Livre:Jonas, fils d’Amitthaï (E.G.)/Le pardon de Dieu

De mipe
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« En effet, Dieu ayant vu ce qu’ils avaient fait et qu’ils s’étaient détournés de leur mauvaise voie, se repentit du mal dont il les avait menacés et ne le leur fit point ».

La journée de l’Éternel vient pour Ninive, « journée de ténèbres et d’obscurité, journée de nuages et de brouillards ». Le Juge est à la porte ; « sa colère est ardente, sa langue est comme un feu dévorant et son Esprit comme un torrent débordé ». Ninive est en proie à la plus vive anxiété ; « ses habitants sont ivres, mais non pas de vin ». Elle tremble, et pourtant elle espère. Tantôt elle voit sa ruine inévitable, tantôt elle croit son salut encore possible. Cruelles alternatives ! Longues et douloureuses journées d’angoisse et de tourment ! Toutefois Dieu ne lui avait dénoncé le jugement que pour la détourner de la voie de la méchanceté ; c’est le salut de Ninive qu’Il veut, non sa ruine ; sitôt qu’Il l’a vue se repentir de ses péchés, Lui-même s’est repenti du mal dont Il l’avait menacée, et a arrêté en Son cœur qu’Il ne le lui ferait point.

« Dieu vit ce qu’ils avaient fait et qu’ils s’étaient détournés de leur mauvaise voie ». Remarquons-le d’abord : les Ninivites avaient espéré le pardon de Dieu, mais ne l’avaient néanmoins attendu que dans le chemin de la repentance. « Éloignons de nous le mal, s’étaient-ils dit l’un à l’autre, et Lui-même à Son tour éloignera peut-être l’ardeur de Son indignation ». Païens, répéterons-nous encore, païens plus sages que beaucoup de ceux qui se disent chrétiens et qui se flattent du pardon de Dieu pendant qu’ils provoquent Sa colère par de nouvelles transgressions !

Remarquons ensuite la sincérité de leur repentir. Au lieu de se borner, comme tant de gens, à parler d’amendement, ils s’amendent en effet. « Et Dieu vit ce qu’ils avaient fait » (oui, ce qu’ils avaient fait, non ce qu’ils avaient dit), et « comment ils s’étaient détournés de leur mauvaise voie ». Il vit l’humiliation de Pul et de son peuple, comme auparavant Il avait vu celle d’Achab, comme Il verra plus tard celle d’Éphraïm (1 Rois 21 ; Jér. 31). Rien n’échappe à Ses regards, et Il ne prend point l’apparence pour la réalité ; la profession de bouche, les déterminations pieuses, les promesses ne sont rien pour Lui, si l’effet ne les accompagne. L’homme qui dit : Je vais travailler à la vigne et qui n’y va pas, s’expose tout autant à Son déplaisir que celui qui refuse nettement d’y aller. C’est au cœur et à l’œuvre qu’Il regarde, non aux paroles. Il a donc abaissé les yeux sur Ninive ; la douleur des habitants de cette ville a ému Sa miséricorde, et Il n’a plus trouvé en Lui la force de frapper. Nul spectacle sous le soleil n’intéresse Son cœur comme celui de la repentance de Ses créatures humaines. « Je ne prends point plaisir à la mort du méchant », nous dit-Il, « mais à ce qu’il se détourne de sa mauvaise voie et qu’il vive ». « À qui regarderai-je, si ce n’est à celui qui a le cœur brisé et qui tremble à ma Parole ? ». Rien non plus sur cette pauvre terre déchue ne désarme plus sûrement Son courroux que la vue d’un vrai pénitent. Aussitôt que le père voit l’enfant reprendre le chemin de la maison paternelle, il vole à sa rencontre, et, le pressant dans ses bras, le comble de ses faveurs. « Retournez vers moi », dit-Il encore, « et je me retournerai vers vous ». « Je ne me souviendrai plus de vos péchés ni de vos iniquités ». « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ».

Cependant, le quarantième jour est venu, jour de mortelles angoisses, jour d’indicibles alarmes !… Il s’écoule lentement… Nul signe de la colère du ciel ne paraît… Il expire enfin… Autant avait été cruelle l’agonie de la cité royale, autant son allégresse est vive et profonde. « Dieu n’a donc point dédaigné notre repentance ! Il a donc eu pitié de Ninive ! Ninive a trouvé grâce devant Lui !… ». Quelle ivresse de joie éclate sur toutes ses places et dans toutes ses habitations — dans l’humble asile de la pauvreté, dans la demeure somptueuse de l’opulence et sous les lambris dorés du palais impérial ! Aux cris de détresse ont partout succédé les actions de grâce et les chants de triomphe : les sombres images du deuil et de la consternation s’enfuient de toutes parts devant les scènes les plus douces et les plus émouvantes de la joie domestique et de la félicité nationale.

Ninive est sauvée, sauvée du moins pour le moment. Puis, une autre génération viendra qui n’aura point connu Jonas, et alors tout sera rentré dans la vieille ornière de l’injustice et de la corruption, de l’orgueil et de la perversité. La repentance de Pul n’aura fait qu’ajourner le châtiment de Ninive, comme celle d’Achab n’avait fait que suspendre le coup qui devait frapper toute la maison de ce prince (1 Rois 21). — Quoi qu’il en soit, l’Éternel épargne actuellement la cité-reine. Il la conserve, et la conservera longtemps encore. Il la conservera pour accomplir par elle de grands desseins de Sa providence : pour briser encore bien des sceptres, pour renverser encore bien des trônes, pour châtier bien des nations, et dans leur nombre (ô mystérieuses profondeurs des voies de Dieu !), et dans leur nombre, le peuple de ce même Jonas dont la parole puissante venait de remuer à fond Ninive et de la sauver par la repentance ! Dans peu d’années, Pul remettra la couronne d’Assur à Tiglath-Piléser ; Tiglath à Shalmanéser ; Shalmanéser emmènera captives les dix tribus d’Israël : il les conduira à Ninive et les dispersera dans les montagnes d’Orient, par-delà les antiques cités de Ragès et d’Ecbatane ; puis, il déposera le sceptre du monde dans les mains de Sankhérib ; et bientôt après s’accompliront les infaillibles paroles d’Ésaïe fils d’Amots et de Nahum Elkoshite : la ville superbe, justement fourragée à son tour (És. 33 ; Nah.), laissera l’empire à Babylone ; quelques siècles s’écouleront encore et « son lieu ne la reconnaîtra plus » !

La sainte Écriture dit que « Dieu se repentit du mal » dont Il avait menacé Ninive et qu’Il ne le lui fit point. Que faut-il entendre par cette repentance ? Dieu se repent-Il à la manière de l’homme ignorant, faillible et pécheur ? Loin de nous une telle supposition ! « La force d’Israël ne mentira point ; elle ne se repentira point. Il n’est pas un homme pour se repentir ». Sa parole est éternellement « oui » et « amen » (1 Sam. 15 ; Nomb. 23 ; 2 Cor. 1). Quelle est donc cette repentance que, en plus d’un endroit, la Bible attribue au Dieu saint (Ps. 106 ; Amos 7 ; etc.) ?… C’est une façon de parler toute humaine qui signifie simplement que Dieu change extérieurement de manière d’agir envers telle ou telle personne, envers telle ou telle nation, et la traite autrement qu’Il n’avait d’abord annoncé vouloir le faire pendant qu’elle marchait encore dans l’iniquité. Mais s’il y a changement dans les dispensations extérieures de Dieu, il n’y en a cependant point dans Ses décrets ; bien au contraire, il est écrit dans Ses conseils qu’Il menacera pour qu’on s’amende, et que l’amendement détournera les coups de Sa justice. Ainsi, la menace, son résultat, le pardon, tout est réglé, tout est arrêté d’avance dans l’éternelle et immuable pensée du Souverain.

La parole que le Seigneur avait donnée à Jonas pour Ninive n’était, au fait, qu’une menace. Or, comme on le sait, l’exécution de toute menace dépend toujours de l’existence d’une certaine condition, d’un si, et ce si, dans le cas actuel, le voici bien sûrement : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite, si Ninive ne se repent pas ! ». Il ne s’agit donc point ici, il ne peut s’agir d’une prophétie, d’une dénonciation certaine, absolue de l’événement, d’un arrêt irrévocable et final. En effet, pourquoi le Seigneur envoya-t-Il Jonas aux Ninivites, sinon pour les avertir ? Et pourquoi leur laissa-t-Il ensuite quarante jours de délai, si ce n’est pour leur donner le temps de prévenir Ses jugements par leur humiliation ? Ce fut bien ainsi qu’ils prirent l’avertissement et le sursis de Dieu, puisque autrement ils n’eussent pas même tenté de détourner par leur repentir les effets de Son courroux. Ce fut encore ainsi que l’entendit Jonas lui-même, comme le montrera le chapitre suivant ; et l’issue, enfin, prouva sans réplique que, en réalité, la parole du prophète n’avait été de la part de Dieu qu’une simple menace.

Si donc, après tout, il y a changement, c’est en l’homme et non en Dieu. Sa manière d’agir envers nous se modifie nécessairement d’après notre conduite à Son égard. Ce sont des méchants, des rebelles qu’Il frappe ; Il n’a pas de foudres pour les cœurs pénitents. « En un moment », dit-Il, « je parlerai contre une nation et contre un royaume, pour arracher, pour démolir et pour détruire ; mais si cette nation contre laquelle j’aurai parlé se retire du mal qu’elle aura fait, je me repentirai aussi du mal que j’avais pensé lui faire » (Jér. 18). Il se tourne avec amour vers ceux qui se retournent vers Lui avec larmes ; « il se repent », dit l’Écriture, et néanmoins Ses dispositions envers l’impénitence demeurent invariablement les mêmes.

S’il en est ainsi, que dirons-nous à ceux qui, citant l’exemple de Ninive, affirment que Dieu est trop bon pour punir éternellement Ses créatures, et que s’Il nous dénonce Ses jugements, c’est uniquement dans l’intention de nous détourner du mal ? — Vous vous séduisez vous-même par de vains raisonnements. Si Dieu est parfaitement bon, rappelez-vous qu’Il est parfaitement saint et parfaitement vrai, et que Ses menaces comme Ses promesses ne manqueront pas d’avoir leur accomplissement. Vous ne pouvez d’ailleurs ébranler celles-là sans compromettre en même temps celles-ci. Puis, faire de la dénonciation de Ses jugements comme un vain épouvantail pour les pécheurs, n’est-ce pas Le rabaisser au rang de l’homme menteur ? N’est-ce pas L’outrager et Le blasphémer ? Ninive fut épargnée, dites-vous ; mais Ninive s’était repentie : repentez-vous comme elle, et comme elle aussi vous éviterez le châtiment de Dieu.

Mais, encore une fois, ne différez point de retourner à Lui. C’est aujourd’hui, non demain, qu’il faut se convertir. Aujourd’hui, c’est le jour du salut ; demain, c’est l’éternité, l’éternité heureuse ou malheureuse. Aujourd’hui, c’est « l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » ; demain, c’est le Juge. Deux voix se font en même temps entendre à votre cœur, l’une de l’ancien serpent qui, pour vous endormir et vous perdre, vous dit comme autrefois à Ève : « Vous ne périrez nullement ! ». L’autre, de Jésus qui vous crie : « Si vous ne vous convertissez, vous périrez » certainement ! Laquelle de ces deux voix voulez-vous écouter ? Ah ! laissez-nous vous le répéter : la conversion ou la mort ! Telle est l’irrévocable alternative que Dieu place devant vous. Ou, repentants comme Ninive, éloignez de vous comme elle l’épée de Dieu qui pend sur votre tête ; ou, impénitents, courbez le front sous le glaive de Sa vengeance et périssez. Oui, périssez tout en disant et en répétant : Dieu est bon ! Dieu est bon ! Il est trop miséricordieux pour perdre Ses créatures. Ah ! le Seigneur n’est pas dupe de cet hypocrite hommage rendu à Sa bonté ; Il sait ce qu’il vaut dans votre bouche, et qu’après tout ce n’est qu’une commode excuse inventée ou répétée tout exprès pour calmer à peu de frais votre conscience, pour vivre plus librement dans le péché qu’Il abhorre et braver plus à l’aise Ses jugements.

Revenons à Ninive. La délivrance de cette ville, comme celle de Jonas, nous apprend donc que Dieu bénit toujours l’humiliation de l’homme. Si la ville des nations eût fièrement repoussé la proclamation du prophète, elle eût infailliblement péri, et sa totale subversion eût accompli cette parole de l’Écriture : « L’orgueil va devant l’écrasement et la fierté d’esprit précède la ruine ». Mais la ville de Pul renonce à ses méchancetés et Dieu renonce à Ses châtiments. À peine l’a-t-Il vue abaissée jusque dans la poudre, que, du haut de Son trône, Il a prononcé : « Grâce, grâce sur elle ! ».

Souvenons-nous de Ninive. Souvenez-vous d’elle, vous d’abord, pécheurs irrégénérés ! pour l’imiter dans son amendement. Mais prenez-y garde : si votre réforme, comme celle de la masse de ses habitants, était le résultat de la crainte du châtiment plutôt que le fruit d’une véritable haine pour le péché, vous éloigneriez de vous (au moins dans une certaine mesure) les peines temporelles qui sont la conséquence de vos égarements ; mais vous n’en demeureriez pas moins assujettis à la colère à venir. Avec la portion de la population de cette ville que nous avons supposée vraiment repentante, déchirez vos cœurs, non vos vêtements ; et puisque, bien plus heureux que la cité païenne, vous connaissez le Christ, invoquez-Le du fond de votre âme ; lavez-vous, plongez-vous par la foi dans le sang de l’Agneau de Dieu, et vous trouverez la paix et le salut. Trop longtemps vous avez été Ninive pécheresse, d’autant plus coupable que la vraie Ninive, que vous jouissez de prérogatives qu’elle ne possédait pas ; soyez aujourd’hui Ninive pénitente, vraiment pénitente, et demain vous serez Ninive reçue en grâce, pardonnée et sauvée.

Et vous, chrétiens qui gémissez sur vos fautes, vous, cœurs brisés qui pleurez en Sion, souvenez-vous aussi de la ville idolâtre et que son exemple vous rassure également. Vos torts, il est vrai, sont plus grands que ceux de Ninive, et vous le sentez avec douleur ; vos désobéissances empruntent justement à vos yeux, de votre qualité d’enfants de Dieu, un caractère particulier de gravité ; mais, tout en pleurant sur vos folies, n’oubliez pas « ses compassions » ; elles « sont en grand nombre ». Que le découragement n’aborde point votre âme. « Ne craignez point, croyez seulement ». Il y a dans Son amour, il y a dans Sa puissance, d’inépuisables ressources. Entre vous et Lui mettez le sang, mettez le nom de Son Bien-aimé, ce nom qui pour le Père est comme un « parfum répandu », ce nom précieux qui toujours émeut Son cœur et toujours désarme Son bras ; alors la clarté de Sa face luira de nouveau sur vous et « sa paix garde vos sentiments en Jésus Christ ».

C’est peut-être ici le lieu de présenter une pensée que nous estimons importante. La voix qui, après nos chutes, nous dit : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu afin qu’il vous élève quand il en sera temps » ; cette voix est celle du Père. Celle, au contraire, qui trop souvent murmure à nos oreilles que, las enfin de nos offenses, Il a élevé entre Son cœur et le nôtre une infranchissable barrière, cette voix est celle du menteur. Avant la désobéissance, Satan nous représente le Seigneur indulgent jusqu’à la faiblesse. Sitôt que, après la chute, il nous voit sous le châtiment de Dieu, changeant alors de rôle et de langage il nous Le montre sévère jusqu’à l’inflexibilité. Pour nous mieux tromper, il se déguise souvent en ange de lumière et se fait saint Satan (ainsi que le nommait Luther dans son original et énergique langage) ; c’est-à-dire, qu’affectant de prendre envers nous la défense des droits et de la sainteté de Dieu, il nous peint sous les couleurs les plus odieuses nos torts à Son égard, comme s’il avait si fort à cœur, lui Satan, la gloire du Seigneur et de Son règne ! Et en même temps il nous dénonce Son juste et irrévocable châtiment. À cette marque nous le reconnaîtrons toujours. Tandis que, après nous avoir reproché nos infidélités, l’Esprit de Dieu nous montre le sein de Jésus comme notre asile et Ses meurtrissures comme notre guérison, l’ange de la chute, au contraire, dès qu’il nous voit humiliés, abattus après nos fautes, nous montre l’enfer que nous avons mérité.

L’ennemi se sert de tout pour nous éloigner du Seigneur, pour nous jeter dans le découragement et, s’il le peut, nous plonger dans le désespoir. Il sait même, au besoin, citer la Parole de Dieu. Car il est un habile théologien, si la théologie consiste à connaître la lettre des Écritures. Personne ne la possède comme lui. Il manie la Bible avec une merveilleuse dextérité, mais toujours pour ruiner. Dans ses mains, l’épée de la Parole blesse au lieu de guérir. Il n’est pour nous qu’un moyen de parer ses coups, mais ce moyen est infaillible, c’est de nous couvrir du bouclier de la foi pour éteindre les traits enflammés du malin ; c’est, à l’exemple de notre divin Modèle, de repousser, au nom de la Parole citée d’une manière droite et complète, celui qui nous attaque à l’aide de la Parole mutilée et appliquée à faux ; c’est, en un mot, de lui dire : « Arrière de moi, Satan, car il est écrit ! ».

Si donc, s’approchant de toi, chère âme ! l’adversaire te dit : « Ta blessure est sans espérance », « il n’y a plus en Dieu de salut pour toi » (Ps. 3 ; Jér. 30), réponds-lui sur le champ : « Arrière de moi, Satan ! Car il est écrit : Il y a du baume en Galaad ; il y a là un médecin ». « Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs » (Jér. 8 ; Marc 2). — S’il te dit : « Dieu est saint et juste », et tu dois périr, car tu as péché, réponds-lui de même : « Arrière de moi, car il est écrit : Le sang de Jésus Christ, le Fils de Dieu nous purifie de tout péché » (1 Jean 1). « Mais tu l’as asservi ce Dieu par tes offenses, tu l’as travaillé par les iniquités ! » te dira-t-il peut-être encore. Alors, achevant le passage qu’il tronque, réponds-lui sans balancer : « C’est moi », continue le Seigneur, « c’est moi qui efface les forfaits pour l’amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés » (És. 43, 24-25).

L’adversaire ne manquera pas de te rappeler l’exemple de ces Hébreux qui tombèrent à la fin dans l’apostasie et de te dire : « Comme eux, tu as bien la connaissance, l’illumination, mais tu n’as pas la vraie foi ; leur sort sera le tien ». Réponds-lui sans nulle hésitation : « Si jusqu’ici je me suis trompé sur mon état spirituel, eh bien ! je ne veux pas me tromper plus longtemps moi-même. Si je ne suis pas encore allé véritablement à Christ, je veux sur l’heure me jeter dans les bras de Celui qui dit : « Venez à moi, je ne vous mettrai point dehors » (Matt. 11 ; Jean 6). Corrompu de ma nature, à quel autre irais-je qu’à Celui qui vint pour ôter notre impureté ? Digne de colère, à quel autre regarderais-je qu’à Celui qui se livra pour nos forfaits ? ». — Aussi longtemps que l’ennemi te montrera les péchés, montre-lui le sang qui les a lavés. Retournant, sans jamais te lasser, contre Satan, l’arme qu’il dirige contre toi, aussi longtemps qu’il te dit que « Dieu dans sa colère a fermé pour toi la porte de ses compassions », répète-lui que le Seigneur « n’éteint point le lumignon qui fume encore », et que l’accès au trône de Sa miséricorde demeure ouvert à tous les pécheurs. Dis-lui : « C’est à ce trône que je veux aller, c’est au pied de ce trône que je veux me tenir ; c’est là que je veux m’écrier avec Job : « Voilà, qu’il me tue, et je ne laisserai pas d’espérer en lui » ; et, s’il faut périr, c’est là que je périrai ! ».

Mais non, chère âme ! non, l’on ne périt pas aux pieds du Seigneur. Ninive, la coupable Ninive n’y périt pas. Achab, le méchant Achab, encore tout couvert du sang d’un juste, n’y périt pas non plus. Pourtant, que de choses manquaient à leur amendement ! Aussitôt que la cité perverse s’abat à Ses pieds, Il lui fait grâce. Aussitôt que le prince impie marche devant lui courbé sous le cilice : « N’as-tu pas vu », dit-Il à Élie, « qu’Achab s’est humilié devant moi ; je n’amènerai donc point en son temps le mal dont je l’ai menacé ; ce sera aux jours de son fils que j’amènerai ce mal sur sa maison ». Il t’a vu de même, pécheur ! Il t’a vu marchant humilié devant Sa face, sous le sac de la repentance évangélique, et t’arrosant par la foi du sang de l’aspersion. Ah ! ne crains point que Son cœur te repousse ! Celui qui ne dédaigna ni la repentance de Roboam, ni celle de Ninive, ni même celle d’Achab, mépriserait-Il la tienne ? Rejetterait-Il des soupirs, une humiliation, une douleur qui ne sont, après tout, que le fruit de Sa grâce en toi ? Et Celui qui court après la brebis qui s’égare se détournerait-Il de celle qui Le cherche et Le poursuit ?

Le livre de Jonas se tait complètement sur le sort ultérieur de la ville, sur la durée et les effets subséquents de sa repentance ; c’est, nous le présumons, que ce livre avait spécialement pour objet de mettre en opposition l’empressement des païens à se convertir à la parole d’un prophète étranger, et la dureté de cœur des Israélites qui tuaient leurs propres prophètes ; c’est (ne nous lassons pas de le répéter), c’est surtout qu’il s’agit plus ici de la grande cité du monde que de la ville d’Assur, et plus de l’âge à venir que de l’histoire des temps passés ; et que, dans cette admirable page de Sa Parole, l’Éternel a voulu nous donner à connaître Ses desseins miséricordieux envers les Gentils, et nous faire pressentir le salut du monde dans la prochaine dispensation. En effet, Ninive, ainsi qu’on l’a vu, se présente à nous, dans le livre de Jonas, sous deux aspects bien différents : d’abord comme détruite et ruinée, pour ainsi dire, dans le message de l’Éternel ; puis, comme sauvée par un effet de Sa clémence. Eh bien, Ninive, détruite, en quelque sorte, dans la proclamation de Jonas, n’est-elle pas un symbole de la gentilité d’à présent, de la gentilité rebelle, apostate, déjà jugée, et irrévocablement condamnée dans le conseil de Dieu ? C’est aussi sous ce point de vue que nous l’avons déjà considérée. Mais cette même ville, pardonnée et sauvée, n’est-elle pas à nos yeux une image non moins saisissante de la gentilité reçue en grâce, de la gentilité bénie et bénissant, telle, en un mot, qu’elle apparaîtra dans l’économie qui doit bientôt éclore ? Il est doux de contempler ainsi, dans le pardon de la grande ville, le symbole et le gage des bénédictions de salut, de vie et de paix, que Dieu, toujours fidèle à Ses promesses, se prépare à répandre sans mesure sur toutes les tribus de la race humaine.

Nous aimons également à retrouver dans la délivrance de Ninive une image de ce qui se passe dès à présent dans une âme quand la miséricorde de Dieu la sauve. Quelle ivresse de joie éclata dans Ninive rachetée ! Quelle allégresse s’empare de l’âme pécheresse lorsque, après avoir tremblé sous le tonnerre de Sinaï, elle comprend et reçoit enfin la parole de grâce, et qu’il lui est donné de croire que Jésus nous « a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été lui-même fait malédiction pour nous, selon qu’il est écrit : Maudit est quiconque pendu au bois » (Gal. 3) ! — Plus a été grand le danger qu’on a couru, plus la délivrance est sentie ; c’est au moment où Ninive allait périr que Dieu lui crie : « Vis ! » et qu’Il la remplit d’une joie et d’une reconnaissance que nulle langue d’homme ne saurait exprimer. Jamais non plus l’âme repentante ne sent plus vivement son bonheur, jamais elle ne chante son Libérateur avec plus de transport, qu’à l’instant où délivrée, par la puissance du Christ, de la servitude de Satan et du péché, elle se voit tout à coup introduite dans la paix et dans la liberté glorieuse des fils de Dieu. — Plus le péril nous avait serrés de près, plus nous apprécions le salut : Ninive était sur le bord de l’abîme quand soudain l’arrêt du ciel la sauva ; alors quelle félicité que la sienne ! Et quelle félicité surtout que celle de l’âme qui croit, à l’heure où, sauvée de la colère, elle voit en même temps l’enfer se fermer et le ciel s’ouvrir devant elle pour toujours !

Enfin, plus une délivrance est générale, plus est universelle et vive l’allégresse qu’elle inspire. Quels chants de bonheur retentirent au milieu de cette population de deux millions de créatures humaines, dans ce passage subit et inattendu de l’horreur des plus affreuses ténèbres à l’éclat de la plus vive lumière, dans cette rapide transition de la mort à la vie ! Quels accents de triomphe éclateront au sein de l’Église des prédestinés quand, ramenée de la tombe par la puissance du second homme, et revêtue de la pleine ressemblance de son Époux glorifié, elle entrera avec Lui dans la maison du Père, pour y célébrer les noces de l’Agneau et y chanter éternellement les louanges du Dieu trois fois saint !