Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 55

De mipe
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Bruxelles, le 23 février 1830

… Qu’elle est heureuse ! Elle a la couronne sans la croix ! Oh ! n’aimerions-nous pas ce Sauveur qui a ôté de la coupe toute amertume, pour n’y laisser que de l’amour ? Vous ne voudriez pas, uniquement afin de pouvoir jouir de sa société, qu’elle fût restée dans un monde tel que celui-ci, où le vrai bonheur ne se trouve que dans l’océan de tribulations à travers lequel vous passez vous-même dans ce moment. Elle n’a paru ici-bas que pour montrer comment une douce fleur s’épanouit dans le paradis. Maintenant elle est parfaitement en sûreté dans l’écrin de son Dieu, jusqu’au jour où Il mettra à part Ses plus précieux joyaux. Je n’ai pas vécu dans ce monde beaucoup plus longtemps qu’elle, et j’ai compris, en partie au moins, pourquoi Dieu nous y a promis beaucoup de tribulations. Dans les paroles de la vérité, il y a un sens si profond, qu’une profonde expérience est nécessaire pour nous le faire comprendre, et une telle expérience ne s’acquiert qu’à l’école de l’affliction. Il vaut la peine de passer par les sentiers de la douleur pour n’avoir que les arrhes de ce dont jouit celle que vous pleurez, car ces arrhes seules surpassent de beaucoup tout ce que vos vœux les plus ardents auraient pu lui apporter. Serrez comme un trésor ces moments précieux, éclairés par la fournaise. Le doigt de Dieu a comme écrit sur toutes les choses d’ici-bas : « Tout est vanité ». Combien nous nous sentons rapprochés de l’autre monde, quand nous pensons qu’une personne qui a été élevée avec nous, et qui avait en commun avec nous chaque désir et chaque intérêt, y a été introduite ! L’objet sur lequel s’étaient concentrées nos affections a été transporté de la terre au ciel, afin que nos cœurs fussent tirés en haut.

Il nous faut ces réalités-là, afin que nous vivions dans la réalité. De profession nous sommes croyants, mais trop souvent nous sommes athées dans notre vie. Devant vivre pour l’éternité, il faut que nous soyons véritablement ce que nous paraissons être. Tandis que l’époux tarde à venir, nous nous plongeons dans un stupide sommeil, ou bien, comme des insensés, nous rêvons d’un bonheur terrestre. C’est ainsi que sans cesse nous avons besoin d’être réveillés, afin que nous rejetions nos œuvres de ténèbres, et qu’à l’appel de l’époux, nous soyons trouvés revêtus de lumière.

Quelqu’un a dit que ceux qui passent le plus facilement au travers du monde, sont ceux qui ne font que s’y glisser promptement, parce que, le monde étant comme une fondrière, si on s’y arrête on y enfonce.

Notre cher M… a vraiment beaucoup souffert. Il a maintenant le privilège d’être appelé à montrer d’une manière vivante à ceux auxquels il a pendant longtemps parlé de son Seigneur, qu’il y a en lui une source de consolations que le monde ne connaît point. Le grand Cecil commença à être arrêté dans sa carrière d’incrédulité, en observant cela chez sa mère. Ce fut pendant la nuit qu’il fit les réflexions suivantes : « Je vois deux faits incontestables. Premièrement, ma mère est grandement affligée, et dans son corps et dans son esprit ; et cependant, en se retirant fréquemment dans son cabinet pour être avec son Dieu et avec sa Bible, elle trouve un secours puissant qui lui fait tout supporter avec joie. Secondement, elle a une source secrète de consolations que je ne connais point ; tandis que moi qui m’abandonne sans frein à tous mes désirs, et qui cherche des jouissances par tous les moyens possibles, je n’en trouve que rarement ou jamais. S’il y a dans la religion un semblable secret, pourquoi ne le trouverais-je pas, aussi bien que ma mère ? Je le chercherai immédiatement auprès de Dieu ». Il se leva à l’instant même et se mit à prier. — Oh ! que Dieu donne la foi à M…, afin qu’il Le glorifie dans le feu ! Puisse-t-il ne pas donner, par une douleur excessive, une fausse idée de Celui qui a répondu avec tant de tendresse à ses prières de plusieurs années, et qui lui a accordé d’entendre celle qui n’est plus auprès de lui maintenant, parler de sa paix ! Bientôt il verra combien elle est heureuse ! Ne vaut-il pas mieux pour lui qu’elle soit sûrement cachée dans le sein d’un amour dont il a fait l’expérience, et dans lequel il peut se confier, que d’avoir été laissée dans un monde de souffrances et de tentations ? Ce n’est pas peu de chose que de faire profession d’aimer « un Dieu jaloux ». Parce que l’épreuve de notre foi est beaucoup plus précieuse que l’or périssable, il faut que nous passions par l’épreuve, et Il daigne nous dire qu’elle tournera à louange, à honneur et à gloire à Son apparition. Nous pouvons parler, ou souffrir, ou agir, ou mourir ; mais Christ dit : « Il te manque une chose » ; prouve-moi que je te suis plus précieux que ta plus chère idole !

Quel vide vous devez éprouver tout autour de vous et dans tout ce que vous faites ! Mais la fin de toutes choses est proche. Que votre foi contemple sur la montagne de Sion celle que vous aimiez, et qu’elle ne considère les choses présentes que comme étant déjà passées ! Une montagne paraît sous un aspect bien différent, suivant qu’on la regarde depuis le sommet ou depuis le pied. Ne vous arrêtez pas à considérer le chemin ; vous connaissez Celui qui s’est engagé à vous y faire passer ; « vous marcherez de force en force ». La fournaise sera chauffée d’une manière proportionnée à votre foi ; Il est Celui qui raffine, qui a balayé la maison, qui a cherché Son or, et qui s’est réjoui après l’avoir trouvé ; vous ne serez pas perdue, car son nom est en vous. Il vous dit : « Voici, je viens promptement ». Que l’espérance déploie l’aile de la contemplation, qu’elle vole au-dessus de toutes les barrières, et qu’elle vous fasse anticiper le moment où vous irez à la rencontre de l’Époux auquel vous êtes fiancée, où vous serez réunie à toute la famille de Dieu, et où la joie et la douleur seront l’une et l’autre englouties dans la vie de l’espérance ! Oh ! quand Il bénit, Il bénit comme Dieu, c’est pourquoi vous serez satisfaite de Lui ; Il se réjouira à cause de vous, car le jour de la joie de Son cœur a été le jour de Ses épousailles ! Vous entrerez dans la joie de votre Seigneur, satisfaite du chemin par lequel vous y aurez été amenée, satisfaite des provisions que vous trouverez dans la maison du Père, satisfaite de Sa ressemblance en vous-même. Les membres de la grande famille se diront les uns aux autres : « Ce que nous avions ouï dire est véritable ; on ne nous en avait pas rapporté la moitié ». — « Oh ! que tes biens sont grands, lesquels tu as réservés pour ceux qui te craignent ! ». Notre chant général sera : « Digne est l’Agneau », et notre chant particulier : « Notre Jésus a bien fait toutes choses ».

Puisque tout cela est véritablement nôtre, vous lamenteriez-vous ? Puisque tout cela est déjà à votre chère sœur, murmureriez-vous ? Oh ! non ! qu’au contraire le reste de votre vie fasse éclater votre reconnaissance envers Celui qui a arraché une sœur si chère de la gueule du lion ; qui l’a transportée du royaume des ténèbres, dans le royaume du Fils de Son amour ; qui l’a élue en Lui avant la fondation du monde ; qui a écrit son nom dans le livre de vie ; qui lui a donné une paix parfaite en Jésus ; qui a si doucement transporté cet agneau dans Ses bras ; qui n’a cessé de l’accompagner de Sa bonté et de Sa miséricorde, jusqu’à ce qu’Il l’ait établi sûrement dans la maison paternelle. Soit que nous veillons, soit que nous dormions, nous vivons ensemble avec Lui ; nous reposons sur le même sein, qui ne respire qu’amour, et c’est en en faisant l’expérience que vous penserez au bonheur de celle que vous pleurez, et que vous vous souviendrez que « Celui qui a promis est fidèle ». Considérez la douleur de votre cher père, et rappelez-vous que Celui qui tient la verge a dit : « De telle compassion qu’un père est ému envers ses enfants, de telle compassion l’Éternel est ému envers ceux qui le craignent ». Le temps est court, et ce n’est pas à vous lamenter que vous devez l’employer. Vous êtes appelée à glorifier votre Dieu ici-bas, et vous ne pourrez pas le faire de la même manière pendant toute l’éternité. Le matin s’approche ; « ne dormez pas comme les autres » ! Soyez une lumière, en retenant la Parole de vérité. Qu’on puisse lire en vous : « Le Seigneur châtie celui qu’Il aime » ! J’éprouvais le besoin de vous rappeler Celui que vous connaissez déjà, qui est particulièrement avec vous dans ce moment, et qui aide toujours dans le temps de l’angoisse, en apportant la consolation que Lui seul peut donner. « Dans toutes vos angoisses, Il est en angoisse ». Que cette vérité entre en vous, et répande dans votre cœur la paix de Dieu qui surpasse tout intelligence !