Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 24

De mipe
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… 1829
Mon cher Monsieur,

Bien que j’aie l’espoir de vous voir dans peu de jours, il faut que je vous écrive quelques lignes afin que vous sachiez qu’il n’y a chez moi ni manque d’affection et de reconnaissance, ni moins de joie quand je reçois une lettre de vous. Nous sommes actuellement plus près de quelques milles du but de la course que lorsque nous nous sommes séparés. Notre Père nous a éprouvés pour nous faire enfin du bien, et assurément de notre côté nous avons aussi exercé Sa patience. Les chrétiens que j’ai rencontrés m’ont témoigné beaucoup d’amour à cause de Christ. J’ai vu chez plusieurs d’entre eux divers beaux traits qui m’ont fait désirer de voir tous les traits de la beauté réunis dans le grand original. J’ai entendu des vérités profondes, élevées, douces et expérimentales de la bouche du cher M. Howels. J’ai compris que les hommes les plus spirituels ont sans cesse besoin de l’éternelle et toute puissante énergie du Saint Esprit, pour se préserver de l’idolâtrie ; et j’ai la conviction profonde que, dans mon état de faiblesse et de dépendance, ma propre conservation n’est qu’un miracle continuel qui rend témoignage que je suis une enfant de Dieu. Et Jésus Lui-même ne me montrera-t-Il pas bientôt pourquoi tant de choses ont été nécessaires pour me former à l’image de Dieu ? J’espère maintenant travailler jusqu’à ce que mon Seigneur vienne, ou me fasse aller à Lui. Je sens qu’il m’est bon d’en avoir fini avec la vie, et d’avoir appris à lire à travers le brillant qui est répandu sur elle, que « tout est vanité » ; le bruit dont elle m’environne est pour moi comme le bourdonnement des mouches sur un corps mort. Pour rien au monde je ne voudrais être dans la position d’une pauvre sœur d’ici, qui commence la vie avec la pensée qu’on peut y trouver le bonheur, sans qu’il soit possible de faire tomber ses illusions. Mais Dieu lui enseignera que chaque songe de bonheur sous le soleil n’est qu’un tableau peint et colorié de Satan, qui y inscrit son premier mensonge : La Parole de Dieu n’est pas la vérité. En se donnant Lui-même à nous, Jésus nous a donné tout ce que Dieu peut donner ; et assurément c’est là le triomphe de la foi que, tandis que nous sentons combien nous sommes loin de posséder ce que nous désirerions, nous ayons encore l’assurance qu’avec Lui-même Il nous a donné tout ce qui nous est vraiment bon. Oh ! quelle grâce dans cette vie, que d’avoir une espérance pleine d’immortalité ! Qu’il doit vous être doux d’avoir été un instrument pour communiquer ce bonheur à une personne destinée à l’affliction ! Et moi, pourrai-je jamais dire ce qu’a été pour mon âme la connaissance de Jésus ! Si nous sommes encore dans « l’esclavage de la corruption », quelle grande chose pour nous que d’être des « prisonniers ayant espérance » ! Et notre espérance ne nous rendra jamais confus, car heureux est l’homme duquel le Seigneur est la confiance ! Ses yeux sont sur ceux qui espèrent en Sa miséricorde, et même dans la mort il y aura espérance pour eux. Comme l’Écriture nous excite toujours à aller en avant pour être heureux ! Notre casque doit être l’espérance ; nous attendons dans l’espérance l’apparition de Christ ; nous nous réjouissons dans l’espérance ; tout me paraît exprimé dans ces mots : « Ce que nous serons n’est pas encore manifesté — nous le verrons — nous lui serons semblables ». Puissions-nous être rendus capables d’avoir nos yeux constamment fixés sur les choses invisibles ! Que chaque souci nous donne une secousse, jusqu’à ce que notre fardeau soit entièrement déchargé sur le rocher immuable de notre âme ! Je désire n’être que comme un météore qui passe au travers du temps, et ne pas être laissée ici-bas un instant de plus que ce qui m’est nécessaire pour accomplir ce qui aura été mis devant moi. Le monde pense que le chrétien s’impose des privations en abandonnant les délices du péché ; mais combien cela est plus aisé pour un enfant de Dieu, que de mettre sous ses pieds une vie réputée sainte, et de l’estimer comme de la boue, afin d’embrasser plus étroitement par ses affections Celui qui seul peut rassasier de bonheur et de joie l’âme affamée. Sous tous les rapports, Il est toujours l’admirable ; « Il est plus beau qu’aucun des fils des hommes ». C’est un père qui ne peut refuser à son enfant ce qu’il lui demande : « Combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ». Sa tendresse est comparée à celle d’une mère ; encore la femme pourrait-elle oublier son enfant : « Mais moi je ne t’oublierai point ». C’est un frère, même « un ami plus attaché qu’un frère », un ami dont l’affection est au-dessus de tout ce qu’on peut exprimer, car elle existait déjà dans toute sa force pendant que nous étions encore ennemis. C’est un époux qui peut dire, même à celle qui s’est prostituée à plusieurs amoureux : « Retourne-toi vers moi ».

C’est un prophète « qui a parlé comme jamais homme ne parla », et qui était dans le conseil du Père dès l’éternité. C’est un sacrificateur qui s’est assis à la droite de la toute-puissance ; qui, « parce qu’Il est permanent à toujours, possède un sacerdoce qui ne passe point ; qui peut sauver entièrement, qui est toujours vivant pour intercéder » ; le seul qui pût nous convenir, car Il surpasse tous les autres sacrificateurs, en ce qu’Il est « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux ». C’est un roi, « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ». C’est un berger, « le bon berger ». C’est une lumière, « la lumière du monde », « le soleil de justice ». C’est une nourriture, « le pain du ciel qui donne la vie éternelle ». C’est de l’eau, « la fontaine d’eaux vivantes, qui est telle, que si quelqu’un en boit, il n’aura plus jamais soif ». C’est un arbre, « comme le pommier entre les arbres d’une forêt ». Si nous Le voyons dans les cieux, « qui est-ce au-dessus des nues qui soit égal à l’Éternel ? ». Si c’est sur la terre, « qui est semblable à l’Éternel entre les fils des forts ? ».

Alors qu’est-Il donc pour l’Église ? Comme Époux, Il est au-dessus des autres ; et même l’Église estime qu’Il doit croître tandis que tous les autres diminuent, car « celui qui vient du ciel est au-dessus de tous ». Ce Dieu est notre Dieu pour jamais. Puisse-t-Il, cher Monsieur, vous remplir de plus en plus de paix et de joie dans la foi, afin que vous abondiez dans une espérance vivante au travers de la vie et dans la mort ! Croyez que c’est là la prière sincère que fait souvent monter pour vous au trône de la grâce,

Votre très affectionnée,

Théodosia A. Powerscourt