Traité:Et puis, après
ou
Le malade et son docteur
1863
Le malade. — Cher docteur, savez-vous, pour sûr, comment finira ma triste et longue maladie ?
Le docteur. — Certainement, je le sais. Vous guérirez, ou bien vous succomberez.
Le malade. — On sait cela sans être médecin ; ce n’est point ce que je vous demande. Je veux savoir si, selon vous, je mourrai ou si je guérirai.
Le docteur. — Votre cas n’est pas de ceux où, à vue humaine, l’on puisse pronostiquer avec certitude l’une de ces deux issues à l’exclusion de l’autre. J’ai complètement répondu à votre question. Le cas serait différent si, après que Dieu vous aurait rétabli, vous veniez me demander ce qui doit vous arriver ensuite.
Le malade. — Soyez bien certain que, si je m’en tirais, je n’irais pas vous demander ce qui m’arrivera tôt ou tard après. Je le sais aussi bien que vous. Ne devons-nous pas tous mourir ?
Le docteur. — Le monde le dit… Me permettriez-vous de vous questionner à mon tour ?
Le malade. — Essayons. En tout cas, je vous répondrai des choses aussi évidentes que vos derniers oracles.
Le docteur. — Peut-être. Reprenons le discours au point où nous l’avons laissé. Vous voilà rétabli, je suppose. Néanmoins vous devez mourir, tôt ou tard, après ce rétablissement. À mon tour je vous demande : « Et puis ; après ? ».
Le malade. — Bah ! docteur. Ceci ne regarde plus mon corps ; et, pour parler franchement, votre question n’a aucun sens pour moi.
Le docteur. — C’est ce que je craignais, pauvre ami. Dites plutôt que vous n’avez point le désir de vous en occuper. Au fond, cette question concerne votre corps aussi directement que l’esprit et l’âme qui l’animent. Après votre mort à ce monde-ci, savez-vous, pour sûr, ce qui vous arrivera ?
Le malade. — Vous m’obligeriez en me permettant une question avant d’exiger ma réponse.
Le docteur. — Accordé — de grand cœur.
Le malade. — Savez-vous vous-même, pour sûr, ce que vous deviendrez après cette vie-ci ?
Le docteur. — Je le sais, de la seule science certaine. Plaise au Dieu de toute grâce que votre réponse puisse être calquée sur la mienne :
Si je dois mourir…
Le malade. — Ha ! mais qu’est-ce que ceci ? Nous ne sommes donc pas, vous et moi, sur le même terrain ni dans les mêmes conditions quant à la mort corporelle ?
Le docteur. — Non ; malheureusement pour vous, notre position n’est point la même, ni quant à la mort corporelle, ni quant à la mort en général, ni sous aucune des faces de « la mort ». Je ne pourrais en parler pour moi-même comme j’en ai parlé pour vous. Je ne peux ni ne dois dire : « Je mourrai certainement ». Je sais que cela est possible ; mais chaque jour qui s’écoule le rend moins probable. J’attends le Seigneur Lui-même, non la mort. Mais n’abandonnons pas notre sujet. Nous pourrons reprendre celui-ci ensuite, dès que vous le voudrez.
Le malade. — Là-dessus, je ne vous laisserai pas longtemps tranquille. Votre restriction : « Si je dois mourir », m’a frappé désagréablement. Ce sont là d’étranges prétentions. Que ne me dites-vous tout d’un temps : Je ne suis pas sujet à la mort !
Le docteur. — En effet et grâces à Dieu, je ne suis plus un sujet de la mort. La mort est à moi, et moi à Christ, et Christ à Dieu. Le Saint Esprit, qui parle des rachetés en disant « nous », a déclaré que « nous ne nous endormirons pas tous, mais que nous serons tous changés, en un instant, en un clin d’œil, à la trompette suprême, car la trompette sonnera et les morts (en Christ) ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés ». Voilà ce que le Saint Esprit dit des chrétiens, sans acception de temps. Les uns s’endorment en Christ — mais non pas tous, non pas nous tous. Ceux-là ressusciteront premièrement. — Ensuite « nous, les vivants, les surrestants », nous serons transmués, sans passer par la mort, pour être « enlevés avec eux (avec les ressuscités) dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, en l’air » (1 Cor. 15, 51-54 ; 1 Thess. 4, 13-18 ; etc.).
Donc, si je dois m’endormir en Christ avant la venue du Seigneur et avant notre rassemblement auprès de Lui, je ressusciterai à la ressemblance du Fils de Dieu glorifié, avec un corps incorruptible, glorieux, puissant et spirituel.
Le malade. — Oh ! oh ! Vous prenez ces spéculations pour des vérités. « Un corps spirituel » ! J’aimerais bien vous voir avec ce corps-là.
Le docteur. — Je le désire encore plus vivement que vous ; bien plus, je ne désespère point de vous voir ainsi vous-même.
Le malade. — Continuons. Vous voilà incorruptible… Et puis ; après ?
Le docteur. — Je serai toujours avec le Seigneur, quoi qu’Il fasse et où qu’Il aille. Comprenez-vous bien cela ? Toujours avec le Seigneur Jésus, et dans la compagnie de Ses saints glorieux ; sans péché, ni souffrance, ni deuil, ni larmes, ni cri, ni douleur, ni aucun autre besoin que celui d’exprimer, à Dieu mon Sauveur, mon éternelle allégresse et ma reconnaissance constante. Toujours avec mon Rédempteur et mon Sauveur ; dans Son intimité parfaite, dans la lumière de la face de Dieu, mon Père, et dans la propre gloire du Seigneur Jésus Christ Lui-même…
Le malade. — Puisque vous croyez réellement cela, vous êtes bienheureux maintenant. Mais lorsque vous reconnaîtrez votre erreur, vous serez bien plus malheureux que moi qui, n’ayant pas de telles illusions, n’aurai pas non plus d’aussi douloureux mécomptes. Vos prétentions me font comprendre comment vous croyez posséder une réponse finale, décisive, péremptoire, à toute question qui concerne votre fin. S’il y a pour l’homme une gloire éternelle, si vous devez être toujours avec le Seigneur dans cette gloire, il est clair que là est la dernière réponse au dernier : « Et puis ; après ? ». Vous devez être parfaitement heureux dans vos visions.
Le docteur. — Je le suis, en effet, par la foi et dans mes espérances. La foi procure « une bonne espérance, par grâce ; une consolation éternelle ». Je voudrais que, vous aussi, vous fussiez, en quelque mesure au moins, heureux avec vos propres espérances. En avez-vous, et en quoi consistent-elles ? Sur quoi reposent-elles ? Le bonheur véritable dépend de la solution de ces questions. Permettez-moi donc de vous demander pour la dernière fois : Qu’espérez-vous après cette vie-ci ?
Le malade. — Je pourrais vous répondre par des lieux communs tels que ceci : Après ma mort, j’irai là où vont tous les fils d’Adam. Ou encore : Je comparaîtrai devant Dieu qui est bon, qui ne peut vouloir que le bonheur de Ses créatures. Mais je sens que c’est précisément là où vous m’attendez, pour y placer le plus important : « Et puis ; après ? ».
Ce que je sais, c’est que vous m’appelez un incrédule. Je le suis, en effet, quant à l’inspiration et à l’autorité divines de ce que vous tenez pour être la Parole de Dieu. Qu’il vous plaise donc, cher docteur, à vous dont j’apprécie les excellentes intentions envers moi, que je reprenne ma première position d’interrogateur. Dites-moi ce qui, selon vous, m’attend après la mort commune à tous les fils d’Adam.
Le docteur. — Doucement, doucement, s’il vous plaît. Parmi ces fils d’Adam, il y en a qui attendent le Christ pour leur salut. Ce sont ces bienheureux « plusieurs » dont le Christ a expié les péchés. Il est indispensable, pour que nous nous entendions bien, d’établir formellement cette distinction, avant de parler de la dernière fin de tous les autres fils d’Adam. Celui qui lit Hébreux 9, 27, 28 y trouve un autre ordre d’idées que celui de notre conversation. Il y est écrit : « En la consommation des siècles, le Christ a été manifesté une fois, pour l’abolition du péché, par le sacrifice de lui-même ». Cette vérité se lie à celle-ci : « Le Christ ayant été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs, sera vu une seconde fois, sans péché, à salut, par ceux qui l’attendent ». Ces bienheureux « plusieurs » (quoique originairement fils d’Adam) n’attendent donc point la mort, mais leur Rédempteur pour l’achèvement de leur salut. Alors Il les sauvera de la colère à venir qui doit tomber sur un monde rebelle. Se sont-ils endormis en Lui avant Sa venue ? Il les ressuscitera alors par Sa puissance. Vivent-ils lors de Son retour ? Il les transmuera à Sa ressemblance. De toute manière Il viendra pour me prendre et me transporter dans Son royaume et dans Sa gloire, parce que, par la foi, et par grâce, je suis un de ces bienheureux « plusieurs » qui, croyant à Sa mort et à Sa résurrection, peuvent et peuvent, eux seuls, « attendre à salut » Celui qui a été offert une fois pour porter leurs péchés. C’est pour eux que le Christ apparaîtra alors une seconde fois sans péché — c’est-à-dire sans aucun de nos péchés, qu’Il a une fois portés, et pour toujours abolis ; et dans ce moment béni, Il achèvera ce qui concerne notre salut, en nous rendant conformes à Lui-même.
Le malade. — On dirait vraiment que vous vous plaisez à reculer devant le but ; ne voulez-vous donc pas en venir à ce qui me concerne ?
Le docteur. — Bien au contraire ; je suis heureux de voir vos pensées se fixer enfin, plus sérieusement, sur cette solennelle question. Que la Parole de Dieu vous réponde donc selon vos circonstances. Qu’elle vous fasse redouter tous ces événements successifs qui vous attendent. Mais surtout, qu’elle vous fasse désirer et saisir l’espérance au-devant de laquelle je chemine moi-même, avec la tranquille patience d’une pleine certitude de foi.
Quant aux hommes dans leur état naturel, quant aux incrédules — tant ceux qui ne connaissent point le Dieu vivant et véritable, que ceux qui ont été rebellés à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ — il leur est réservé à tous « de mourir une fois ». Cela, vous le savez probablement mieux que vous ne le croyez.
Le malade. — Vous verrez qu’il faudra que ce soit moi qui dise votre opinion sur le reste. De l’autre côté de la sombre et inévitable porte qui a nom : la mort, les hommes recevront la juste rétribution due au genre de vie de chacun d’eux « sous le soleil » — comme vous le diriez.
Le docteur. — Eh bien ! pas du tout, mon ami : « Ce qui est réservé aux hommes, c’est de mourir une fois, puis après cela le jugement » — le jugement de Dieu, sur leur vie entière ; aussi bien sur tous les mouvements et les pensées les plus cachés de leurs cœurs, que sur leurs paroles et sur leur silence ; sur leur activité comme sur leur oisiveté. Avant qu’ils ne reçoivent « leur salaire » — comme vous le disiez — le juste Juge appréciera leurs mérites et leurs services.
Que pensez-vous de la position des hommes, ressuscités après leur mort, se trouvant debout et vivants devant le tribunal suprême qui va décider — sur ce pied-là, sur le pied de leur responsabilité — de leur sort éternel ? Il n’y a plus là d’imagination, ni de chimères, ni aucune incertitude quant à la vérité. Plus d’illusions pour les fils d’Adam. Là ils se jugeront eux-mêmes, dans la pénétrante lumière et sous le regard perçant de la face du « Dieu, juge de tous ». Un seul cri, un seul mot exprimera la pensée générale et unanime de cette assemblée ; un seul mot dont la triste valeur et la terrible portée ne peuvent être pleinement saisies ailleurs que dans la présence de Dieu. Ce mot sera celui-ci : Pécheurs !
Que pensez-vous de cette séance de jugement ?
Le malade. — Ce que j’en pense… C’est que, pour mon compte, je n’ai jamais fait de mal à personne qu’à moi-même. — Au reste, si tout cela est vrai, je l’irai voir en grande compagnie… Et puis ; après ?
Le docteur. — Après ! Ah ! cher ami… Pas encore, je vous en conjure ; arrêtons-nous un instant. D’ailleurs le passage par lequel je vous ai répondu ne va pas plus loin. Vous venez d’exciter ma sollicitude. C’est à vous que je pense ; vous êtes plus sérieux que vos paroles, n’est-ce pas, mon ami ? Je comprends que, parlant à vos semblables, au milieu des ténèbres spirituelles de ce monde, vous osiez dire : Je n’ai jamais nui à personne. Oserez-vous le dire à Dieu, dans la lumière de Sa gloire qui manifestera toutes choses, avec une évidence dont aucune expression de la langue humaine ne peut donner la mesure ?
Et, d’ailleurs, qui vous a donné le droit ou le devoir (droit et devoir sont inséparables) de vous nuire à vous-même ? N’est-ce pas le plus abominable genre d’indépendance, que de nuire à une créature qui ne s’appartint jamais à elle-même, mais qui, en réalité, appartient à Dieu ?
Avez-vous essayé de hasarder une plaisanterie, lorsque vous disiez : J’irai au jugement suprême en grande compagnie ? Je vous crois trop sincère pour vous couvrir d’une pareille banalité, afin de parer votre conscience contre la vérité, et trop sérieux pour fuir en aveugle l’idée du jugement dont nous parlons.
Si vous voulez marcher jusqu’au bout dans une telle compagnie, vous finirez sûrement par la trouver plutôt grande que bonne ou aimable. Avez-vous l’intention de briser là-dessus ? Un signe vous suffit pour renvoyer votre médecin — son affection vous serait restée fidèle malgré tout. Je craignais qu’une réponse intempestive ne trouvât pas le chemin de votre conscience. Vous m’avez affligé. Nous ne sommes point ici pour une escarmouche d’esprit ; encore moins pour une dispute destinée à faire briller l’intelligence de l’un de nous deux aux dépens de l’autre.
Il s’agit de Dieu, de Sa justice immuable et de la position de chaque pauvre pécheur qui aura été amené, comme un accusé, dans la présence de Celui auquel nous avons affaire, devant lequel il n’y a aucune créature qui soit cachée, mais aux yeux duquel « toutes choses sont nues et entièrement découvertes ». Il s’agit d’un jugement sans appel, définitif, irrévocable, infaillible ; d’une sentence qui décidera de votre sort éternel. Il est question d’un arrêt basé sur ce principe, qu’un seul péché mérite la mort, et que tout pécheur sera puni, comme tel, d’une ruine ou « d’une perdition éternelle, loin de devant la présence du Seigneur et de la gloire de sa force ».
Actuellement encore, Dieu agit en grâce, car Dieu est amour. Pensez-vous qu’une fois assis sur le trône du jugement, Dieu puisse agir autrement que selon l’inexorable justice ? Serait-Il juste (s’Il ne l’était pas toujours, Il ne serait pas Dieu) en montant sur ce trône avec l’intention de ne pas rendre, selon leurs œuvres, à chacun de ceux qu’Il aurait expressément convoqués, assignés et fait comparaître pour cela ?
Le malade. — Ne nous échauffons pas, cher docteur. Voilà bien des questions auxquelles j’aurais beaucoup à répondre. Sans désirer de vous interrompre, je dois avouer que je suis peut-être trop impatient de sortir de la question du jugement, afin d’arriver à votre solution sur ce qui doit le suivre et tout terminer.
Le docteur. — Je vous en supplie, attendez encore un instant. Qui sait si jamais nous pourrons revenir sur ce sujet ? Peut-être, si nous allons doucement, ne me répéterez-vous jamais plus la question après laquelle, en tout cas, vous n’en aurez plus d’autre à poser à votre docteur.
Le malade. — Je comprends ; vous voulez dire : plus d’autre qui ait quelque valeur, comparativement à celle-ci. Eh bien ! docteur, puisque vous êtes si solennel, j’écoute et j’attends. Ne suis-je pas votre patient ?
Le docteur. — Mon cher malade, si vous pouviez voir la profonde affection qui me rend si sérieux, si pressant avec vous, ce que vous appelez mon air solennel ne pourrait plus vous déplaire.
J’attends de Dieu seul la réussite de mes sincères efforts pour faire pénétrer la vérité dans votre conscience et, dans votre cœur, Son amour pour vous.
Nous disions que, pour tous les hommes naturels, la mort corporelle sera suivie du jugement de Dieu. Si ce mot : « Jugement » ne produit aucune crainte de Dieu dans votre âme, s’il ne vous amène pas, au moins, à comprendre cette crainte — qui « est le commencement de la sagesse » — je ne me croirais plus appelé à poursuivre notre conversation ; encore moins à répondre au dernier : « Et puis ; après ? » qui est toujours prêt à s’échapper de vos lèvres.
Le malade. — Docteur, n’allez pas croire que je me moque de Dieu. J’aime beaucoup les écrits de Salomon, surtout l’Ecclésiaste — mais n’avons-nous pas assez parlé de jugement ?
Le docteur. — Pas encore trop, en tout cas. Laissez-moi vous citer le dernier verset de l’Ecclésiaste, de ce livre où la sagesse de Dieu perce partout et domine la pensée humaine qui sert à la faire merveilleusement ressortir : « Car Dieu amènera toute œuvre en jugement, touchant tout ce qui est caché, soit bien, soit mal ».
Le malade. — Qui dit jugement, ne dit pas condamnation. D’ailleurs, Salomon… Salomon ! Nous savons assez quelle vie il a menée. Il pouvait bien se faire ermite, celui-là.
Le docteur. — Il me semble qu’il n’en est que plus précieux de l’entendre parler ainsi selon Dieu. Le Seigneur Jésus, le Saint et le Juste sans péché, n’a-t-Il pas dit les mêmes choses ? Si je vous avais cité Ses paroles, vous auriez pu me répondre : Lorsque, comme le Christ, on est au-dessus du péché, de la mort, du jugement et de la condamnation, il est bien aisé de menacer du jugement de pauvres créatures faillibles. Or dans le cas du Christ, Celui qui a dénoncé aux pécheurs non seulement le jugement, mais ses inévitables et redoutables conséquences, s’est offert volontairement, par amour pour eux et à leur place : « Il a été manifesté une fois, en la consommation des siècles, pour l’abolition du péché par le sacrifice de lui-même ». « Le Christ a été offert une fois, pour porter les péchés de plusieurs » — de sorte que, « par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tout » ce qui était sous le péché et sous ses conséquences. Cette sainte victime a été faite péché pour nous. Le Seigneur a été jugé, condamné, exécuté, enseveli, enterré sous le poids écrasant de notre propre culpabilité. Lui était-il donc aisé de parler du jugement ? Pouvez-vous le penser ?
Salomon croyait à l’avance au sacrifice expiatoire du Fils de Dieu ; c’est là ce qui a relevé Salomon, ce qui l’a encouragé, purifié, justifié et rendu digne et capable, lui pauvre pécheur, de dénoncer le jugement sur toute âme de pécheur incrédule et inconverti. Il n’y a aucun écrivain sacré dont, à divers degrés, on n’en puisse dire autant. Le mieux, pour chaque lecteur de Salomon, serait de profiter des expressions inspirées de sa propre expérience, pour éviter de passer par le même chemin que lui.
Vous avez dit que « jugement » ne signifie pas nécessairement « condamnation ». Prenez-y bien garde. Ici, les deux choses sont si étroitement liées, qu’il est aussi impossible à l’homme pécheur d’échapper à l’une qu’à l’autre. David, le saint roi et prophète, le père de Salomon, disait à Dieu : « N’entre point en jugement avec ton serviteur, car nul homme vivant ne sera trouvé juste devant toi ». Je le répète, prenez-y garde : si le jugement vous atteint comme homme, fils d’Adam, il vous déclarera injuste. Pourrez-vous subsister comme tel devant Dieu ?
Job avait mérité et reçu, de la bouche de Dieu Lui-même, le plus beau témoignage qu’homme vivant ait jamais obtenu : « Mon serviteur Job, qui n’a point d’égal sur la terre ; homme intègre et droit, craignant Dieu et se détournant du mal ». Cependant lorsque Job, s’appuyant sur sa propre justice, finit par se trouver en la présence de Dieu Lui-même, que peut-il dire ? Rien pour se justifier ; tout pour se condamner : « J’avais ouï de mes oreilles parler de toi ; mais maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi je rejette (mes prétentions) et je me repens — sur la poussière et sur la cendre… Voici, je suis un homme vil ; que répondrai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche… ». Tel est l’effet que devrait produire la simple annonce du jugement de Dieu, sur tout cœur d’homme qui n’est pas mort à la justice et à la vérité — la conviction de condamnation et la confession de son état de péché.
Je suis heureux, mon ami, de vous voir moins pressé de lancer votre définitif : « Et puis ; après ? ». Je présume que la Parole de Dieu n’est pas sans avoir produit quelque effet sur votre conscience ; aussi vais-je vous faire entendre la réponse de Dieu tout entière. Nous avons déjà vu que : « Ce qui est réservé aux hommes, c’est de mourir une fois, puis après cela suit le jugement ». Maintenant voici le tableau de ce jugement et ensuite, de ses dernières conséquences : « Et je vis un grand trône blanc ; et Celui qui est assis dessus, de devant lequel s’enfuient la terre et le ciel ; et il ne fut point trouvé de lieu pour eux. Et je vis les morts, petits et grands, se tenant devant Dieu ; et des livres furent ouverts ; et un autre livre fut ouvert qui est celui de la vie ; et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres. Et la mer rendit les morts qui étaient en elle ; et la mort et le hadès furent jetés dans l’étang de feu : c’est la seconde mort, l’étang de feu. Et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre de la vie, il était jeté dans l’étang de feu » (Apoc. 20, 11-15).
Vous avez entendu maintenant la suite et la fin de toutes choses, quant à la destinée éternelle « des hommes ». La mort, puis le jugement, enfin la seconde mort.
Le malade. — L’autorité d’une telle vision prophétique, une fois admise, je puis me faire une idée de sa portée générale et de son influence sur la direction pratique de la vie ici-bas. Cependant, je ne suis pas convaincu qu’aucune bonne œuvre ne se trouvera inscrite au chapitre d’aucun de ceux qui se tiennent devant Dieu.
Le docteur. — Votre espérance de trouver encore en vous quelque mérite, vaut la peine de s’y arrêter. Cependant je serai bref : L’Écriture appelle « œuvres de loi » toutes celles dont l’homme cherche à se faire un mérite, au moyen duquel Dieu deviendrait l’obligé, le débiteur de l’homme — même de l’homme pécheur — comme si le pur pouvait sortir de l’impur. Ne parlons pas des œuvres de la foi en Jésus Christ. Qui oserait prétendre racheter ou effacer un seul péché au moyen d’un nombre quelconque d’œuvres de quelque espèce que ce soit ?
Pensez-vous qu’une œuvre, quelle que soit sa forme et son apparence aux yeux de l’homme, puisse être trouvée bonne, lorsqu’elle provient d’un cœur insoumis à Dieu et à Sa justice ? Dieu ne juge pas sur l’apparence, mais Il regarde au cœur duquel procèdent les sources de la vie. Il a déclaré Lui-même qu’Il est Celui « qui justifiera la circoncision sur le principe de la foi, et l’incirconcision sur le principe de la foi » ; mais que « tous ceux qui sont sur le principe des œuvres de loi, sont sous malédiction ».
Oserait-on, par des œuvres, prétendre à rendre juste un pécheur par nature ? C’est cependant de quoi il est question : Être justifié, n’est pas seulement être reconnu juste. Dieu seul le sera ; et Il le sera surtout au grand jour dont nous parlons (Rom. 3, 4). Appliqué à des pécheurs, ce terme signifie être rendu juste. La question ainsi posée est bien simple : Serons-nous, nous pécheurs, rendus justes par des œuvres ; ou bien serons-nous rendus justes par la foi ? La réponse est aussi simple et aussi claire : Par la foi ; uniquement et simplement sur le pied de la foi. Je tiens à ajouter ceci : Sur le principe de la foi, nous sommes rendus justes de « la justice de Dieu » ! Que ne puis-je m’étendre ici sur cette incompréhensible, mais admirable grâce !
Le malade. — Je comprends assez bien ce système.
Le docteur. — Mais, au moins, ce n’est pas mon système, n’est-ce pas ?
Le malade. — Je sais que c’est la base du christianisme ; mais je ne puis abandonner ainsi tout mérite dans mes meilleures œuvres.
Le docteur. — S’il y a un mérite — même dans les œuvres de la foi, il est tout entier à Celui qui a donné au croyant, avec la foi, la nature divine. Cette nature produit en ce croyant « des fruits de justice, par le moyen de Jésus Christ ». Tout vient de Lui ; à qui donc le mérite ?
Voulez-vous envisager vos œuvres au point de vue du devoir d’un serviteur ? « Quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ». Au point de vue de notre profession du nom de Christ, comme chrétien responsable d’avoir connu l’évangile, mais de n’y avoir point obéi, il est écrit : « Or cet esclave qui a connu la volonté de son maître, et qui ne s’est pas préparé, et n’a point fait selon sa volonté, sera battu de plusieurs coups » (Luc 12, 47).
Maintenant revenons au passage que je vous ai présenté. En Apocalypse 20, 11-15, il n’est pas dit un mot des croyants. Il n’y est question que des morts et de leur destination éternelle à la seconde mort — par suite du jugement éternel.
Pendant leur vie temporaire en la chair et jusqu’à leur mort corporelle, ils étaient déjà « morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ». Depuis leur résurrection pour comparaître devant le grand trône blanc, leur état moral et spirituel est encore le même. Ce sont des morts, en contraste avec les croyants, justifiés par la foi ; il est dit de ces derniers, qu’ils ont la vie éternelle, déjà ici-bas. Ceux qui sont jugés devant le grand trône blanc, étaient morts lorsqu’ils vivaient dans l’indépendance de Dieu, c’est-à-dire séparés de Dieu par le péché : morts en attendant le jugement : morts après leur résurrection et en face de ce jugement. En tous cas et de toute manière, les incrédules sont des morts qui marchent vers la seconde mort, là où périt tout espoir. Quelle compagnie, cher ami, quel voyage et quel but ! Ténèbres, remords sans adoucissements, mort vivante, éternelle et consciente, sans espérance, sans soulagement. Là sera (surtout pour ceux qui auront rejeté l’évangile) l’horreur tout entière de la condition d’un être moral et responsable, mais déchu — en face de la grâce qu’il a foulée aux pieds — sous le poids du mépris et de la colère d’un Dieu dont ils auront refusé la miséricorde. Ils sentent maintenant le poids de Sa justice, après avoir refusé Ses pressantes invitations à venir à Lui, à ce Dieu qui, si longtemps, s’était patiemment révélé à eux comme Celui qui est amour, vie, lumière et, par conséquent, la source de tout ce qui mérite le nom de bonheur. Ce qui reste parfaitement clair après tout cela, c’est que vivre ici-bas sans Christ, c’est déjà mourir pour Satan.
Le malade. — Il me semble que je vous comprends un peu. Cependant j’avoue qu’une autre idée me préoccupe. Ce sont ces livres et ce livre ouverts devant tous ces morts.
Le docteur. — La foi y admire l’impartialité solennelle et irréprochable de la justice, dans cette séance suprême. Les livres sont un registre des faits et gestes des morts. Le livre de la vie est le rôle des croyants inscrits par la grâce pour le salut. La souveraine justice ne se bornera point à peser et à éprouver scrupuleusement les œuvres des morts. Elle procédera par épreuve et par contre-épreuve. Aucun des comparants n’oserait, je pense, plaider sa propre cause ou entreprendre sa justification, dans la glorieuse lumière qui manifestera les ressorts, les mobiles, les causes les plus secrètes de ses œuvres. Tous devront être couverts de confusion en apercevant alors tant de ces causes et de ces mobiles honteux qui, dans leur éloignement de Dieu, leur furent si souvent comme cachés à eux-mêmes. Il n’est pas douteux que si quelqu’un des morts osait alors prendre la parole, « sa propre bouche le condamnerait » (Rom. 3, 4, 19 ; voyez 9, 23 ; Job 9, 2, 3, 20).
Quoi qu’il en soit, le fait de cette épreuve et de cette contre-épreuve a, certainement, une utilité actuelle pour ceux qui le lisent pendant leur vie ici-bas. Je ne crois pas que les morts, devant le grand trône blanc, puissent avoir seulement la pensée de s’excuser, mais s’ils l’avaient, la contre-épreuve du livre de la vie réduirait à néant cette prétention. Ne pensez-vous pas que l’ouverture du livre de la vie sera comme une démonstration suprême de cette grande vérité, que la grâce est le seul moyen de salut pour les pauvres pécheurs ?
Le malade. — J’avoue que ces pensées m’occupent actuellement. C’était quelque idée de ce genre qui m’a fait vous demander, il y a un moment, si aucune bonne œuvre ne se trouverait inscrite au chapitre d’aucun de ces morts. Je ne peux le nier ; si je prends, en imagination, place avec eux, je voudrais pouvoir dire au souverain Juge : « Seigneur, tu ne considères que ce qui est contre moi. Tu oublies toutes mes bonnes intentions ; n’ont-elles donc aucun mérite ? N’ont-elles eu aucune influence sur la qualité d’aucune de mes œuvres ? J’ai cependant été baptisé en ton nom. J’ai plus tard ratifié cet acte de mes baptiseurs. J’ai voulu te plaire. J’ai fait de mon mieux pour cela. J’ai prêché, j’ai collecté en ton nom les aumônes des autres ; j’ai même donne du mien. Seigneur ! j’ai toujours cru pouvoir espérer que tu aurais inscrit mon nom dans ton livre de vie. N’y serait-il donc pas du tout, malgré tous mes efforts ? ». En vérité, il me semble que j’oserais dire tout cela ; et je sens que je le dirais infiniment mieux.
Le docteur. — Ce serait là sans doute votre dernier effort ; comme celui d’un homme saisissant un faible brin d’herbe pour résister au fleuve qui l’emporte. Ce ne serait alors, et ce n’est chez vous, dans ce moment même, que le dernier mensonge de la propre justice en face de l’abîme éternel. Que Dieu qui nous entend, fasse que ce soit aussi votre dernier essai pour vous justifier vous-même, dans le but d’éviter cet abîme. Croyez-moi, cher ami, soumettez-vous à la justice de Dieu, selon l’expression de Paul en parlant des Juifs : « Car ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu » (cf. Rom. 10, 3, avec Phil. 3, 9).
Revenons à la séance du grand trône blanc. Les livres des œuvres vous ont condamné. Le livre de la vie est là. La justice daignera l’ouvrir. Pauvre pécheur, ton nom n’y sera point trouvé. C’est le livre de la grâce et de la foi. Il ne renferme que les noms de ceux qui ont cru pour recevoir une « justification de vie » (Rom. 5, 18). C’est le livre de la vie, et par conséquent un mort n’y peut être inscrit. Mais celui qui croit a la vie éternelle ; il n’est plus un mort ; il est passé de la mort à la vie, aussi son nom est au livre de la vie.
Celui qui ouvre ce livre, n’est-Il pas le même que Celui qui l’a écrit ? Se serait-Il trompé ? T’aurait-Il oublié ? Impossible, puisqu’il s’agit du Dieu qui te fait comparaître et devant lequel tu te tiens, dans ton indicible angoisse. Tu avais cru que ton nom y était inscrit ! Mais avais-tu cru en Son nom à Lui ; en ce nom, le seul par lequel tu eusses pu être sauvé ? Avais-tu cru en ce nom auquel tu avais fait profession de croire ? Quelle hypocrisie ne découvres-tu pas maintenant dans toute ta conduite religieuse ! Et que peuvent être toutes les œuvres d’un hypocrite ? T’étais-tu confié tout entier à Celui qui t’avait supplié de te laisser réconcilier avec Lui qui t’aimais, toi qui Le fuyais et Le haïssais, pendant qu’Il t’offrait, sans aucun prix, le don de la justice de Dieu ? — Ton silence répond, il te condamne. Tu seras jeté dans l’étang de feu. « C’est la seconde mort, l’étang de feu ».
Chère âme qui m’as écouté et qui m’écoutes encore — après cela il n’y a plus rien autre ; toujours la même chose ; éternellement la seconde mort !
Le malade. — Docteur, je crois que vous parlez selon la vérité ; ce qui me touche davantage, c’est que vous m’aimez selon Dieu et, probablement, de Sa part ; cette affection doit être une faveur de Lui sur nous deux. Que ferai-je donc pour éviter le jugement éternel, la condamnation et la seconde mort ?
Le docteur. — Béni sois-tu, Seigneur, pour cette question, car elle est un fruit de ta grâce dans ce cœur qui te cherche maintenant. Quiconque croit au Fils a la vie éternelle. Il ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. Il ne peut plus périr. Tu as écrit toi-même son nom dans le livre de vie. Qui pourrait l’effacer ? Cette âme te trouvera sûrement, puisque c’est toi qui l’as cherchée, toi qui l’appelles, toi qui l’attires. Répands ton amour dans son cœur. — Tu veux le faire, puisque tu as touché et vivifié sa conscience. Toi seul peux le faire ; n’es-tu pas toujours le même, toujours Celui qui, sans cesse et sans relâche, as opéré et qui opéreras jusqu’à la fin en nous tous qui croyons ? « Or, nous sommes dans le véritable, savoir dans ton Fils Jésus Christ. Lui est le Dieu véritable et la vie éternelle ».
Malade et docteur. Amen !
Conclusion
« Que dirons-nous ? Dieu est-il injuste quand il donne cours à la colère ?… Qu’ainsi n’advienne ! puisqu’alors comment Dieu jugerait-il le monde ? ».
« Car tous ceux qui ont péché sans loi périront sans loi ; et tous ceux qui auront péché sous la loi, seront jugés par la loi — au jour où Dieu jugera les choses secrètes des hommes, selon mon évangile ».
« Nous concluons donc que l’homme est justifié par la foi, sans œuvres de loi ».
« Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ ».
(Rom. 3, 5, 6 ; 2, 12, 16 ; 3, 28 ; 5, 1)