Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 64

De mipe
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1834

Je suis bien peinée de vous sentir dans un si grand abattement et dans des circonstances si contraires à ce que nous aurions désiré ; cependant, bien-aimée, vous avez toutes choses. Je sais que vous en êtes si convaincue, que vous ne voudriez changer quoi que ce soit à votre position, ni mettre aucun ingrédient nouveau dans votre coupe. Votre privilège n’est-il pas d’être satisfaite dans la possession de votre Dieu ? Oh ! comme Il est bon de dépouiller nos affections terrestres de tout ce qui peut les alimenter, afin qu’après avoir inutilement cherché quelque objet propre à nous satisfaire, nous nous attachions d’autant plus fortement à Celui qui seul peut remplir tous les coins et recoins de notre cœur ! C’est comme un Dieu jaloux qu’Il veille sur vous. Il dit : « Comment pourrais-Je l’abandonner ? C’est mon temple dans lequel je prends plaisir à habiter et à faire éclater ma gloire ; c’est ma portion ». Quelquefois Il semble plaider sa cause : Je t’ai aimée, dit-Il, lorsque tu étais gisante dans ton sang ; je t’ai suivie pour te faire du bien ; je t’ai délivrée de la gueule du lion ; je t’ai placée au nombre de mes enfants ; je t’ai fiancée à mon Fils ; je t’ai faite cohéritière avec Lui ; je t’ai donné toutes mes promesses ; j’ai fait que tu peux te réjouir en elles ; j’ai veillé sur tes détresses, et elles ont été l’occasion de mes délivrances ; j’ai pris plaisir à te faire du bien ; je t’ai secourue dans le temps du besoin ; j’ai refait tout ton lit dans tes maladies ; lorsque tu as été dans l’abattement, je t’ai dit tout bas : « Je suis ta grande délivrance » ; lorsque tu t’es laissée aller au désespoir, je t’ai dit : « Je suis Jésus ». Lorsque tu as eu la pensée de dire : Comment supporterai-je le jour de l’épreuve ? j’ai répondu : Tu verras que ta force durera autant que tes jours, et si cela avait été trop peu, je t’eusse ajouté telle ou telle chose. Juge, je t’en prie, si j’aurais pu faire davantage que je n’ai fait. N’as-tu pas été pleinement heureuse lorsque du fond de ton cœur tu as pu dire : « Je n’ai pris plaisir sur la terre en rien qu’en toi seul » ?

Répondriez-vous : Tout cela m’est inutile aussi longtemps qu’un seul désir demeure sans être satisfait ? Serait-ce là la réponse de la foi à Celui qui n’a point épargné Son Fils, mais qui L’a livré pour vous ? N’en serait-Il pas profondément affligé ? Jésus a un cœur sensible, témoin ce qu’Il éprouva lorsqu’Il fut renié par Pierre. Les clous et les épines Lui causèrent moins de douleur que le chant du coq. Ne L’obligeons pas à porter sur nous le regard de reproche qui coûta tant de larmes à Pierre. Il faut que notre foi soit éprouvée, car le croyant même a de la peine à concevoir que Dieu parle en vérité. Quoique les promesses soient à nous, et qu’elles fassent le sujet de notre joie, il nous est cependant difficile d’en faire usage et de considérer les choses que nous espérons, de telle manière que nous puissions estimer l’opprobre de Christ et les afflictions du peuple de Dieu une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte. Notre peu de foi en Sa Parole, quant à la vanité du monde présent, nous est fréquemment une preuve de notre peu de foi à l’égard des choses à venir ; et nous sentons combien peu nous croyons que les choses qui ne sont pas, sont vraiment ce qu’elles sont, en découvrant combien nous croyons que les choses qui sont, sont ce qu’elles ne sont pas. Mais Il travaille à nous enseigner le vrai sens des mots, et pour cela Il adoucit nos amertumes et rend amères nos jouissances, afin que nous comprenions que le bonheur présent peut être un malheur présent, et que le malheur présent peut être un bonheur présent.

Quelle entreprise monstrueuse que de vouloir rassasier des âmes immortelles avec des biens terrestres, avec ce qui n’est pas Dieu ! C’est chercher à remplir l’océan avec une goutte d’eau, à unir l’immortalité à la mort, à étendre sur l’immense éternité l’ombre éphémère du temps. Oh ! rendons-Lui grâces de ce qu’Il coupe l’une après l’autre les cordes qui lient à la terre le ballon de notre foi, afin qu’il puisse s’élever au-dessus des montagnes de l’illusion jusque dans les régions de la réalité.

Maintenant, ma bien-aimée, souvenez-vous de votre haute vocation ; vous n’êtes pas appelée à vous contenter des choses d’ici-bas, et Dieu veut vous donner bien plus que ce qu’Il jette au monde. Que l’héritière d’un trône dans la nouvelle Jérusalem ne perde pas un de ses moments à regretter de ne pouvoir construire un nid dans le royaume de Satan ! Poursuivons avec ardeur le but pour lequel nous sommes laissés ici-bas, afin que nous puissions soupirer après le délogement. Nous sommes des lettres vivantes que Dieu a sorties de Sa bibliothèque, pour manifester au monde ce qu’est la glorieuse espérance du chrétien. Satan aimerait que vos pages fussent effacées par la tristesse qui produit la mort, afin qu’on ne pût plus y lire cette glorieuse vérité. Nous avons si peu d’années, peut-être si peu de jours à rester ici-bas, et assurément si un seul regret nous est jamais possible au milieu des jouissances de cet héritage incorruptible, sans souillure et qui ne passera point, où les amis se retrouveront pour ne plus se quitter, ce sera celui de n’avoir pas consacré chaque moment de notre existence à glorifier notre Dieu, puisque c’est le seul temps au milieu de l’éternité pendant lequel l’Église ait le privilège de faire connaître aux principautés et aux puissances dans les lieux célestes, la sagesse diversifiée de Dieu, en recevant la grâce de dire avec l’apôtre : « Abattus, mais non pas perdus ; attristé, cependant toujours joyeux ; pauvres, cependant enrichissant beaucoup de gens ; n’ayant rien, et possédant toutes choses ».

Qu’Il est bon de nous initier ainsi à ces secrets de Son amour, dont Il n’a jamais donné la moindre connaissance aux anges ! Quelques-unes des vies de Ses enfants, tout en racontant Sa fidélité, sont si tragiques, que, lorsqu’elles seraient lues à haute voix, les anges mêmes auraient une larme à leur donner. Malgré cela vous devez éclater en alléluias, vous qui êtes tant aimée, car vous voyez que ce n’est pas d’un amour ordinaire que Dieu vous aime. Il n’a pas permis que vous descendissiez tout doucement le cours du temps, mais c’est par de grandes et fortes vagues qu’Il vous a jetée sur les promesses. La position élevée du chrétien consiste à marcher au milieu des promesses, en s’appuyant de tout son poids sur l’Éternel qu’il connaît. Alors aucune bénédiction ne peut devenir une malédiction, et toute malédiction devient une vraie bénédiction. Et en effet, avec Christ ne nous a-t-Il pas donné toutes choses ? Il nous est doux de rejeter sur Lui tout notre souci, parce qu’ainsi nous faisons l’expérience qu’Il prend soin de nous. Il nous est doux de Lui abandonner ce que nous avons de plus cher, parce que, comme Abraham, nous Lui donnons une preuve que nous nous occupons de Lui. Soyons de vrais nazaréens, n’approchons point des morts, ne touchons point à ce qui peut nous souiller ; soyons un holocauste dans le feu duquel nous sachions jeter toutes les bagatelles et toutes les idoles du temps, tout en offrant notre corps, notre âme et notre esprit.

Je terminerai en vous transcrivant quelques paroles d’un sermon prêché ici : « Nous avons trouvé une perle de grand prix, pour laquelle nous pouvons bien tout vendre. Si nous connaissions le parfait bonheur qui appartient à ceux qui sont en Christ, nous irions en avant sans hésiter, nous prendrions notre croix et nous suivrions Jésus, nous renoncerions à nous-mêmes et nous Le suivrions quelque part qu’Il allât, animés par une conviction profonde et scripturaire que nous sommes dans le bon chemin ; nous suivrions courageusement et vaillamment notre Dieu sauveur, avec la parfaite assurance que lorsque nous aurons donné sans partage toutes nos affections à l’auteur de notre vie, nous recevrons une récompense abondante, étant remplis de toute la plénitude de Dieu. Oh ! mes frères, si nos cœurs étaient plus ouverts à l’immensité des privilèges auxquels nous avons été appelés par le grand Chef de l’Église ! Oh ! si nous sentions davantage quelle est la nature de ce céleste et saint appel par lequel nous avons été appelés, si nous connaissions mieux ce que c’est que d’être un peuple particulier, une race élue ! L’Église chrétienne est la représentation morale de Dieu au milieu de ce sombre et triste monde ; elle est appelée à manifester la gloire divine en la face de Jésus Christ. Les croyants devraient être sous l’influence habituelle de cette gloire, et dans leur esprit et dans leur vie, afin que le monde pût les reconnaître pour avoir été avec Jésus, et qu’en remarquant l’effet pratique de l’évangile sur eux, il pût voir qu’il y a quelque chose de réel et de substantiel dans la religion du royaume éternel de Christ. Nous sommes appelés les fils et les filles du Très-haut ; plût à Dieu que nous sentissions tous par notre propre expérience combien il est impossible de connaître l’étendue de cette incommensurable bénédiction ! Alors nous pourrions couper avec joie notre main droite, ou arracher notre œil droit pour l’amour de Lui. Oh ! que Dieu nous montre la vanité de tous les objets que les hommes regardent comme précieux, qu’Il déchire le voile dont le dieu de ce siècle les revêt pour nous en cacher la nudité, afin que nous voyions le monde tel qu’il est ! Oh ! que la lumière de la gloire éternelle répande des flots de connaissance dans notre entendement, afin que cette gloire remplisse toutes les capacités de notre âme, et que dans chaque circonstance nous puissions expérimenter qu’Il est la perle de grand prix ! »