Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 60

De mipe
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Londres, le 8 mai 1833

Je veux m’accorder le plaisir de vous écrire, cher et bon ami en Jésus. Nous ne communiquons pas beaucoup ensemble pendant le chemin, mais nous aurons d’autant plus à nous dire à la fin du voyage. Notre histoire sera merveilleuse, telle que celles que les anges aiment à entendre. Alors toutes les épreuves de notre foi seront à la louange et à la gloire de Jésus ! Nous exprimons notre amour pour Dieu de beaucoup de manières, et Son cœur en est réjoui ; mais Il est un Dieu jaloux, à qui les paroles ne suffisent pas. La question si sérieuse : « M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » revient sans cesse. Il faut que nous soyons éprouvés pour connaître combien notre foi est petite. La fournaise doit être chauffée en proportion de l’augmentation de notre foi. Est-ce parce que Dieu prend plaisir à affliger ? Oh ! non ; mais l’épreuve fortifie la foi, et le feu en consume l’écume ; l’épreuve est plus précieuse à Dieu que l’or, parce que la foi la supporte. Il aime à voir des preuves de l’amour de Son enfant, et à l’entendre dire : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime ». Chaque dispensation douloureuse n’est-elle pas un messager qui vient directement de Son trône à notre cœur ? Si alors il nous semble que nous aurions supporté toute autre chose mieux que cela, souvenons-nous que le plus grand honneur que Dieu puisse nous faire, c’est de chauffer la fournaise autant que possible, parce que c’est alors qu’Il peut nous dire : « Ta foi est grande ». Les petites fournaises sont pour la petite foi. Oh ! calculons bien la dépense, lorsque nous disons : Je crois. Le sens de ce mot, dans le dictionnaire de Dieu, est d’une grande profondeur. La foi de Paul était prête à agir, mais que fut-il révélé à son sujet : « Je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom ». Il en a été ainsi dès le commencement. Nous ne voudrions pas ne pas avoir notre part des épreuves qui ont été dans tous les temps la portion de l’Église. Nous ne voudrions pas que Jésus attachât si peu de prix à notre amour, que de ne nous adresser jamais une question sur ce sujet, ou de n’en désirer jamais des preuves. Tout a été bien calculé. Il faut que chaque chrétien sente son épreuve spéciale, mais en même temps Dieu nous assure, dans Sa fidélité, qu’avec chaque tentation Il donnera aussi l’issue, pour que nous puissions tout supporter, et que jamais nous ne serons éprouvés au-delà de ce que nous pouvons. Lors même qu’il nous semble que toutes les issues sont fermées, Il sait comment nous délivrer. Quelle épreuve ce dut être pour Ésaïe, que d’être chargé pour Israël de ce terrible message : « Engraisse le cœur de ce peuple, rends ses oreilles pesantes et bouche ses yeux, de peur qu’il ne se convertisse et qu’il ne recouvre la santé ! ». Quelle épreuve ce dut être pour Abraham, que de quitter son pays et sa parenté, et de se rendre dans une terre étrangère sans savoir où il allait ! Quelle épreuve ce dut être pour Noé, que d’être moqué et d’être regardé comme un insensé pendant qu’il construisait l’arche, selon le commandement de l’Éternel ! Combien la foi d’Isaac fut éprouvée au sujet de Jacob ! Combien celle de Jacob fut éprouvée au sujet de Joseph ! Combien celle de Moïse le fut aussi, lorsqu’il préféra d’être maltraité avec le peuple de Dieu, ayant estimé l’opprobre de Christ une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte ! Quelle épreuve ce dut être pour lui que de quitter l’Égypte, en s’attirant tout le courroux du roi ! C’est lorsque nous cherchons à nous mettre à la place de ces hommes qui ont souffert, et à réaliser leurs circonstances, que nous comprenons cette parole : « Oh ! gens de petite foi ! ». Considérons Gédéon, Barac, Samson, Jephthé, David, Samuel. Quelles souffrances ont été les leurs ! « Ils ont été éprouvés par des moqueries et par des coups, par des liens et par la prison ; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été tentés, ils ont été mis à mort par le tranchant de l’épée ; ils ont été errants çà et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, affligés, tourmentés ! ». Et le Saint Esprit ajoute : « Eux dont le monde n’était pas digne ». Quels pauvres chrétiens nous sommes ! Ne nous retirerions-nous pas en arrière, si nous avions au-devant de nous une semblable perspective ? Ne pourrait-Il pas nous dire : « Où est votre foi ? ». Ne craignons pas cette perspective, serrons-la sur notre cœur comme une marque de Son amour. Lorsque nous serons, selon notre attente, au milieu de la grande multitude, qui sera venue de la grande tribulation, nous n’aurons pas seuls ce caractère particulier à toute la famille de Dieu, qui se lie étroitement au titre d’enfants et à toutes les bénédictions qui en découlent. Lorsque Abraham parlera de son Isaac, Isaac de son Jacob, Jacob de son Joseph, David de son Absalom, Jérémie de sa prison, Pierre de ses coups, Jean de son bannissement, Paul de ses périls, de ses fatigues, de ses veilles, de ses jeûnes, de son écharde en la chair, de l’ange de Satan qui le souffletait, n’aurons-nous rien à dire de semblable à la louange, à l’honneur et à la gloire de Jésus ? Car Dieu n’est pas injuste pour oublier le travail de l’amour que nous aurons fait voir pour Son nom. Dieu abandonna Ézéchias pour l’éprouver, afin de connaître tout ce qui était en son cœur. Dieu laissa les nations déchaînées contre les Israélites pour les éprouver. Il permit qu’il y eût au milieu d’eux de faux prophètes pour les éprouver. Il leur envoya la manne pour les éprouver. Il les conduisit aux eaux de Mara pour les éprouver. Il les fit voyager pendant quarante ans dans le désert pour les éprouver, pour connaître ce qui était en leur cœur. « Le fourneau est pour éprouver l’argent, et le creuset l’or ; mais l’Éternel éprouve les cœurs ». « Bienheureux l’homme qui endure la tentation ! ».

Recevons donc chaque épreuve avec amour ! C’est ainsi que nous verrons ce que Dieu est pour nous, combien Il est rempli de compassion même dans Ses reproches, et avec quelle tendresse Il blesse le cœur qu’Il aime. Avez-vous jamais remarqué avec quelle douceur Il apporte un message pénible ? Il appelle ordinairement par leur nom ceux auxquels Il s’adresse : Abraham, Abraham ! Moïse, Moïse ! Il semble leur dire : « Je t’ai appelé par ton nom, parce que tu es à moi ». « Il appelle ses brebis, nom par nom ». « Tous ceux qu’Il aime, Il les reprend » ; mais Il voudrait que nous comprissions bien qu’Il ne nous reprend que dans l’amour. Maintenant que nous sommes en spectacle au monde, aux anges et aux hommes, ne déshonorons pas notre Dieu. Qu’on voie en nous que « la tribulation produit de la patience, et la patience de l’expérience, et l’expérience de l’espérance, et que nous pouvons nous glorifier dans les tribulations », « parce que nous avons vu la fin du Seigneur, et que le Seigneur est abondant en compassions et miséricordieux ». Quand nous lisons le livre de Job, nous éprouvons un vif désir que Satan soit déjoué. Eh bien ! glorifions Dieu dans nos afflictions diverses, et nous déjouerons ainsi les machinations de Satan, car Job n’était pas du tout plus aimé que nous ne le sommes nous-mêmes ! Que la puissance de Jésus soit rendue parfaite dans l’infirmité, c’est la gloire de la dispensation actuelle ! La foi d’Abraham fut à la gloire de Dieu ; il crut, et il offrit son fils Isaac sur l’autel (Héb. 11, 17 ; Jacq. 2, 21). Soyons certains que le temps viendra où les œuvres les plus pénibles nous seront les plus douces. C’est par l’affliction que Dieu éprouve notre foi, aussi devons-nous recevoir chaque tribulation comme une faveur dont nous sommes indignes. « Si vous êtes exempts de la correction dont tous sont participants, vous êtes donc des bâtards et non des fils ». Oh ! bénissons-Le de ce qu’Il n’a pas dit : Laissez-les, comme nous l’aurions si justement mérité ! Mais j’espère que vous n’êtes pas dans l’affliction, quoique je vous parle ainsi. J’ai demandé au Seigneur de me donner pour vous les paroles les plus utiles, et je vous ai écrit tout cela. Vous n’en avez pas besoin maintenant peut-être, mais vous en avez eu besoin précédemment et vous en aurez encore besoin, si votre séjour dans ce monde de péché se prolonge.

La foi d’Abraham doit être pour nous un important sujet de méditation, puisqu’elle nous est proposée comme un modèle de foi jusqu’à la fin des temps ; aussi Dieu l’a-t-il éprouvée au plus haut degré, et par elle semble-t-Il nous dire : Contemplez mon amour. « Car Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique ». De quelle manière attendrissante cette même épreuve est décrite dans le chapitre 11 du livre des Juges, versets 30 et suivants ! Quand nous lisons : « En ceci a été manifesté l’amour de Dieu pour nous, que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde », ne nous semble-t-il pas qu’un tel sacrifice ait été, pour parler selon l’homme, la plus poignante douleur que la pensée divine pût imaginer ? Pour nous soutenir dans nos épreuves ordinaires, Dieu a voulu nous faire comprendre Son amour, en lui donnant pour ainsi dire un corps en celui d’Abraham, et en plaçant devant nous ce père d’Israël comme le père des fidèles et comme exemple de foi. En n’épargnant point Son propre Fils, comme Abraham n’avait point épargné son Isaac, Il a voulu nous prouver qu’avec Son Fils unique Il nous donnera aussi toutes choses. Il a voulu de plus exciter notre amour et notre reconnaissance, en nous montrant que nos iniquités nous ont été remises au prix de l’amour manifesté d’avance en Abraham ; aussi requiert-Il de nous « que nous aimions la miséricorde, et que nous marchions en toute humilité avec notre Dieu ».

Le Père avait en sa main le feu et le couteau, lorsqu’ils montaient ensemble sur le Calvaire. C’était entre eux seulement que tout se passait ; les actes les plus étonnants s’accomplissaient, et l’homme insensé les suivait sans intelligence. Que nous sommes heureux d’avoir pour garant un Dieu si sage et si rempli d’amour ! Déchargeons-nous de tous nos fardeaux, sans faire aucune question, sans nous arrêter à aucune conséquence ; que l’incrédulité ne dise point : Comment supporterai-je le jour de l’épreuve ? « Fournissons par la patience notre course dans le combat qui est devant nous, attachant nos yeux sur Jésus ». Si les difficultés abondent, abondons en courage ; si nous sommes fatigués, jetons sur Son épaule toute-puissante tout ce qui nous empêche d’avancer. Nous oublions souvent que c’est une course de foi que nous poursuivons. Ne craignons pas de paraître insensés à ceux qui nous regardent, car la croix est « une folie » pour ceux qui ne font que regarder.

Pour demeurer fermes, il nous faut une décision sainte et assurée. Fréquemment nous voyons un filet tendu sous nos pas, et quoiqu’il soit écrit que « c’est en vain que le rets est étendu devant les yeux de tout ce qui a des ailes », cependant notre folie surpasse tellement celle des bêtes des champs et des oiseaux de l’air, que nous nous précipitons, les yeux ouverts, au-devant des pièges qui nous sont agréables. Nous sommes décidés peut-être à ne point nous y laisser prendre et à faire tous nos efforts pour nous en retirer ; mais notre faiblesse actuelle ne suffit pas pour détruire notre confiance en notre force présumée pour l’avenir ; nos pieds finissent par être embarrassés, notre course se trouve arrêtée, et nous découvrons, mais trop tard, que le Dieu qui fortifie n’a point voulu nous accompagner dans le piège, et que nous sommes seuls en face de l’ennemi. Oh ! si nous étions sages ! Si nous étions bien décidés à nous détourner de l’abîme dans lequel notre faiblesse nous a précipités fréquemment, et où notre foi a été si près de faire naufrage ! Le sage, parlant de la tentation, dit : « Détourne-t’en, ne passe point par là ; éloigne-t’en, et passe outre ». Il ne faut point entrer en pourparler avec l’ancien serpent, car ses raisonnements sont des plus ingénieux ; il faut lui résister ou s’enfuir. Que rien n’entrave notre course ou n’affaiblisse notre foi, ou ne nous détourne de l’obéissance ! Nous avons devant les yeux l’immensité de cet amour qui porta Jésus à fortifier Sa face pour aller à Jérusalem, afin d’obéir parfaitement à toute la volonté du Père. Soyons de bonne foi avec nous-mêmes, et ayons du zèle pour Dieu ! Ne faisons provision d’aucun des vêtements de Babylone, quelque beaux qu’ils paraissent ! Sanctifions-nous, car s’il y a quelque interdit dans notre cœur, nous ne pourrons demeurer debout au jour de l’épreuve. Nous perdons beaucoup de temps et nous faisons peu de progrès, parce que nous avons besoin de leçons réitérées pour chaque vérité. Il a dit : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple ». C’est un crucifié que nous suivons ! Oh ! qu’Il nous donne la simplicité pour connaître Sa volonté, et la soumission pour l’accomplir ! C’est une leçon que quelques-uns ont beaucoup de peine à apprendre ; j’ai passé ma vie à en parler, tout en suivant ma volonté propre, à moins que la sienne ne fût en rapport avec la mienne.