Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 65

De mipe
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Le 28 janvier 1835
Ma pauvre amie !

Par combien d’épreuves vous avez dû passer ! Mais Jésus n’en est-Il pas devenu plus cher à votre cœur, et ne sentez-vous pas davantage tout le prix de ces paroles : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui » ; « qui me séparera de son amour ? ». Je ne pense pas que l’attente d’un bien à venir quelconque puisse compenser la privation d’un bien désiré présentement. La résignation, la soumission de la volonté seules peuvent donner la paix à celui qui s’humilie sous la puissante main du Dieu qui « prend soin de nous ». La disposition d’esprit la plus heureuse est celle qui est décrite dans ces paroles : « N’ai-je point soumis et fait taire mon cœur, comme celui qui est sevré fait envers sa mère ? Mon cœur est en moi, comme celui qui est sevré ». Pour cela, il faut que le bras de la discipline du Seigneur nous subjugue, et nous savons « qu’Il peut même s’assujettir toutes choses ». La soumission du cœur, après une lutte inutile, est accompagnée d’un bonheur bien plus réel que ne l’aurait été la possession de l’objet pour lequel nous combattions. Notre seule affaire est de nous résigner immédiatement à la volonté de Dieu, et de nous abandonner à Lui pour qu’Il crucifie nos affections et nos désirs.

Je crois, chère sœur, qu’il n’y en a que fort peu d’entre nous qui connaissent bien la vie de la foi. Nous pouvons nous réjouir dans l’assurance qui provient de l’élection et dans les promesses de persévérance que nous a laissées le Seigneur ; nous nous transportons en espérance au temps où Il viendra avec tous Ses saints ; mais, dans l’économie où nous sommes maintenant, je pense que nous connaissons encore peu Jésus et la résurrection ; la vie céleste et éternelle que nous pouvons recevoir en abondance en vertu de notre union avec Lui ; Sa mort et Sa résurrection ; l’Esprit de Dieu au-dedans de nous, qui témoigne que nous sommes enfants de Dieu ; notre union avec notre frère aîné dans toutes Ses souffrances et dans tous Ses privilèges ; le crucifiement continuel et la mort de la chair, comme conséquence de ce que nous sommes morts ; l’abandon du cœur à l’action de l’Esprit, dont l’œuvre est de nous soumettre, afin que Sa vie puisse être manifestée en nous, et que les grâces qu’Il produit puissent s’y développer. Oh ! c’est une vie de résurrection dont nous avons été mis en possession, c’est pourquoi ce n’est qu’en passant par la mort que nous pouvons en jouir ; et si nous connaissions la nature céleste de cette vie, nous sentirions qu’il nous faut mourir, et mourir à tout. Cette vie est spirituelle ; c’est l’immortalité, c’est le ciel, c’est le royaume des cieux ; elle consiste dans une entière séparation d’avec la mortalité, la chair et la terre. Ce n’est qu’en proportion de notre mort au monde que nous pouvons jouir de cette vie céleste. Que de grâces nous sont présentées ! Que de bénédictions nous pouvons recevoir ! Comme nous pourrions être des instruments de bénédiction, si nous avions le courage de nous livrer comme de saintes victimes à l’Esprit de Dieu ! Jamais on ne regrette de renoncer à soi-même, de se charger de sa croix, et de suivre l’homme de douleurs, le solitaire Jésus. C’est un exercice saint et salutaire, dans lequel nous apprenons à descendre à l’état de petitesse qui nous convient, à ne rien attendre d’en bas, et même à refuser ce qui s’y trouve ; à ne pas nous contenter de la bonne part, mais à choisir la meilleure, parce que « la nuit est avancée, et que le jour s’est approché » ; à ne point avoir soin de la chair et de ses jouissances, mais à nous revêtir des armes de la lumière, et à nous préparer pour le combat. Prouvons ainsi notre attachement à l’Église de Jésus, de telle manière qu’elle voie dans notre vie ce dont elle a le plus besoin. Montrons franchement que nous cherchons un royaume, et que notre royaume n’est pas d’ici-bas ; que nous sommes un avec le Seigneur du ciel ; que nous attendons Celui qui nous a délivrés de la colère à venir, et que nous avons crucifié la chair avec ses convoitises. Ne craignons pas d’être livrés à la mort, afin que la vie de Jésus se manifeste avec plus de puissance dans Son corps qui est l’Église ; si nous aimons à penser à Son apparition, notre sollicitude se portera sur l’Église et non sur nous-mêmes, et nous ne pourrons supporter la pensée que nos péchés soient une tache sur elle. Nous sentirons les péchés du corps comme s’ils étaient les nôtres propres, car nous sommes membres les uns des autres. Oh ! que Dieu nous donne de trouver une telle substance dans les objets de notre espérance, que toutes les autres choses nous paraissent dans leur nudité et dans leur néant, et que nous soyons heureux dans l’attente de recevoir tout bien « avec Jésus » !

Si nous attendons Jésus, nous L’attendons avec tous Ses saints, car ils viendront avec Lui. Et l’apôtre déclare, quant à ceux qui dorment en Lui, que Dieu les amènera avec Lui, comme si la pensée même d’une séparation entre Christ et Ses membres était impossible. Que de choses nous avons encore à apprendre ! Ne craignons pas ce qui peut contribuer à nous crucifier, car « si, par l’Esprit, nous faisons mourir les actes du corps, nous vivrons » ; et il se pourrait qu’après avoir été rendus conformes à la mort de Jésus, et avoir connu la puissance de Sa résurrection, même la puissance d’une vie impérissable, nous fussions jugés dignes d’avoir part à la communion de Ses souffrances. Amen, amen ! Que pourrais-je désirer de plus pour vous, chère amie, que la discipline et les souffrances, pourvu que vous soyez dans Ses bras, et que vous vous rappeliez toujours cette promesse : « Je ne vous laisserai point orphelins » ?