d’obéir plutôt que d’adorer la statue, il est rempli de fureur, et sa colère s’exhale en paroles de mépris pour Dieu Lui-même. « Quel est le Dieu, ose-t-il dire, qui vous délivrera de mes mains ? ». Il en résulte que c’était maintenant une question entre celui que Dieu avait établi et Dieu Lui-même.

Mais ici ressort un trait magnifique et des plus bénis qui appelle toute notre attention. Le temps actuel n’est pas celui où Dieu oppose puissance à puissance. Il n’en agit pas en destruction avec les Gentils, même là où il se peut qu’ils abusent de leur pouvoir contre le Dieu qui les a établis en autorité. J’invite mes lecteurs à réfléchir sérieusement à cela, car je crois que c’est une chose pratique fort importante. Shadrac, Méshac, et Abed-Nego, ne songent en aucune manière à se placer sur le terrain de la résistance à Nebucadnetsar dans sa méchanceté. Ce n’est point là leur principe. Nous savons que plus tard la conduite du roi fut tellement mauvaise que Dieu le dépouilla pour une longue durée de toute gloire, et le priva même de l’intelligence. Mais néanmoins ces hommes pieux ne prétendent point qu’il est un faux roi, parce qu’il établit l’idolâtrie et qu’il l’impose par la violence. La question pour le chrétien n’est point au sujet des rois ; il s’agit pour lui de sa propre conduite à lui-même. Il n’a pas à se mêler des affaires des autres, il est appelé à marcher, en s’appuyant sur Dieu, dans la patience et l’obéissance. Dans la grande masse des obligations de chaque jour, il nous est possible d’obéir à Dieu, en obéissant aux lois du pays où nous demeurons. Cela peut se faire en tout pays. Même si on se trouve dans une contrée papiste, je crois qu’en général on peut obéir à Dieu sans désobéir aux lois du pays. À la vérité, quelquefois il peut être nécessaire de se cacher : par exemple, si des processions sortent par les rues et qu’on exige une marque de respect pour l’hostie, car alors il faut éviter d’avoir l’air d’insulter aux sentiments des gens, tandis que, d’un autre côté, on ne peut participer à leur faux culte. Mais il importe de ne pas oublier que le gouvernement est établi et reconnu de Dieu, et que, par conséquent, il a droit à l’obéissance du chrétien, où que ce soit qu’il se trouve. Cette question est traitée dans l’une des épîtres du Nouveau Testament, celle-là même qui expose plus que toute autre les fondements, les caractères et les effets du christianisme par rapport à l’individu. Je fais allusion à l’épître aux Romains, la plus étendue des épîtres de Paul. Nous y trouvons avant tout, l’exposé parfait de l’état de l’homme, et ensuite la rédemption qui est en Christ Jésus. Les trois premiers chapitres sont consacrés au sujet de la ruine de l’homme, et les cinq suivants à la rédemption que Dieu a opérée, en réponse à la ruine de l’homme. Puis, dans les trois chapitres qui suivent, nous pouvons suivre le cours des dispensations de Dieu, Ses voies, sur une large échelle, avec Israël et les Gentils. Vient alors la partie pratique de l’épître, ou du moins la partie renfermant les exhortations et les préceptes : d’abord, au chapitre 12, les relations des chrétiens les uns à l’égard des autres, et, de transition en transition, à l’égard de leurs ennemis, à la fin du chapitre ; et ensuite, leurs relations avec les puissances qui existent (chap. 13). Il semble que le but de cette expression « les puissances qui existent », est de comprendre toutes les formes de gouvernement sous lesquelles les chrétiens peuvent être placés. Leur devoir était d’être soumis, non pas seulement s’ils vivaient sous un roi, mais aussi là où le gouvernement aurait un autre caractère ; non pas seulement là où le gouvernement serait ancien, mais lors même qu’il s’agirait d’un gouvernement tout nouvellement établi. L’affaire du chrétien est de montrer du respect à tous ceux qui sont constitués en autorité, de rendre l’honneur à quiconque l’honneur est dû, « ne devant rien à personne, sinon de s’aimer les uns les autres ». Et ce qui donne une force particulière à de pareilles recommandations, c’est que l’empereur qui régnait alors était l’un des hommes les plus méchants et les plus cruels qui aient jamais occupé le trône des Césars. Malgré cela, il n’est fait aucune réserve ; il y a même dans ce passage tout l’opposé d’une insinuation que, si l’empereur ordonnait ce qui était bien, les chrétiens étaient obligés d’obéir, mais que, dans le cas contraire, ils étaient affranchis de leur fidélité. Le chrétien doit toujours obéir, non pas toujours à Néron, ou à Nebucadnetsar, mais toujours obéir à Dieu. Il suit de là qu’il n’y a réellement pas le plus petit fondement pour accuser de rébellion une personne pieuse. Je sais bien que rien ne préservera nécessairement un chrétien d’être l’objet d’une mauvaise accusation. Il est tout simple que le monde dise du mal de quelqu’un qui appartient à Christ — à Celui que le monde a crucifié. Mais le principe que nous venons de voir préserve l’âme de tout fondement réel pour une accusation pareille. L’obéissance à Dieu reste entière ; mais je suis tenu d’obéir aux puissances qui existent, dans tout ce qui est d’accord avec mon obéissance à Dieu, quelque difficile et pénible que cela puisse être pour moi.

Les lumières de ces Juifs fidèles étaient bien inférieures à celles que les chrétiens devraient avoir maintenant : ils ne possédaient que cette révélation de Dieu qui formait la portion d’Israël. Mais toujours la foi comprend Dieu : qu’il y ait peu ou beaucoup de lumière, elle cherche et trouve les directions de Dieu. Or c’était dans un exercice de foi très simple que ces hommes se trouvaient. Le décret rendu par l’empereur était incompatible avec le fondement de toute vérité — le seul vrai Dieu. La vocation d’Israël avait expressément pour but de maintenir que c’était Jéhovah qui l’était, et non les idoles. Ici, se trouvait un roi qui leur commandait de se prosterner et d’adorer une statue. Ils craignent de pécher ; ils doivent obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Il n’est dit nulle part que nous devions jamais désobéir à l’homme. Dieu doit être obéi — quel que soit le canal par lequel une chose m’est commandée, c’est toujours à Dieu que je dois obéir. Si je fais une chose, toujours bien entendu, juste en elle-même, simplement d’après le principe que, dans certaines circonstances, j’ai le droit de désobéir à l’homme, au fond, je ne fais que de deux maux le moindre. Pour un chrétien, le principe est de ne jamais, du tout, faire le mal. Il peut se tromper, je ne le nie pas ; mais je ne comprends pas un homme qui poserait tranquillement en principe qu’il doit accepter un mal quelconque. C’est là une idée païenne. Un idolâtre privé de la lumière révélée de Dieu, ne pouvait en savoir davantage. Que de chrétiens cependant qui confessent le pauvre état actuel de l’Église, en l’alléguant comme une excuse pour persévérer dans un mal reconnu, en disant : De deux maux nous devons choisir le moindre ! — Mais je maintiens que, quelque difficulté qu’il puisse se rencontrer, il y a toujours pour la piété un chemin selon Dieu à suivre. Comment se fait-il donc que dans la pratique je trouve des difficultés ? C’est parce que je veux m’épargner moi-même. Si j’entre en composition avec mon devoir, pour un mal même petit, la grande route des aises et de la réputation honorable est ouverte, mais je sacrifie Dieu, et je me place sous la puissance de Satan. C’était précisément le conseil que Pierre donnait à notre Seigneur lorsqu’Il parlait de Sa mort prochaine. « Dieu t’en préserve — aie pitié de toi-même, Seigneur ! ». De même pour le chrétien. En consentant à un petit mal, en faisant un compromis avec la conscience, en évitant l’épreuve que l’obéissance à Dieu amène toujours, on peut sans doute échapper en grande partie à l’inimitié du monde, et acquérir ses louanges parce qu’on agit bien pour soi-même. Mais si l’œil est simple en cela, il faut que Dieu ait toujours Ses droits, et que la première place dans l’âme Lui appartienne nettement. Si on exige de moi quelque chose qui compromette les droits de Dieu, il me faut alors obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Partout où ce principe est retenu avec fermeté, le chemin est parfaitement clair. Il se peut qu’il y ait du danger, la mort peut-être nous regardera en face, ainsi que ce fut le cas dans cette occasion. Le roi fut irrité de ce que ces hommes osaient lui dire : « Ô Nebucadnetsar, il n’est pas besoin que nous te répondions sur ce sujet ». — Pas besoin de lui répondre ! Et de quoi donc avaient-ils besoin ? C’était une affaire qui regardait Dieu : la leur était de « rendre à César ce qui appartenait à César, et à Dieu ce qui appartenait à Dieu ». Ils étaient dans l’esprit même de cette parole de Christ avant qu’elle eût été prononcée. Ils s’étaient comportés respectueusement et avec soumission dans la place que le roi leur avait assignée, et il n’y avait à cet égard aucune accusation contre eux. Mais il s’élevait maintenant une question qui intéressait profondément leur foi, et ils en avaient le sentiment. C’était de la gloire de Dieu qu’il s’agissait, et ils se confiaient en Lui.

En conséquence ils disent : « Voici, notre Dieu, que nous servons, peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent ». Combien cela est de toute beauté ! En présence du roi, qui ne pensa jamais qu’on eût à servir quelque autre que lui, et qui n’avait jamais vu servir que lui-même, ils disent : « Notre Dieu que nous servons ». Ils avaient auparavant servi le roi avec fidélité, à cause qu’ils avaient toujours servi Dieu : et ils ont encore à servir Dieu, lors même qu’ils aient l’air de ne pas servir le roi en cela. Mais ils ont confiance en Dieu. « Il nous délivrera de ta main, ô roi ». Ce n’était pas simplement la vérité d’une manière abstraite : c’était la foi. « Il nous délivrera ». Mais voici quelque chose de mieux encore : « Sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons point tes dieux, et que nous ne nous prosternerons point devant la statue d’or que tu as dressée ». Lors même que Dieu ne mettrait pas en avant Sa puissance pour nous délivrer, c’est Lui que nous servirons ; nous ne voulons point servir les dieux de ce monde. Oh ! chers amis, comme la foi dans le Dieu vivant élève l’homme qui marche dans cette foi ! Ces hommes étaient en ce moment l’objet de toute l’attention de l’empire babylonien. Qu’était alors la statue ? On l’oubliait. Nebucadnetsar lui-même se trouvait impuissant en présence de ses captifs d’Israël. Pour eux, ils étaient là sereins et intrépides, quand le roi manifestait lui-même sa faiblesse ; car quelle faiblesse plus évidente que de se laisser aller à une fureur qui change l’air de son visage, et qui lui fait proférer des menaces qui manquaient entièrement leur but ? On échauffa la fournaise sept fois plus qu’elle n’avait coutume d’être échauffée ; et les hommes forts et vaillants qui furent les agents du roi pour y jeter les trois confesseurs, furent dévorés eux-mêmes par les flammes.

Et maintenant que l’œuvre est accomplie, voici qu’une nouvelle merveille se passe devant les yeux du roi. Cette fois, ce n’était pas une vision ; c’était la puissance manifeste de Dieu. Quelle misérable vanité dans ce dégainement de l’épée du roi contre Dieu ! Au milieu de cette terrible fournaise ardente s’offre soudain un spectacle qui le saisit. Tout étonné, le roi « se leva promptement, et, prenant la parole, il dit à ses conseillers : N’avons-nous pas jeté trois hommes tout liés au milieu du feu ? Et ils répondirent et dirent au roi : Il est vrai, ô roi ! Il répondit et dit : Voici, je vois quatre hommes déliés qui marchent au milieu du feu, et il n’y a en eux aucun dommage ». Que pouvait-on dire de la puissance de Nebucadnetsar maintenant ? De quoi lui servait-il d’être le plus puissant monarque du monde, et d’être entouré ainsi de tout ce qui constituait les nerfs de sa force et la grandeur de son empire ? On avait lié ces hommes, on les avait jetés au milieu de la fournaise de feu ardent, condition évidemment la plus misérable de tout son royaume ; et maintenant il faut qu’il les contemple, leurs liens brûlés et eux-mêmes seulement rendus libres par ce qui devait être leur perdition. Mais il n’y a pas rien que cela. On pouvait apercevoir un autre personnage, et cet autre, Nebucadnetsar ne peut que dire que c'est le Fils de Dieu. « Voici, je vois quatre hommes déliés… Et la forme du quatrième est semblable au Fils de Dieu ». Justement, de la même manière que Dieu pouvait employer la bouche d’un Balaam, ou d’un Caïphe, pour dire la vérité, quoiqu’ils n’en fussent que peu occupés et qu’ils n’eussent pas communion avec Lui dans la vérité, ainsi cette expression du roi, « le Fils de Dieu », était d’une propriété surprenante. Nous n’avons pas lieu de supposer que Nebucadnetsar eût l’intelligence de sa signification ; néanmoins, il y avait en elle une convenance frappante sous ce rapport. Il aurait pu employer d’autres titres ; il aurait pu dire « le Fils de l’homme », ou « le Dieu d’Israël », ou d’autres encore. Mais l’expression « le Fils de Dieu » semble convenir maintenant à la description de la scène ; aussi, je pense que c'est la manifeste puissance souveraine de l’Esprit de Dieu qui amena le roi à s’en servir. Dans le Nouveau Testament où toute vérité est rendue avec précision, nous voyons notre Seigneur Lui-même se référer à ces deux titres qui se trouvent tous deux en Daniel : Fils de l’homme et Fils de Dieu. Fils de l’homme est le titre de Christ dans Sa gloire comme exerçant le jugement : Il est Fils de l’homme, « parce que tout jugement lui est donné ». En tant que Fils de Dieu, Il donne la vie, Il vivifie au milieu de la mort ; en tant que Fils de Dieu, Il délivre ceux qui étaient liés, et « si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres ». Ce verset me semble le commentaire doctrinal de la scène même qui est devant nous. Le Fils était là, et Il délivrait les prisonniers. L’homme les avait liés ; il avait entrepris d’exécuter la menace de vengeance contre quiconque reconnaîtrait le vrai Dieu ; et ces trois hommes avaient tout risqué pour la vérité de Dieu Lui-même contre tous Ses rivaux et toutes les statues possibles ; et alors Dieu était intervenu en leur faveur avec Sa puissance de délivrance. Non seulement le fier monarque reconnaît que sa parole a été changée, mais il associe leurs noms avec le Dieu souverain. « Il ne prit point à honte d’être appelé leur Dieu ».

La domination gentile n’a pas encore cessé, et je crois que sa fin amènera la même scène avec autant de force que jamais. Le livre de l’Apocalypse démontre que le dernier grand monarque gentil fera servir toute l’autorité de son gouvernement à donner force à ce qui sera appelé « la religion » de cette époque. Et alors Dieu déploiera Sa puissance miraculeuse à l’effet de préserver Ses témoins en vue de l’œuvre qu’Il leur aura assignée. Il est possible que quelques-uns souffrent jusqu’à la mort, et qu’il y ait quelque différence dans la manière dont Dieu agira ; mais l’Apocalypse nous apprend qu’il y aura des personnes préservées au milieu de l’activité de la puissance qui donnera force à l’idolâtrie dans les derniers jours.

Lorsque ces choses auront lieu, nous ne nous trouverons pas sur la scène. Aussi, la mention des Juifs au temps de la dernière grande tribulation a-t-elle une signification caractéristique ? Car, tandis qu’en général les hommes seront forcés à la fin de reconnaître le vrai Dieu, il y aura auparavant une persécution terrible ; on saura ce que c’est que de « glorifier Dieu au milieu des flammes », selon une expression positivement employée à l’égard du résidu juif dans les derniers jours. La main de Dieu opérera des merveilles ; mais ce sera envers les Juifs et non envers les chrétiens. Pour ce qui nous concerne, la tribulation est notre portion constante dans le monde, la part qui nous est propre. Le Nouveau Testament le démontre depuis le commencement jusqu’à la fin. Rien de plus évident que ce fait, savoir que le Saint Esprit ne reconnaît jamais en aucune manière le chrétien, sinon comme séparé du monde, objet de son animosité et de sa persécution, rejeté, méprisé, ignoré du monde. C’est là notre place, celle que nous reconnaît la Parole de Dieu. C’est aux chrétiens à rendre raison du fait qu’ils l’ont perdue ; car il est manifeste que la position que je viens de décrire ne s’applique en aucune façon au temps actuel. Est-ce que le monde est devenu meilleur ou bien qu’ils sont, eux, les chrétiens, devenus pires ? Que la conscience réponde, et si elle est droite, le Seigneur s’en servira comme du moyen de me ramener à la position que jamais je n’eusse dû abandonner. Aussi longtemps que dure la suprématie des Gentils, l’obéissance est le devoir du chrétien ; car le plus souvent ce sur quoi le pouvoir insiste, c’est ce que le chrétien peut accorder en toute liberté. Mais quand il y a opposition entre l’autorité du monde et celle de Dieu, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, quelles que puissent être les conséquences. C’est la seule chose que Dieu reconnaisse en Son peuple.

Chacun des chapitres qui suivent a, dans un degré toujours croissant, une relation marquée avec le cours de l’empire gentil. Mais ce qui précède suffit pour établir le fait que l’idolâtrie — la religion du monde — religion qui est conçue en vue de chacun et imposée à tous, sous peine de la mort — est le premier grand trait de l’empire gentil dont il soit fait mention, et continuera, plus ou moins, tout le temps qu’il durera lui-même. Comme c’est dans le sens de l’idolâtrie que l’autorité s’est d’abord exercée, il en sera de même à la fin du siècle. Le livre de l'Apocalypse nous fait assister à la dernière période de l’empire gentil, et nous y voyons qu’il finira comme il a commencé : la même contrainte employée ici par le chef de l’empire, afin d’obliger tous ses sujets à se prosterner et à adorer en vue de son propre établissement, se montrera de nouveau à la fin.

Mais nous pouvons remarquer une autre analogie. À cette époque Dieu eut Ses témoins ; et comme ce furent les Juifs qui résistèrent alors à l’idolâtrie gentile, ils reviendront sur la scène des voies de Dieu et seront spécialement les témoins sur lesquels Dieu mettra de l’honneur. Aux jours de ministère terrestre de notre Seigneur, Ses disciples représentaient ce pieux résidu d’Israël. Ces Juifs seront une semence pieuse attachée au Seigneur et aimant Son nom, et cela parce que, avec plus ou moins de lumière, ils auront saisi le Messie. Ils seront trouvés attendant que Jésus vienne reprendre en mains Son royaume, après que l’Église proprement dite aura disparu de la scène des voies de Dieu sur la terre.

Ainsi donc, comme l’autorité débuta dans son exercice par imposer cette idolâtrie à tous, et que les seuls témoins pour Dieu se trouvèrent parmi les Juifs ; de même, à la fin, l’idolâtrie reparaîtra, et Dieu aura un résidu fidèle au sein de ce pauvre peuple — un témoignage pour Lui-même au milieu de l’apostasie.

Mais j’espère entrer dans plus de détails en étudiant les chapitres qui vont suivre. Qu’il nous soit donné de nous souvenir que ce que nous venons de considérer n’est pas simplement pour cette époque, et ne concerne pas seulement les témoins d’alors. Si Dieu veut avoir alors un peuple fidèle parmi les Juifs, puissions-nous, nous qui sommes chrétiens, ne pas être désobéissants à la vision céleste. Nous avons devant nous une perspective bien plus brillante que celle que put jamais contempler Daniel. Il ne jouit pas du privilège de voir Jésus couronné de gloire et d’honneur pour la mort qu’Il avait soufferte. Il pouvait bien, d’un côté, rendre témoignage au rejet du Messie, et de l’autre, à Son universelle et éternelle domination ; mais pour nous maintenant, entre ces deux grandes gloires de Christ, l’une accomplie et l’autre future, nous connaissons en Lui d’autres gloires et des gloires plus hautes ; et nous Le connaissons Lui-même, Lui en qui toutes ces bénédictions sont réunies comme en un trésor. Nous savons qu’Il est le vrai Dieu et la vie éternelle, et que nous sommes nous-mêmes bénis en Lui de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. Nous sommes appelés hors de ce monde pour Le suivre et partager Sa gloire céleste. Il n’y a plus qu’« un peu de temps, et Celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point ». Et s’il en est ainsi, combien ne devons-nous pas nous tenir à part de ce présent siècle mauvais ? Combien ne devons-nous pas nous garder purs des efforts qu’il fait pour avoir l’air de respecter le nom de Jésus ? Hélas ! qu’il arrive fréquemment que les gens sont dans l’embarras et demandent ce que c’est que le monde et où il se trouve. La vérité est que tout cela est une triste preuve qu’ils sont tellement mêlés avec le monde qu’ils ne le connaissent pas. Que le Seigneur nous fasse la grâce de n’avoir pas de difficulté pour savoir où est le monde et où nous sommes. Le Juif était obligé d’y entrer l’épée à la main en exécutant le jugement. Mais telle n’est pas la place du chrétien. Nous avons débuté avec l’épée tirée contre Christ, Christ Lui-même se baissant devant elle. Nous avons débuté avec la croix, et nous devons continuer avec elle en attendant la gloire du Seigneur Jésus Christ. Toute notre bénédiction est fondée sur la croix, et toutes nos espérances se concentrent dans la gloire de Christ et dans Sa seconde venue pour nous.

Que le Seigneur nous accorde de pouvoir vivre ainsi dans la connaissance croissante du Bien-aimé, à qui nous avons à faire et à qui nous appartenons. Alors, quels que puissent être le danger et l’épreuve, au milieu d’eux nous aurons le Fils de Dieu avec nous.

Puissions-nous savoir de plus en plus ce que c’est que de marcher avec Christ dans la liberté et dans la joie. De cette manière, nous aurons Christ avec nous, à l’heure même du besoin.



  1. Les chapitres 11 et 12 font un tout avec le chapitre 10.
  2. « Les quatre empires sont aussi nettement dessinés, et les invincibles armées romaines sont aussi clairement décrites, dans les prophéties de Daniel, que dans les histoires de Justin et de Diodore ». — Gibbon
  3. Je ne doute pas que l’expression « les navires de Kittim » (Dan. 11, 30) désigne la puissance navale de Rome qui intervint contre Antiochus Épiphane. Mais comme cette allusion est moins explicite que les passages Luc 2 ; 20 ; Jean 11, 48 ; 19, 15, j’ajoute la preuve tirée du Nouveau Testament.
  4. Ce dernier membre, qui sera présente, est incontestablement la bonne leçon d’après les meilleurs textes critiques. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus. Quiconque connaît l’Apocalypse comme il faut ne le contestera point.