Traité:La foi et la marche de la foi
Hébreux 11J.N. Darby
Il est impossible de nier qu’il n’y ait dans le monde un principe agissant d’une manière vitale, qui de tout temps a vivement excité la haine et l’opposition de l’homme. Il en a été ainsi depuis Abel jusqu’à maintenant.
Le « train du monde » a poursuivi son cours. Il se poursuit autour de nous. Toutefois, au milieu de tout, il y a eu, et il y a un mobile qui est actif, et qui réveille l’hostilité et le jugement dédaigneux du monde. C’est l’histoire de la ville où nous habitons, aussi bien que celle de Caïn et d’Abel. Il en a été ainsi de tous les temps et dans tous les pays. Partout le peuple de la foi a été l’objet de l’inimitié de l’homme. Mais Dieu reconnaît ce peuple. « Et d’autres furent éprouvés par des moqueries et par des coups, et encore par des liens et par la prison ; ils furent lapidés, sciés, tentés ; ils moururent égorgés par l’épée ; ils errèrent çà et là, vêtus de peaux de brebis, de peaux de chèvres, dans le besoin, affligés, maltraités, desquels le monde n’était pas digne » (Héb. 11, 36-38). Dieu nous donne ici leur histoire à Son point de vue. Il n’intervient pas. Il les laisse « dans le besoin, affligés, maltraités ». Dieu ne s’occupe pas du monde, et le monde va son chemin. Il n’en sera pas toujours ainsi, mais il en est ainsi maintenant. « Parce que la sentence contre les mauvaises œuvres ne s’exécute pas immédiatement, à cause de cela le cœur des fils des hommes est au-dedans d’eux plein d’envie de faire le mal » (Eccl. 8, 11). Ils marchent selon leurs propres pensées, « selon le train de ce monde » (Éph. 2, 2).
Ce n’est pas le monde de Dieu. Dieu s’en occupe si peu, que lorsque Ses propres enfants, ceux qu’Il avoue, sont « affligés, maltraités », Il n’intervient pas. Le monde a abandonné Dieu, et Dieu ne reconnaît pas le monde. La même chose se retrouve dans le message à l’ange de l’assemblée à Smyrne, au livre de l’Apocalypse : « Voici, le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison, afin que vous soyez éprouvés ; et vous aurez une tribulation de dix jours » (Apoc. 2, 10). Comment cela ? Dieu ne pouvait-Il pas intervenir ? « Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie ». — Il y a de l’espérance pour une autre scène.
Si un homme veut marcher avec Dieu, il doit marcher par la foi. Il marche au milieu d’un monde où Dieu n’est pas reconnu, et où Dieu n’intervient pas ; — un monde qui mûrit pour le jugement. Dieu envoie un témoignage, et dans la mesure où nous serons fidèles à ce témoignage, le prince de ce monde nous persécutera. « Je vous dis qu’Élie est déjà venu », dit le Seigneur Jésus à Ses disciples, « et ils ne l’ont pas reconnu ; mais ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu ; ainsi aussi le Fils de l’homme va souffrir de leur part » (Matt. 17, 12). Tel est le caractère du « train de ce monde ». Dieu peut diriger par une providence secrète et dominer, mais le caractère du monde est celui-là. La foi a son témoignage propre, et le maintient, reconnaissant que Dieu n’avoue pas le monde. « Nous te rendons grâces, Seigneur, Dieu, Tout-puissant — celui qui est et qui était, de ce que tu as pris ta grande puissance et de ce que tu es entré dans ton règne. Et les nations se sont irritées ; et ta colère est venue, et le temps des morts pour être jugés, et pour donner la récompense à tes esclaves les prophètes, et aux saints, et à ceux qui craignent ton nom, petits et grands, et pour détruire ceux qui corrompent la terre » (Apoc. 11, 17, 18) ; — jusque-là, il faut vivre par la foi dans les choses qui ne se voient pas.
Ceci était tout particulièrement une épreuve pour les Hébreux. Leur religion était par elle-même une chose visible. Ils avaient un système qui les guidait. Ils avaient un temple visible, des sacrifices, un sacerdoce, etc. Quant au Messie, ils s’attendaient à Le voir (quand ils Le virent réellement, ils Le haïrent, et Le mirent à mort, et ce Messie était allé au ciel). En devenant chrétiens, ils perdaient tout ce qu’ils avaient et ne gagnaient rien — rien qui fût palpable pour la chair. Il y avait donc pour eux la tentation constante de renier un Messie qui ne se voyait point, pour retourner aux choses qui se voient.
Dans le chapitre qui nous occupe, l’apôtre résume et fait voir que tout le long de l’histoire de l’homme, quel que fût celui qui avait « reçu témoignage », il l’avait reçu par la foi. Les hommes nous prennent pour des fous (comme définition de la folie, on pourrait se représenter un homme qui agirait avec la plus grande persévérance en vue d’un objet que personne ne voit, ni ne croit être réel). L’autorité du saint, c’est la Parole de Dieu. Du moment qu’il agit en vue d’un objet visible, il cesse d’agir comme un chrétien. Christ a vécu, dans ce sens, de la vie de la foi.
C’est la vie de la foi qui nous est présentée ici ; ce n’est pas le salut ou la paix trouvée par la foi. Il y a une seule exception, ou qui peut l’être dans une mesure, c’est Abel. La foi est considérée ici comme la puissance par laquelle ces saints marchaient.
Il y a dans la foi deux choses : elle s’applique à la paix de l’âme, et à la puissance pour marcher. — Quand je parle de foi, je puis entendre la foi à un témoignage ; par exemple, une personne me dit une chose et je crois cette personne. Mais je puis avoir de la foi dans cette personne d’une autre manière encore : je puis placer en elle ma confiance. Souvent nous confondons ces choses. Il y a le témoignage de Dieu, que j’ai à croire, et il y a la confiance en Dieu qui me fait marcher.
Ce qui me donne la paix, c’est de recevoir le témoignage de Dieu ; et pour pouvoir marcher j’ai besoin d’avoir confiance en Lui ; mais je ne dois pas confondre cette confiance en Dieu avec la foi en Son témoignage. Les deux choses se rencontrent chez Abraham. Dieu l’appelle et, lui montrant les étoiles du ciel, Il lui dit : « Ainsi sera ta semence » ; et Abraham « crut Dieu » (Gen. 15). Dans le sacrifice d’Isaac, il n’y avait pas la réception d’un témoignage, mais Abraham crut en Dieu (v. 19).
Moi, un pécheur, ayant la conscience du péché, comment puis-je me confier en Dieu ? Je Le connais comme un Dieu saint, qui hait le péché, comment puis-je, moi, avoir confiance en Lui ? Je n’ose pas me présenter devant Lui avec le péché sur moi. — Qu’est-ce qui peut venir à mon secours ? Ce n’est pas de nier la sainteté de Dieu ; ce n’est pas que je puisse ôter le péché ; mais Dieu me dit que mon péché est ôté, et je crois Dieu. Ceci n’est pas de la confiance dans le pouvoir de Dieu. Ce qui me donne la paix, c’est que je reçois Son témoignage. Je ne puis avoir de repos, quand j’ai la conscience du péché, à moins de savoir qu’il ne m’est pas imputé. C’est Dieu qui a vu le péché tel qu’il est, et il ne me sert de rien d’être satisfait de moi-même ; il faut que Dieu soit satisfait à mon sujet. Il y a une lutte dans l’âme quand on cherche à être content de soi-même. On n’a pas encore été amené à comprendre que l’on est un pécheur totalement corrompu. Souvent Dieu permet que la lutte dure ; — on tâche de devenir meilleur et Dieu nous laisse faire ; et pareil à un homme qui marche dans la boue, et qui en retire un pied, tandis que l’autre s’enfonce davantage, cela va de mal en pis. Il y a véritablement en ceci une œuvre de l’Esprit de Dieu, non pas en produisant ce qui me satisfera, mais en m’amenant à dire : « Je suis entièrement perdu ». Ce qui répond alors à notre besoin, c’est la précieuse déclaration de l’évangile de l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ, que quiconque croit en Lui, est justifié de toutes choses (Act. 13, 38, 39). Je trouve que Dieu est en repos. Il se repose en Jésus dans une satisfaction parfaite. Christ dit : « J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire » ; et Dieu dit : « Assieds-toi à ma droite » (Jean 17 ; Ps. 110 ; comp. Héb. 10, 12). J’ai le repos pour mon âme, parce que je vois que Dieu n’a absolument rien contre moi. Je crois le témoignage de Dieu, et j’ai la paix.
Autre chose est la marche par la foi. Vienne ce qui m’éprouve, ce qui sonde mon cœur, quoi que ce puisse être, rien n’ébranle le fondement de ma paix. Je suis assuré que Dieu m’aime ; qu’Il n’est pas autre chose qu’amour. Je puis donc me confier en Lui ; je connais Son amour. Il m’a sauvé quand j’étais un pécheur ; je puis me confier en Lui maintenant que je suis un saint.
Remarquez l’ordre dans lequel les choses sont présentées ici.
Par la foi, ce qui est invisible devient aussi présent, aussi réel, que s’il était véritablement devant nos yeux (v. 1). Bien plus même, car on est déçu dans les choses qui se voient, tandis qu’il n’y a pas de déception dans celles que l’Esprit communique au cœur.
Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par la Parole de Dieu (v. 3). — Ensuite nous trouvons mentionnée la grande base, sur laquelle la créature déchue peut s’approcher de Dieu. — Examinons un peu ce qui distingue et caractérise le sacrifice d’Abel.
Caïn offrit à Dieu ce qui lui avait coûté du travail. Ce n’était pas l’acte d’un homme sans religion ; il sacrifiait à Dieu, il adorait Dieu, et cependant il fut complètement rejeté. Son culte était fondé sur ce qui n’est pas la foi. Étant un pécheur, ayant été chassé du paradis, il venait à Dieu comme si toutes choses étaient en ordre. Et il y en a beaucoup qui font comme faisait Caïn : qui croient qu’ils peuvent aller rendre culte à Dieu, Lui rendre hommage. Et qu’apportait Caïn ? La chose même sur laquelle le sceau de la malédiction était imprimé. Dieu avait dit : « Maudit est le sol à cause de toi ; tu en mangeras en travaillant péniblement tous les jours de ta vie. Et il te fera germer des épines et des ronces, et tu mangeras l’herbe des champs. À la sueur de ton visage tu mangeras du pain » (Gen. 3, 17-19). — Voilà où en vient un homme qui s’imagine pouvoir faire son devoir envers Dieu, comme l’on dit ; il fait ainsi totale abstraction de sa condition réelle.
Abel agit tout différemment. Il apporte un agneau égorgé : il s’approche de Dieu au moyen de la mort (en principe, au moyen de l’expiation de Christ). Entre Dieu et lui, il place le témoignage d’un sacrifice auquel il avait été pourvu, et il l’offre par la foi. Avant que l’œuvre du Seigneur Jésus Christ fût accomplie, il avait été révélé qu’elle serait faite ; c’est comme si, par exemple, je disais à un débiteur en prison : « Je payerai vos dettes ». Tout ce dont nous jouissons comme d’une chose accomplie, était alors un sujet d’espérance. « Lequel Dieu », est-il dit, « a présenté pour propitiatoire, par la foi en son sang, afin de montrer sa justice à cause du support des péchés précédents dans la patience de Dieu, afin de montrer, dis-je, sa justice dans le temps présent, en sorte qu’il soit juste et justifiant celui qui est de la foi de Jésus » (Rom. 3, 25, 26). Nous ne regardons pas en avant vers un sacrifice futur ; je n’ai pas la promesse de sortir de prison ; j’en suis dehors. Nous avons le témoignage que la chose est faite, et le Saint Esprit est le sceau du témoignage. Le Saint Esprit ne peut pas rendre d’autre témoignage à mon âme, sinon que tout est accompli, que la dette est payée, la porte ouverte, que l’œuvre est achevée.
Il est parlé de deux choses dans la première épître de Pierre 1, 10-12 : « des souffrances qui devaient être la part de Christ et des gloires qui suivraient ». Nous sommes placés entre ces deux choses. Les saints de l’Ancien Testament les attendaient toutes les deux ; mais, quant à nous, les souffrances sont derrière nous et nous attendons les gloires. Le Saint Esprit a été envoyé dans l’intervalle, pour témoigner d’une rédemption qui est accomplie. Elle n’est pas pour moi un sujet d’espérance. Je n’attends pas que mes péchés soient effacés : ils le sont. C’est là le fondement sur lequel nous nous reposons. Dieu se repose dans l’œuvre acceptée de Son Fils, et c’est là que je trouve aussi ma paix.
Ensuite nous voyons la marche d’Énoch (v. 5), qui nous présente une autre chose (naturellement, chaque chrétien n’est pas enlevé au ciel comme Énoch et Élie le furent). Non seulement je puis m’approcher de Dieu, la foi ne me dit pas cela seulement, mais il y a désormais ce qui a mis la mort entièrement de côté. La mort est à moi maintenant ; elle n’est plus, ainsi qu’elle est appelée, « le roi des terreurs » ; toutes choses sont à nous : la vie est à nous, la mort est à nous, car nous sommes à Christ et Christ est à Dieu (1 Cor. 3). Chez Énoch nous trouvons une marche avec Dieu ; une puissance de vie avec Dieu, et une puissance telle que la mort n’est pas vue. La vie du Fils de Dieu est à nous, et non pas seulement Sa mort ; non seulement la précieuse vérité est là d’un sacrifice qui a été accompli de manière à donner la paix à mon âme ; mais toute la puissance de Satan dans la mort a été détruite. Dieu permet à Satan de faire tout le mal possible ; et tout ce que pouvait faire le « prince de ce monde », le Fils de Dieu dut l’endurer et Il l’a anéanti. — « Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ; — et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Gal. 2, 20). « Nous avons donc toujours confiance, et nous savons qu’étant présents dans le corps, nous sommes absents du Seigneur… et nous aimons mieux être absents du corps et être présents avec le Seigneur » (2 Cor. 5, 6, 8). — Ce que j’attends, ce n’est pas d’être « dépouillé », mais d’être « revêtu » ; mais si je meurs, la vie que je possède demeure intacte, et je suis « présent avec le Seigneur ».
Deux choses me sont montrées ici que la foi reconnaît : d’abord, le sang de l’expiation par lequel le péché a été aboli ; ensuite, une puissance de vie, qui nous fait marcher, non pas simplement comme le peuple de Dieu, mais avec Dieu. La conséquence en est que la puissance de la mort n’existe plus. Nous sommes identifiés avec un Christ vivant — comme nous sommes sauvés par la mort de Christ.
Ni dans le cas d’Abel, ni dans celui d’Énoch, il n’est fait mention de « condamner le monde ». Dieu « rend témoignage aux dons » de l’un, et l’autre « marche avec Dieu ». Mais il faut remarquer ce qui est dit au verset 7. Nous traversons le monde, et Dieu nous a donné un témoignage au sujet du monde et de ce qui l’attend : c’est-à-dire, un jugement certain. Dieu « a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée, par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts » (Act. 17, 31). — « Par la foi, Noé, étant averti divinement des choses qui ne se voyaient pas encore, craignit et bâtit une arche pour la conservation de sa maison ; et par cette arche il condamna le monde et devint héritier de la justice qui est selon la foi ». — Étant averti de ce qui se préparait pour le monde, Noé reconnaît le jugement, et s’identifie avec la voie de salut que Dieu lui révèle, et il « condamne le monde ». Remarquez que la foi « condamne le monde » ; ce n’est pas ici simplement croire à un sacrifice qui sauve, ou avoir de la puissance pour marcher avec Dieu ; la foi déclare, au sujet du monde, qu’il s’est entièrement éloigné de Dieu, et qu’il va être jugé. Nous avons le témoignage de la Parole de Dieu, qui nous dit que ce qui va tomber sur le monde, c’est le jugement.
Il y a plus d’un chrétien qui, comme chrétien, serait content de « marcher avec Dieu », mais qui recule devant la pensée de rompre avec le monde ; tandis que, d’après le témoignage de Dieu quant au jugement qui attend le monde, il devrait vivre de manière à condamner pratiquement le monde. Si nous avions la foi de Noé, aussi bien que celle d’Abel ou d’Énoch, nous ne pourrions pas frayer avec le monde. S’il est certain que le Seigneur a sauvé Son peuple, il est également certain qu’Il vient pour juger le monde ; et ceux qui sont de Christ ont leur part avec Christ et en Christ, de sorte que lorsqu’Il viendra, ils viendront avec Lui. Aussi certainement que Christ est ressuscité d’entre les morts, aussi certainement est-Il « l’homme » que Dieu a destiné pour juger le monde — ce « présent siècle mauvais » (Gal. 1) ; et il est également certain qu’il n’y pas de jugement pour nous, si nous croyons en Lui. Ce par quoi je sais qu’il y aura un jugement, est aussi ce par quoi je sais qu’il n’y en aura point pour moi. Comment est-ce que je sais qu’il y aura un jugement ? Parce que Dieu a ressuscité Christ d’entre les morts. Et qu’est-ce que Dieu me dit de plus quant à la résurrection de Christ ? Que tous mes péchés sont effacés, parce qu’Il est ressuscité pour ma justification.
L’apôtre s’occupe ensuite d’un autre point, qui est la manifestation active et pratique de la puissance de la foi. C’était là ce qui fortifiait Abraham. Il se confiait, pour ainsi dire, aveuglément en Dieu. Dieu l’appela par Sa grâce, et il « s’en alla, ne sachant où il allait ». Il y a là de la confiance en Dieu ; ce n’est pas simplement recevoir un témoignage ; c’est une confiance implicite en Dieu. Quand vous dites : Si seulement je savais quelles seraient pour moi les conséquences d’agir ainsi, je me confierais en Dieu — vous ne faites pas comme Abraham. Il faut aller sans savoir où l’on va, parce que l’on a confiance en Celui qui nous conduit. Dieu donnera assez de lumière pour que l’on puisse faire le premier pas, sans pouvoir distinguer quel sera le second. Mais quand nous aurons tourné le coin, nous verrons ce qui se trouve de l’autre côté.
Ensuite, quand nous aurons fait un pas, nous ferons l’expérience que le Seigneur ne nous satisfait jamais ici-bas. Il nous bénit, mais Il ne nous satisfait pas. Lorsque Abraham arrive dans le pays qui doit être plus tard son héritage, qu’a-t-il reçu ? Rien. Il est toujours un étranger. Voilà ce qui déplaît au cœur naturel, et fait que souvent l’on est désappointé. Nous avons nos pensées à nous au sujet de nos espérances d’avenir, et quelquefois nous nous préoccupons de ce que nous allons faire d’ici à vingt ans, tandis que Dieu va nous conduire dans Son repos.
Dieu conduit Abraham dans le pays et puis Il commence à diriger sa pensée vers une autre patrie. Abraham est approché de Dieu et placé à un point de vue de foi assez élevé, pour voir que tout est encore devant lui. Le Seigneur se révèle à lui dans la communion ; Il lui parle, lui dévoile Ses desseins, et Abraham adore. — Il a sa tente et son autel. Dieu en use de même envers nous : Il fait de nous des chrétiens ; Il nous conduit dans le pays de la promesse, et nous montre que tout est encore devant nous. Maintenant n’est pas le temps du repos. Les voies de Dieu deviennent plus distinctes à nos yeux ; nous avons le privilège d’être étrangers et voyageurs avec Dieu, et nous le serons jusqu’à ce que nous arrivions chez nous dans la demeure de Dieu.
Chers amis, où en êtes-vous quant à ceci ? Pouvez-vous dire selon la vérité : Ma demeure, celle de mon cœur, est là où est Dieu — je n’en ai point d’autre, et je n’en cherche point ?
Il n’y a rien entre nous et Dieu. — Il n’y a pas de péché entre nous et Lui, ou bien Christ n’y serait pas ; et Il est là parce qu’Il a aboli le péché. Le péché et Christ ne peuvent se trouver devant Dieu en même temps. Pouvez-vous dire, par conséquent, que vous vous reposez sur le Seigneur Jésus Christ ? — Ou bien travaillez-vous à régler une chose qui est déjà réglée ?
Que le Seigneur vous donne de croire Son témoignage et d’avoir foi en Sa puissance.
Ce qui caractérise la foi, c’est qu’elle compte sur Dieu, non pas simplement malgré la difficulté, mais malgré l’impossibilité.
La foi ne s’inquiète pas des moyens ; elle compte sur la promesse de Dieu. Aux yeux de l’homme naturel, le croyant peut paraître manquer de prudence, néanmoins, dès l’instant qu’il est question de moyens qui facilitent à l’homme telle ou telle chose, ce n’est plus Dieu qui agit, ce n’est plus l’œuvre de Dieu, quand on s’attend aux moyens. Quand pour l’homme il y a impossibilité, il faut bien que Dieu intervienne, et cela apparaît d’autant plus comme le bon et droit chemin, que Dieu ne fait que ce qu’Il veut. La foi se rapporte à Sa volonté et à rien autre ; aussi elle ne prend conseil ni des moyens, ni des circonstances ; — en d’autres termes : elle ne consulte ni la chair, ni le sang. Si la foi est faible, on s’appuie, d’abord, sur les moyens extérieurs, même dans les œuvres de Dieu. Rappelons-nous que quand les choses sont faisables par l’homme, il n’y a plus besoin de foi, parce qu’il n’y a plus besoin de l’énergie de l’Esprit. Les chrétiens agissent beaucoup et effectuent peu. — Pourquoi ?
Versets 13 à 17. — Non seulement il est dit de ceux dont parlent ces versets, qu’ils sont « étrangers et forains », mais ils le « confessent ». Quelquefois on veut bien être religieux dans le cœur, mais sans en parler ; il n’y a alors aucune énergie de foi. Si nous reconnaissons que le monde est perdu et jugé, si nos espérances sont dans le ciel, il doit nécessairement en résulter que nous pensions et que nous agissions comme des gens qui sont étrangers et forains ici-bas — et cela devra se manifester dans toute la vie. Le cœur étant déjà là-haut, il ne reste plus qu’à le montrer. Ceci, évidemment, implique une profession publique et déclarée, et il y a un témoignage pour Christ. Serions-nous contents d’un ami qui ne nous avouerait pas quand les circonstances seraient difficiles ? Le chrétien qui se cache est un bien mauvais chrétien. Regardant à Jésus par la foi, nous étreignons les choses que nous avons vues de loin ; nous ne nous occupons pas du pays dont nous sommes sortis ; notre cœur s’attache à celui qui est devant nous. Lorsque des difficultés se présentent sur le chemin et que les affections ne sont pas placées sur Jésus, le monde reprend bientôt de l’empire sur nous. — Ce n’est pas dans un moment d’excitation que Paul avait agi, pour s’en repentir aussitôt après ; il est plein de Christ, et il estime toutes choses « comme des ordures » (Phil. 3). La constance du cœur montre que les affections d’un chrétien sont portées en avant, que ses espérances sont célestes — et Dieu n’a pas honte d’être appelé son Dieu.
Il y a la chair ou il y a la foi ; il est impossible au fond que l’on puisse s’arrêter entre les deux. Le chrétien doit tendre vers ce qui est céleste ; les besoins, les désirs du nouvel homme sont célestes. Chercher à nous rallier au monde, afin de se servir du christianisme pour améliorer le monde, est une chose terrestre. Ce n’est pas le dessein de Dieu. Dieu veut nous unir avec le ciel. Il faut avoir le ciel sans le monde, ou le monde sans le ciel. Celui qui prépare la cité ne peut vouloir pour nous quelque chose entre les deux. — Le « désir » d’une « meilleure patrie » est le désir d’une nature qui est entièrement céleste.
Versets 17 à 19. — Abraham s’attachait aux promesses plutôt qu’aux affections naturelles. La force de l’épreuve pour lui consistait en ce que Dieu avait désigné Isaac comme la semence acceptée, celle à laquelle étaient liées les promesses. La foi compte sur Dieu. Dieu arrête Abraham et lui confirme les promesses au sujet de la semence. En obéissant nous acquérons une connaissance des voies de Dieu, dont sans cela nous n’aurions pas eu d’idée. L’incrédulité nous fait perdre joie, puissance, vie spirituelle ; nous ne savons plus où nous en sommes.
Versets 24-26. — Le cœur charnel se sert de la providence de Dieu contre la vie de la foi. La providence amène la fille de Pharaon jusqu’à l’enfant Moïse. Au milieu de la sagesse du monde, à la cour de Pharaon, la providence l’a placé (il le semblerait) pour user de son influence en faveur d’Israël. Or la première chose que lui fait faire la foi, c’est d’abandonner tout cela. Il se peut qu’il eût été en état de secourir Israël, grâce à son influence, mais Israël aurait dû demeurer dans la servitude en Égypte. La foi est « imprudente », toutefois elle a cette prudence éternelle qui compte sur Dieu et rien que sur Dieu. Elle discerne ce qui est de l’Esprit, or ce qui n’est pas de l’Esprit n’est pas de la foi, n’est pas de Dieu. S’en tenir de cette manière à la providence, c’est, au fond, désirer « de jouir des délices du péché » ; on aime le monde et l’on cherche à s’appuyer sur les circonstances plutôt que sur Dieu ; — ce n’est pas une « bonne providence », quand finalement l’homme est perdu.
Moïse semble s’affaiblir lui-même en préférant l’opprobre du peuple de Dieu, et du peuple de Dieu dans un mauvais état. Il pouvait le voir dans une triste condition ; mais la foi identifie le peuple de Dieu avec les promesses de Dieu, et juge de lui non selon son état, mais selon les pensées de Dieu. Énergique contre le mal, Moïse compte sur Dieu quant à ce qui regarde Son peuple.
Verset 27. Le monde voudrait nous faire croire que nous sommes de bons chrétiens, pendant que nous agissons et marchons comme les autres. Appelée à la gloire, la foi doit nécessairement quitter l’Égypte, car ce n’est pas là que Dieu a placé la gloire. Être à son aise dans le monde, n’est pas être à son aise dans le ciel. « Tout ce qui est dans le monde n’est pas du Père ». Quitter le monde quand le monde nous a mis dehors, n’est pas de la foi ; c’est montrer que la volonté était d’y rester aussi longtemps que nous l’aurions pu. La foi agit d’après les promesses de Dieu, et non point parce qu’elle est chassée par le monde. Moïse voit « Celui qui est invisible » et cela l’affermit. Quand nous réalisons la présence de Dieu, Pharaon n’est plus rien. Ce n’est pas que les circonstances soient moins périlleuses, mais Dieu est là. Dans la communion, les circonstances deviennent l’occasion d’une paisible obéissance. Jésus boit la coupe ; — Pierre tire l’épée. Ce qui manifeste l’obéissance chez Jésus est une pierre d’achoppement pour Pierre. Là où il n’y a pas de communion, il y a de la faiblesse et de l’indécision.
Verset 30. Au son des cors de bélier, après que le peuple a fait sept fois le tour de la ville, les murs de Jéricho s’écroulent. Les choses qui paraissent viles et méprisables ne le sont pas quand elles sont devant le Seigneur (2 Sam. 6). Pour la foi, les murailles ne sont rien, non plus que la mer Rouge ou le Jourdain.
Verset 31. Qui eût pensé de voir Rahab dans cette nuée de témoins ? — Cependant, par la foi, elle reconnaît Dieu. La foi ne fait nul cas des distinctions parmi les hommes ; elle dit que Dieu est riche en miséricorde envers tous ceux qui L’invoquent — il n’y a point de différence, parce que tous ont péché. Au milieu des difficultés, elle prend sa place avec le peuple de Dieu.
La confiance de la foi se manifeste dans l’ensemble de la vie chrétienne. Les chrétiens se mettent souvent dans l’embarras, parce qu’ils mesurent leurs propres forces avec la tentation, au lieu de s’en rapporter exclusivement à Dieu. Ils peuvent aller ainsi jusqu’à un certain point. L’un met en avant sa famille, un autre parle de l’avenir (si quelqu’un n’a pas la foi, tout ce que nous pouvons faire, c’est de prier pour lui) ; dans les divers intérêts de la vie, nos raisonnements ne signifient que ceci : « Je n’ai pas la foi qui compte sur Dieu ». La foi regarde entièrement et exclusivement à Dieu. Le devoir conduit toujours à des difficultés ; mais alors j’ai la consolation de pouvoir dire : « Dieu est là et, par conséquent, la victoire est certaine » ; sans cela, dans ma pensée, il y a quelque chose de plus fort que Dieu. Cela exige une soumission parfaite et pratique de la volonté.
Quand les enfants de Dieu sont fidèles, Dieu peut les laisser dans l’épreuve et dans la difficulté, pour faire ressortir ce qui, en eux, ne vient pas de l’Esprit. Il peut aussi permettre que le mal ait son cours et nous mette à l’épreuve, afin que nous comprenions que l’objet de la foi n’est pas ici-bas du tout, et que nous voyions aussi que, dans les circonstances même les plus difficiles, Dieu peut intervenir, comme Il le fit dans le sacrifice d’Abraham et dans la résurrection de Lazare.
L’homme ne voit rien au-delà des circonstances qui l’entourent. S’arrêter aux circonstances, c’est de l’incrédulité ; « l’affliction ne sort pas de la poussière » (Job 5, 6). Satan est derrière les circonstances pour tourner nos regards sur elles ; mais dans l’arrière-plan, Dieu est là pour briser notre volonté.
- ↑ Publié dans le Messager Évangélique de 1867.