Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 58

De mipe
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Lough-Bray, le 26 novembre 1833

Vous voyez, mon bien-aimé frère, quelle triste correspondante je suis, mais nous savons que bientôt nous nous rencontrerons pour ne plus nous séparer. Dieu, dans sa grâce, nous accorde ce temps-ci pour travailler, et nous ne devons nous y adonner qu’à des occupations légitimes. Notre correspondance me semble pouvoir être rangée parmi les travaux de l’amour, car ce n’est pas sur des sujets inutiles que nous nous écrivons. J’aimerais que vous vinssiez nous voir. Comme je vous l’ai écrit précédemment, je sens que je ne connais que bien peu quels sont vos combats extérieurs et intérieurs. Racontez-moi dès le commencement l’histoire de vos épreuves, de vos expériences et de vos joies ; dites-moi si actuellement vous êtes heureux en croyant, si votre foi est sans nuage, si elle réalise les promesses par l’espérance, et si la joie de l’Éternel est votre force. Ne passez pas sous silence les détails, car c’est ainsi que vous me prouverez que vous avez confiance dans l’intérêt et dans l’affection que je vous porte.

Le Seigneur aime à s’occuper des moindres circonstances de notre vie, et moi je désire connaître tout ce qui peut vous intéresser. Nous sommes ici-bas pour souffrir les uns avec les autres, et pour communiquer au monde les bénédictions qui viennent d’en haut. Jésus veut-Il fortifier ? Il le fait ordinairement par le moyen de l’un de Ses enfants. Veut-Il consoler ? Veut-Il donner à connaître Sa sympathie ? Il le fait encore en se servant de quelqu’un de Ses enfants. Nous perdons beaucoup, lorsque, par orgueil, nous ne voulons pas dépendre les uns des autres. La dépendance est la vraie position du chrétien, et elle est pour son bonheur. Ce fut sans doute avec une joie nouvelle que Jésus apprit tout à la fois, dans Son humanité, à dépendre de Son Père et des créatures. Celles-ci Le servaient. Il attendait d’elles quelque compassion. Oh ! si nous vivions comme membres de Christ, et comme membres les uns des autres, nous serions tous les uns pour les autres un appui et un soutien ! Telle a été, je pense, l’intention de Christ à l’égard de l’Église. Dans Sa sagesse, Il a vu ce dont nous avions besoin, et Il y a pourvu. Ses pensées, à notre égard, ne sont qu’amour et miséricorde, mais nous répondons bien mal à Ses intentions ; toutefois, il est beau de voir comme Il comprend nos besoins. Oh ! que sera-ce, lorsque nous les connaîtrons nous-mêmes dans toute leur étendue, et qu’Il aura pleinement satisfait à tous ! « Je serai rassasié de ta ressemblance, quand je serai réveillé ». Par la foi nous avons vu la gloire de notre Seigneur ressuscité, et rien ne peut nous rassasier que Sa résurrection. Pour que nous pussions trouver du bonheur ici-bas dans l’état actuel des choses, il faudrait que nous crussions à quelque mensonge de Satan ; mais nos illusions ne sont jamais de longue durée, parce que, en empêchant que Dieu ne se voie dans les choses qu’Il a créées, Satan Lui-même a détruit toutes les jouissances qu’elles auraient pu nous procurer. La résurrection seule est un don digne de Dieu ; elle est aussi le seul don qui nous convienne, à nous qui sommes ressuscités avec Christ et unis à Christ dans Sa résurrection, et nous ne pouvons pas mieux prouver à Satan que tout ce qui est à Christ nous appartient, qu’en ne recevant absolument rien de Lui.

Les choses de ce monde et celles du royaume de Christ doivent être à jamais distinctes. Les unes sont d’en bas, les autres sont d’en haut ; les unes sont de Satan, le dieu de ce monde, les autres sont du Père, et elles sont la récompense qu’Il a préparée pour Son Fils, qu’Il a ressuscité d’entre les morts, et qu’Il a établi Seigneur de la création renouvelée (Rom. 8, 20). Quoique la terre et toutes les choses qui sont en elle, aient été maudites à cause du péché, elles nous paraissent fort agréables ; mais en même temps tout nous y rappelle que c’est Satan qui règne. Notre vraie position est donc d’attendre avec la création la révélation des fils de Dieu, lorsque la création tout entière se revêtira de ses vêtements magnifiques, et qu’elle se couvrira du manteau de la résurrection et de la robe de la gloire pour saluer le Roi des rois. Il nous est bon, quant aux choses qui nous environnent, d’en connaître le moins possible selon la chair, car la force de ce monde est une défiance de la toute-puissance ; ses richesses ne font que nourrir la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie ; sa sagesse a rejeté et rejette encore Celui qui a toute la sagesse de Dieu ; ses affections sont l’amour du monde qui est de l’inimitié pour Dieu ; sa gloire consiste à avoir mis à mort le Prince de la vie. Le monde présente de belles ruines qui attirent nos regards ; mais, lorsque nous pénétrons dans l’intérieur, nous y voyons le sépulcre de Jésus. Oh ! si quelqu’un des chefs de ce siècle eût connu Celui qui est notre espérance, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire ! Rien ne se lie mieux à la résurrection que l’espérance, aussi Satan s’oppose-t-il fortement à l’attente du second avènement de Christ. « Béni soit Dieu qui nous a réengendrés pour une espérance vivante, par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts ! ». C’est par la puissance de cette espérance, qui est la puissance de la résurrection, que nous pouvons nous élever comme avec des ailes d’aigle, nous séparer de tout ce qui nous environne, et demeurer à distance de tous les objets terrestres. L’espérance nous rappelle aussi avec puissance maintenant, que « tout don parfait est d’en haut, descendant du Père des lumières » ; que c’est Lui qui nous donne « la sagesse qui vient d’en haut », une volonté nouvelle, des affections nouvelles, un goût nouveau, une intelligence nouvelle, et que ce ne sont pas nos anciennes facultés qui sont sanctifiées. Puissions-nous, cher frère et ami, être en état de digérer ces vérités, de telle manière que la santé et la force se répandent par leur moyen dans toute notre économie spirituelle ; puissions-nous, nous qui vivons au milieu des morts, être rendus capables de soutenir le droit et la cause de Jésus dans le temps où Il est rejeté !

Comme vous le voyez, je vous écris de Lough-Bray, qui n’est qu’une petite maison construite pour la pêche, au bord d’un lac environné de hautes montagnes, dont l’aspect majestueux et menaçant semble dire qu’elles sont là pour garantir de tout mal les enfants du Très-haut. « Depuis la création du monde, ce qu’on ne peut voir de Dieu, soit sa puissance éternelle, soit sa divinité, se voit clairement étant considéré dans ses ouvrages », et il en sort une voix qu nous dit : « Toutes choses sont à vous », même toute cette majesté, toute cette grandeur ; car, de même que les montagnes entourent le lac, de même la miséricorde nous environne de tous côtés. Nous sommes à trois milles de Powerscourt, sur les montagnes de Glenchree, où j’avais l’habitude de visiter les catholiques romains ; notre plus près voisin est un prêtre. Ceux qui ne jugent que d’après leurs sentiments nous annoncent que nous serons enfermés par les neiges et exposés à avoir faim, que nous serons privés de tout secours en cas de maladie, que nous mourrons de froid, que nous serons assassinés par les catholiques romains, etc. ; mais, à tout cela, je réponds qu’il est écrit : « Que tes veuves s’assurent en moi ».

Jésus voyant qu’une grande troupe allait avec Lui, se tourna et dit : « Quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple ». Le vrai disciple doit s’exposer au blâme de ceux qui suivent Jésus sans Le connaître tel qu’Il est. Nous savons que ce sont nos cœurs qui doivent être détachés de ces bagatelles, c’est pourquoi nous pensons que les démarches extérieures ne sont pas d’une grande importance ; mais si nous déclarions pleinement que notre royaume n’est pas d’ici-bas et que nous attendons la ville que Dieu nous a préparée, tant de personnes qui tiennent encore au monde calculeraient au moins la dépense, et elles ne chercheraient plus à étendre des tapis sur le chemin des cieux. Je me suis donc retirée dans une petite maison, afin de faire mieux comprendre mon principe. Mais c’est Dieu qui a tout fait ; je me suis défendue aussi longtemps que je l’ai pu ; j’ai dit : C’est impossible, mais Il m’a fait avancer avec puissance ; alors les ténèbres qui étaient devant moi sont devenues lumière, les lieux tortus ont été redressés, et croyez-vous qu’Il veuille me laisser ? « Ils recevront le centuple en ce temps-ci, et dans le siècle à venir la vie éternelle ».

C’est une folie que de résister à sa conscience ; il vaudrait mieux faire mille extravagances, si elles étaient l’expression d’un désir sincère de suivre le Seigneur à tout prix. Si quelqu’un veut faire Sa volonté, il connaîtra Sa doctrine, tandis que celui qui résiste à sa conscience ne fera aucun progrès.